^livril,courageusement défendunos droits. Nous
eproduisons des extraits de leurs discours, regret-
tant encore une fois que l'espace restreint dont
nous disposons nous oblige k les écourter si fort.
M ie président. Nous abordons l'examen du
nfojet de loi portant interprétation et révision de
la loi du 10 mai 1919.
La discussion générale est ouverte.
La parole est a M. Vandromme.
Vandromme. J'ai été trés heureux de con-
stater que M. Ie ministre a amendé de fagon assez
heureuse le premier projetje dois regretter cepen-
dant que la pratique de nos lois n'aboutit pas a la
réparation intégrale, suivant la loi fondamentale du
25 octobre 1919. Les Allemands qui ont commis
l'acte de violence envers la Belgique sont tenus de
le réparerlorsqu'il était le maitre, a-t-il demandé
a ses victimes s'ils avaient les moyens de payer
Vingt-quatre heuresétait le plusgranddélaiaccordé.
Exigeons done notre rétablissement complet ils
n'auront rendu que ce qu'ils ont démoli. Ils doivent
comprendre qu'il y a une justice en ce monde.
Si, par malheur, l'Allemand nous paieinsuffisam-
ment, la Belgique s'est déclarée solidaire pour réta-
biir les dommages, et ce geste ne peut être que
juste, puisque les uns ont souffert pour les autres
qui en ont profité.
J'applaudis M. Loucheur, ministre des régions
libérées de France, parlant des sinistrés lorsqu'il
ditJe suis décidé a ne pas y toucher en ce qui
concerne leurs droits, qui seront respectés.
lei aussi, qu'on ne viepne pas inquiéter les sinis
trés par d'imprudentes menaces de restrictions.
Qu'on respecte leurs droits sans restrictions et qu'on
les paie par préférence. On a respecté les droits
des détenteurs de marcs, on laisse aux profiteurs
de guerre leurs bénéfices. Comme le disait l'hono-
rable M. Standaert dans la discussion en 1919
la Chambre ne voudra pas porter mainmise sur
les droits des victimes de la guerre au contraire,
efle voudra être éclairée sur ce qui manque a la loi
et qui nuit au rétablissement de la contrée.
L'honorable M. Mechelynck, dans la discussion,
le 12 mars 1919 disait La réparation consiste
dans la reconstruction du bien perdu ou détruit.
Lorsque réparation intégrale sera faite, nous de-
vrons done retrouver nos villes et villages, nos
habitations, nos meubles, notre magasin, notre in
dustrie, notre.jardin, nos fermes avec sesoutillages,
nos terres avec ses récoltes, nos patures avec son
bétail au même point oü tout cela était en 1914,
avant l'agression. Si le sinistré retrouve cela un
jour, il lui aura fallu subir entretemps bien des
misères et les neuf dixièmes des fois il n'aura pas
eu de gain, le confort lui aura manqué. II n'y aura
pas question d'enrichissement, il n'aura ni plus
ni moins que la reconstruction ou reconstitution de
son bien il aura moins que celui qui a pu retenir
la totalitë de ses biens, puisqu'il n'aura pas fait de
bénéfices. Et ses produits ou biens rétablis suivront
la baisse comme tout autre produit. Ce n'est done
pas un enrichissement.
Je suis partisan d'une politique de compression
de dépenses, mais que ce ne soit pas sur le dos
du sinistré.
J'ai dit tantöt que nous avons droit a retrouver
ce que nous avions en 1914. Pour arriver a ce but,
il faudra que les applications de la loi fussent plus
larges on doit appliquer des coefficients réels.
Pour la batisse, l'Etat contracte a 6 et plus des
batiments ont même coüté i2 comme coefficient; on
offre a l'initiative 3 a 4 ',4 C'est done rendre
impossible l'initiative privée.
La même situation existe pour les meubles, pour
l'outillage.
Pour la culture, on est encore plus restrictif
pour les animaux, qui coütent cinq fois la valeur
de 1914, on ne donne que 2 V» comme coefficient,
done la moitié de la valeur. Pour ceux qui, chas
sis par les armées et la guerre, ont dü abandonner
le cheptel soit entre les mains de l'armée, soit en-
les mains de spéculateurs, on n'accorde pas
bien souvent le droit de réparation suivant les arti-
cles2 et 19, erreurgrave de conséqüences...
Une seconde remarque que je voudrais faire
concerne les récoltes abandonnées. Bien des tribu
naux ne donnent qu'une minime valeur de frais
les réquisitions allemandes ont été insignifiantes
Pour le paiement. Ces récoltes, en général, étaient
sur pied. La oü les évacuations ont surpris les fer-
miers, les récoltes ont continué leur croissanceles
intéressés ont été empêchés et n'ont pu retourner
pour faire la moisson.
Si l'évacué aurait pu revenir cette date, il re-
trouverait sa récolte, comme celui qui retróuve sa
maison et ses meubles intacts. Done il doit avoir
droit k récolte compléte. Une explication nette
trancherait définitivement les controverses.
L'article lAbis est une loi d'exception on sup-
prime pour ces gens le droit commun qui a fait
des bénéfices de guerre doit payer les taxes d'im-
pots le sinistré qui a eu des bénéfices a aussi eu
des misères il n'est même pas de retour dans son
milieu, oü il pourrait avoir son gain ordinaire il
doit céder tous ces bénéfices, alors que d'autres ne
doivent payer que la minime portion et peuvent
continuer a faire des bénéfices. II est inconcevable
qu'on rejette cette partie de la population hors du
droit commun. Ou bien il faut reprendre tout bé-
néfice de guerre n'importe oü il s'est produit, ou
il faut faire rentrer le sinistré dans le droit commun.
II né suffit pas parce qu'il est sinistré qu'il perde
droit a la vie comme un autre. Si cet article est
adopté, les sinistrés auront le droit de dire qu'être
sinistré est une tare, que le non-sinistré est un
être privilégié. Oü est done la solidarité. Je conjure
done la Chambre de rejeter cet article.
J'espèrequele gouvernement et la Chambre vou-
dront tenir compte de mes quelques observations.
II est difficile de légiférer d'une manière identique
pour la généralité, parce qu'on se trouve devant
des situations tout a fait différentes.
Le sinistré ne demande qu'a être ce qu'il était
il ne faut pas que les tribunaux voient de luxe par-
tout, comme cela se pratique maintenant il faut
que la réparation consiste dans la reconstruction
du bien perdu ou 'détruit. C'est le voeu et, je crois,
le droit de tout sinistré.
Af. le président. La parole est a M. Glorie.
Af. Glorie. Messieurs, aussitöt que le projet
de loi qui nous est soumis a été connu dans le mon
de des sinistrés, il a provoqué une véritable vague
d'indignation. En ce qui me concerne, je n'ai pu
m'empêcher de le dénoncer a l'opinion publique et
de le combattre de toutes mes forces. J'ai eu la
satisfaction de voir s'élever de toutes parts des
critiques réellement fondées.
Le débat étant engagé aujourd'hui, je désire
m'expliquer.
Messieurs, au moment de l'armistice, a été con-
sacré le principe que. le sinistré .avait droit a la
réparation des dommages subis. Plus tard, en 1919,
le législateur a établi les normes qui devaient ré
gler la réparation des dommages directs et certains
résultant des faits de guerre. II était bien entendu
cependant que le législateur n'entendait pas par la
exclure de la réparation d'autrts dommages non
prévus par la loi, mais que c'était un premier pas
dans la voie de la réparation. Plus tard le gouver
nement s'est empressé de réduire les droits qui
avaient été reconnus aux sinistrés. Ainsi, la loi du
10 mai 1919 accorde dans certains cas la prime de
remploi, mais cette prime ne s'applique pas aux
objets de luxe.
Par voie interprétative, le gouvernement a étendu
la catégorie des objets de luxe ne donnant pas lieu
au remploi.
Est objet de luxe le simple piano permettant aux
enfants du bourgeois de s'initier a la musique, qui
est en somme un instrument d'instruction et d'édu-
cation.
Est objet de luxe le vélo, simple moyen de lo
comotion a la portée de l'ouvrier comme du bour
geois, nécessaire dans une contrée oü les voies de
communication ne sont pas nombreuses, indispen
sable même au lendemain de l'armistice, dans une
contrée oü les voies de communication étaient
complètement détruites.
Je dis done que, par voie interprétative, par voie
de circulaire ministérielle, on a porté ainsi une
première atteinte au droit reconnu aux sinistrés.
Mais ensuite a été présenté a la Chambre un
projet .de loi qui devait régler la procédure a suivre
devant les tribunaux de dommages de guerre.
Dans ce projet de loi, M. Jaspar, ministre des ré
gions dévastées de l'époque, avait inscrit un petit
texte de loi qui devait permettre au gouvernement
de fixer les coefficients, après avis du conseil supé
rieur des dommages de guerre.
Au fond, ce tgxte,modifiant en quelque sorte la
loi du 10 mai 1919, n'a pas donné lieu a discus
sion dans cefte chambre, car, dans notre pensée a
tous, il s'agissait simplement d'un texte qui allart
permettre au gouvernement d'uniformiser les déci-
sions et dé faciliter la tache des tribunaux.
Or, messieurs, le gouvernement s'est servi du
texte lui permettant de régler les coefficients aussitöt
qu'il l'a pu et a fixé des coefficients qui, dans la
plupart des milieux de sinistrés, sont considérés
comme absolument insuffisants. C'est ainsi que, en
ce qui concerne la reconstitution du bétail, le gou
vernement accorde un coefficient de 2 qui, dans
tousles milieux de cultivateur, est considéré comme
absolument insuffisant.
M. Jaspar, tenant parole, a déposé le projet de
loi que nous avons a discuter aujourd'hui, qui a
soulevé les plus vives critiques et qui a valu a M.
Jaspar d'être considéré en quelque sorte, par les
sinistrés, comme le mauvais génie des régions dé
vastées.
Quelle est la portée de ce projet, dont je r.e veux
pas lire le texte, pas plus que jene veux entrer dans
l'examen des détails S'il est adopté, les régies qui
régissent la réparation des dommages de guerre
seront complètement modifiées. Le principe d'après
lequel le sinistré a droit aux avantages prévus par
la loi du 10 mai 1919 cessera d'être la garantie du
sinistré ce principe sera appliqué ou ne le sera
pas, selon le pourcentage perdu par l'industrie
dans ses moyens de production, selon la partie du
pays habitée par le sinistré, selon que celui-ci a pros-
péré pendant la guerre ou a végeté misérablement.
Un exemple. D'après le projet de M. Jaspar, quand
il s'agit d'un cultivateur de la région dévastée, le
bénéfice de remploi s'appliquera aux animaux,
plantes, engrais, etc. S'il s'agit d'un cultivateur
d'une région comprise dans la zone des étapes, le
bénéfice du remploi ne s'appliquera qu'auxanimaux.
S'il s'agit d'un paysan ne se trouvant pas dans
l'une ou l'autre de ces conditions, il n'aura aucun
droit au remploi.
Comme vous le voyez, le projet tend k réduire
le droit reconnu au sinisté, puisque, dans certains
cas, on le privé du bénéfice du remploi.
On va même parfois jusqu'a la suppression totale
de ce droit. S'il s'agit d'un sinistré ayant réalisé
des bénéfices de guerre assez considérables, il ne
pourra plus prétendre au bénéfice de la loi, a moins
que ses dommages de guerre ne soient supérieurs
a ses bénéfices. Je me permets d'attirer l'attention
de la Chambre et tout particulièrement du gouver
nement sur ce point. Une loi a réglé la question des
bénéfices de guerreil s'agissaitc'était entendu
d'une loi fiscale. Or, s'appuyant surcette loi fiscale,
on veut priver certains sinistrés du droit qui leur
est reconnu par la loi du 10 mai 1919-
Le profiteur de guerre de Bruxelies adans
son patrimoine, sa maison et ses bénéfices il a
payé l'impöt. Le profiteur des régions dévas
tées, qui n'a souvent réalisé des bénéfices qu'au
péril de sa vie, a également payé l'impöt, et il a
dans son patrimoine, en plus de ses bénéfices de
guerre, le droit lui reconnu de reconstruire sa mai
son. Done, si vous enlevez brusquement a ce der
nier son droit a indemnité, c'est-a-dire sa maison,
vous commettez, sinon une injustice, tout au
moins une inégalité flagrante.
D'autre part, quelle sera la situation des pro
fiteurs de guerre qui ont déja vendu leur immeu-
ble ou leurs ruines avec tous les droits y affectés
Quelle sera la situation des acheteurs Le gouver
nement a-t-il songé a cette hypothèse
D'autre part, en ce qui concerne le payement des
indemnités en cas de remploi, il est stipulé que le
jugement indiquera l'époque a laquelle les indem
nités seront payées. Eh bien, messieurs, le gouver
nement veut enlever cette garantie accordée au si
nistré. Le gouvernement cherche a faire décider
que, dorénavant, même en cas de remploi, l'époque
et le montant des payements des indemnités seront
réglés ultérieurement par. la voie d'arrêtés royaux
le sinistré n'aura plus, a cet égard, aucune garantie.
Telles sont les caractéristiques essentielles de ce
projetsupprèssion et restriction de certains droits
accordés au sinistré et suppression de certaines
garanties essentielies reconnues par la loi du 10
mai 1919.... (La suite au prochain numéro