Le passé de la Flandre
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suite, l'archiviste bien connu, note dans le
Vlaamsche School de l856, le Jugement
de Débora, qui obtint un succès éclatant.
Pendant plusieurs semaines, écrit Génard,
la foule ne cessa d'affluer au Musée pour
admirer les ceuvres des deux jeunes maitres.
Quelques semaines plus tard, Pauwels fit un
nouvel envoi, celui de Ristpa, femme de
Saül, veillant sur les corps de ses deux fils,
oeuvre fort louée dans la même revue
flamande de 1857. Ces deux ceuvres de Pau
wels figurèrent avec honneur a la triënnale de
Bruxelles de la même année.
A peine agé de 26 ans, Pauwels, dont la
renommee s'était déja établie dans tous les
milieux artistiques de l'étranger, revint au
pays natal, et il alia rejoindre ses parents qui,
dans l'intervalle, s'étaient fixés a Berchem,
rue St-Hubert, n° xo. En 1857, il alia se fixer
a Anvers, rue des Douze Mois, 9, et l'année
suivante, il exposa a la triennale d'Anvers,
une série de portraits de familie et une Mort
de Ste Eugénie. En i860, il est représenté a
la triennale de Bruxelles par la Veuve de
Jacques Van Artevelde.
En 1861, Pauwels transporta, de nouveau,
ses chevalets en un autre quartier de la ville,
et c'est de la rue Antheunis, 22, qu'il envoya
a la triennale d'Anvers, trois ceuvres nou-
velles Le bannissement du due d'Albe, la
veuve de Jacques Van Artevelde faisant un
hommage a la patrie et Ste Claire a l'autel.
En Octobre 1861, le tableau, la Veuve de
Van Artevelde, fut acquis par le gouverne
ment, et le aoi Léopold 1" voulant reconnaitre
les mérites éminents de Pauwels, le nomma
Chevalier de l'Ordre de Léopold.
Par son mariage, en 1861, avec Constance
Van Endert, fille d'un riche commergant
anversois, Pauwels étendit encore le cercle
de ses belles relations, et sa réputation s'éten-
dit de plus en plus, principalement en Alle
magne. Une place devenait précisément
vacante a l'Académie grand-ducale de Wei-
mar, en Saxe, celle de professeur de peinture
d'histoire et, dans les milieux intellectuels de
cette cité d'art, le choix se porta aussitöt sur
notre distingué peintre flamand. C'était asm
rément un honneur insigne, mais c'est avec
regret que l'on vit, en 1862, un artiste d'un
talent, en plein épanouissement, continuer sa
brillante carrière a l'étranger. Malgré son
éloignemer.t P-tuwels resta toujouis de cceur
et d'ame avec s s chms parents et ses ccm-
patriotes flamands.
La poétique Weimar, dont l'atmosphè-e
avait déja influencé Gcethe et Schillerexci g 1
également son ascendant sur Pauwels. Le
grand due de Saxe-Weimar ne tarda p-s a
apprécier le beau talent de nclre artiste, et il
lui confia la décoration murale du célè ne
chateau du Wartburg. Ces fresques, retragant
la vie de Luther, étaient rangées, avant celles
des Halles d'Vpres, parmi les ceuvres its plus
marquantes de l'artiste. A son tour, Maximi
lien II, roi de Bavière, appela l'artiste a sa
cour, pour lui commander d'exécuter le sujet
Le roi Louis XIV recevant un ambassadeur
génois, pour le Maximilianum de Munich.
La production artistique de Pauwels, du-
rant son séjour a Weimar fut considérable,
et la plupart des ceuvres de cette époque
furent exposées aux salons de Bruxelles,
Anvers et Liége. Mentionnons parmi celles
ci Les Gantois venant conclure la paix avec
Philippe le Hardi; la réhabilitation de Liévm
Pyn, bourgmestre de Gand sous Charles
Quint le retour des bannis du due d'Albe
l'Amérique abolit l'esclavage, grande compo
sition exécutée pour l'Aménque Boccace a
la cour de Jeanne de Naples la persécuiion
<ies protestants aux Pays Bas, et la reine
Philippine secourant les pauvres de Gand.
L'administration communale d'Vpres avait
congu le projet grandiose de confier a un
artiste de talent la décoration murale de la
salie Est de ses vastes Halles aux draps, et
c'est sur Ferdinand Pauwels que devait s'ar-
rêter son choix. Cc travail considérable
nécessita son retour au pays natal, avec sa
femme et ses deux enfants, et c'est dans une
belle maison de maitre, a Anvers, Kasteel-
pleinstraat, 3i, qu'il élut domicile.
Les fresques de Pauwels, avant leur
destruction par la guerre, comptaient parmi
les plus importantes et les plus belief de notre
pays. Chacun en connait les sujets, popula-
risés par la photographie, et l'on jugera de
l'importance de co travail quand nous dirons
qu'il ne dura pas moins de neuf ans, de 1872
a 1881. II fallut certainement un beau dévoue
ment de la part de l'artiste pour entreprendre
ces fréquents déplacements d'Anvers a Ypres,
et plus tard de Dresde cü il fut appelé. C'est,
en effet, dans ce centre artistique, que, par
huite de sa grande renommée, Pauwels fut
appelé, d'abord comme professeur ensuite
comme directeur de l'Académie.
La grande imposition d'art de 1880, a l'oc-
casion d. s fêtes du cinquantenaire de notre
indépendance nationale, réunit de nombreuses
productions du maitre qui firent l'admiration
des nombreux visiteurs.
Pauwels passa les >32 dernières années de
sa vie a Dresde, ét sa féconde production
artistique s'illustra encore de la tiécoratii n
murale de l'école grand-ducale de Meissen;
de la chapelle de mariages de l'église primaire
de Pirna, prés de Dresde, ainsi que de l'église
de la garnison de Dresde. Le cadre restreint
de eet article nous empêche de donner la
description de ces importantes compositions.
Bornons nous ici a signaler encore quelques
ceuvres du maitre Au cercle artistique
d'Anvers, un superbe po trait d'Anna Bijns
dans une collection pariiculière, a Leipzig,
le tableau intitulé Avertissement au
Musée de Dresde, le sujet du premier pan-
neau des Halles Philippe d'Alsace visitant
l'hópital d'Vpres dans d'autres collections
particulières la vocation de Stc-Claire une
tête d'étude de napolitain une vue dé l'Es-
cautla joyeuse entrée de Philippe II, et de
nombreux dessins. Le Musée Plantin, a
Anvers, possèie de Ferdinand Pauwels, un
important dessin au fusain, rep ésentant la
comtesse de Flandre, Jeanne de Constauti
nople, implorant du roi de France, Louis
VIII, la liberté de son mari. Enfin, che: un
marchand, existe un curieux panneau, figurant
Jeannr--la Folie accordant la grace a des con-
damnés a mort, oeuvre dont l'acquisition
pourrait être faite par notre Musée, a moins
que nous nè puissiors obtenir, pour celui-ci
un don d'une oeuvre existant dans une collec
tion particulière. 11 serait hautement désirable
que notre ville puisse récupérer une oeuvre,
füt-elle d'importance secondaire, de. 1'anisi.e
qui contri'oua si puissamment a étendre la
réputation artistique de nos Halles Déplo-
rons er.core la perte des deüx superbes ta
bleaux -cquis, jadis, par M. Jules Creton-
Feys, et, peut être, de celui que posséiait,
jadis, M. Pierre Debergh. Avec un peu de
sagacité, la commission administrative de
notre Musée pourrait, nous n'en doutons
nullement, découvrir, par la suite, d'autres
ceuvres du maitre. Ainsi il nous fut donné,
tout récemment encore, de rencontrer a une
vente, avec la men.ion; Incor.nu Choc de
cavaliers, une peinture qui nous semblait
porter la palte du maitre.
LaBelgique, depuis longtemps, ainsi que
nous l'avons dit, avait connu les éminents
services du peintre, et sa commune natale
d'Eeckeren, avant de commémorer si digne-
ment son centenaire, avait donné le nom de
l'artiste a l'une de ses rues. Le grand-duc de
Saxe, de son cóté, lui avait conféré la haute
dignité de conseiller auiique, en allemand
hofrath. Ce titre lui fut, toutefois, contesté
par ses frères, les modestes jardiniers, qui
prétendirent que, seuls, ils étaient les
hofratten
L'éloignement de Pauwels de sa terre
natale ne constituait, pour lui, ni un exil ni
un désintéressement, et ses retours au pays
furent nombreux, notamment a l'occasion du
décès de sa mère, en 1886, et des fêtes Van
Dyck, a Anvers, en 1899, oü il fut officielle-
ment délégué. Ce fut son dernier voyage
avant sa mort, survenue a Dresde, le 28 Mars
1904. Son corps repose au cimetière catho-
lique de cette ville. PYRÈS.
Une !e$on A en Tlrei*
M. le comte Louis de Lichtervelde n'est
pas seulement un historiën habile a voir les
événements du passé et a les raconter
il excelle aussi a les méditer afin d'en tirer
une legon pour le présenter. Cet historiën egt
un penseur. C'est peut-ètre le plus philosophe
de nos historiens. Cette caraciéristique de son
beau talent se manifeste d'une fagon remar-
quable dans les Méditations sur le Cente
naire qu'il vient de publier (chez Dewit,
Bruxelles). Ce petit livre, qui ressembie a
une forte brochure, contient plus de substance
qüe maint gros bouquin. II est a s vuhaiter
qu'il soit lu par le plus grand nombre poss'i.le
tie Beiges, de ceux surtout qui, apparterant
aux j unes généraiors, feront la patrie de
demain. Parmi I s pages 1 -s plus instructives,
nous rangeons celh s que M. de Lichte 1 v.-lde
consac e a ree ifier certaines ïdécs fausses,
mais populaires, qui ónt eu longtemps cours,
presque sans contestation, sur Ie passé de la
Flandre. Les voici
La politique se livre jr>urne!lement a une
veritable exploitation de l'Hisn ire. C'est en
ce moment le passé de la Flandre qui est
l'objet des plus ét-ranges déform tiors.
La démocratie flamande est une force
tumultueuse qui plus d'une fois a envahi la
scène. Tenace, orgueilleu.se, capable de gestes
héroïques et touchants, sujette a de brusques
revirements, c'est elle, jusqu'a Charles-Qrint,
le grand acteur anoriymë d'un d>am? plein de
splendeur et de carnage. Le prolétariat urbain
qui, aux heures troubles, cor centre sur lui
tous les regards, a de terribles sursauts de
colère il brise ce qui lui ésisie, il humilie ce
qui lui réde. La Flandre du Moven Age,
vassale inassimiDble de la Couronne de
France, est une puissance industrielle et com
merciale l'or afflue dans ses villes ceintu-
rées de muraiiles. enrichies de monuments
fastueux. Le Suzerain, le Roi, l'Hmpereur
même doivent compter avec ces cirés opu-
lentes qui sont des forteresses, avec ces
ouvriers qui deviennent de terribles soldats.
Mais dans ces grands souvenirs, que d'épi-
soces douloureux 1 La démocratie flamande
a été niveleuse, jalouse ses vues, en somme,
ont été courtes et sa suprématie a abouti de
siècle en siècle a des catastrophes.
La démocratie flamande... il faudrait plulöt
dire les démocraties de Gand, de Bruges,
d'Ypres, car ce n'est qu'a de rares instants
que les populations du comté ont réalisé leur
propre uruté Les grandes cités ont épuisé le
meilleur de leurs forces dans des luttes fratri
cides et files se sont fait la guerre pour
s'interdire les unes aux autres l'usage des
voies fluviales communes ainsi que l'accès a
la mer. N'est-il pas significatif que le Témé-
raire ait du lutter contre Gand et contre Ypres
pour pouvoir continuer les travaux de dra-
gage du Zwijn, que Gand se soit révolté sous
Louis de Maele paree que le comte favorisait
l'établissement d'un canal de Bruges a la Lys,
que la canalisation de l'Yperlée ait a plusieurs
reprises suscité l'intervention aimée des
autres villes 11 n'est pas mauvais, mainte-
nant, de souligner l'étroitesse des conceptions
qui avaient cours a une époque que l'on vou-
drait représenter comme un age d'or pour la
Flandre. La vérité est qu'il a fallu attendre
les dues de Bourgogne pour que le bien
public trouvat un défenseur assez puissar.t
pour imposer le souci des intéréts de tous au
particularisme exaceroé de localité et de
classe qui animait le pays.