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LE MATELOT DE LA
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Mercrcdi 11 Février 1874-
91ie année. N° 847.
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Le Journal pa rail le Mercredi et Ie Samedi.
Les insertions content Ui centimes la ligne.— Les réclames, dans le corps du journal, se paient 30 centimes la ligne.— Un numéro du journal, pris au Bureau, IS centimes.
Les numéros supplémenlaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, content 20 fr. les 100 exemplaires.
CHEMIIV S EB I<: F E es.
ÜNE LETTRE DE MGR DECHAMPS.
Mgr Parchevèque de Malines vienl d'adres-
ser atix journaux calholiques de son diocése
urie lelre [tour les inviter a ouvrir une lisle
de sousmpiion eu favour du clergé suisse.
Nous empruntons a- cel te lellre les lignes
suivantes: el les seront I nes avec iniérêt:
Dans la plupari des jotirnaux catholi
ques et des Semuines reiigieuses de nolre
pays, les Eirennes ponhficulas soul suivies
dun commeucemeni de lisle d'oflrandes
aux églises perséculées de la Suisse, et tout
pariiculiérement du diocése de Bale et du
Jura bernois. La charilé n'esl done pas
épuisée clicz nous par les dons que réclame
d elle la délresse croissanie du Saint Siége,
el les Beiges sefl'orcent de venir en aide,
aulant qu'il est en eux, a leurs fréres qui
souffrenl, la surloul oü ces souiïtances pont
les plus cruelles. C'est afin de favoriser ce
grand mouvement decharité, que je vous
prie de placer sous les yeux de vos lecteurs
le tableau de la perséeution qui sévit cn
Suisse, tel que le tracent les évèques suisses
eux-mêmes, dans leur protestation du 4 de
ee mois au Conseil fédéral:
Ce qui se pass.e a Genéve et dans le Jura
bernois au nom de l'aulorilé civile, nous
rappel le les époques de persecutions de
PEglise, et porie non-seulement le cachet
d'un traitement indigne et immérité des
ministres et des organes de PEglise catho-
x> liqtte, mais encore le caraclére d'un asser-
vissement honteux du peuple fidéle. Des
majorilés anti - ca 1 holiqnes, ennemies
acharnées des minoriiés calholiqties. fa-
briquent a Genéve el a Berne, en matiére
purement religieuse, des lois en verin
desquelles les gouvernements protestants
recoivent !c pottvojr de destituer, aux yeux
du monde ebaln, les evèquestJégiluues,
sans jugpment ei saus motif, de renverser,
en violanl les conventions et les Cottslitn-
tions existantes, la conslilntion divmement
élablie de PEglise, el de la remplacer par
une organisaiion nouvelle et schtsfnalique,
d arracber aux populations catboliques
leurs pasteurs legitimes, leurs églises et le
libre exercice de leur culle, de siqipriiner
un grand numbre de paroisses, d'nnposer
enfin aux poptilalious, ontrees de'pareds
procédés, des prétres aposlats et mints
ra masses dans lous les coins du globe.
Tout cela est possible en plein XIX1- siècle?
Peul-op, dans la libre Suisse, exercer un
scmblabit: terrorisme en maiière religieu-
se, sans que I anionic suprème du pays
melte uu tenue a une violation aussi 11a-
granle de la paix eonfessionnelle, el
sans qu'elle accorde a ceux qui lui deman-
dent son intervention la protection légiti-
me a laquelle ils out droit, eonlre Poppres-
sion de la liberie religieuse el de la eon-
science?
Voila ce qui se passe an centre de I'Eti-
rope civilisee, et au milieu du silence uni-
versel des lorls, coinine si le droit des gens
n'était plus q.u'un vain réve. Heureusemenl
qu'une grande voix ne cesse de rompre cet
humiliant silence. Pie IX parle, et toute de-
sarmée qu'est sa parole, elle trouble les forts
en amies, elle soulage les consciences, elle
venge Phonneur du uom cbretieu.
Pour nous, souvenons-nous des premiers
siécles du ehristianisme. Saint Paul detnan-
dait I'aiimpiie aux premiers fidéles, et il la
leur demandait généreuse en faveur de leurs
fréres persécu lés a Jerusalem, sans se laisser
délourner de ceiie charilé apostolique par
la crainte des préfets de Pempire. Les èvé-
ques doivent ètre beuieux d'imiier les apö-
tres, sans prétendre jamais les surpasseren
prudence. Puissè-je done obtenir de mes
citers diocésatns qu'tls soient eompalissanls
[tour leurs fréres persècutés, et surtout pour
les plus pnvés de secuurs, c'esl-a-dire [tour
les cailtoliques du diocése de Bale et du
Jura! J'espere que les riches doniieronl ri-
chemenl, comme Dieu latletid d'eux; je
compté que le clergé donne a le peu dout il
pourra disposer, 'afin de servir d'exemple
aux fidele» qui peüvent donner plus que lui;
j'ai la contiance, enfin, que l'obole des pau-
vres, un e a la priére, sera surtout puissanie
pour altirer d'abondantes consolations aux
eglises atlligees de la Suisse, jusqu'a ce que
luise [tour cl les le jour de la justice et de la
liberie.
t VICTOR-AUGUSTE,
Malines, le 21 Janvier 1874.
S. G. Mgr l'évèque de Liége vienl d'adres-
ser au clergé et aux fidéles du diocése un
mandement spécial pour leur commumquer
la derniére Eneyeliqoe du Sairtl-Pére sur les
persecutions dont souffre l'Eglise. Nous avons
reproduit le texle de l'Eiicycbque; voici
celui du mandement:
Nos Tiés-Chers Fréres,
Dejiuis plusieurs années nous vousentrc-
lenons fréqueinment des douleurs de la sainte
Eglise, nolre mère commune, et voussigna-
lons les attaques auxquelles elle est en butte
dans ses institutions, dans ses bictis, dans
ses droits, dans ses mmtslres, dans son
chef visible, le Vicaire de Jésus-Chrisl.
Ctiat|ue lois t[ue nous parions de ces
attentats, nous tie nous bornons pas a les
déplorer et a les flélrir, nous vous exhortoi s
a recöurir a la priére et aux ceuvres de péni-
lence, en alteiidaul que vieune l'heure leute
mais certainede la réparation et de la paix.
Nous vous engageons a prier, afin que
vous puisiez dans la priére un atlachement
inébranlable a voire foi, une ferme confiauce
en la Providence divine, une union toujours
plus étroile avec vos fréres du monde catho-
iique, avec les pasteurs de vos tunes, avec
Dieu; afin aussi d'obtenir du Ciel, en faveur
des Potilifes, des prèlres, des religieux, des
religieuses et des fidéles qui endurent persé
eution pour la justice, pour la cause de Jésus-
Christ, le courage, la patience, la constance
dans la lutle jusqu'a sou couronuement [iar
la paix ou par le marlyre.
Vous avez recu nos exhortations avecdo-
cilné, vous avez inis avec empresseuient nos
conscils en pratique; vous avez prié, vous
avez beaucoup prié en votre particulier;
vous avez inontré voire foi el professé voire
atlacliement a l'Eglise par des manifestations
publii|ues sojennelies, en prenanl part avec
tin elan admirable aux péierinages;diocésains,
en vous reunissanl en foule, en grande foule,
dans les sanctuaires les pius vénérès du dio
cese et du pays, et en prianl avec une ferveur
soutenue.
Les épreuves de l'Eglise, néarimoins, n'ont
pas cessé: la g'uerre qui lui est fane, loin de
se ralemir, devient plus acharnée, s'étend
et prend dan.-, divers pays le caraclére d'une
veritable el trés-dangereuse persecution.
Nos [iriéres on t-el les done élé inuüles?
Gardez vous de le eroire, N. T. C. F.
Elles n'oni point été inutiles pour vous-
inémes, puisque vous en avez recueilli de
précieux merites et d'exellents fruits, entre
autres une sainte el virile fermelé dans la
profession de voire foi; elles n'ont point été
inutiles pour les Eglises opprimées, puisque
les Ponufes el les. prètres qui les dirigent et
les fidéles qui les com posen t monlrenl jus
qu'a ce jour un courage, une fermelé dtgne
de l'admiralion du monde catholique. Plus
est rude l'épreuve qui pèse sur ces peuples,
nos fréres, plus vivement aussi doit s'émou-
voir nolre charilé, plus largement tlevons-
nous les aider de nos prières, les soutenir de
nosaumönes, les encourager de notre ap
probation.
Profondément afiligé des attentats dont
l'Eglise souffre en sa personne, dans les or-
dres religieux, dans tons les rangs du clergé,
de la part de la puissance civile, en Italië,
en Suisse, en Allemagne, et dans divers
autres pays hors d'Europe, le Sainl-Pére
vienl d'élever la voix, et s'adresse au monde
catholique pour lui faire connaitre le carac
lére et l'énormité de ces attentats, pour en
démóntrer l'injustice, pour réfulerles raisons
fausses et injurieuses donl on les colore, et
aussi pour décertier de justes louanges et
faire parvenir des pa roles de consolation et
d'encouragemenl aux victimesde la perséeu
tion
Nous nous faisons tin devoir de vous com
mumquer ce grave document, ces pages
pleines non-seulement d'une éloquente dou-
leur, mais encore d'énergiques revendieations
des droitsdel'Eglise, de sages averlissernerits
aux chefs des peu pies, de solennelles con-
damnalions conlre les auteurs et les fauleurs
des attentats signalés, et d'analhèmes réilé-
rés contre la franc-maconnerie dont faction
dans ces attentats est partoul manifeste.
Nous n'entreprendrons pas d'expliquer les
paroles du Samt-Père: tont ccqnenousy
ajouterions n'en augmenterait point la clarié
et en affaiblirail l'énergie. Les fails dénoncés
dans l'Encycli-qne pontificale, envisages dans
leur principe et dans leur but, out une gra
vité except ionnel le et constituent un élal de
violente perséeution. Cetle situation de nos
fréres catholiques s'est encore aggravée
depuis 1'Encyclique et continue a s'aggraver,
surtout en Allemagne et en Suisse.
Nos fréres catholiques de ces pays et le
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Popëringhè- \pres, K-IS,7-25,0-30,10-88,2-18,8-00,9-20 Ypres-Popëringhè, 6-30,9-07,12-03,3-57,6 80,8-48,9-80. Po
peiuighe'-Ihzebrnuck, 13, 12-28, 4-17, 7-13. Huzebrouck PoperingheYpres, 8-35, 19-00, 4-10, 8-23.
Ypves-Houlers, 7-50, 12-23, 6-43. -Kouters- Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
<Uiexn ^'^?eS' ^f4"3'1 <L. 5 50), 7-30, (9-35. Lichierv.) Lichterv.-Tlinuroul, 4-23 m. Bruges-Kow/ers, 8-28,
12-80, 3-13, 0-42. Liehtervelde-Cpurtrai, 5-28 m. Zedelghein Thourout, 12-00.
A pres-Courlrai, 8-34,9-49,11-182-33,5-28. Courlrai-Ypres, 8-08,! 1-02.2-80,8-40,8-49.
Y pres-1 hourout, 7-13, 12 06,0 20, (le Samedi a 5-50 du matin jusqu'a Langhemarck). Thourout-Ypres, 900, 1 18, 7-48,
(Ie Sairiedi li-6-20 du matin de Langhetnarck a Ypres).
Comines-Warnètcm_Le Touquet-Houplines-AméftZieres, 0 00, 11-30, 3-33, (les Merer. 8-40 m. 6-30 s.) Armentières-lloupli-
nes Le louquei-Warneton-Commes 7-40, 2-00, 4-43. (le Merer. 10-38 m. 8-00 s.) Comines- Warnèton 8 40, m 9-30 s. (le
Lundi o 30 s.) arneion-Comines 3-30, 11 -10, (le Lundi 0-50 s.)
Courlrai Ilrages, 8-03, 11-00, 12-33, (L. 8-15), 0-53. (9-00 s. (Lichierv.)Bruses-Cowrtm», 8-23. 12-30, 5-13, 0-42.
Bruges, Blankenberg, Heyst, (station) 7-30, li 04, 2-50, 7-58. - Heyst, Blankenberghe, B.uges, 5-45, 8,30 11-30, 5-30, -
Blankenberjtlie, Bruges, 6-10 8-55. 12-06.
Ingehnunsier Deynze Gtmd 5-13, 9-41, 2-13. - Ingelmunsfer-Dcynze, 4 80 2" cl., 7-18. Gand-Deynze-Ingehnunsier6-58,
11-20, 4-39. Deynze Ingel'munster9-10 2ccl, 8-20 s.
Ingelmun.ster-Anseghem, 0-08, 12-10, 0-15. Anseghem-Ingelmunster7-42, 2-20, 7-45.
Lichierve.lde-Dixtr.jde-Fumes et Dunkerke, 6-30, 9-10, 1-35, 7-54. DttnAerAe-Furnes-Dixmude et Lichlervelde, 6-88, 1115,
o-4?), o-10.
'Dixmude-AYeuporZ, 9-35, 2-20, 8-40. Nieuport-Diirmwcfe, 7-40. 10-43, 12-00, 4-25.
1 uouroul-Ostende, 4-60. 9-13, 1-50, 8-05. Ostende-Thourout, 7-53, 10-10, 12 23, 6-18.
Selzuete Eecloo. 9 05, 1-28, 8-23. - Eecloo-SeZsrteZe, 5-38, 10 18,4-22.
(land Terncuzen, (station) 8-17, 12-15. 7,25. (porie d'At.vers) 8-30, 12-40. 7-43. Ternenzen-Gand, 0-00, 0-30, 4 40.
Se I zaete - Lokeren9 04, 1-30, 8 30. (le Merer. 3-10 in.) Lokcren-Se/sttele, 6 00,10-25, 4 43. (le Mardt, .),30.)
COR 11 E8POUDAHTCBS.
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrni dép.
Bruxelles arr.
6.40
9,20
10,33
1,35
12,33
2,23
Courtrnjj dop.
Tonrnai arr.
Lille
COUrtïRAtT0ÜRNA1LILLE.
7.00 10,86 2,54
7,31 11,47 3,48
8.33 11,55 4,00
COURTRAI, GAND.
Courtrai dop.
Gand arr.
6,42
8,01
12,31
1,32
3,48
6,00
8,34
6,29
0,32
3,47
5,03
0,38.
9,10.
8,47.
9,41.
9,53.
6,40.
7,30.
5,35 0,47.
7,83 8,44.
5,20.
5,39.
0,30.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Bruges dop. 0,49 exp. 12,39 3'34 exp. 6,43
Gand arr. 7,34 1,54 4,19 7,88
Bruxelles 8,50 4,03 5,26 9,31
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dép. 8,22 8,28 12,21
Courtrai arr. 8,00 10,43 2,41
LILLE, T0URNAI, COURTRAI.
Lille dep. 5,20 8,28 11,08 2,82
Tournai arr. 5,48 8,36 11,34 2,47
Courtrai 6,37 9.47 12,20 3,42
GAND, COURTRAI.
Gand dép. 5,38 9,39 1,28 4,24 7,21.
Courtrai arr. 6,57 10,82 2,49 5,81 8,i2.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruxelles dép. 8,14 11,53 3,12
Gand air. G,00 9,41 1 23 4,20 exp. 0.37.
Bruges 7,15 10,34 2,38 5,1 1 7,22.
I.A PERSECUTION EN SUISSE.
En 1834, nous disail un soir Gabriel G..., je
me trouvais a Montignv, petit village de Norman
die et l'un des plus jolis de cede toute verdoyan-
te contrée. J'arrivais d'tine course a travers
l'Espagne donl j'avais visité surtout la parlie épre
et montueuse, et mes yeux, faligués de sites sau-
vages, de sierras abruples, desables, de rochers,
de bruyères bnilées par le sulciIse reposaiént
avec bonlietir sur des prairies planttii euses oü de
belles vacltes grasses s'enfoucaieiit dans, l'herbe
jusqu'aux genoux. Je contnnplais avec un plaisir
non moms vif les haies louffues d'aubépines et tie
sureaux et les enclos de pommiers chargés de
fruits, darts lesquels s'ettcadre invariablement la
plus humble chaumière. Or, dans ines excursions
il rn'arrivait souvent de rencontrêr un autre pro-
meneur que je n'aurais pas remarqué peut-être
sans les témoignages d'estime, d'alfeclioti el pres-
que d'admiration donl il était partoul l'objel, bien
que vêtti plus que modestement d'tine vieille capo
te en gros drap du pays. II est vrai qtt'a sa bon-
tonnière brillait le ruban rouge, celui-la bien
certainement gagné ailleurs que dans les anti
chambres.
Mes hötes auxquels je parlai de ce vieillard me
dirent:
Eh! c'esl le père Germain Lami. un ancien et
brave matelot, un de nos amis. II est étonnant
qu'il ne soit pas venu ces jours-ci nous rendre visi
te; car rarenient il passé la huitième sans entrer
dire un bonjour. Vous anriez plaisir it l'enlendre
racontcr quelques-unes de ses aventures de mer,
lc combat de la Nércidc par excmple, drame inili-
taire dont il fut un des acletus héioïques. Nous
inviterons au premier jour a diner, et, au dessert,
il ne sera pas difficile de Pamener sur ce cliapitre.
Le sttrlendemain. en efliel, I'ex-matelot de la
Néréide s'asseyail a table en face de mui, et enlre le
fromage et la poire, ou. pour ètre plus exact,
quand tin gloria copieux cut achevé de lui délier
la langue. voiei ce qu'il nous raconta:
Aulant que ma tnemotre me le permettra, je
vous répèterai Ie récit du bonllomme dans sa sim-
plicité et sou énergie.
'I Vers Ie milieu de l'année 1,812. dil-il, la fré-
gale francaise la Néréide avec deux a litres se
trouvaient sur la cole de Madagascar, en face de
Tamatave, dans l'Océan indien. Tout a coup trois
frégales anglaises, en lète Ie Sirius, se présenlè-
rent. Les forces se balanqaient et Ion pouvait
hardiment engager la parlie. Notre capitaine com-
manda le branle-bas general el manoeuvra pour
attaquer I'anglais, tie doutant pas que la Néréide
ftit soutenue vigoureusenient par les deux autres
frégates. tMais celles-ci, par suite d'avaries soii'dai-
nes sans doute, aprés I échange de quelqties boti-
lels. se retirèrent, laissant la Néréide toute seule
en face de l'eiuwjmi. Le capitaine ponrtant ne per-
dit pas courage; amener son pavilion sans combat
lui semblait une lacheté, et il votilait tenter au
moins les chanres de la Intle, ne füt-ce que pour
mériter par une vigotireuse défense line capitula
tion honorable.
Qui sait tfailleurs. pensail-il, si je ne pour-
rais pas leur échapper par une de ces bonnes
fortunes qu'on rencontre parfois dans les hasards
du combat? Avec des matelots francais, les miens
surtout, ('impossible est Disable; en tout cas,
l'honneur sera sauf.
A II C II E V Q 0 E I) E M ALINES.
Par une manoeurre prompte et habile, le capi
taine qui se trouvait sous le vent gouverna de
facon a embosser la Néréide dans la rade de Ta
matave, aiin de n'êlre pas tourné, et attendit. Le
Sirius et les deux autres frégates vinrent s etablir
a uu quart de portee, et alors comment;.! la plus
épouvantable canotinade: sur le pont de ia Néré
ide, allez, il faisait chand. mais chaud; les'balles
sifllaient, les boniets grondaient en tombant drus
comme grêie et partont faisant éclater le plantdier,
trouant la coque du navire ou culbulant lts bas.
tingages. Je n'ai jamais ouï pareil vacarme. Nos
artilleurs pourlant ne s'endortnaient pas, et, cnra-
gés a leurs pieces, ils tachaient de suppléer au
nombre par la promptitude des manoeuvres et se
miillipliaicnt puur rendre a tous les trois a la fois
coup pour coup. Mais ils eu reu l beau faire, et
envoyer a I'anglais mitraille sur milraille, la partje
était vraiment trop inégale, et le courage seul avait
pu faire illusion a notre capitaine sur le résüllat.
Au bout d'une deini-heure de cetle infernale ea-
nonnade, la Néréide n'offrait plus que des troneons
de mats, rasée presque comme un ponton; tout
était criblé, coupé, haché. Le capitaine, néan-
moins, intrépide sur son banc de quart, l'oeil en-
flammé, la parole ribrante, continuait de comman
der le feu, lorsqu'il toinba mortellement frappé.
Le lieutenant, un brave anssi, accourut pour le
relever, el voyant la gravité de la blessure, il
ordonna de le transporter dans sa chambre.
Ce n est guère la peine, lieutenant, dit avec
un trisle sourire le capitaine, car je n'en ai pas
pour longtemps. Je compte sur vous pour me
remplacer, mais si vous voulez bien me faire un
dernier plaisir, donnez-moi voire parole de n'ame-
ner le pavilion qu'ades conditions honorables.
Pour forcer l'Angjais it IVstiine maintenons haut
l'orgueil du pavilion. Vous savez d'ailleiirs ce qui
nous attend sur les pontons.... pint ut la mort.
Proineltez-moi done de ne rendre la frégate qn'a
bon escieni.
Commandant, je vous le proinrts.
Merci, mainlenant jemonrraiplustranquille,
embrassez-moi.
I.e lieutenant tint parole. II fit pleuvoir snr les
Anglais un vérilable ouragan de fer et de foute, et
si dm el si a propos, qu'une des trois frégates,
désemparée, fut obijgée de battre en retraite pour
aller réparer ses avaries.
Et d une, dit le lieutenant; aux autres main
lenant! El avec l'acharnemeiit du désespoir, il
ordonnail de nouveau dé charger les pieces.
Mais le commandant du Siiius, dans I 'a cl mira
tion d'un tel héroïsme, et sur qu'avee deux ou
trois décbarges encore il coulerait la Néréide, ne
vouiut pas exposer lant de braves gens a périr
dans la catastrophe. li rommanda le premier de
cesser le feu, et hissant ie pavilion blanc, il rnvoya
un canot parlementaire vers la frégate francaise
pour inviter son capitaine, ii ne pa's prolonger inu-
tilement le combat, quand il ne pouvail douter du
lésiiltat: l'humanitéen faisait uu devoir.
J'ai ju ré a mon commandant, tué par vos
boulets, répondit le lieutenant, de n'am'ener le
pavilion qua des conditions^ honorables et ces
conditions les voici: L'équipage quittera la Néréide
avec les honneurs de la guerre, e'est a dire armes
el bagages. Nul de nous ne restera prisonnier, et
en attendant que l'Amiraulé puisse nous faire
transporter en France, elle se churgera de pour-
voir a la nourriture et a i'enlrelien de mes hom
ines, Je vous donne une demi-heurepour réfléchir,
et si l'on dit: lNoii! le combat recommence.
Le commandant anglais, par générosité, non
par erainte, car sa conduite l'a prouvé, accorda
tout; et quelques instants après, nous passions a
bord du Sirius dont les marins nous accueillirent
comme ils auraienl fait de fréres d'armes, avec
cordialité, avec enthousiasme. Notre défaile res-
semblait ii un trioinpbe. J'en ai toujours su gré
aux vainqueiirs. el de ce jour j'ai oublié la vieifie
haine que j'avais sucée avec le lalt. Les peuplcs
comme les hommes ne sont-ils pas fréres.
Quant ii la Néréide elle resta aux Anglais, mais
ils n'avaient pas trop lieu de se réjouir de la cap
ture payée si cher. Ce n'était plus qu'un débris,
une carcasse, un cadavre de vaisseau. Je doute
qu'on ait pu en tirer autre chose que du bois de
chauffage. Ouverte de tons les cötés; n'oflfrant a
l'oeil. poni' ainsi dire, de l'avant a l'arrière, qu'une
large et béante blessure, c'était merveille qu'elle
n'etit pas sombré, et ii fallut la faire remorquer
par les deux frégates viclorieuses.
Pendant que l'intrépide vieillard nous faisait ce
récit, dit Gabriel, sa figure s'était animée, et par
la vivacité de ses souvenirs il se retrouvait au mi
lieu de la terrible scène qu'il nous décrivait avec
une énergie incroyable. Son oeil lanqait des
éclairs, sa parole louiiait. son geste menacail; ce
matelot illettré, par la véhémence de ses senti
ments, devenait éloquent, sublime; mais ce que
j'admirai surtout, e'est que dans le cours de son
récit il ne songea pas line seule fois a se mettre en
scène, et s'oublia complétement lui-même. Bel
exeinpie de modestie!