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Le rapport de M. Ie Goionel Trtmbloy
Tout ce qui se rapporte aux lamentaties souj-
frances de la population d' Ypres lors des premiers
mois du, bombardementigiq et ig>5, ofjre
vaturellement un intérêt passiohnant pour nous.
Ce sont les récits d'un cauchemar vécu.
Nous avons pu publier déjd un document offi-
ciel de la plus grande importanceles procés ver
baux des séances de la commission qui administra
noire ville depiris le,commencement du bombarde
ment jusqu'a I'evacuation d'Avril igr5. Aprés
cela, nous avons eu la narration des évênements
tels qu'ils furent vécus par une des dévouées reli-
gieuses qui se sacrifèrent ici pour voler au secours
des civils et des blesses, la sceur Marguerite,
aussi sainte que modeste. Sa relation a fait passer
le frisson dans bien des casurs Yprois.
A ujourd'hui notes avons l'heureuse chance de
pouvoir publier le rapport sur les événements
d'alors, envoyé a ses chefs par Mr le Colonel
Trembloy, bien connu de nos populationsDe
par sa mission même, eet officier supérieur était
obligé de considérer les événements a un tout autre
point de vue. Le rapport de cel officier a done une
importance historique trés grande, et nous per
met de mieux comprendre les faits en nous expli-
quant le pourquoi de bien des ckoses restées mysté-
rieuses pour le profane.
Mission Spéciale da Colonel Trembloy
dans la Zone des Armées Alliées
d'Ypres Poperinghe
du 9 Janvier au 15 Novembre 1915.
En vertu de l'ordre de son chef n° 4.82 du
25 Janvier igió, le Colonel Trembloy rédigea
le compte-rendu suivant. en Mars igió, au sujet
de sa mission spéciale a Ypres-Poperinghe.
Ma mission spéciale dans la zone des
armées alliées, du neuf janvier au quinze
novembre 19r5, s'appliqua en ordre prin
cipal aux intérêis matériels et moraux de
nos populaiions, lout en me conféi ant le com-
mandement nomintil des brigades et postes
de gendarmerie territoriale qui y fonction-
naient
JefaGilitai d'ailleurs la tache de ceux ci en
réunissant, dans un recueil imprimé, soumis
a l'approbation préalable du Grand Quartier
Général Beige, toutes les prescriptions de
service classées en cbapitres et qui iurent
édictées depuis le stationnement des armées
dans ce pays.
Le seul poste d'Ypres resta plus particu-
lièrement dans la sphère de mes attributions,
a cause de l'intéiêt capital que présentèrent
mes initiatives dans cette ville.
Situation Générale
La fortune et l'ordre publics menagaient de
s'effondrer dans la méconnaissance ou l'igno-
rance de notre législation, en l'absence de
l'autorité régulatrice indispensable entre les
pouvoirs administratifs et les commandements
militaires, au moment oü les institutions
étaient ébranlées par l'impétuosité de l'inva-
sion et l'occupation, momentanément désor-
dmnée, de notre territoire par les armées
franco anglaises.
Réunions hebdomadaires des Autorités
Conférences
Soucieux du respect attaché chez nous a
l'autorité des communes, je convoquai les
représentants de celles-ci a une séance hebdo-
madaire, oü s'assemblèrent aussi des députés,
sénateurs, fonctionnaires délégués, officiers
de liaison, et qui fut honorée, a différentes
reprises, de la présence des ministres.
Réquisitions et Dég&ts
J'y proposai, d'abord, des régies d'applica-
tion de la loi de 1867 et de l'arrêté royal de
1889, relatives aux répuisitions et aux
dégats 1
Elles furent unanimement approuvées par
les autorités militaires.
Monsieur Klobu Kowsky, Ministre de
France en Belgique, en réclama un rapport
pour lequel le Grand Etat-Major francais,
auquel il avait été communiqué, exprima son
entière approbation.
J'ai aussitöt pourvu toutes les communes de
registres n° 12, des P. V. de constatation et
des états annexés. Puis, provoquant la nomi
nation des délégués militaires dans tous les
cantonnements, j'assurai, a la fortune pu
blique, les garanties de dédommagement dü
pour les réquisitions ou pour les dégats, tout
en facilitant le jeu des transactions entre
prestataires et requérants.
Ce fut dans la solution de eet important
problème que se manifestèrent mes initiatives
du début.
De tels atrangements ne se fi^ent pas sans
heurt. J'intervins chaque jour dans de nom-
breux différends soumis a ma décision sous
des formes diverses.
Ce röle d'arbitre, d'intermédiaire, de con-
seil, de juge, m'obligea a des déplacements
pariois longs qui absorbèrent une grande
partie de mon temps, et a de fréquentes dé
marches auprès des Etats Majors étrangers,
pour applanir maintes difficultés htigieuses.
Commission Judiciaire Permanente
Cependant, d'autres graves abus mettaient
en péril la liberté individuelle et menagaient
la tranquillité des families.
Les conventions anglo franco-beiges de
1914 étaient constamment perdues de vue et
la moindre effraction aux lèglements édictés
en vue de l'état de guerre, donnaient lieu a
des pratiques abusives dans les .moyens de
repression.
Tel citoyen qui ne s'étaic pas conformé a
une prescription relative a la circulation, tel
autre dont la bonne foi avait été surprise par
une ignorance admissible de celle concernant
tout autre objet de police, avaient été ariêtés,
détenus préventivement et évacués dans des
conditions anormales, sans controle, voire
même sans décision d'une autorité respon-
sable.
A l'effet d'assürer une stiicte application
des conventions piérappelées (1), hater les
décisions a intervenir et assurer a nos con-
citoyens les garanties éléenentaires du droit
des gens, je proposai et obtir.s l'institution de
la Commission Judiciaire Permanente qui
siégea dans mes bureaux Devant elle, com
parurent journellement les sujets beiges incul
pés d'infractions de toute nature, y comprises
celles qui pouvaient être considérées cómme
préjudiciables aux armées étrangères.
Des décisions intervinrent rapidement, les
détentions préventives, les arrestations arbi
trages, les évacuations abusives, prirent fin,
cependant que l'autorité militaire supérieure
dont les prérogatives avaient été mal inter-
prêtées par des agents subalternes, peu au
courant de l'esprit de nos lois, trouvait, dans
ce nouvel organisme, des garanties com-
plètes pour le maintien de l'ordre et la sécu-
rité des opérations militaires.
L'installation de la Commission Judiciaire
Permanente provoqua, dans la suite, la
création du Conseil de Guerre Permanent
de la zone franco anglaise. Le pouvoir répres
sif fonctionra, dés lors, avec régularité et
avec promptitude.
Service de Contre Espionnage
A cette époque, les relations réciproques
du pays envahi avec la zone des armées alliées,
étaient facilitées en l'absence d'un controle
rigoureux et de régies prohibitives sévères.
Les voyages continuels de certaines per
(t) Cette convention de 1914 décidait que les sujets beiges
même inculpés de faits préjudiciables aux armées étrangères,
devaient être remis aux autorités beiges pour être jugés
selon les lois beiges. Seul, le Colonel Trembloy osa s'insur-
ger contre les abus que commettaient les autorités étrangères,
surtout les Francais. Cette commission judiciaire procura un
véritable soulagement a nos populations de la zone franco-
anglaise. Trembloy fut, pour elles, un vaillant protecteur.
Elles n'ont jamais su ce que eet homme a fait pour elles 1
Cm. D.
sonnes, dé part et d'autre des camps
adverses, par la voie de l'Angleterre le main
tien et la circulation de certaines autres dans
les communes de l'avant, sans exairu n appro-
fondi de leur situation antérieure et présente,
pouvaient donner lieu a de sérieux inconvé-
nients.
Les Etat-. Majors étrangers ne disposaient
d'ailleurs que d'un personnel de surveillance
ignorant la hingue du pays, et peu ante
pénétrer dans les secrets des groupemenis
civils réunis dans les cantonnements, au
hasard des événements qui avaient motive
leur iuite et leur installation en ces lieux.
J'organisai un service de contre-espionnage
au moyen d'un personnel de gendarmerie
flamand qui fut disséminé dans la région,
mais dont le chef se trouvait a ma disposition
a Poperinghe.
I! n a jamais été établi que l'tspionnage
allemand ait sévi dans la zone des armées
alliées au sein de la population civile. Et
eüt-il empêche la trahison ou fourni la
preuve du patriotisme de nos populations,
ce service justifiait pleinement l'inuiative que
j'avais prise en l'organisant.
Bureau de Recrutemert
Mon attention fut bieniöt attirée sur la
dangereuse promiscuité dans laquelle vivaient,
oisivement, nos jeunes gens exemptés d'obli-
gations militaires
D'autre part, le manque de travail pouvait
grever le budget, déja trés restreint, des
families.
Erffin, la situation d'hommes jeunes et
vigoureux, coudoyant partout des soldats
étrangers ou beiges, plus vieux, avait susciié
des réflexions désagiéables de la part de
ceux-ci. J'avais entrepris une sérieuse propa-
gande en faveur de l'enrólement volontaire,
lorsqu'un Bureau de Recrutement fut établi
par mon service.
L'examen médical préliminaire, la prise en
subsisiance des candidats et leur mise a la
disposition des autorités beiges, furent orga-
nisés par mes soins.
Le foncdonnement du Bureau de Recru
tement fut en suite rendu inutile par la pro
mulgation de l'ariêlé loi.
Agriculture Divers
Sous l'influer.ce des événements, ma mission
spéciale devint, en fait, un véritable gouver
nement militaire de la zone.
L'intérêt agricole de la contrée fut mis en
péril par la détérioration des terrains et les
entraves mises a leur appropriation en vue
des semailles.
J'obtins des Etats-Majors étrangers leur
libération, au maximüm, de toute servitude
militaire, des consignes sévères au sujet de
leur déprédation, ainsi que l'aide de la main-
d'oeuvre des soldats anglais et frangais, au
moment des récoltes, surtout dans la zone
de tir.
Je fis aussi, en temps opportun, des propo
sitions utiles pour la conservation de notre
cheptel national et lorsque les communes
proches de la ligne furent bombardées, je
sauvai, en l'absence des fermiers fugitifs, un
grand nombre de têtes de bétail que je fis
parquer a Westvleteren, a la disposition de
Monsieur l'Inspecteur Vétérinaire Vander-
heyden, représentant Ie ministre de l'agri-
culture.
Une partie de ces animaux fut livrée a
l'Intendance beige l'autre fut envoyée a
Cany-Barville en vue de la conservation de
la race.
Je provoquai des mesures de salubrité pu-
blique, l'établissement d'un dispensaire pour
femmes atteintes de maladies vénériennes,
fixai le tarifde vente des demées alimentaires,
m'occupai de la censure, etc. en un mot,
je pris, d'initiative, toutes les mesures équi-
tables pour le bien de tous. Tout ceci en
caopération avec les autorités administratives,
avec lesquelles j'entretins constamment 1* s
relations les plus cordiales de service.
A suivrr).