u ¥mmmm pvaAi\/£- Mercredi 21 Janvier 1874. 9™ année. N° 841 LE PENDU. z O ca In z O fö <3 n cn >- 2J Le Journal parait le Mercredi et le Samedi. Les insertions coütent 13 centimes la ligne.Les réclames, dans le corps du journal, se paient 30 centimes la ligne. Un numéro du journal, pris au Bureau, 13 centimes. Les numéros suppléme'ntaires commandés pour articles. Réclames ou Annonces, coütent 20 fr. les 100 exemplaires. CHE9KIIS B> W E B. RECOMMANDATION D'UN VIEUX CHEF A SES LIEUTENANTS EN LIBÉRALISME. La presse est un instrument admirable, qui notis a déja procuré les plus grands avanlages et qu'il fa ut exploiter pour per- veriir ceux qui savent lire. La presse, voila notre grande force en ce temps ci, voila nolre grande machine de mal, notre grand moyen de perversion pour les intelligences et pour les ames. Que peut la parole des prètres contre la presse? Pen dant qu'ils s'épuiseront en sermons slériles, notre presse lancera sur leurs ouailles ses bornbes et ses boulets, a droile, a gauche, par dessus leurs tèles et, quel que soit leur talent, leur théologie, leur sainteté leur eloquence, avec notre presse nous rendrons vains tous leurs efforts. J'ai vu avec satisfaction le bruit que nos journalistes ont fait autour du mandement des Evéqties suisses, et l'enthousiasme qu'ils ont excité pour l'érection d'une statue a notre frére et ami Paul De Koek. Soulenez leur ardeur, enflammez leur hnine conire l'Eglise et, dans ce moment, provoquez leur colére contre Pie IX; qu'ils débitenl contre la Pa- pauté, contre les cardinaux, les congrega tions, contre les évéques récalcitrants d'Alle- magne, toutes leshistoires et les suppositions propres a leur enlever le respect des peuples et a faire croire que rien n'est plus juste et plus raisonnable que les mesures de violence et de tyrannie prises par nos chers persé- cuteurs. Peu importe la vérité et la vraisem- blance; leurs lecteurs n'y regardent pas de prés, les passions sont disposées a tout croi re; ceux qui se repaissent de ces fadaises, soit dit entre nous, sont des ignorants et des niais, qui jurenl sur la foi de leur journal, ou bien des esprits malveillants qui désirent ètre trompés. Vous avez beau jeu avec de pareilles gens! Partoul done 011 régne la liberlé compléte de la presse, ordonnez a tous les écrivai'ns de notre parti de faire pleuvoir contre l'Egli se et le Pape un deluge d'aecusalions, d'a- necdotes, de contes, de m'ensonges, de ca- lomnies de toules sortes: a la vue de ce concert unanime, les sots, dont le nombre est infini, croiront lout sans examen et les homines sérieux commenceronl a avoir des. doutes. Recotnmandez aux journalistes de ne jamais reproduire les dementis qu'ils recoi- vent, car leurs abonnés ne iiseul pas les journaux catholiques. Dans les contrées oü lo gouvernement réglemente la presse, agissez suivanl les be- soins. Si l'Etat protégé la religion ct la morale, comme je prévois que la chose doive se faire en France, en censurant vos doctrines, criez a la tyrannie, a l'inlolérance et demandez a grands cris la liberie; ce sont des mots hcu- reux qui font elïel sur le public. Si, au contraire, les chefs de l'Elat sont pour vous, et ferment la bouclie aux Evè- ques et aux prètres, a tous les organes reli- gieux, louez avec enthousiasme celte sage intervention, félicilez le gouvernement, célé- brez les douceurs de la liberlé, parlez bien haut de progrès, de lumiéres, d'amour du peuple et le reste, mullipliez vos moyens de publicité, prodiguez l'injureaux retrogrades, aux cléricaux, aux caloiins, aux hypocrites et faites supprimer leurs journaux; empèchez qu'on en auiorise de nouveaux, suscitez mille tracasseries a ceux qui vous font la guerre; enfin profilez de vos avantages pour semer a profusion les germes de l'impiété et de l'immoralité. N'ayez aucnn souci de la justice: applau- dissez aux persécuteurs de la Pologne, du clergé el des religieux d'llalie, aux spolia tions, aux emprisonnementsdesprèires el des Evéques allemands; parlez d'inquisition, des dragonnades, de büchers,de Si-Barthelémy, cesonldes parolesa effels magiques; changez la signification des mots, appelez tyrannie, despotisme, superstition, hypocrisie chez les catholiques, ce que vous nommez fermeté, sagesse, religion et habileté chez nos amis; pour ces deruiers donnez le nom defaiblesse a ce qui est crime, celui d'entrainemenl a des habitudes in fames et celui de généreuse indépendance a ce qui est rébellion. Vantez sans cesse les liommes qui travaillent pour nous et abaissez par tous les moyens ceux qui soutiennent la religion el les mceurs, afin de donner le crédit aux uns el d'enlever ('influence aux autres. UN MAITRE D'ECOLE. Les glorieuses funérailles du frére Philippe ont été un hommage réparateur rendu par la vtlle de Paris a eet inslilut des Pelits- Fréres si souvent expose aux railleries et aux insultes de la grossièreté lib* rale, de- puis le pamphlet du trottoir jusqu'aux ha rangues débitées dans des assemblees qui devraient ètre sérieuses. Aucune distinction n'a manqué att modeste inslituteur du peuple et son cerctieil, en passant dans les rues de Paris, sur le corbil- lard des pauvres, a été bttéralement accablé de gloire. Que l'Eglise y füt noblement représentée par ses chefs les plus illuslres, par un num- breux clergé, par tous les ordres religieux qui travaillent en France, cela peut ne parai- tre que naturel et nécessaire; maisl'armée, mais l'administration, mais l'académie, mais ('assemblee nationale, mais Ie Président de la Répnblique, représenté par un officier d'or- donnance, mais lout ce monde ofliciel, grou- pé dans une église, autour d'une bicre placée sur deux tréleaux, oh! cela doit avoir fait enrager les misérables pourfendeurs de ca loiins crachanten concurrence sur toutes les soulanes qu'ils rencontrent. Qu'aura-t-on pensé de ce spectacle, a Rru- xelles par exemple. oü le convoi d'un frére ignorantin, risquerait d'èlre salué de blas- phémes, oü pas un personnage officiel n'irait se dégrader jusqu'a risquer son parapluie dans un pareil corlége? Dans cette ville de Paris, qui assassinait son archevêque, il n'y a que des mois, et fusillait les prètres et les magistrats abandon- nés a sa folie furieuse, le peuple amassé dans les rues quand le convoi du frére Philippe y passait, doit avoir élé frappé d'étonnement et s'être demandé: Qui est done ce maitre d'école? Son Em. le cardinal Guibert, archevêque de Paris, va ie dire. Cel illustre prince de l'Eglise, a vottlu inaugurer son cardinalat en présidant lui-mèrneala cérémonie funèbre oü il a fait l'absoute sur le pauvre cerctieil du frére. L'éminent prélat ne s'est point con tenté de eet hommage. En rentrant de l'égli- se, il a écril a son clergé une lettre oü il retrace a grands traits le earactère et la carrière du Frére Supérieur. C'est cette lettre qui dira ce que fut le maitre chrélien. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer: Ce qu'il a fait, il n'est pas nécessaire que je vous le raconte, le monde entieren a été témoin. II a restauré el renouvelé en quelque sorte l'ceuvre du vénérable de La Salle. II l'avait comprise avec une rare supériorité d'intelligenee, et, sans jamais sorlir de son humilité, il l'a gouvernée avec une puissance de volonté non moins remarquable. Par l'exlension et les développements qui lui a donnés, il a montré combien était feconde la pensee de cbarité qui avail inspire (e saint fondateur. Le frére Philippe s'était consacré tout entier au service du peuple, et il a bien pu dire, lui aussi, que sa mission était d'ensei- gner les pauvres, evangelizare pauperibus misit me-, il ponvait ajouter, en parlanta la jeunesse, la parole que S. Paul adressait aux Corinthiens: Alors mème qu'on vous don- neraildix mille maitres, vous n'aurez jamais beaucoup de pères qui vous aiment comme moi, nam si decern milia pardagpgorurn habeatis, scd non muitos patres. Qualre cent mille enfants apprenaient de lui et des siens a devenir de bons chréliens, des citoyens utiles, et capables de remplir tous les devoirs de leur future profession. Tandis que d'au- tres dépensent leur zéle a répandredansl'ame des jeunes gens les idéés fausses qui égarent les esprits excitent les coupables convoitises et n'ihspirerit que de la présomption et de l'orgueil a l'ignorance, lui travaillait effica- cement a faire des enfants du peuple des hommes honnêtes, ne manquant ni de ('in struction nécessaire, ni des vertus plus né cessaires encore. Placé par la Providence a la tèle d'une des plusgrandes cetivres qui aient éléentre- prises pour le bien de l'humanité, il était devenu, nialgré sa modestie et lasimplicilé de sa vie, l'un des hommes les plus utiles, les plus populaires, et l'on pourrait dire les plus considerables de notre temps. II ne fallait pas une médiocre capaeité, ni un zcle ordinaire pour remplir avec persévérance pendant une si longue période de temps tous les devoirs qu'impose la direction d'une société répnndue dans le monde entier. Aussi, tous ceux qui le voyaient de prés &3 Z V- CO O C5 =5 cn S o O O -o O 3 r-^ --1 'JC O rn —3 m c/a '-iJ 53 rn G -H -< "*3 53 O C/5 o C*1 C/3 T5 53 Poperinghe- Ypres, 5-1»,7-2»,9-30,10-88,2-1»,8-05,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-80,9-07,12-0»,3-87,0 «0,8-40,9-50. Po- peringlte-Hazebrouck, 7 13, 12-25, 4-17, 713. Hazebrouck Poperinghe Ypres, 8-35, 10 00, 4 10, 8-23. Ypres-Houlers, 7-80, 12-25, 6-45. Kou Iers-Ypres, 9-28, 1-80, 7-50. Houlers-/Vrtt^es, 8-48,11-34,1-13, (L. 5 56), 7-30, (9-85. Lichtere.) 'LtefoerexffemreH*; ♦•'WH». -»'Bl'hgw» Routers, 6-28, 12-50, 5-13,6-42 Lichtérvelde-Courtrai, 5-28 m. Zedelghem Thour out, 12-00. Ypres-Courtrai, 3-34.9-49,11-18,2-35.8-25. Courtrai-Ypres, 8-08,11-02,2-86,8-40,8-49. A pres-7houroul, 7 13, 12 00, 0 20, (le Samedi a 8-50 du matin jusqu'a Langhemarck^. Thourout- Ypres, 9-00, 1-18, 7-48, (Ie Samedi ii 5-20 du matin de Langhemarck a Ypres). Comines-Warnëton Le Touquel-Houplines-Arwewtóères, G-00, 11-50, 3-35, (les Merer. 8-40 m. 6-30 s.) Armentières-Houpli- nes-Le Ïouqoet-Warnêton-Comtrtc» 7-40, 2-00, 4-45. (le Merer. 10-33 rn. 8-00 s.) Comines- Warnêton 8-40, m. 9-30 s. (le Lundi ti 30 s.) War'nêtoh-Co»»iné» 5-30, 11-10, (le Lundi 6-50 s.) Courtrai-liruges, 8-05, 11-00, 12-35, (L. 5-15), 6-53. (9-00 s. (Lichterv.)Brages-Courlrai, 8-25, 12-30, 3-13, 6-42. Bruges, Blankenherghe, Heyst, (station) 7-30, 11 04, 2-50, 7-35. Heyst, Blankënberghe', Bruges, 5-45, 8,30 11-30, 5-30, Blankenberghe, Bruges, 6-10 8 55, 12-06. Ingelmunster Deynze Gand, 8-15, 9-41, 2-15. Ingelmunster-Z%M;ze>, 4-50 2" cl., 7-15. Gand-Deyme-lngebnunsler, 6-58, 11-20, 4-39. Deynze Ingelmunster, 9-10 2° cl, 8-20 s. Jngelmunster-ylwseg/tew, 6-05, 12-10, 0-15. Anseghem-Ingelmunster, 7-42, 2-20, 7-45. Lichtervelde-Dixmude-Furnes el üunkerke, 6-30, 9-10, 1-33, 7-54. Z)aw4er4e-Furncs-Dixmude et Lichtervel.de, 6-55, 11- 1b, 3-45, 5-10. Dhntude-Nieuport, 9-35, 2-20, 8-40. - Nieuport-Dttrmwde, 7-40, 10-43, 12-00, 4-25. Iliouroul-Oste'/tde, 4-50, 9-13, 1-50, 8-05. Osiende-Thouroul, 7-55, 10-10, 12 25, 6-15. Selzaete-TTec/oo, 9-05, 1-25, 8-25. ^ec\oo-Selzaete, 5-35, 10 15, 4-22. Gand-Terneuzen, (station) 8-17, 12-18. 7,25. (porie d'Anvers) 8-30, 12-40. 7 43. - Terneuzen-Gawl, 6 00, 0-30, 4 40. Selzaete-Loftere», 9-04, 1-30, 8-30. (Ie Merer. 5-10 m.) Lokeren-Selzaete, 6 00, 10-23, 4 45. (Ie Mardt, 9,30.) c O XX X E8PO IÏD A XV C 33 I COURTnAl, BRUXELLES. Courtrai drp. Bruxelles arr. 6 40 9,20 10,88 1,35 12,33 2,25 Courtrai drp. Tournai arr. Lille COURTRAI, TOURNAILILLE. 2,34 7.00 7,51 8.35 10,86 1 1.47 11,88 3,48 4,00 COURTRAI, GAND. Courtrai dép. Gand arr. 6.42 8,01 12,31 1,32 3,48 6,06 5,34 6.29 0,32 3,47 5,03 6,38. 9,16. 8,47. 9,41 9,53. 6,40. 7,36. Bruxelles dep. Courtrai arr. Lille drp. Tournai arr. Couilrai BRUXELLES, COURTRAI. 5.22 8,28 12.21 5,33 7,83 8,00 10,43 2,41 LILLE, TOURNAI. COURTRAI. 5,20 8,28 11,05 2,28 5,48 8,36 11.34 2.47 6,37 9.47 12,26 3,42 GAND, COURTRAI. 6,47. 8.44. Gand dep. Courtrai arr. 3,38 6,37 9,39 10,52 1,28 2,49 4,24 5,31 3,20. 8,39. 6,30. 7,21. 8,42. BRUGES, GAND, BRUXELLES. Bruges dép. 6.49 exp. 12,39 Gand arr. 7,34 1,84 Bruxelles 8,30 4,05 BRUXELLES, GAND, BRUGES. 3'34 exp. 6,43 4.19 7,58 8,20 9,31 Bruxelles dep. 8,14 11,83 3,12 Gand arr. 6,00 9,41 1 23 4,26 exp. 0,37. Bruges 7,18 10,34 2,38 3,1 1 7,22. Suite. Voir le N* précédent. Une henre après, le médecin, que Marguerite avait fait appeler en dépit de la defense de son mari, se trouvait prés dn lit de Gérad. Maitre Van Spiel, lui dit - il en lui tatant le pouls, c'est encore celle méchante fièvre; il laut qu'il y ait une cause qui ait provoqué son retour. Une cause... nne cause?.... Que votdez-vous dire? demanda prudemment le malade, cherchant a feindre un sangfroid que le docteur jugea sans peine n elre que factiee Eh! mais c'est au malade a inslruire a cel égard son médecin: nous vovous un peu dans le corps, mais il ne nous est pas donné de rien lire dans I'ameUn chagrin, une inquié tude par exempte peuvent souvent devenir des causes premières, catjsze efficientes: celasevoit chaque jour. Tenez, maitre, nous sommes seuls, nous pouvons parler confidentiellement; vowlez- vous que je vous parle franchement? Parlez, dit Gérard, dont l'agitalion croissait a chaque pa role du docteur. Et bien! je parierais que vous craignez les mortsMoi, moi, que je les craigne! Nullement, voyez-vous, docteur. Si je vous en ai parlé hier, c'était par badinageEt poiirquoi m'inquiéleraient-ils? suis-je coupable par hasard, moi? Jc ne veux pas qu'on me parle c encore de mon cousinDe voire cousin, répliquit le docteur lentemenl et en appuyant sur chaque sylabe, de voire cousin?Mais je n'aj point prononcé son num. Je ne veux pas qu'il en soil encore jamais question en ma présence! s'écria Gérard en fureur. Vous voulez done l'oublièr, ce pauvre Martin? Et que m'importe sa mémoire?Un pendu!unN ache- vez pas, malheureux! dit le docleuravecforce, voire cousin c'était un honnète homme, entendez vous maitre Gérard?La justice humaine l'a condam- né, c'est vraimais la justice de Dieu aura soil tour et celle-la ne saurait se tromper jamais. Le vrai coupable sera connu bientöt, maitre, et suspendu au mêmï gibet auqtiel fut attaché Martin Valck, et celui-ci assislera vivant au suplice de son infame colomniateur. II a done quitté la tombe? demanda Gérard en balbutiant. Je vous l'ai déja dit, un pared miracle s'est vu plus d'une fois, répondit le docteur non plus de ce ton de doule avec lequel il avait prononcé la vei lie ces mêmes paroles, mais d'un Ion qui respirait it la fois une sorte d'inspiration, la menace et l'in- dignation. Peu après il sortit de la chambre, et Van Spiel resté seul demeura livré a d'horribles terreurs. CIIAPITRE VII Les trois jours suivanls furent pour Gérard trois siècles d'agonie pendant lesquels il ne tenait a la vie que par l'effrui que lui inspiraient dépouvau- tables images. Sa malheureuse Marguerite se per- suada enfin que son mari avait complélement perdu l'esprit, et déja le bruit coinmeiii;ail a s'en répandre dans lout le quarlier: u Le pauvre homme, disail-on, il est fou c'est sans doule la moi l tragique de son cousjn qui a produit eet elfet sur lui Le soir du troisième jour, Van Spiel se tenait debout sur le seuil de la porie de sa bouti que; tout a coup un hointne s'approehe de lui en demandant:Gérard Van Spiel, le corinaissez- vous, tnon bourgeois? C'est raoi-méme. Bien; c'est done pour vous ceci, dit l'homme en lui remetlant une lettre. De qui vient-elle? Que sais-je, ntoi? répondit le bourru messager en s'en allant. Gérard, tremblant d'effroi, rentra dans la n aison, prit la lumière placée sur la table a la- quelle travaillait Marguerite, monta dans sa chambre, ouvrit le papier et reconnut encore l'écriture de Martin: n Mais il vit done? mais il est done ressus- cité?... s'écria-t-il en froissant la missive enlre ses doigts crispés. Ses forces furent sur le point de lui manquer; il cbancelait comme un homme ivre et ne se senlit point le courage dejeter les yeux sur la fatale lettre. Ce ne fut que longtemps après, qu'ayaot recouvré un peu de calme, il put fire ces lignes: Eh bien! mon cousin, voire conscience ne vous fait-elle pas soulfi ii- one horrible torture? résislerez-vous encore longtemps a ses cris Ne voulez-vous pas proclamer mon innoncence? Pre- nez garde, mon cousin, si vous ne parlez, la jus tice de Dieu ne tardera pas a se faire entendre. Le trouble qui s'empara alors du fabricanl de cuir doré ne le quitta plus; il renonga au travail, ne parlait plus que rarement et toujours par monosyllabes. Tantöt il marchait, courait dans la maison, tantót il demeurait immobile sur une chaise des beu res entières. Son sommeil était horriblement agilé: il rêvait presque chaque nuil a haute voix et parlait de justice, de magistrats, de torture, de Dieu; de gibet; quelqtiefois il se croyait entouré de spectres hidettx et s'imaginait voir devant lui son cousin Martin Valck. Sa pau vre Marguerite était au désespoir, et les voisins, témoins de la conduite de son mari, n'avaient plus aucun doute sur la folie de Gérard. Trois semaines s'écoulèrent, et régulièrement, de cinq jours en cinq jours, Van Spiel recut uue lettre écrite de la main de son cousin. Cet rffroyable mystère le jeta enfin dans un état tel que pitis d'une cömmère ne se contentait plus d assurer que maitre Gérard avait perdu la raison, mais soutenait qu'il était possédé du malin esprit et qu'il fallait l'exorciser. Un matin, quelques instants après avoir recu encore une lettre, Gerard descendit dans sa bouti que, oil se trouvait réunics, en comité intimc, une douzaine de femme du quarlier, devisant sur le compte de celui-ei, de celle-la, médisant de tont le monde et faisant mille commenlaires sur l'élal moral du maitre du logis. A l'aspeet itnprévu de celui-ci, tont le parlement fut tffrayé comme nu faible troupeau a la vue du loup. La figure du malheureux était en effet d'un earactère a produire une terreur pannique lies legitime: sa bouehe écumait, ses yeux semhlaient sorlir de leur orbile, et deux ou trois vieilles eommères crurent voir ses cheveux se dresser sur sa tèle. Gérard, mon cher Gérard, qti'v a-t-il done? s'écria Marguerite en élevant ses brus vers le ciel. Ce qu'il y a, 'femme, s'écria celui-ci d'une voix beuglante, ce qu'il y a?Vous le saurez bientöt, el alors...., li n'acheva pas la pharase, et se frayant un pas sage it travers les rangs compactes des eommères, il se jela dans la rue. Sainte Vierge Marie! il est fou, disait l'une. flélas! ma chère voisine, je crains bien que ce ne soit le diable qui... disait l'autre, Que Dieu vous protégé, pauvre Mar guerite! II va se pendre, c'est sur. -Ou se jeler dans l'Escaut. Revenus enfin de leur premier émoi, toutes se précipitèrent dans la rue pour crier après le fou ou le possédé et iuvilcr les bons bourgeois a le relenir. A COXTJNUER.

HISTORISCHE KRANTEN

Journal d’Ypres (1874-1913) | 1874 | | pagina 1