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LE EO ESSE GRINGALET.
Mercrcdi 13 Mai 1874.
9me annee.
N° 873.
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Ec Journal parait le Mercredi et le Samedi. Les insertions content 15 centimes la ligne.Les réclames, dans le corps du journal, se paient 30 centimes la ligne.Un numéro du journal, pris au Bureau, 15 centimes.
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II JE M I A S Ï5 E V E IS.
LIBÉRAUX ET SOCIALISTES.
Derrière la question religieuse qui domi-
nera, comme toujours, les elections de 1874,
il y a la queslion sociale. Ces deux questions
sorit connexes et voila pourquoi, disons-le en
passant, le parti cat hoi ique est en Belgi-
que, comme parlont aillcurs le parti con-
servateur par excellence.
II est évident, en effet, que la société ne
peul s'appuyer ni longlemps, ni exclusivc-
meut sur la force matérielle. Pour lui don-
ner des assises solides, pour conquérir a la
liiérarcliie de ses divers pouvoirs le presti
ge, le respect el l'obéissance, il faut qu'elle
ait en elle-méme tine force morale que la
raison reconnaisse et devant laquelle la vo
lonté libre s'incline sponlanément. Or, cette
force morale, nous défions bien qu'on la
trouve en dehors des motifs religieux qui,
d'une part, rehaussent Ie caraclére du pou-
voir et, de l'aulre, élévent la soumission a
l'aulorilé legitime a la hauteur d'un devoir
de conscience.
En dehors de ces conditions, se léve na-
turellemenl rindcstruclible ferment d'insou-
mission et de révolte qui constilue le fond
de la nature humaine, et son action est préci-
pitée par la presse et par les mille moyens
de propagande et de publicité qui fonelion-
nent sans relache dans nos sociétés modcr-
nes.
Atissi cst-il évident, pour tons les hommes
qui savent réfléchir el prévoir que loutes
les rnesures de secularisation qui lendent d
exlirper le fond de chrislianisme sur lequel
nous vivons encorenous rapproclwnt d'u
ne révolulion sociale el d'une catastrophe
universelle. Le jou roti ce vieux fond cliré-
tien sera épuisé, la société contemporaine
sera bien prés de la banqueroute générale et
de la suprème liquidation entrevues par
l'roudhon.
Le libéralisme a pour but d'exclure lc
calholicisme de la vie publique et de la vie
privée; il a pour principe que les sociétés
les moins religieuses sont les plus prospères
et il considére la sécularisation compléte, la
déchristianisalion absolue, comme le lerme
méme du progrès.
N'esl-ce pas dire, du méme coup que le
libéralisme est le précurseur et le pionnier
du socialisme, et qu'il travaille avec une
rage persévérante a otivrir la brèche par
laquelle celui-ci se Halte d'entrer dans l'édi-
fice de la vieille société pour l'ébranler et la
réduire en ruines?
On a souvent remarqué la parfaile idenlilé
de vues des socialisles et des libéraux sur le
terrain moral el religieux. L'impiélé libérale
se moutte méme assez souvent plus cynique,
plus corrompue et, tranchons le mot, plus
canaille que le radicalisme alhée des
socialistes. En Belgique, par exemple, M.
Agalhon De Potter, le publiciste le plus dis
tingue de l'école socialiste, est beaucoup
plus convenable darts la controverse reli
gieuse que M. Bara, par exemple. ou que la
plupart des organos du libéralisme doctri
naire.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs de ces nuan
ces de forme, la conformilé des doctrines ou
plulót des negations est incontestable. De
part et d'autre, c'est la méme aversion pour
Jésus-Christ et pour son Egise; c'est le méme
désir de faire disparaitre les derniers vesti
ges de la civilisation chrétienne et deruiner
complélement i'influence du calholicisme.
Aussi, sur une foule de questions de politi
que pratique, le doclrinarisme le plus bour
geois peut tendre la main au socialisme cou
leur de sang. En matière de culte, par exem
ple, dissociations religieuses, d'éducalion
publique, le programme de nos doctrinaires
beiges est absolnment celui des chefs de la
Commune de 1871.
Le prèlre hors l'école! cette devise a
laquelle viennenl de se rallier officiellemcnt
MM. Frère et Bara, est bien, en effet une de
vise doctrinaire, avant d'èlre le mot d'ordre
du parti radical et socialiste.
II n'y a de divergences que sur les conse
quences évenluelles de cette réfornte.
Les doctrinaires se persuadenl que la reli
gion ne contribue absolument en rien au
maintien de la paix sociale, et ils se flattent
que les populations éclairées par leflambeau
de l'instruction laïque, gratuite et obligatoi
re, neseront ni moins laboriettseis, ni moins
tranquilles, ni moins souinises que celles
qui apprennent dans le caléchisme a crain-
dre Dieu, a aimer leur prochain, a obéira
l'aulorilé, a respecter le bien d'autrui.
Les socialisles, eux, sont plus perspicaces:
ils croient a l'incomprcssibilité de l'exa-
men, el ils concluent qu'un peuplequi a
fail justice des prêlres fera aussi justice des
bourgeois; ils prévoient que des prolétaires
a qui Ton aura appris a mépriser les biensde
la vie future, réclameronl leur part des biens
de la vie présente.
Et tout homme sense doit reconnailre que
les prévisions des socialisles soul fondées,
qu'elles dérivenl de la nature méme des Glio
ses, qu'elles sortenl des prémisses, posées
ensemble par les deux partis, en verlu d'une
nécessité aussi ineluctable que cello qui pre
side aux lois de la generation physique.
Chateaubriand l'a dit, il y a déja bien des
années: A mesure que l'instruction deseend
dans les classes inféricures, celles-ci decou-
vrent la plate secrete qui ronge l'ordre so-
cial irréligieux. Et le célébre publiciste
ajoule: E^sayez de persuader au pauvre,
lorsqu il suura bien lire et ne cruira pL,s
lorsqu'il possèdera la méme instruction
que vous, essayez de lui persuader qu'il
o doit se soumeltre a tonics les privations,
landis que son voisin posséde mille fois le
supertlu: pour dernière ressource il vous
fuudra le luer.
Cette funèbre prédietion s'esl, hélas! trop
bien accomplie dans des pays voisinsdu nö-
tre. Nuus le disons avec consternation, muis
avec la certitude de ne pas nous tromper,
cette prediction s'accotnplira égalemenl en
Belgique, si, pour le malheur de nos popu
lations, nous devons voir réaliser le pro-
gramme du libéralisme et prévaloir eet Le
funeste réforine de 1'enseigemenl laïque,
et obligatoire.
Nous ne saurions assez le répéter: si l'en-
seigneinent saturé de religion est un bienfail
social, reuseignenicnt san. religion est un
peril social, une mme de poudre placée sous
les bases de la société. El les mains qui lien-
nent la mèche incendiaire, imbibéedc pélro-
le, ne sont pas loin!
Nous signalens ces vérités a tous ceux qui
veulenl, le 'J Juin, exercer en conscience
leui'S droits de ciloyens et, quoi qu'il arrive,
dégager leur responsabililé.
lis savcnl mainlenanl que voter pour les
candidals bbétaux, c'est voter aussi pour la
réforine dont nous venons, au point de vue
social, de faire rossorlir la portée. A eet
égard, il n'y a pas d illusion a se faire: la
secularisation de l'enseignement populaire
fait pari ie iniégrante du programme libéral,
el les radicaux mellent méme comme condi
tion de leur alliance et de leur concours,
que les candidals s'engageront expressément
a voier contrc lont ministre de l'intérieur
qui ajournerait ou qui répudierait cette
mesure.
N'est-ce pas la une de ces questions fonda-
menlales qui dominenl noire situation poli
tique et éleclorale?... (Bien public.)
LA DYNASTIE FRÊBE ORBAN.
Au moment ou MM. Frére-Orban et Bara
s'unissenl pour jeter des injures a la face de
l'honorable M. Malou et eherchent a le mettre
en suspicion vis-a vis du pays, il nesera
pas inutile de faire conttailre la tendre solli-
citude du premier de ces hommes d'Etat
pour sa familie el de faire voir dans quel
sens il entend le désintéressement. Nous ne
saehions pas tjue les parents et alliés de M.
Malou soient irailés comme le sont ceux de
M. Fiére.
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Poperinghe-Ypm, 3-19,7-25,9-30,10-88,2-lS,5-CjS,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-80,9-07,12-08,3-87,6-30,8-45.9-30. Po-
peringhe-Ilazcbrouck, 7 13, 12-25, 4-17^ 7 13. Hazebrouck Poperinghe-Ypres, 8-33, 10 00, 4 10, 8-28.
Ypres - Roulers, 7-50, 12-28, 6-48. Itoulers- Ypres, 9-28, 1-80, 7-80.
Koulers-ZJnzt/es, 8-48,1 1-34,1-13, (L. 9 86), 7-3G, (9-8,8. Lichteiv.) Lichterv.- Thourout, 4-28 in. B r tl ge s - It outers8-28,
12-80, 8-13, 0-42. Lichtorvcldc-Cóurlrai, 8-23 m. Zedelghem Thourout12-00.
Ypres-CVwrtrai, 8-34,9-49,11-18,2-33,8-29. - Courlrai-Ypres, 8-08,11-02,2-30,8-40,8-49.
Ypres-I hourout, 7-13, 12 00, 0 20, (le Samedi a 9-80 du malin jusqu'a Lapgbemarck). Thourout-Ypres, 9-00, 1-18, 7 48,
(le Samedi a 6-20 du matin de Langhemarek a Ypres).
Comities-Warnêtou - Le Touquet-Ilouplines-^rmewlieres, 0 00, 11-80, 3-39, (les Merer. 8-40 m. 6-30 s.) Armeniières-lloupli-
nes-Le Touquet-Warnêloii-Comiwes 7-40, 2-00, 4-43. (le Merer. 10-33 m. 8 00 s.) Comiues- War net on 8-40, m 9-30 s. (le
Lundi 6 30 s.) Wa ruèton - Comines 8-30, 11-10, (le Lundi ti-SO s.)
CourlraiBruges, 8-08, 11-00, 12-39, (L. 8-18), 6-83. (9-00 s. (Lichterv.)—Bruges-Courlrat, 8-28, 12-30, 8-13, 6-42.
Bruges, Blankenberghe, Ileyst, (station) 7-30, 11 04, 2-90, 7-33. lleyst, Blankenberghe, Biuges, 8-43, 8,30 11-23, 8-30,
Blankenberghe, Bruges, 6-10 8 88, 12-06.
Ingelmunsier Deynze Gand9-18, 9-412-18. -- lngelmunsler-Dey?ize, 4 30 2" el., 7-19. Gand-Deynze-/?i^e//«M«s<er, 6-98,
11-20, 4-39. Deynze Ingelmunsier, 9-10 2C cl, 8-20 s.
Ingelmunsier-^nsegliem, 6-08, 12-10, 6-18. Anseghem-Ingelmunsier, 7-42, 2-20, 7-43.
Lictilervelde-Dixmade Furnes et Dunkerke, 6-30, 9-10,1-33,7-84. Diz/z/terfc-Furnes-Dixmude et Lichter velde, 6-33, 11-18,
3-48, 8-10.
Uwmude-Niewpoit, 9-93, 2-20, 8-40. Nieuport-Dmrnzde, 7-40. 10-49, 12-00, 4-23.
Thourout-Oitewde, 4-80, 9-13, 1-80, 8-08. Ostende-77to?zmz<, 7-38, 10-10, 12 29, 6-18.
Selzaete-Ztee/oo, 9-08, 1-29, 8-23. Eecloo-Se/zaiele, 8-39, 10-19,4-22.
Gand Terneuzen, (station) 8-17, 12-13. 7,23 (porle tl'Anvers) 8-30, 12-40. 7-43. Terneuzen Gand6 00, 10-30, 4 40.
Selzaeie-Lu/tere/t, 9 04, 1-30, 8 30. (le Merer. 3-10 m.) Lokeren-SeZsaete, 6 00, 10-23, 4 49. (le Mardi, 0,30.)
CORBBSrOMTIJAWCES.
COURTRAIBRUXELLES.
Courlrai dép. 6,40 10,38 12,33
Bruxellesurr. 9,20 1,38 2,28
COURTRAI, T0URNA1, LILLE.
Courlrai dép. 7,00 10,36 2,94
Tournui urr. 7,81 11,47 3,48
Lille 8.33 11,53 4,00
COURTI! vt, GARD.
Courtrai dép.
Gaud urr.
6,42
8,01
12,31
1,32
3,43
6,06
3,34
6,29
0,32
3,47
5,03
0,38.
9,10.
8,47.
9,41.
9,33.
6,40.
7,30.
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dép. 9,22 8,28 12,21 9,39 6,47.
Courtrai urr. 8,00 10,43 2,41 7,33 8,44.
LILLE, T0URNAI, COURTRAI.
Lille dép.
Tournai urr.
Courlrai
Cand dép.
Courtrai urr.
5,20
3,48
6,37
8,23
8,96
9.47
I 1,03
11,34
12,26
2,82 3,20.
GARD, COURTRAI.
3,38
6,37
9,39
10,82
1,28
2,49
2.47
3.42
4,24
8,31
8,39.
0,36.
7,21.
8,42.
BRUGES, GARD, BRUXELLES.
BRUXELLES, GARD, BRUGES.
Biuges dép. 6,49 exp. 12,39 3'34 exp. 0,43
Gand urr. 7,34 1,84 4,19 7,38
Bruxelles 8,80 4,03 8,26 9,31
Bruxelles dép.
Cand
Bruges
8.14
urr. 6,00 9,41
7,13 10,34
11,33 3,12
I 23 4,26 exp. 6,37.
2,38 3,11 7,22.
Dans les premiers jours du mois d'Octobre de
lannée 1842. plusienrs matelots de la frégate la
Curieuse. en armement a Lorient, descendus la
veille a lerre, regagnaienl leur navire quelques-
uns d tin pas (rainant et avec des zigzags qui
accusaient une station un peu trop prolongée au
cabaret. Par bonheur, deux ou trois d'enlre eux,
moins oublieux des régies de la temperance,
ayant conserve leur aplomb, pilolairnt lesautres,
el au besoin les aidaient a retrouver leur centre
de gravilé. II était jour a peine, aussi les marins
(ctux bum entendu qui avaient encore dos yeux
pom voir), ne furent pas médiocrement surpris de
rencontrer, au pied d tin arbre, un enfant d'une
douzaine d'années, vètu d un costume qui ressem-
blait fort a celui du paillasse de la foire, et dor
mant d'un paisible sonimeil.
Voila ijui est dröle, dit un matelot, eet en
fant tout seul dans la plaine, habilié comme un
masque. F.t il dort la mieux que sur la plume.
Pourlant, il ne fait guère chaud dans l'herbe
humide, avec cette brise qui souffle du large.
Hé! marmot, dit un autre, dont un galon de
laine sur la manche annoncait le grade, marmot!
Et il secouait vigoureusement le dorraeur, qui
ouvrit les yeux et leva la tête. C'était un petit
blondin a la mine espiègle. aux traits expressifs,
au'regarda la fois vif el fier, et dont la limidité,
malgré son age, ne paraissait point du tout le
défaut. Fixant sur Ie quartier-maitre ses yeux
noirs et intelligents, il lui dit:
Tiens, pourquoi me réveillez-vous?
Pour savoir cc que lu faii la?
Ce qui me plait.
Comme tu réponds, mon gaillard. Un peu
de polilesseou sinon gare ii tes oi'cilles.
Osez! dit l'enfant se dressanl d'un bond sur
ses pieds etcroisant les bras d'un air résolu qui fit
rire les matelots.
Allons! alions! ne nous fachons point. Tu
roules des yeux et tu moties les dents comme un
jaguar effarouché. Petit diable, nous tie tevoulons
pas de mal et au contraire. Mais le voyant ainsi
couché a la belle étoile et avec cette défroque de
carnaval, nous ne savions que penset', Pent êlre
eest quelqtie lour decoder et pour faire nielle a
tes parents. Seulement, on ne s'expliqne pas le
costume qui n'csl gnère de saison. D olt viens-tti?
De partout
Une dróle de réponse encore.
Oil demcure ton père?
Je n'ai point de père.
Ta mère alors?
Je n'ai pas de mère, dit l'enfant avec un
soupir.
Tu es orphelin?
Oui.
Mais chez qui restes-tu maintenaot?
Chez personne.
Comment chez personne. Enfin, quelqu'un
t a élevé, et tu n'as pas poussé la comme ce cham
pignon.
C'est mon histoire que vous voulez; elle n'est
pas longue. II parait que mon père et ma mère,
pauvres gens, sont moi ls en voyageant loin, bien
loin d'ici. Je me suis trouvé seul sur la grand'rou-
te oil le Beau-Solcil m'a ramassé.
Qu'esl-ee que monsieur Beau-Soleil?
Le patron de la boutique ou je travaillais.
De quel état
Pas d'un bel état, le pire de tonsau con
traire, a se tordre le cou et se rotnpre les os vingt
fois par jour, sans compter les grimaces a faire.
Je comprends, 41. Beau-Soleil est saltimban-
que, et il te deslinait a la méme profession.
Juste, et pas moven de l'en faire détnordre.
Moi, tout petit, c'était pas mon idée. Je pleurals
et je disais: Non. Mais Ie père Beau-Soleil prenait
sa cravache, oil bien II disait«Tu ne veux pas
travailler, gamin, eh bien! tu ne mangeras pas.
El il lenait parole, tl fallait bien reprendre le
collier de misère, c'est-a-dire danser sur la corde,
habilié en singe ou en pierrot, grimper au mat,
marcher sur la tête, faire des culbtiles, cabrioles
et autressemblables niaiseries. Moi, ca me déplai-
sait, et m'huvniliait, et je trouvais meilleur d'ap-
prendre un état a travailler de vrai, macon, for-
geron, serrurier...
Tu n'avais pas lort.
Oui, mais le patron n'entendait pas de cette
oreille. Je mangeais son pain, il fallait le gagner.
J'y tèchais de mon mieux quoiqu'a contre-cceur.
Mais tout de méme il continuait de me rotter de
coups sous prétexte qa rend les os plus souples,
et tous les jours, malgré que je grandissais, il ro-
gnait sur ma portion. A la fin c'était trop de mi
sère; cette nuit, pendant que la voiture quitlait la
ville, je me suis laissé gtisser a terre et... me
voilct.
Bien! dit le matelot qui riait. Beau-Soleil en
s'éveillant aura, comme on dit, un fameux pied de
nez. Mais toi, mon petit, lu pourrais tc trouver
aussi dans la uasse. Mainleiiant qui le donnera du
pain?
Dame! dit l'enfant, en se gratlant l'oreille,
c'est it qtioi je n'avais pas pensé.
Voyons, si je te propusais nn bon métier?
Leqnel?
Le nötre. On a besoin d'un mousse a bord,
til parats leste et probableinent tu grimpes comme
un écurenil.
Assez, dit l'enfant. Tenez, seulement pour
vous donnet- nn échantillon
Et le batnbin se tournant vers l'arhre ati pied
duquel on se trouvait, un magnifique peiiplttr
dont a peine on apercevait ie faite, s'éianca d'un
bond jnsqu'aux premières branches, et en un
clin d'ouil il fut au sommet, puis redescendit la
tête en bas a la manière d'un ouistili et avec la
méme agilité.
Oh! mais, exclama le quartier-maitre ravi,
pareil mousse serait une perle, et le capitaine
nous saurait gré de la trouvaille. Eh Dienmon
petit, si cela te conyient, je l'emmène avec nous,
et tu n'en auras pas regret, je l'en réponds. Plus
de tours de force. Tu travailleras, mais tu mange
ras a ton appétit.
Et pas de coups?
Ca va sans dire.
Alors je vous suis, s'écria l'enfant joyeux.
Les matelots se remirent en marche et gagnèrent
leur canot. Bientöt après, ils abordaient la frégate.
Le quartier-maitre présenta sa recrue au capi
taine qui l'agréa volontiers, et l'enfant fut inscrit
au riMe de l'équipage sous le nom de Louis, Louis
tout court, ainsi qu'on l'avait toujours appeié,
disait-il, quaad on lui parluit sérieusement.
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Les premiers jours, il u'eftt qu'a se féliciter du
changement de position. Sa vie nouvelle, en com
parison de l'autre, était un paradis. L'apprenlis-
sage dn métier lui semhlait un jeu, et il y meltait
d'aiitaut plus de zèle et de bonne volonté que les
marins, mailres et matelots, le trailaient plus
amiealement d'abord. Cet enfant, élevé par des
Bohémiens et dont la vie jusqu'alors n'avait été
qu'un long vagabondage dans l'exereice d'un igno
ble métier, eet enfant, livré si jeune a tons les ha-
sards de l'existence, avail une noblesse de senti
ments peu commune, une généreuse fierté en
mêtne temps qti'une sensibilité vraiment élrange.
Le moindre bon procédé le touchait, habitué
qu'il était it tie con t i il nel les duretés, et il en létnoi-
gnail s;i reconnaissance avec l'énergie d'une natu
re primitive. Mais aussi, plus que jamais, il devait
étre prompt a s'irriter d'une violence. Et par mal
heur les matelots qui, les premiers jours, s'amti-
saient de sa genlillesse et des exercices acrobatitpies
dont il leur donnait gratis le divertissement, se
blasèrent sur le spectacle, et alors le mousse per-
dit tous ses priviléges, c'est-a-dire que, comme
les autres, il se vit exposé aux rebuffades; les
marins. enclins par les habitudes de leur vie it la
brusquerie, trouvent plus court d'allonger la main
ou le pied que de perdre le temps en explications.
II en est du mousse sur le vaisseau comme de l'ap-
prenli daus l'atelier; certains matelots, de même
que certains ouvriers, braves gens au fond, mais,
se laissant emporler a loutes les bourrasques du
caractère, semblent trop prendre a la leltre le
proverbe: Qui aitne bien chatie bien!
A CO-RTINUER.