1
<B%
UN DRA ME
IipT
GROTTE D'AZUR.O
Samedi 14 Aout 1875.
10" année. N° 1,004.
2
3
e
z h
5f 30
Le Journal parait le Mercredi et le Samedi. Les insertions coütent 18 eeniimes la ligne. Les réclames et annonces judiciaires se paient 30 centimes la ligne. On traite a forfait pour les insertions par année.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les numéros supplémentaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, coütent 20 fr. les 100 exetnplaires.
C II K M. I i\ S 1) JE F K U. 17 Juillet.
LE CENTENAIRE D'O'CONNELL.
Les jotirnaux publiènt les deux lettres stti-
vantes, que Mgr l'Evèque n'Orléansa adres-
séesau lord-maire de Dublin et au cardinal
Cullen, arclievéque de Dublin, pour s'excu-
ser de n'avoir pu prendre part aux féles du
centenaire d'O'Connell.
My lord,
Jeprouve en ce moment une amére dé-
cepiion, ei qui me laissera d'éternels regrels.
Je n'assisterai pas au centenaire d'O'Connell,
je tie verrai pas les letes de l'lrlsnde, je n'ap-
porlerai pas, par ma presence, le témoigna-
ge de moti profoud amour pour le people
irlandais el de mon admiration enlhousiaste
pour voire grand bberateur. Au moment oü
je me disposais a parür, les médecins rrt'in-
lerdisent ce voyage, et, pendant ce temps,
m'envoienl, aprés des crises graves, aux
eaux d'Evian, pour un trailement déclaré
urgent et nécessaire.
Mais veuillez du moins me permellre do
nièler de lom ma voix a celles qui voni s'é-
lever a Dublin, en ces jours inémorables,
pour acclamer O'Connell el l'lrlandé.
L'lrlande, noble lerre, a qui son pa trio -
tisine, ses malbeurs et ses vertus out l'ait
une si belle aureole; I Irlande, si conslanle
dans sa foi, si iiéroïque dans sa palience, si
magnanime dans sa pauvreié, si toucbanle
par ses longs espoirs, el par l'indomptable
atlachemenl de tous ses enfanls pour leur
chére et si longietnps malheureuse palrie;
vaillante et brave cornme la nólre, et dont
le sang s'est si souvent mèléau nólre sur les
champs de batailie; si chére aux cceurs fran
cais que nous l'appelons souvent notre sceur!
Qu iI m'eül été doux d'en fouler enfin le
sol, de me sentir au milieu de ses nobles
enfanls, de sentir mon cceur baltre avec
leurs cceurs, de voir ces généreuses popula
tions dans leur vif et pur enthousiasme pour
celui a qui I'lrlande, si dtiremerit opprimée,
a dü enfin des jours tneilleurs, une justice
trop longtemps refusée, et qui, il le faut
espérer de la grande Angleterre, sera de
plus en plus compléte, chassera pen a peu
tons les vestiges de rancienne servitude, et
raménera dans leschaumiéresirlandaises,oü
I on a trop sottfferl et pleuré, le bien ètre et
labondance avec la liberté!
Oui, c'esl a O'Connell qu'est doe Tcenvre
de la délivrance; c'est lui, ce grand chrétien,
ce grand patriote, ce puissant orateur, eet
infatigablechampion de Emancipation, qui,
sans revolution ni sanglants combats, avec
les seules armes que les Iibertés publiqües de
l'Anglelerre lui mettaienl entre les mains,
par une agitation légale et pacifique, par la
force d'une incomparable éloqucnce, a su
tenir debout tout un peuple potir la reven-
dication de ses droits les plus sacrés, réveil-
ler dans les consciences le sentiment de la
justice, et ouvrir Tére meilleure oü l'lrlande
est entrée, et qui doit lui apporter, grace a
Dieu et aux lois réparalrtces qu'on ne lui
refusera pas, tous les biens, loules les pros-
pérités dont elle est digne.
Fut-il jamais pour un homme plus noble
lache et plus nobiement remplie, et couron-
née d'un plus grand succes? Est-il une gloi-
ro plus haute et plus pure que celle dont
l'lrlande, que dis-je, dont le monde entier
couronne voire O'Connell? Et combicn juste
est replhousiasme d'un lel peuple pour un
tel homme! Combien belles et digncs d'une
nation chrétienne ces fètes par' lesquelles
sonl réveillées dans loules les atnes les plus
beaux sentiments qui peuvent agiler le cceur
des hommes: la foi, le patriotisme, l'hon-
neur, le courage, la reconnaissance, tout ce
que rappellenl le nom el l'ceuvre d'O'Con
nell, toutes les nobles fiertés pour le passé,
loules les legitimes espérartces pour l'ave-
nir!
Je ne verrai pas ces fétes anxquelles ce-
pendanl une courtoisie si gracieuse, el dont
jeresterai a jamais reconnaissanl, avail bien
voulu m'appeler; je ne les verrat pas, mais
je les salue de loin, et lont mon cceur est
avec vous, Irlandais! avec vous el avec
O'Connell; O'Connell, dont j'aurais été si
heureux moi-mème d'exalter au milten de
vous la glotre; avec vous, Mylord, atiquel je
dois l'hotmeur de cette invitation, et qui me
prépariez a Dublin sous voire toil one hospi-
talité dont, hélas! je ne puisjouir. C'esl a
vous, Mylord. que j'adresse l'expression de
mes regrels, en mème temps que ma grati
tude, avec l'hommage de mes plus profon-
des, de mes plus ardentes sympathies pour
l'lrlande et son héros; et je vous prie de
vouloir bien les transmettre a voire peuple.
Veuillez agréer, Mylord, tous mes plus
dévoués et respectueux hommages.
-}• Felix, évêque d'Orléans.
Monseigneur,
J'ai déja écrit au lord-maire de Dublin et
je dois redire a Voire Eminence la peine très-
vive que je ressens de ne pouvoir faire le
voyage d Irlande, comme je l'avais désiré.
Au moment mème oü je ine disposais a par-
tir, les médecins me I'interdisent absolument
et, aprés plusieurs crises très-giaves, m'en
voienl aux eattx d'Evian. Si quelque chose
pouvait ajouter aux trés-grands regrets que
j'en éprouve, ce serail assurémenl ce que
Voire Eminence veut bien me dtre des sy -
pathies du peuple irlandais et de Facetted
bienveillant qu'il me réservait. Ces sympa
thies, si je les mérite en quelque manière,
ce ne peul ètre que potir les sentiments, hau-
temenl proclamés, quej'ai moi-méme pour
l'lrlande el les Irlandais. Car, qu'ai-je fait
pour eux? J'ai parlé et qttêlé pour l'lrlande,
a Paris, dans un momont de grande détres-
se. Combien ils mén ont depuis récompensé! 1
Et combien de preuves j'ai recues déja de ce
que je pourrais nommer la vurtu irlandaise,
combien de preuves de leur irecormaissance?
Oui, que n'onl pas fait pour mon diocése
vos compatriotes pendant la derniéreguerre!
Quel les généreuses offrandes j'en ai recues
pour rtos blesses! Avec quelleusure ne m'ont-
ils pas payé ma quêle de Saint Roeh! De
ehaque village on m'écrivait«Vous ètes
ven it a notre secours pendant la famine,
aujourd'hui nous venons au vótre. El n'esl-
ce pas vous, Monseigneur, ou un de vos col-
légues, qui m'écriviez: Ils s'arracheraienl
le pain de la bouche pour le donner a la
France.
Un souvenir plus personnel encore me re-
vient.ici et je vous demande, Monseigneur,
la permission de le rappeler, paree qu'il y
a quelque chose de touchant dans sa simplt-
cité, et qui peint bien un des cólés admira-
bles de la nature irlandaise
Lorsque nous revenions de Romeen 1862,
peu de temps aprés le discours que tout a
i'lieure je rappelais, élendu sur le pont du
navire, malade et sans mouvement, je m'a-
percus tout a coup que malgré la pluie qui
tombaitavec force sur tout ce qui m'entou-
rait, seul, je n'étais pas mouillé, et ayant le
vé la tète pour en connailre la cause, j'aper-
cus quelqu'un, un jeune prétre qui lenait tin
voile étendu au-dessus de ma téte, et qui,
avec un sourire que je n'oublierai jamais, me
dit ce seul mot; Monseigneur, je suis Ir
landais.
Et que de traits je pourrais citer, si j'ou-
vrais l'histoire, de leur générosité, de leur
sympathie pour la France, comme de notre
vieille et profonde sympathie pour eux! Oui,
ils nous aimenl, et nous les aimons. Voila
pourquoi j'aurais été si heureux de ne (tas
mourir sans les voir, et d'èlre la surtout au
moment de ces gruudes féles, si irlandaises,
c'est-a-dire si teligicuses et si patriotiques,
de ces grandes féles pour O'Connell
Car la religion et le patriotisme, c'esl ia
toute l'ame de l'lrlande. L'aiment-ils cette
chére palrie, eux qui, quand ils sont forcés
par leur détresse de chercher au loin l'exil,
einportent avec eux une motte de la terre
natale, un peu de gazon, pour les transpor
ter au-dela des tners, les poser dans leur
champ, aupres de leur habitation lointaine,
el regarder quelquefois ce cher seuvenir de
la palrie absente Mais avec quelle fidélité
aussi ils out gardé la foi de leurs péres, la
foi catholique! C'esl pour elle qu'ils ont tout
sottfferl, mais rien n'a pu les en détacher; in-
domplables dans la souffrance, ils ont été
aussi indomptables dans la foi. L'lrlande a
lout soulïert, lout, plutöt que de trabir l'E-
vangile.
C'esl pour cela que la foi et le patriotisme
sonl si élroitemenl unis dans le cceur des
Irlandais, et c'est pour cela, Monseigneur,
que vous avez le bonheur, vous, évêque
d'lrlande, ce devrait ètre, hélasaussi le
nólre, de sentir que les Irlandais avec
leurs évèques et leurs prêtres ne sonl qu'un;
qu'entre le clergé d'lrlande et le peuple ir
landais, c'est a jamais! c'est a la vie et a la
mort, comme disail autrefois saint Paul Ad
conoivendum et commoriendum.
Ces deux grands sentiments enflammaient
O'Connell et l'inspirérent dans sa longue et
héroïque lulle pour rémancipation tie son
pays et pour la liberté de l'Egiise! Acclamez
ce grand catholique et ce grand citoyen,
Irlandais, el que vos acclamations, passant
les mers et retenlissant d'éehos en éehos
jusqu'a nous, apprament a ceux qui, dans
la Grande-lJretagne comme sur le continent,
nous font l'injure d'en douter, que le foyer
oü s'allume le plus pur, le plus généreux,
le plus invincible palriotisme, c'est la reli
gion, et que pariout et toujours les catlioli-
ques les plus fidéles a leurs croyances seront
aussi les plus fidéles a leur palrie.
Ob! que ne m'est-il donné, Monseigneur,
de voir l'lrlande, non-seulemènt ses mers,
UZ
O
CS)
z;
O
co
co
O
r-n
Q
=5
3
3
T3
O
SD
M
V ...-«r.'m'.'i'i'sii'.iiiiir-
kO
"O
so
T3 O
oj i-4
5
o» 2!
<t>
O-
—3
5 33
m
C/2
S3
ra
o
G
H
O
G
H
PJ
CO
P3
G
o
M
ra
S3
X
O
co
CU
O
O
PS
2
ra
co
"O
>-
S3
sa
Poperinghe-Ypres, 8-15,7-00,9-30,10-33,2-13,3-05,9-20. Ypres-Poperinghe, 0-40,9-07,12-03,3-07,6 30,8-43,9-80. Po-
peringhe-llazebrouck, 7 03, 12-23, 4-17, 7 13. Hazebroack Poperinghe-Ypres, 8-30, 9 30, 4 10, 8-28.
Ypres-Routers, 7-80, 12-20, G-43. Haulers- Ypres, 9-28, 1-80, 7-50.
Ron Iers-Bruges,'.1,44,8-43,11-34,1-13,4 39,7-36, (9-55. Liclitei v.) Lichterv.- ThotirouLA-iS m .versOsiende. Thonrout-LicAter
velde 12-02venaal d'Ostende.— Bruges-/W/ers,7 20,3-28,12 80,8-00,6-42,8 43..—Lioliierv.-Co(trtra»,5-28m.9 01,1,30,8,377,21
Ypres-CourtraiS-31,9-49,11-13,2-33,8-28,7.13(mixte fel 2'cl.). Couitrai- Ypres,7,00(mixiefet2'cl.)8-08,l 1-02,2-36,3-40,8-49.
Y pres-1hourout, 7-18, 12 06, 6 20, (le Samedi a 5-30 du malin jusqu'a Langtiemarck)Thouroul- Ypres, 8-40, 1-10, 7-00,
(Ie Sainedi a 6-20 du matin de Langliemarck Ypres).
Comines-Warnêtoii Ce rouqiiel-fb>uplines-.Ar'#ze?»fière«, 6 00, 10,13, 12-00, 6-23,Armentières-Houplines Le Touquel-War-
nêton-Cötm'wes 7 -25, 10,80, 4-10, 8-40. Comines- Wqflinêlon 8 45, m 9-30 s. Wa rnê tu ri -Conline.s 8-30, 9-80,
Courlrai Br^es, 8-08, 11-00, 12-35,4-05, 6-85. 9-00 s. (Licliierv.)— Bruges-Courtrot, 8-28, 12-80, 5-00, 6-42.
Bruges, Blankenberghe, Heyst, (Slation) 0-80,7-25,9 20,(e*p. le Dim. seulem )9 80,11 08,2-23,2-50,8 35,(exp.)5-30,(exp. le Sam.
seul)7-35,(exp )8 55. (bassin) 7-00,7-31,9-26,(le Dim. seul) 9 56,11 -14.2-31,2-56,8 41 (exp.)8-56, (exp. le Sam. seul.) 7 41,
(exp.) 9-01 Heyst, Blankenb, Binges,8-45,7-15(exp. le Lundi )8,25,11-25,1 23,2 48(exp.)4-10.5-30,7-23(exp. le Dim.)7 33,8 45
Inge lm unster Deynze Gand5-00, 9-412-15. Ingelmunster-Dey/ize, 6 05 2* cl., 7-13. Gand-Do) mn-lngelinansler6-58,
11-20, 4-41. Deynze Ingelmwister, 1-00. 2" cl. 8 20.
Ingelmiinster-zUtseg/iewi, 6-08, 12-83, 6-13. Anseghcm- Ingelmunster7-42, 2-20, 7-43.
Liclitervelde-Dixmade lurnes et Dutikerke, 6 30, 9-08, 1-33, 8-00. DiznAerAe-Furnes-Dixmude et Lichtervelde6-33, 11-10,
3-40, 5-00.
Dixmude-AYei/poM,9-50,2-20,8-48. Nieup-/)«>m,(bains)7-20,11-50,4-10. (ville) 7-30,12 00,4-20.
Thourout-Ostende, 4-50, 9-13; 1-50, 8-05. Ostendei-Thourout, 7-88, 10-10, 12 28, 6-15.
Selzaele-Bec/oo, 9-05, 1-28, 8-28. Eecloo-Aefzaete, 3-33, 10 15,4-22.
Gand-Terneuzen, (station) 8-17, 12-18. 7,23 (porie d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-43. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 440.-
Selzaete-LoAerff», 9 04, 1-30, 8-30. (le Merer. 8-10 m.) Lokeren-SaLraete, 6 00,10-25, 4 45. (Ie Mardi, 9,30.)
c o h BHPOWDAifcr:
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dép.
Bruxelles arr.
0,37
9,20
10,53
1,35
12,33
2,25
3,47 6,35.
6,14 8,54.
COURTRAITOURNAI, LILLK.
Courtrai dép. 6,37 10,56 2,54 8,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,39 9,41.
Lille 7,38 12,08 4,00 6,35 10,00.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dép.
Gand arr.
6,42
8,01
12,31
1,31
3,44
5,04
6,40.
7,36.
BRUCES, GAKD, BRUXELLES.
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dép.
Courtrai arr.
5,22
8,02
8,28
10,46
12,21
2,44
3,33
7,56
6,47.
8,44.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
7
Lille dép. 5,15 8,22 11,05 2,22 3,20
Tournai 5,42 8,36 11,29 2,40 5,39
Courlrai arr. 6,34 9.47 12,26 3,38 6,33
OAND, COURTRAI.
Gand dép. 3,13 9,38 1,28 4,24 7,21
Courlrai arr. 6,34 10,51 2,49 3,31 8,42
Bruges d. 6,49exp.12,34, 2,52, 3 43,ex. 6,49.
Gand a. 7,34, 1,49 4 07, 4,28, 7,38.
Bruxelles 8,50, 4 00, 6,02, 9-31.
Bruxelles dép. 8,14
Gand arr. 6,00 9,41
Bruges 7,13 10,34
BRUXELLES, OAND, BRUGES.
11,33 3,12 exp. 4,39 exp. 3,33.
1.13 3,23 4,20 6 37 7,23.
2,38 4,37 3,11 7,22 8,38.
DANS LA
PAR AIMÉ RICK.
V.
QUE NE FAIT-ON AVEC DE LOR?
II fut done decide que nous aborderions prés de
la cabane du balelier. En dix minutes nous y
fümes. Nous débarquJmes l'Anglais avec des pre
cautions infinies.
Un turieux détail. II prit sous son bras sa jam
be coupée, dont il ne voulul se séparer a aiieun
prix.
Pouiquoi? Je ne devais le savoir que plus lard.
Le batelier n'élait pas niané; ii vivait avec une
vieille sceur qui commenga par jeter des cris de
paon, en voyant transporter chez elle un blessé.
Mais quand son frère lui ent laconic l'histoire
des 40 napoléons, el qu'il ent fait britier a ses
yeux la Ualtlornie qu'il introduisail ainsi dans sa
cabane, la bonne femme devint ausstlót souple
comine un gant... Dn piéparaau plus vite I'uuique
liton cltercha de l'eau douce, on apporla une
lamp'e, el un pelil garcon fut dcpêché au pas de
course, pour acheler en ville les quelques médica-
menls dont j'avais le plus grand besoin.
Reproduction inierdiie. Exlrait du volume
un Amour entre deux cercueils, etc, par Aimé
Rick, in-12, de 238 pages, édilé par G Lebrocquy,
32, Chaussée-de Wavre, a helles En vnnle chez
VAND ERG Hl SST E - FOSSE, a Ypres.
Prix; 2 francs.
Muis tout passe eri ce monde. Le temps passa
aussi. Un jour vint, oü milord put s'essayer sin-
des béquilles. On lui adapta une jambe de bois, en
attendant la jambe perfectionnée qu'on devait lui
envoyt r d'Angleterreet il put commcncer a
marcher un peu.
C'élait le moment des confidences... il ne me
fit plus trop attendee.
Un soit-, après notre léger diner, nous allümes
au bord de la nier. Le soleil se conchait, un dernier
icflet dorait de teinles magiques cette mer étein-
celanle qui motu-ait a nos pieds. Les rochers
Drilnis commengaient a se cotivrir de leur sombre
manleati. Un silence, itilerrompu settlement par
le lointain murmure des vagucs, régnail sur toute
la nature... On était heureux de vivrc, de respirer,
de marcher, d'aller de courir... Aussi ne pou-
vais je me défendre d'un regard de compassion
adressé ;i ce pauvre Anglais que je soutenais dans
sa marche chancelanle...
II était jeune encore, beau, fortvigoureux el
pourtant je le voyais estropié pour toujours, et
eela parsafaute, de son propre grél... sans qu'i|
flit plus possible de lui porter attciin secours!...
Milord sembla lire tont cela dans mes yeux...
Je vous fais pil iédoclciirme dit tl avec un
Iriste sourite, vous plaignez mon destin, ma folie
peut être vous soufTi ez en cette heüre de joie, de
vie, d'enivréiircntde voir un panvre jeune impo
tent se trainer mi-érablemenl sur drs rorhers...
Eb bien! néanmoins, je ne suis pas a plaindre...
Non I je tie regrette pas cc que j'ai faitNi les
souffniiues atroces, ni cede dure impotence ne
me coütent comme un lourment... El si dem.iin
c'élait ii recommeneerce serail avec joie que je
donneraismon autrejambe... Ucla vous étonne?.,.
Vous me croyez insensé?... Vous m'accablez d'une
commiséralion cruelle?...
Eb bien! asseyons nous iciéeoutez mon his-
toire et, après l'avoir entendue si vous êles un
homme de coeur, un homme qui avez jamais aimé,
oh! ouivous comprendrez ce sacrifice qui vous
parait si inexplicable en ce moment I...
Nous nous assimes tons deux. L'Anglais médila
un instant, comme pour se rappeler toutes les
circonstances d'une histoire liigubre puis
Je suis né en Écosse eommenga-t-ildans la
petite ile de Eigg, qui appartenait presque entiè-
rement a mes parents. Ma jeunesse se passa dans
cette solitude. Mon père, ancien marin, avail
selon son expression jeté l'ancre sur ce roeher,
et il n'en voulait pius honger que pour aller visiter
deux ou trois fois par an quelques amis, quelques
camarades de bord quand ils croisaienl par ha-
sard dans ces parages avec une (lotte anglaise.
Ma mère, je l'avais perdue fort jeune. J'étais
enfant unique. Aussi mon édiication fut-elle negli
gee. Chaque malin, un vieux contre-inaitre que
mon père gardail comine domestique, m'apprenait
ii lire, a écrire, et a connailre la direction du vent.
le point et I inclinaison de la boussole. Puis, on
ouvrait ma cage j'étais libre jnsqn'aii soir, et je
passais mon temps a ener de. roclier en roclier,
tanlót a cheval, tanlót ii pied toujours seul.
A CONT1NUER.
Pendant ce temps j'observais mon Anglais. J'a
vais beau me dire Get hommeest foil, je tie trou-
vais absolument nueun indice extérieur de sa folie.
II donnait ses ordres d'une voix faible, mais natu
relle; son regard avail repris une expression de
calmequi faisait plaisir a voir. Par moments, je
don la is de lout, je doutais do moi-mème, et je me
talais pour m'assiirer que je n'étais pas la dupe de
quelqu'un de ces songes grossiers, dont le réveil
se réd uit a un éclat de rire.
La nnit se passa ainsi. Moil milord in'avait de-
mandé de ne pas le quitter jusqu'a parfaile gué-
rison. Je reslaidonc; ma clientèle n'était pas fort
nombreuse en ce temps-lit a Naples, et j'avais fait
prévcnir a l'höpital.
Ee lendeniainIe malade ent une forte fièvre
mais, les jours suivanls, ii alia inieux Cela dura
deux mots ainsi. Mats, a la fin gtace ii mes soms,
il en Ira en pleiue convalescence. Plus de gangrene
a craindre plus d'béniot i bagie ii redout er I Nous
étions maitres du mal l'Anglais marebait- si
on peut employer ce tenue pour nu homme qui
n a plus qu une jambe l'Anglais marebait vers
la guérison.
Ces deux moisMonsieur, ne furent cerles pas
les plus ga is dé ma vie I Confirm dans celle cabane,
n ayant pont compagnie qu un brave pêcheur
matissade et une vieille femme aeariJtre, évidem-
ment je ne m'amusais pas.
St settlement nnloid mavait parlé de temps en
temps I... C'était un homme distingue, au moins il
sembiail l'être, et sa conversation devait en tons
cas avoir plus de charmes que celle de la nature,
laquelle peut ètre fort belle pour les poèteg,
lnais n'offre que peu d'altraits pour les médecins.
Mais l'Anglais semblait observer scrupuleitsc-
ment beaucoup trop scrupuletisement mème,
la recommandation de silence que je lui avais
faite pendant les premiers jours...
Aussi, je l'avoue aurais-je bien probablement
planlé la moil original, malgré les inontagnes d or
qu d m avail promises et I aurais-je eonfié it quel
que Esculape médiocre des environs, st je
n'avais été rclenu par un puissant motif de
curiosité...
Dés les premiers jours, le jugeant assez bien
puur répoudre ii mes questions, et consultant tb-
plus eu plus qu'il n'élait pas plus foil que vous el
1,101 i j'avais voulu rintonoger sur les motifs
de cette liigtibre resolution et savoir pouiquoi il
avait voulu a louleforce st: faire couper la jambe...
Mais lui au premier mot m'avail répoiidw
Doeteur a nil autre fois I... Atteiidrz que
je sots complêteiöent guériet alots vous saurcz
lout mais pas avaut I
Etait ce pour piquer ma curiosité?... Était ce
potir me couserver plus longtemps prés de lui?...
je i'ignore.
Tout ce que je sais, c'est que je passai deux
mois et trois jours tout seul, dans celle cabane
abundunnée, el que, sans mes livres d'étude,
que j y avais fait venir de Naples, je serais
mort d'ennui et de déplaisir,
VI.
LE RÉCIT.