LA CROIX D OR.
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9me annee.
N03 922
Samedi 31 Octob. 1874.
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Le Journal parail le Mercredi el le Samedi. Les insertions coutent 15 centimes la ligne.Les réclames, dans le corps du journal, se paient 30 centimes la ligne.— Un numéro du journal, pris an Bureau, lo centimes.
Les numéros supplémentaires com mandés pour articles, Réclames ou Annonces, content 20 fr. les 100 exemplaires.
CHE ill 11\ DE F E
LETTRE DE MGR L'ÉVÈQUE D'ORLÉANS
stir la spoliation da I'Eglise a Home et en
I talie.
(Suite. Voir le l\° précédent.)
L'évèque d'Orléans dit ensujle quelques
mots de ia guerre déclarée aux institutions
scienlifiques laïques. Puis, après avoir prou-
vé que le dépouillemenl de I'Eglise n'a pas
enriciii l'Italie et avoir rappelé la légitimilé
de la propriété ecciésiaslique, il conclut en
ces termes:
Je m'arrèle el je conclus.
Combien étaient fondées ces plaintes que
le Saint Pére éievait dans sa dernière Ency-
clique:
Avec une criminelle habileté, on nous
retire peu a peu tous les moyens et secours
qui nous rendenl possible le gouverne-
ment de I'Eglise universelle. Quinevoit
clairement aujourd'hui combien est fausse
cel te affirmation que, par l'usurpation de
nolre capitale, la liberlé du Pontife romain
dans l'exercice de son devoir spirituel et
dans ses rapporls avec l'univcrs calholiqua
n'a pas été amoindrie?
Ce qui se dégage invinciblcment de ce
trisle élat des cboses, le voici: c'est que la
question romaine n'esl pas résolue; el c'est
surquoi il importe que ui l'Italie, ni l'Euro
pe, pas plus que les caiholiques, ne se fas-
sent illusion.
Les suites de celte si I nation anormalede
la Pupauté ne se sont pus encore dévelop-
pées; ma is faut-il altendre qu'elles éclatent
loules? El quel esprit lanl soit peu clair
voyant ne peut dés mainienant les prévoir?
Voila ce que je conjure, je ne dis pas seu-
lement les caiholiques siucéres, mais tous les
hommes d'Eiat sérieux, tons les vrais amis
de l'Italie, de médiler.
Oui, il y a, dans un lel élal de cboses, une
cause de perturbation morale immense et
permanente pour le monde. Ceux qui ne
I croient qu'au droit de la force, et qui s'ima-
I gment pouvoir venir sans peine a boutdu
Calholicisme, peuvent affecter ici Tinsou-
ciance et Ie dédain; mais ceux qui savent
quelle place tiennent encore dans l'humanilé
les deslinées de cette grande Eglise catholi-
que, et le Papequi en est le chef suprème,
el ce que peuvent ètre a un moment donné
les resistancessacrées, la réclamalion invin
cible des ames, ccux-la n'ont aueun doute
sur los périls inevitables au-devanl desquels
on court, en laissant la Papaulé dans une
dépendance inlolérable, et en souffrance les
intérêls les plus hauls des peuples chrétiens.
La rupture acluelle est une deplorable
aberration, qui deviendrait plus falae encore
a l'Italie qu'a I'Eglise.
C'est ce que la voix de ses sages lui crie,
c'est ce que les siècles altesient, c'est ce que
Tissue deiinilive de toutes les luttes conlre
la Papauté prophétise.
Le jour ou les consequences extremes de
l'étal od se trouve la Papaulé viendraienl a
se produire, alors, bon gré mal gré, il fau-
drait aviser a la sécurite des consiences, au
trouble des ames, a la pacification religieuse.
Quoi qu'il en soit, nous avons foi en l'a-
venir. Le triomphe pacifique de I'Eglise
viendra; c'est nolre ferme espérance. Mais
quund"? Comment? Après quels malheurs?
C'est le secret de Dieu.
Nous demandons cependant a la bonne
volonie des hommes d'aider ici la Providen
ce. S'ils refusent, la Providence (ara da se.
A elle apparlienl le dernier mol.
Un depute italien invoquait naguére a la
tribune ['éternelle Justice-, il fut mal accueil-
li. Nais n'imporle, (éternelle Justice exisle,
el lót ou tard elle a son jour.
C'est ce qui fait que j'espérc, et veux espé-
rer conlre loute espérance.
Telles sont, monsieur, les reflexions que
j'ai cru devoir mellre sous vos yeux. Vous
le voyez, commeje I'ai dit en coiiimencani,
ce n est pas a la guerre que je fais appel.
Non; je ne m'adresse qu'a la sagesse politi
que, au patriotisme, el enfin a la cousoience
des honnèles geus.
f Féi.ix, vêque d'Orléans.
Menlhon Saint Bernard (llaute-Savoie),
-25 Aoitl 187-4.
RÉFLEXIONS.
II y a, dit le Bien publicdans la brochu
re de Mgr Dupanloup, quelque chose qui
dépasse l'éloquenle vivacilé du style; c'est
Téloquence des citations et des fails, c'est
Taccumulation des promesses violécs, des
iDiquités commises, des ruines amoncelées
au moment mème oü 1'on annoncail a I'Egli
se une liberlé qu'elle n'avait pas encore con-
nue et a Tlialie régénérée l'épanouissemcnt
d'une civilisation nouvelle.
II est malhématiquernent démontré main-
tenant que l'unité italienne est faile de par-
jures sciemment commis, de traités cyni-
quement déchirés, de spoliations perpétrées
avec la circonstance aggravanle de la prérné-
ditation et de ('hypocrisie.
Voici comment M. Lanrenie apprécié,
dans I'Union de Paris, ces pages éloquenles:
Mgr Dupanloup a dressé Ie bilan des de
predations dc la Revolution d'Italië. C'est un
tableau aelievè, c'est l'histoire condensée de
vingt ans de mensonge et de brigandage.
Nous devons loner cel acle d'accusaiion ca-
tholique el politique a la fois. II glissera,
nous en avons peur, sur Topmion de l'Euro-
pe ollicielle, mais il laissera une sombre
impression dans ('esprit des populations qui
n'ont pas perdu lout sentiment de droilure,
tout rayon de foi.
Rien ne manque a ce résumé vivant des
attentats de la politique athée, rien, si ce
n'est un retour de logique vers la cause
généralrice des crimes publics.
Cetle cause est toujours, selon nous, la
Revolution.
Ce n'esl pas le lieu dc reprendre nolre
thèse conlre la petile éeole pour qui la Revo
lution n'est rien de plus qu'une forme d'au-
torilé, et qui peuse que, pour mnitriser la
Révolution, tout consisle a la saisir, a la
régler, finalemeni a la conserve)-.
Celte école, éco'le des Cavour et des Min-
ghetti en Italië, école d'esprils de mème
trempe en France, a le pouvoir parlonl en
Europe; et la Révolution sous sa conduite
fait son muvre de ravage el de néanl.
Proudhon leur a dit a tous ce que celte
logique a d'irrésistible el dc fatal; parlout ils
seront vaincus par elle.
Cc qui manque a l'ceuvre éloquente de
Mgr Dupanloup, c'esl de ne pas montrer
l'enchainemcnl des crimes qu'il accuse et du
principe qui les produit.
Si la Revolution sceplique et dévaslatrice
n'éiail pas mailresse en Europe, l'Italie ne
serail pasen proie aux politiques malfaileurs
qui la désolenl.
Tant que la politique resle ce qu'elle est
en France et en Europe, Ia plain le la plus
éclatante est inutile. L'esprit de justice a dis-
paru des Etals, l'esprit de subversion sévita
Taise. Quels soul les échos qui vont redire
les griefs de l'évèque catholique? Le Pape
avail tout dit, qui csl-ce qui Ta entendu?
Tout semble mort dans les ames. El s'il
arrive que dans TAssemblée nationale de
France quelques voix indépendanles essaient
de dénoncer ces mèmes violations de la jus
tice, paroles d'intransigeants! s'écrie la co-
hue de satisfaits. L'art nouveau de la politi
que est de laisser aller le monde. II va aux
destructions et aux sacrileges; il se faul ac-
commoder! Le secret est de ne pas arrèter le
courant du monde; la sagesse est de plierel
de lout subir.
Aussi, disons-nous, la lettre trés-éloquente
de Mgr Dupanloup sera un vain bruit.
Et s'il arrivail que quelque Eiat d'Europo
on it celte pilainte d'évèque, que s'eiisuivrail-
il? L Europe est pleine d'cnlreprises qui vont
droit a Timitation des violences ét des sacrt-
léges de M. Minghetti! Non-seulemenl les
scandales sont absous, ils sont glorifies.
C'est done qu'il faul monter au principe
qui fait les scandales.
En un mol, la Révolution est mailresse dc
la politique; elle est en particulier mailresse
dc la politique en France; voila toulc la rai
son des désordres. II est beau de les déplo-
rer; il serait plus beau d'arraebcr la cause
qui les engendre.
UN PARALLELS SIGNIFICATIF POUR
LA FRANCE.
Le nom de la France commenca de se
répandre dans le monde, ses peuples épars
et divisés se rassemblérent en une nalion
puissanle et elle acquit son influence domi
nante sur les autres Elals, quand... Clovis
faisait des dons et rendait hommage aux
ponlifes de Rome. Mais Ia France baissait el
la dynastie des Mérovingiens disparaissait
après trois siécles, peu après que Clolaire,
reniant les antecedents de sa familie, se fiit
fait l'ennemi et le perséctiletir de I'Eglise.
La nation francaise se releva ct de nouveau
elle souleva l'admiralion du monde, lorsque
Pepin, aprés avoir défait Astolphe, roi des
Lombards el ennerni acharné du Saint Siége,
ramena dans Rome le pontife exilé Elienne
III, en lui donnant Tcxarchat el lui remet-
tant les clefs de vingt deux villes. Grande et
honorée fut encore la France, alors que
Charlemagne dispersait les inconoclastes,
ajoutail de nouveaux domaines a ceux que
I'Eglise possédail déja et, dans Rome, se
mettail a genoux devant Léon III. Mais les
fils de Charlemagne ne voulurent passuivre
les errements paternels, leur respect pour
I'Eglise s'amoindrit, et on a vu s'amoindrir
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Poperinghe-Ypres, 5-13,7-25,9-30,10-38,2-15,5-05,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-80,9-07,12-03,3-87,6 80,8-43,9-30. Po-
peringhe-Ilazebrouck, 7 13, 12-23, 4-17, 7-13. Hazcbrouck-Poperinghe-Ypres, 8-33, 10 00, 4-10, 8-23.
Ypres-lioulers, 7-30, 12-26, 6-43. Roulers- Ypres, 9-23, 1-30, 7-80.
HouIers-Bruges8-48,11-34,1-13, (L. 8 80), 7-36, (9-83. Licliterv.) Licliterv.-Tliourout, 4-28 m. Bruges-Bowler^, 8-23,
12-80, 8-13, 6-42. Lichtervelde-Courtrai, 8-28 m. 9 01, 1,30, 8,48 7,21 Zedelghem-Tliourout, 8-40. 1,08, 8,26, 6,38.
Ypres-Courtrai, 3-34,9-49,11-18,2-33,5-23. Courtrai- Ypres, 8-08,11-02,2-86,3-40,8-49.
Ypres-Tliourout, 7-13, 12 06, 6 20, (le Samedi a 8-80 du malin jusqu'a Langhemarck). Thourout-Ypres, 9-00, 1-18, 7-48,
(le Samedi a 6-20 du malin de Langhemarck a Ypres).
Comines-Warnèton Le Touquet-IIouplines-Ar-rwewhie/'es, 6 00, 10,18,12-00, 6-40,Armentières-IIouplines Le Touquet-War
nèton -Comines 7-23, 10,80, 4-10, 8 -40. Comines- Warnèton 8 40, m 9-30 s. Warnèton-Comines 8-30, 9-80,
Courtrai Bruges, 8-06, 1 1-00, 12-36, (L. 5-16), 6-83. (9-00 s. (Licliterv.)Bruges-Cowrtr-ai, 8-28, 12-80, 5-13, 6-42.
Bruges, Blankenberghe, Heysi, Eiat) 7-30,9 43,11 04,1.20,2 26,2-80,8 20(exp.) (S.5-80)7-38 (exp.)8-48. (bassin)7-00,7-36,
9-81,11-10.2-31,2 86,8 26(exp.)(S.8 86)7-41(ex[i.)8 51.— Heysl, Blankenberghe, Biuges, 8-45,(1,. 7-20) 8,30,11-23,1 -23,2-48,
(exp.)4-10,3 30,(D. 0 13)7-28. Blankenberg, Bruges, 6-10,(L. 7-42)8-88,11 85,1-45,3 0b(exp.)4-30,6 00(D. 6 38) 7,007 48.
Ingelmunster Deynze Garni, 5-15, 9-41, 2-13. Ingelmunster-Deywzre, 4-50 2* cl., 7-13. Gand-Day me-Ingeimunster, 6-58,
11-20, 4-40. DeynzeIngelmunster, 7,31 9-10 2C cl, 11,54 8,19, 8-20 s.
[nga\munstar-Anseghem, 6-03, 12-10, 6-15. \nsag\uim-Ingelmunster, 7-42, 2-20, 7-45.
Lichtervelde-Dixmade-Furnes et Dunkerke, 6-30, 9-08, 1-36, 7-53. DwwA'erA'e-Furnes-Dixmude et Lichtervelde0-45, 11-13,
3 45, 3-05.
Dixmude-Mewjoor<,9-55,10,35,2-20,5,10 8-40.—Nieup-Dtem,(vil!e)7-40,12-00,4-24,5,86,9,30,(bains)7,30,11,50,4,18,5,50.
Thou rout-Oste/idc, 4-50, 9-15, 12,05, 1-50, 8-03. 10,15 Oslend e-Thouroul, 7-55, 10-10, 12 28, 4,45. 6-15. 9,13.
Selzaeteü'ec'foo, 9-05, 1-23, 8-23. Eocloo-SeLjnete, 8-38, 10-13, 4-22.
Gand-Terneuzen, (station) 8-17, 12-15, 7,23. (porie d'An vers) 8-30, 12-40. 7-43. - Terneuzon-0-00, 10-30, 4 40.
Seizaets-Lokeren, 9 04, 1-30, 8 30. (le Merer. 3-10 m.) Lokeren-Selzaete, 0 00, 10-25, 4 4b. (le Marcli, J,3U.)
COB.R.E I
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dép. 6,37 10,03 12,33
Bruxelles arr. 9J2G 1,33 2,25
COURTRAI, TOURNAlLILLE.
I IP o 3ST 33 j£\~ NCKS.
BRUXELLES, COURTRAI.
3,47
0,14
0,33.
8,58.
Bruxelles dep. 8,22 8,28 12,21 5,35 0,47.
Courtrai arr. 8,00 10,46 2,44 7,50 8,44.
LtLLIi, TOURNAl. COURTRAI.
Courtrai dép. 6,37 10,36 2,84 5,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,29 9,41.
Lille 7,37 12,05 4,00 0,32 9,53.
Courtrai dep. 6,42
Gand arr. 8,01
COURTRAI, GAND.
12,31
1,81
3,44 6,40.
5,04 7,56.
Lille dép.
Tournai arr.
Courtrai
Gand dép.
Courtrai arr.
5,20
5,42
6,34
8,25
886
9.47
11,08
11,34
12,26
2,18 8,20.
2,40 8,39.
3,38 6,33.
GAN», COURTRAI.
5,15
6,34
9,38
10,51
1,28
2,49
4,24
8,31
7,21
8,42.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruges
Gand
Bruxelles
dép. 6,49 exp. 12,34 3,52 exp. 6,43 8,19 expi
arr. 7,34 1,49 4,42 «7,88
8,50 4,00 5,30 9,31 10,26.
Bruxelles dep. 8,14
Gand arr. 6,00 9,41
Bruges 7,20 10,34
11,33 3,12
I 23 4,26 exp.
2,38 3,11
0,37
7,22
3.55.
7,22.
8,38.
A M. MINGIIETTI,
Suite. Voir le N° précédent.
Huil heures du soir.
Le peuple s'assemble sur le rivage pour nous
voir partir. Je me figure que parmi la foule des
lazzaroni qui encombrent les quais, il doit y en
avoir un certain nombre qni ne seraient pas pi-é-
cisément très-fachés de nous voir chavirer, afin de
savoir comment fail un navire qui se noie.
Après tout, c'est un spectacle toutcommeun
au 1 re, et il faul birn pardonner un peu dc curio-
silé au pauvre monde. A Paris on a les animaux
de Van Amburgh, ici on n'a que nous.
Ceci me rappelle l'exclatnalion suivantc a l'u-
sage du gamin de Paris:
Dieu de Dien! ai-je-t'y du malheur! je n'ai
jamais pu voir un homme tomber d un ciulième!
Malgré lont ce que je puis me dire pour expli-
quer eetle curiosité, je dois avouer qu'elle me
trouble un pen; il me semble que l'on ne nous
regarderait pas ainsi, s'il ne devail rien nous
arriver d'extraordinaire. Je commence a croirc
que nous ferons un peu naufrage.
J'ai a vous prévenir d'tine chose assez impor-
tante. Moil ignorance absolue de la langue riau-
tique ne me permcttra pas, dans les premières
pages de ce journal, d'employer autant de tenues
tflatiiimcs que ma prepre dignilé et la couleur
locale sembleraient Texiger; j'espère cependant
me raltraper dans la suite el erilrelarder plus tai d
ma narration de plusieurs mots que vous ne puur-
rez pas compreudre.
Dieu que je me considère comine parti, le capi-
laiue élant d'un avis contraire, je suppose qu'il a
raison, et j'emploie ces derniers moments, qu'il
préterid préeéder notre depart, a vous dire ceci en
maniêredesiipplémenta mon premier paragraph»:
L'ami le plus agiéable c'est celui ipie l'on ne
voit jamais, et qni vous écrit de temps en temps,
Quand on a besoin de s'entretenir avec lui, on a sa
lettre sous la main, et Ton peut rompre l'entretien
a volonté; il n'est pas nécessaire de se gêner avec
sa lettre, tandis que, s'il était lui-même présent,
on se verrail dans I alternative ou de se laisser en-
nuyer patiemmenl ou dele lui dire.
Un ami de ce genre nest jamais li charge, et
Ton ne court que très-peu le risque de se broniI-
ler avec lui. Cet avantage sera apprécié par
tons ceux qui sentenl le désagréinent de changer
d'ami comme d'habit.
Encore ma comparaison n'est-elle pas très-
juste, attendu que Ton ne peut pas loujours
changer d'habit aussi souvent qu'ou aurait lieu de
le désirer.
Dix heures du soir.
Nous conlinnons dene pas partir, ce qui me
donne le temps dc me rappeler les raisons pour
lesquellesje vais en Amérique. Les voici
Ces raisons me paraissent sufiisantes et peuvent
se réduire a ceci
II est rare que les hommes soient dirigés dans
leurs actions par des motifs plus raisonnables.
Ajoiilons que jamais le moment n'a été mieux
choisi ponr s'éloigner quelque temps de TEurope.
Une comédie assez trisle se joue mainienant en
t rance; la cour des Paris est en train de jager les
accuses du Douze mai.
L accusateiir public ne négligera pas, sans dou
te, celte occasion d'accuser la presse d'exciler a bi
haine et au mépris du gouvernement. I'onr le mo
ment, je me (latte de n'exciter personae. D'ailleurs,
je ne suis ni républicain, ni liberal, la revolution
ine fait horreur; je suis chrélieti.
Minuit.
On fait une visite sur le navire pour voir si per-
sonne ne se tient frauduleusemenl caché a bord.
On ne trouve rien. Lorsque quelqu'un s'uitro-
duit en contrebande sur un navire en parlance, il
arrive ordinairement que, malgré la visite, ee
quelqu'un n'est découverl que le lendemain du
départ.
Deux heures du matin.
On léve Tan ere, La nuit est liède el sereine:
les étoiles se mirent dans la iner, la brise vient de
terre et nous apporte le parfum des ajoncs de la
cóte. Le navire entr'oiivre les vaguesavec un frois-
sement monotone el mélancolique. Aulour de
ses flancs et dans son sillage, la nier se couvre
d unt- éeiime seinée d'étoiles d'or.
Notre navire se nomine la Maria, beau nom
comme tout ce qui rappelle la Vierge llaiie-des-
Sepl-Donleurs, patronne des matelots.
II est ficheux (pie la tournure de la Maria ne
I éponde pas li la beauté de son nom. Notre pauvre
trois-mJts est vieux, usé, cicatrisé et badigeonné
de vei l et de jatine.
II n'est pas non plus très-ingambe et ne file
guère que qualrea cinq noeuds a Theure, an lieu
de hu it ou dix que nous atirions le droit d'exiger.
Rendons-lui, de plus, cede justice que, mème
dans sa jeunesse. il a loujours été mal gréé, iourd,
contrefait el même un peu bossu.
Cetle circonstance est d'autant plus aflligeante
que j'avais Tintention de faire un channanl portrait
de la Maria et de la comparer a un oisean de nier.
II en est de notre navire comme de beaucoup de
gens, qui ne gagnent pas a ètre connus.
On trouve dans certains ports, dt-s armateurs
qui se livrent a la spéculatiou suivante:
Ils achèteut a bas prix un baliment a pen prés
hors de service, et le font assurer pour une soinme
considerable; après quoi, ils engagent un capi-
taine ct un équipage, et les envoient se bnser
ensemble conlre le premier rocher venu. Si Ton
ne rencontre pas de rochers, le moindre gros
temps fait Taffaire.
Nota. On ailinet aussi des passagers.
II y a an Havre un monsieur qui s'aniuse ii dres
ser, d'après ce principe, la statistiqtie des navircs
destinés ii revenu- ou a périr en mei- parini tous
ceux qui partent chaque annee. On ni'assm-e que
la Maria figure sur la statislique en question,
comme devant colder bas li-ès-prochaineinent avec
tout Ie charme et Timprévu de la chose.
Cette dccouverte, jointe au mal de mer qui
commence de toiu-mcnter qiielqnes-uns de mes
compagnons, me fail Iroiiver assez mauvaisesTcs
raisons qui out motive moil emhai-qiicuienl.
Cinq lii-iiies (In matin.
Nous apercevons ii une distance de quelques
lieues les feux de la Hêve. La has, a Thorizon, la
cole de France selt-ve an dessusdes eaux comme
un point noyé dans des fiols de vapeur bleue. Le
petit port de Houlleur élale ses maisoiis grises qiq
baignenl leurs pieds dans la mer. Les bateaux
pêcheurs, avec leurs voiles blanches, ressemblent
li des mouelles qui essaient leurs ailcs an soleil.
En regardant tout eela, le cosur se serre, et
Ton se sent triste malgré soi. Quand Ton part
sait-on loujours oh Ton va et si Ton i-eviendra
jamais? J'ai presque Ie mal du pays en songeanl a
la France,
Beau pays qu'en un frivole espoir
Ou quitte le matin el qu'on pleure le soil-.
A CONT1NUER.