EN CRINIEE.
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9me annee. Nos 911.
Mercredi 23 Septemb. 1874.
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Le Journal parait le Mercuedi et le Samedi.
Les insertions coiitent 15 centimes la ligne.Les réclames, dans le corps du journal, se paient 30 centimes la ligne. Un numéio du journal, pris au Bureau, 13 centimes.
Les numéros supplémentaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, coiitent 20 fr. les 100 exemplaires.
C II K U I S It K FE K.
LIBÉRAUX, PARTISANS DE L'ORDRE,
ENNEMIS DE TOUTES LES VIOLENCES!
Nos libéraux reconnus coupables d'applau-
dir dans lenrs pamphlets a loules les atroci-
lés que la révolution commel partout en
Europe, de semer dans les jeunes coeurs
cette corruption et celte impiété dont on
récolte dans quelques villes des fruits si la-
rnentables, se plaignenl de ce que nous
osions signaler leurs exploits, el répondent:
«Nous sommes tout élonnés de nous voir
transformés en hommes de sang, en démo-
lisseurs sociaux incorrigibles!! Et pour
donner a leur étonnement qoelque base, ils
affirment qu'ils sont eux libéraux, partisans
de Cordre el de la iéyalilé, ennemis de loules
les violencesadoersaires de la peine de
mort!...
Libérauxpartisans de Cordre et de la
Iéyalité!! Et c'est comme tels qu'ils provo-
quent des émeutes loutes les fois que le corps
élecloral les condamne légalement, qu'ils
troublent l'ordre public quand les catholi-
quesosent, en resiant complètement dans la
légalilé, faire profession de leur culle par
des processions ou des pélerinages comme
celui de Verviers et autres.
Libérauxennemis de toutes les violen-
ces'.... Témoins les pavés de 1857, et ceux
que les libéraux lancent aux journalistes ca-
tholiques, aux jésuites et aux prètres a cha-
que élection! Témoins les profanations de
nos cimeliéres, les insolenles provocations
faites aux curés jnsque dans leurs églises!
Témoins encore les exploits d'un David et
autres frappeurs du mème acabil!
Libérauxadversaires de la peine de
mort!! Oui, quand la mort devrait atleindre
leurs scélérats; mais quand il s'agit de pré
tres, de religieux, de callioliques, les exécu-
Anecdotes et épisodes.
lions, lelies mème que celles de la commu
ne de Paris, ne leur déplaisent pas: nous
l'avons prouvé plus d'unc fois par des cita
tions tirées de leurs écrils. Anjourd'hui ils
se lamenlenl sur les prétendues alrocilés des
carlisles, tandis qu'ils n'ont pas tin mot de
blatne pour les abominations et les cruautés
de leurs coreligionnaires d'Espagne. Aux
yeux de nos verlueux adversaires de la
peine de mort, dés qti'on n'est pas libéral
comme eux, on n'a d'aulre droit dans la
guerre que celui de se laisser tuer!
Disons-le une fois de plus:
Les pasquinades ïmpies des éludiants de
Liége et d'ailleurs, les menées socialistes de
Suisse, d'ltalie, d'Allemagne, les incessanles
révoltes et les infamies du militarisme libé
ral d'Espagne, les vengeances mèmes et le
régicide des Juarisles au Mexique, les trou
bles sanglants de France, les émeutes et les
insulles a la royaulé en Belgique, l'horrible
vandalisme des garibaldiens autour de Ho
me, ces affreux attentats, ces bombes, ces
mines qui ont fait craindre le sac et la ruine
de la Ville-Sainle, toutcela nous fait connai-
tre comment nos libéraux qui en sont les par
tisans et les approbateurs, entendenl l'ordre,
la légalilé et la violence.
Hypocrites partisans de l'ordre. en voyant
les fruits que porie l'arbrede la révolution,
vous risquez parfois quelques timides protes
tations, mais tout aussitót, comme pour vous
faire pardonner le bon sentiment qui passa
peut-èlre par vos coeurs, vous iiisullez les
ctéricaux, c'cst-a dire, ceux qui ne veulent
pas le renversement des trönes, des autels,
des idéés éternelles el du sens commtin; tous
ceux qui règlent la liberlé, arrètenl les peu-
pies sur le penchant rapide de l'anarchie que
vous rèvez et du despoiisme qu'elle enfante;
car la démocratie que vous prönez, la démo-
cralie païenne, est une courtisane qui porie
toujours dans ses flancs un César.... D'ail-
leurs ces prolestations n'ont guére d'effet, et
vos disaccords ne du rent pas longtemps;
bienlöl les troncons de l'hydre se remuent
et cherchent a se rejoindre. Toujours vos
journaux, vos romans, vos drames, vossys-
lémes pullulent, et le désordre, l'indifférence,
l'impiété, la corruption, l'infamie, naissent
partout sur leur passage. Le passé et le pré
sent ra con tent l'avenir. Le libéralisme du
XVIIIe siècle a été le Père de la Terreur el de
l'échafaud. Quels crimes enfantera le libéra
lisme des singes de Voltaire? On ne saurait
le dire au juste, mais cel te qualité de sinyes
de Voltaire, que nos libéraux méritent si
bien, ne doit pas nous laisser sans crainte,
car généralement les singes sont dégoutants
et quelques espéces d'une férocité épouvan-
table.
Eh bien, libéraux, pudibonds amis de l'or
dre, nous osons vous le dire, continuez ain-
si a vous montrer les ennemis de toutes les
violenceset le temps ne tardera pas de
venir, oü le libéralisme, passant au crible
révolulionnaire le grain qu'il veut semer
dans ses sillons, meitra au rebut tous ceux
qui aiment l'ordre, la morale, le travail, les
verlus domestiques. Alors il ne restera, el
nous ne sommes pas bien loin de la, il ne
restera portanl le litre de libéral que les dé-
magogues, les terroristes ou communards,
les prostituéeset le bourreau....: le pani du
crime!... Tout le reste sera quelque peu
clérical. Slais le crime élant Ia plus antisocia
le des choses de ce monde, ce parti encore
fera, el définitivement, les affaires des cléri-
caux.
LES CYNIQUES ET LES CAFARDES.
Sous ce litre: les feuilles cyniques et les
feuilles cafardes, la Cloche tie Diinanche
dernier trace un portrait fort rétissi des or-
ganes de l'abètissement public a Bruxelles.
Nous en délachons quelques passages qui
inléresseronl nos lecteurs. Voici d'abord
pour les feuilles cyniques (genre Chronique,
Gazetteelc.
II est désormais acquis qu'il existe a
Bruxelles une corporation d'hoinmes qui se
fonl de la prostitution de leur plume un mé
tier lucralif, et qui potisseni Ie cynisme jus-
qn'a se glorifier de la misérable besogne
qu'ils lont, jusqu'a se faire un piëdestal de la
boue dans laquelle ils se vautrent.
Cette presse de bas étage se fait done un
litre de son cynisme mème; elle en est venue
a faire ostentation de sa lubricité, de son dé-
vergondage intellectuel et moral.
Elle ne s'en cache plus; le temps des hypo
crisies de la plume est passé pour elle; elle
se sent et elle se déclare franchement canail
le. Elle a crié: Qui m'aimeme suit! Et elle
est suivie par une armée de lecteurs assidus
imbus des mèmes principes el pour lesquels
l'ordtire et l'irréligion sont devenues une
sorte de nécessité, une espèce de pain quoti-
dien dont ils ne veulent plus se passer.
Les honnètes gens sonl done prévenns; ils
savent a quoi ils s'exposent en s'approchant
trop prés du cloaque; les matières sont assez
fétides el assez dégoütanies d'aspeel pour
que la tenlation ne leur vienne seulement
pas d'y mettre les doigts.
II y a dans nos grandes villes certaines
maisons et certaines rues que l'opinion pu-
blique a marquées d'infamie. On ne passé
par la.
II en est de mème pour la presse de trot
toir; les honnètes gens, les esprits et les
cmurs qui se respectent sont prévenns,
on ne passe par la.
La seconde partie de l'étude de notre con-
i> Adrien P. de la Boissiere.
ii P. S. Je relis ces pages, n'ayant pas votiln
caeheter cetle leltre sans la rrlirc. Files sont la
traduction exacte de ma pensée. Adieu, mes pa
rents, ou pluiöt, au revoir! Adieu, mon père et
ma mère, et tons ceux qui m'aiment! Je ne les
cile pas nominativement; j'aurais peur, si j'ou-
bliais quelqu'un, de faire croire 'a de l'ingratitude.
frére a pour principal objectif le journal ca-
fard el malfaisanl par excellence, CEtoilr.
Nous continuous a citer M. Lebrocquy. On
verra que son scalpel sait atleindre Ie mal
jusque dans les derniers replis ou il se ca
che:
Mais a cöté de cette presse de bas étage,
éhonlée et franchement cynique, il existe
une autre presse, peut ètre encore bien plus
daugereusecelle-la, pour le motif qu'elle s'af-
fuble humblement d'un masque d'hypocri-
sie, et que, sauvant mieux les apparences,
elle éveille dans le public moins de défian-
ces.
Dans celte catégorie, il faut ranger la
plupart des journaux libéraux quolidiens de
la province: Journal de LiégeMeuse. Opi
nion d'AnversJournal de Gand, Echo du
Luxembourg, Oryune de Namuretc., etc.
A Bruxelles, en lète de la presse cafarde,
figuren! inconteslablement I'Echo du Parle
ment el I'Eloite bclye.
Des deux, la plus dangereuse, la plus in-
sidieuse a tous les égards, c'est \'Eloile.
L'Echo du Parlement a, dans ses allures
de polémique, quelque chose de brutalement
libre-penseur, denaivemenl prèlrophobique,
qui pourrait presque passer pour de la
franchise.
L'Etoile est cauteleuse, rnsée, insinuante
avec plusieurs nuances modératrices a la
clef.
L'Etoile dissimule habilement le poison
dans les Ileurs.
L'Etoile, aussi sceptique, aussi haineusea
l'endroit de l'Eglise que I 'Echo ou que 1 'In-
dépendance, se donne volonliers des airs de
moderation et d'imparlialilé; chez elle il y a,
sous un grand fond d'impiété, des formes
trés étudiées d'hypocrisie.
L'Etoile est. pour le vulgaire, plus dange
reuse que les feuilles de trottoir, paree qu'elle
parait moins ce qu'elle est en réalilé.
Elle s'est procuré un énorme débit, grace
a l'intérèt et au cadre qu'elle a donnés a ses
nouvelles; elle a visé a se faire une forte
Poperinghe- Ypres, 5-18,7-25,9-30,10-58,2-15,5-05,9-20 Ypres-Poperinghe, 6-50,9-07,12-05,3-57,6 50,8-45,9-50. Po-
peringhe-llazebrouck, 7 13, 12-25, 4-17, 7 13. tiazebrouck Poperinghe-Ypres, 8-35, 10 00, 4 10, 8-25.
Ypres-Haulers, 7-80, 12-25, 6-45. Koulers- Ypres, 9-25, 1-50. 7-80.
Roulers-tfntjes, 8-45,11-34,1-13, (L. 5 56), 7-36, (9-55. Lichlerv.) Lichterv.-Ttowout, 4-28 m. Bruges-Routers, 8-25,
12-50, 5-13, 6-42. -- Liéhtérvelde-Courtrai, 5-25 m. 9 01, 1,30, 5,48 7,21 Zedelglism-'/Viowmtt, 8-40. 1,05, 8,26, 6,88.
Ypres-rWrtrai, 5-34,9-49,11-18,2-35,5-25. Courirai- Ypres, 8-08,11-02,2-56,5-40,8-49.
Ypres-Tliourout, 7-13, 12 00, 6 20, (le Samedi a 5-50 du malin jusqu'a Langhemarck). Tliourout-Ypres, 9-00, 1-18, 7-48
(le Samedi a 6 20 du matin de Langhennrck a Ypres).
Comineg-Wnrnêion Le Touquei-Houplines-Amewtóères, 6 00, 10,15, 12-00, 6-40,— Armentières-Houplines Le Touquet-War-
nêlow-Comines 7-25, 10,80, 4-10, 8 -40. Comities- Warnèton 8 40, m. 9-30 s. W a r né to n -Comines 5-30, 9-50,
Courtrailinages, 8-08, 11-00, 12-35, (L. 8-15), 6-55. (9-00 s. (Lichlerv.)Bruges-CWrlnti, 8-25, 12-80, 8-13, 6-42.
Bruges Blankenberghe, Heyst, (Flat) 7-30,9 45,11 04,1,20,2-25,2-50,8 20(exp.) (S 5-50)7-38 (exp.)8-4S. (bassin)7-00,7-36,
9-5111 -10,2-31,2-50,8-26(exp.)(S.5-56)7-4l (exp.)8 51.Heyst, Blankenberghe, Bt uges, 5-45,(L. 7-20) 8,30,11-25,1 25,2-45,
(exp.)4-10.5-30,(D. 6 15)7-28. Blankenberg, Bruges, 6-10,(L 7-42)8-85,11 -55,1-45,3 05(exp.)4-30,6 00(1). 6 35) 7,007 48.
lqgelmunster-Deynze-Gawrf, 5-15,9-41, 2-15. lngelmunsier-ZJeynse, 4-50 2" cl7-15. Ganti-Ueyuie-Ingelmunsler, 6-58,
11-20, 4-46. Duvnze-Ingelmunster7,31 9-10 2ccl, 11,54 5,19, 8-20 s.
Ingelmunsi e iwtnseghem, 6-08, 12-10, 6-18. Anseglietn-Inyelmuniter, 7-42, 2-20, 7-48.
Lichtervelde-Dixmade Furnes el Dunkerke, 6-30, 9:08, l-3:i, 7-55. öowAerAe-Furnes-Dixmude et Lichtervelde6-48, 11 15,
3-45, 5-05.
Dixmude-jVi'ewpo? 1,9-5.3,10,35,2-20,8,10 8-40. Nieup-/)».rw,(ville)7-40.12-00,4-24,5,80,9,30,(bains)7,30,l 1,50,4,15,5,50.
Ihourout-Oslewc/tf, 4-50, 9-15, 12,05, 1-50, 8-08. 10,15- Oslende-Tliouroul, 7-55, 10-10, 12 25, 4,45. 6-15. 9,18.
Selzaete-7iec(oo, 9-05, 1-28, 8-25. Eecloo-SWsnele, 5-38, 10 18, 4-22.
GmiX-Terneuzen, (station) 8-17, 12-15, 7,25 (porte d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-43. - Terneuzen-Gaud, 6-00, 10-30, 4 40.
Selzaete-Lokeren, 9 04, 1-30, 8-30. (le Merer. 5-10 m.) Lokeren-Setóoelé, 6 00, 10-25, 4 45. (le Mardi, 9,30.)
C O B. IX B8I"OWI>ANCB8
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dép. 0,37 10,83 12,33 3,47 6,35.
Bruxelles arr. 9,20 1,35 2,28 6,14 8,58.
COURTRAI, TOURNAlLILLE.
Courtrai dep. 6,37 10,86 2,84 5,34 8,47.
Tournai art". 7,28 11,47 3,48 6,29 9,41.
Lille 7,37 12,08 4,00 6,32 9,55.
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dep.
Courtrai arr.
5,22
8,00
8,28
10,46
12,21
2,44
5,35
7,56
6,47.
8,44.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
COURTRXIGAND.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,42
8,01
12,31 3,44
1,51 5,04
6,40.
7,56.
Lille dép.
Tournai arr.
Courtrai
Gand dép.
Courtrai arr.
5,20
5,42
6,34
8,23
8,80
0.47
11,05 2,18
11,34 2,40
12,20 3,38
GAND, COURTRAI.
5,15
6,34
9,38
10,51
1,28
2,49
4,24
5,31
5.20.
5,39.
0,33.
7,21.
8,42.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Rruges dép. 6,49 exp. 12,34 3,52 exp. 6.43 8,19 exp.
Gand arr. 7,34 1,49 4,42 7,58
Bruxelles 8,50 4,00 5,50 9,31 10,26.
Bruxelles dép. 8,14
Gand arr. 6,00 9,41
Bruges 7,20 10,34
11,83 3,12 5,55.
1.23 4,26 exp. 6,37 7,22.
2,38 5,11 7,22 8,38.
oaeeo—
En 1736, dans le porl de Trotiville, tin pécheur
du nom dc Prime, ent le bonheur de sauver les
huit hommes d'équipnge d'un baliment russejeté
a la cöte par une tempête. Le pelil-fils du pêcheiir,
soldat de Crimée, fait prisonnier par les Russes,
raconte par hasard oil a dessein eet épisode de la
vie de son grand-père. Ce fait vim aux oreilles du
général lolleben, devant leq.tiel le prisonnier fut
appelé. Le général, qui se distingue par la noblesse
de son caractère autanl que par son rare mérite
comme ingénieur, interrogea le soldat. et, satisfait
de scs réponscs, il donna l'ordre de le meitre
inimédiatcment en liberlé.
F.ntre les nombreuses et touchantes lettres ve
nues de Crimée, voici l'une des plus admirables
assurément. C'est la settle que nous cilerons,
paree qu'elle résumé en quelques lignes, avee
une éloquence a la fois simple ct sublime, des
volumes de méditations. M. de Boissière, capi-
taine du génie, cité au rapport du général Pélis-
sier, lors de la prise du Mamelon-Vert, fut blessé
mortellement en sauvant unsous-officier.
1 Mai 1835.
i) J ecris ces quelques lignes pour vous, mes
bons parents, afin quVlles vous soicni envovées
dans le cas oil la gtierre viendrait a in'eiilever a
voire affection.
ii Je vous les adresse a tous les deux, a toi, ma
pauvre mere, it loi, inon père bien-aimé, Mon
cccur saigne pour vous en songeani qu'un jour
peut-èlre vous lirez ces lignes.
«t Tous les souvenirs de mon enfance, de mes
parents, de nion pays, s'offient a ma mémoire et
je verse des larmes... sur voire douleur.
ii Mais pourquoi lant s'altrisler? N'y a-t-i! pas
pour (ons les hommes line consolation contre tou
tes les dotileurs? Cetle consolation, graces vous en
soienl rendues, mes bons parents, je la possède.
permettez-moi de vous le rappeler. Je n'ai pas
oublié les préceples divins de la religion chrétien-
ne, et si je meurs, je mourrai en remerciant Dieu
et la France d'élre né clirélien et Francais.
n I'renez. done les olioses d'un point de vue un
peu élevé. Le corps de votre hls qui restera en
Crimée avec tant d'autres victimes de la guerre,
ce corps n'est qu'une bien petite partie de son
ètre. II est aussi bien dans cette terre de Crimée
que dans le cimetière de B... Mon Jme vivra, el
un jour, dans un temps qui u'est pas éloigné, elle
relrouvera les vótres dans Ie séjour des Bienheu-
reux. Ce que je dis la est vrai... est certain... j'en
ai la conviction la plus absolue.
ii Négligeotis done celte déponille mortelle, qui
n'est qu'un point dans l'immensité, qui n'est rien.
Ne pleurons pas trop... quelques jours de plus ou
de moins dans la vie, que sont-ils dans l'élernité?
Moins qu'une gotille d'eau dans l'Océan.
Cetle vie, je la sacrifie volonliers a mon pavs.
a la cause de l'hunianité et de la civilisation. J'aj
vingl-cinq ans. J'ai véeti plus de la moilié de ee
que vivent la plu part de ceux qui fournissent une
carrière compléte. Faut-il done se désoler pour
vingl-cinq ans d'unc existence dans laquelle j'ail-
rais cu cerlaiiicmciit... plus de chagrins que de
plaisirs? Faut-il regrelter vingt-einq ans de misè
res, quand la mort me donne une élemité hcureti-
se, j'ose l'espérer, car j'ai toujours élé hoiiuêle
homtne et chrétien? Ah! qu'elle est belle cetle
philosophic chrétienne qui nous donne de si
hauls enseigneinents! Qu'elle est helle celte reli
gion qui nous donne laiil de force poor suivre la
ligne immuable du devoir!
J'ose done espérer que vous trouverez dans
ces lignes tin puissant moyen de consolation el
que vous direz avec une conviction profonde:
Nous avons perdu noire fils!... que la volonté de
Dien soit faite!... mais il est morl pour son pays;
it est mort cn faisant son devoir, mort en chré
tien..., e'est-'a-dire son corps seul a péri, et nous
le reverrons avant peu dans Ie séjour des bienheu-
reux.
La matière périt tót ou tard! La fortune, les
positions brillanles, la gloire, les succes, tout cela
disparait en bien peu de jours. L'ème seule sub-
siste... et l'ame de I'homme de bien subsiste
heureHse.
it Vous n'avez pas besoin de souvenirs de moi,
ear je serai toujours présent a votre esprit. Je
vous en enverrai très-pcu; vous recevrez mes
épuuleltes et mes armes; le reste sera vendu et le
montant vous en sera envoyé.
Si je regrette la vie, e'est pour vous, mes bons
parents, pour ceux qui ni'oiit élevé et qui m'ai-
meut; mais tons sont a mème de comprendre cette
leltre postbutne et les consolations que je leur
donne.
a Au revoir done, 6 mon père vétiéré! toi qui
es devetm le modèle des vertos civiles, après avoir
été le modèle des vertos militaires!
Au revoir done, ma mère chérie! Puissent
ces quelques mots consoler un peu ton coeur de
mère et de chrétienne!
ii J'ai toujours regretlé pour vous detre fils
unique.
Emprunlons quelques anecdotes aux si intéres-
santes lettres du père de Damas, ce bon aumónier
qui n'a pas moins d'esprit que de coeur. Comme
l'intrépide père Parnhère, comme rbéroïque abbé
Gloriot, mort martyr de sa charité, celui-la aussi
est un jésuite,
e Voici deux braves troupiers malades assis
derrière ma lente uit ils essayent de se ranimcr au
soleil. Ils causent el ne se doulent pas que je les
eniends.
Cela ne va pas, caniaradc, dit l'un deux.
C'est vrai, répond l'autre écloppé. Tout de
mème si le général Canrobert nous disait: «Mes
enfauts, nous aurons demain un coup de chien; il
faut monter a l'assaut! eh bien! nous trouverions
moyen de le suivre pour montrer aux Busses ce
que savent faire mème les malades francais.
Tu as raison, camarade. répliqua vivement
Ie premier interlocuteur. Quand on aura donné le
signal de l'assaut. les popes russes ne diront plus
a leurs soldats que les Francais ont les mains
gelées. Nous jouerons a la main ehaude ce jonr-lh;
et chaque empreinte de nos doigts sera la preuve
que nous avons le sang bouillant, malgré le froid
de cette diable de Bussie.
On signale l'arrivée d'un convoi de blessés.
J'entre dans la salie ott l'on vient de déposer ces
malheureux. Le premier de la triste caravane est
un zouave horriblement mutilé.
Eh bien! mon pauvre ami, vous avez été bien
malheureux dans cette dernière affaire?
Malheureux, monsieur l'aumónier, mais
non, au contraire, j'ai cu une chance élonnante.
J'étais dans la tranebée; une bombe arrive qui me
brise la jambe; je tombe par terre; la bombe éclate
et me fracasse l'épaule. J'en suis quitte pour une
jambe et un bras quand j'aurais dü mourir sur le
coup. Quelle chance!