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Mercredi 24 Novembre 1875. ^2^/QUEk ItE
10 année. N° 1,033.
LE PRESBYTÉRE DU HAiEAU.
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Le Journal parail le Mercredi el le Samedi. Les insertions coütent 15 centimes la ligne. Les réclames et annonces jttdiciaires se paient 30 centimes la ligne. Ou traite d forfait pour les insertions par année.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les ntiméros supplémentaires commandés pour articles, Réclames ou Annonces, coütent 10 fr. les 100 exemplaires.
CHE9II9f§ DE FEII.-I OCTOBRE.
LA PRESSE LIBÉRALE.
Que Ton se figure un iroquois, lout nou-
vellement debarqué, la lète rasée, laloué de
frais et porlant a sa ceinlure les chevelures
des visages pales qu'il a pu rericonlrer dans
le senlier de la guerre. II est assez douteux
qu'un tel personnage parvienne a cooquérir
la Belgique aux mceurs de sa iribu et a Ia
religion de son munitou.
Mais si le mème particulier, après avoir
fait ses études au collége de France, aprés
avoir visité l'Europe et éludié ses corrup
tions, se représenle en ganls paille, avec les
maniéres, le Iangage et le style académiques,
il fautavouer qu'il aura, dés lors, beaucoup
plus de chances.
Ainsi en est-il de la presse. Celleque Félix
de Mérode appelait la presse a Petal sau-
vage loin de faire des proselytes, provo-
que dans le paysune réaction salutaire; il
faut cramdre cel le qui parle avec poids et
mesure, qui se cache perfidemenl dans son
ceuvre de démolition sociale.
Prenons pour exemple VEtoi/e beige. A
Fenlendre, elle respecle, elle vénére, elle
chérit/a satnte religion de nos pères. Par-
fois elle va a la messe et verse un pleur sur
le dévouement des Sceurs de eharilé.
Mais elle sape lout doucemenl les princi
pes religieux, se moque de l'infaillibilité du
Pape, nargue le Syllabusridiculise nos
croyances et conduit son béat lecteur a celle
conviction que si la religion catholique est
sainte, vénérable, aimable, toules les autres
ne le sont pas moins, au contraire.
D'aprés VEtoile et ses émules, loutes les
religions onl méme sur la nólre un grand
a vantage, lequel consisle dans la supériorilé
de leurs prêtres. Le rabbin esl plus avisé
que nos curés; le bonze est plus savant; le
pasteur protestant est plus pénélré de l'esprit
chrélien; le pope russe est plus soumis a
César; le marabout arabe est plus pieu.x; el
lous se conforment mieux au vceu de la na
ture en méprisant fort le célibat.
Bref, ces consciencieux journaux se croient
obligés de déinonlrer lous les jours que le
prèlre catholique est le dernier des miséra-
bles, un êlre intrigant, fourbe, lubrique et
cupide; que nos évéques sent des insensés,
avides de domination; que ia papauté est
une institution surannée, lombant en loques
etdonl les jours sont complés.
Et voila bien comment il faut s'y prendre
pour nous mener a la sauvagerie, a I' an-
thropophagie comme disait le vieux roi
Louis-Philippe-
Habitué a ne considérer la religion que
comme un frein facticedont il serail stupide
dene pas s'affranchir, Ie peuples'en débar-
rasse vite. Du méme coup il se débarrasse de
toute régie sociale. II n'y a plus dame, plus
d'immorialité, plus d'élernilé, plus de mérile,
plus de démérité; il n'y a plus de sanction
pour la vie et Ton peut dire qu'il n'y a plus
de sociélé.
Alors il faut vivre sous la loi du plus fort,
comme dans les forèts de l'Amérique du
Nord, el les sauvages abondenl pnrtout. L'on
se bait el l'on désespére; et le désespoir ac-
croil la haineel la haine accroil le désespoir.
Le prèlre chargé de prècher tine religion et
une morale importunes, devient le point de
mire de lous les instincts les plus pervers, de
loutes les rages les plus méchantes. Non-seu-
lement on le met a I "'amende, en prison et en
exilcomme ledemande l'enfnnl terrible de
la Revue de Belgique, mais on le fusille, on
l'égorge, comme cela s'est vu a Paris sous la
Commune, el comme cela se verra sous peu
en Belgique, si le libéralisme continue a
progresser de cette allure dégagée que nous
lui voyons depuis trop longlemps.
ENFARINEURS!
Lv Journal de Gand refaisait hier, a l'oc-
casion de l'élection du 23 Novemhre, son ar-
ticle-Ilollowaynous voulons dire ses varia
tions accoutumées sur Ie théine electoral:
La Constitution, toute la Constitution, rien
que la Constitution!
II va de soi que les mortels enncmis qui
menacenl l'oeuvre de 1830 sont les catholi-
ques. Ne croient-ils pas au Syllubus el a
l'infaillibilité pontificale?...
Les constilutionnels modèles sont, au con
traire, les aimables libéraux qui prodigtient
a la Constitution les coups d'encensoir et les
coups... de pavés, et qui dés aujourd'hui
proclament l'exemple, trés peu constitution-
nel, de l'Allemagne et de la Suisse, bon a
imiter.
Pour faire justice de ces banalités, il sufïll
de considérer les divers appuis de la candi
dature de M. le coinle de Kerchove dans la
presse.
Le Cercle progressisle n'est pas conslitu-
tionnel et il s'en vante.
La Flandre libérale ne l'est guére davan-
lage et elle ne s'en cache pas.
Parmi les principes préconisés par ce jour
nal figure en première ligne la suprematie
de l'Elat sur l'Eglisc. Est-ce un principe
conslitutionnel?
Parmi les applications instammenl recom-
mandées de ce principe, énmnérons la sup
pression de la liberté d'enseignement, la sup
pression de l'exercice public du culte.
Seraienl-ce aussi par hasard des réformes
const i tu t ion nel les?
Et le Journal de Gand lui-mème, esl-il ati
fond plus conslitutionnel que ses deux con
frères? Evidemmenl non.
II affecte peut-ètre quelques ménagements
dans l'expression, mais, sa pensée est la
mème.
Oni ou non, voudrait-i! voir expulser les
ordres religieux?
Oui ou non, voudrait-il voir supprimer
les écoles catholiqtics?
Oui ou non, appuierail-il une réforme ra
dicale de la legislation sur le temporel du
culte?
Oui ou non, n'a-l-il pas poussé M. lecom-
lede Kerchove a imiter l'exemple consti-
tulionnel de M. Piercot contre les processions
jubilaires?
Nous n'ajouterons qu'un mol: le chant des
Gueux, ce programme électoral de M. le
comte de Kerchove (retour d'Anvers), est-ce
par hasard un refrain conslitutionnel?
Et qu'eussent dit les abbés du Congrés
s'ils avaient enlendu relentir a leurs oreilles
cette Marseillaise du libéralisme de 1878:
De la vermine des prétres dèlivrez la
de la société, el si ces lois ne su/Jïsenl pas,
il fuut en faire d'autres pour ecraser nos
ennemis, sans cela, soyez-en sürs, ils nous
écraseront.
Faites done faire votre enfant terrible,
grands amis de la liberté et de la Constitution,
doctrinaires qui parlez si onctueusement de
la religion de nos pères et qui déclarez si
volontiers que le libéralisme peul vivre en
patx avec toules Les religions [Encore
quelques révélalions comme celles-la et les
badauds vous échappent, et lout le public a
son opinion faitesur les pensées que caresse
le libéral de l'avenir. On n'a pas oublié la
douce phrase qui récemmenl vous mit si fort
a la gêne La prison, les amendes el le
bannissemenl sont des armes légales; polr-
Qcoi ne pas s ex sERviR Doctrinaires,
doctrinaires, le silence est dor
palrie!
Eten public.
LA TOLÉRANCE LIBÉRALE.'
Après la Flandre libérale et VOrgane de
Mons el la Revue dc Belgique, voici venir un
autre indiscretles Ii«gries suivanles sont
extraites du Progrès de Verviers
La conspiration anti-sociale qui a nom
Église romainedoitèlrecornhattuc par tons
les moyens que les lois mctlenl au service
L Etoile demande si son parti a jamais
voulu inlroduire une modification quel-
conque dans noire pacle fondamenlal.
Nous demandons, nous, a quel parti ap-
parletiaienl les représentanls qui naguére
saisissaienl la Chaiiibrc d tine proposition
lendant a changer radicalernenl la Constitu
tion? MM. Bergé, Boulenger, Couvreur,
d'Andrimont, Dansaert, David, Defré, Dc
Fuisseaux, Demeur, Detbuin, Funck, Gud-
lery, Hagemans, lloutart, Jottrand, Leliardy
de Beaulieu, Lescarls, seraient-ils par basard
des catholiques?
Etaient-ce aussi des catholiques qui, a
''aide d'émeules, empéebaient en 1857 la
Chambre de délibérer et essayérent de dé-
truire la Constitution?
Etaienl-ce également des catholiques qui
en Novembre 1871 tentérent une révolution
el outragérent la majeslé royale?
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Poperinghe-Ypres, 3-1.8,7-00,9-30,10-35,2-15,5-03,9-20. Ypres-Poperinghe, 6-40,9-07,12-05,3-57,6 50,8-45,9-50. Po-
pertnghe-Hazebrouck, 7 03, 12-25, 4-17, 7-13. Hazebrouck Poperinghe-Ypres, 8-35, 9-50, 4-10, 8-25.
iPrfs-/to«feri, 7-50, 12-25, 6-45. Roulers- Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
versOslende. Bruges-/?oa-
1,30, 5,37 7,21.
y rp, - --> ■■-IS, 2-35, 5-25, Courtrai-Ypres, 8-08, 11-02, 2-56, 5-40, 8-49"
pres- hour out, 7-18, 12 06, 0 20, (le Samedi a 5-50 du muliii jusqu'a Langhemarck)Thouroul- Ypres, 9-00, 1-23, 7-43,
(Ie Samedi a 0-20 du matin de Langhema'rck h Ypres).
Lomines-Warnêton Le Touquet-Houplines-/lme>meres, 6-00, 10,15, 12-00, 6-23,— Armentières-Jlonpl.ines Le Touquet-War-
ne ou-Comtnes 7-25, 10,30, 4-10, 8 -40. Confines- Warnêton 8 4.3, m 9-30 s. Warnéton-CWuMes 3-30, 9-30,
oui mi Isruges,8-05, 11-00, 12-33,4-40, 6-33. 9-00 s. (Licliterv.)Bruges-Courtrai, 8-2.8, 12-30, 5-00, 6-42.
o nS ^'le' 1,uyst' (Sla'ion) 7-23, 11 08, 2-50, 7-33, (bassinj7-31, 11-14, 2-36, 7 41. Heyst, Blankenb,Bruges,
5-43,8,25,11-23,3-30. 1
Ingelmunster Deynze Gand, 5-00, 9-41, 2-13. lngelmunster-Z)ei/«:e, 6-10 2* cl., 7-13. Gand-Deynze-lngeltnunsler, 6-58,
11-20, 4-41Deynze ingelmunster, 1-00. 2" cl. 8 20.
ngelmunsler-dnseghem, 6-03, 12-53, 6-13. Ansegliem-Ingelmunster, 7-42, 2-20, 7-45.
uchtervelde-Dixmade-Furnes et Dunkerke, 6 30, 9-08, 1-33, 8-00. Z)«/ikerAe-Furnes-l)ixmude et Lichtervelde, 6-33, 11 10,
3-40, 5-00.
Dixmude-Arie)(pozl,9-50,2-20,8-43. Nieup-Dèrrn, (bains) 10 43, 4-10. (ville) 7-30,12 00,4-20.
1 hourout-Oslende, 4-50, 9-15, 1-30, 8-03. Oslende-TAowroot, 7-53, 10-10, 12 23, 6-15.
Selzaele Eecloo, 9-03, 1-25, 8-25. Eecloo-Sefziaefe, 5-35, 10 15, 4-22.
,.- --,6-45. Haulers-Ypres, 9-25, 1-50, 7-30.
8 4S' n-34' '-13- S-1S> 7-36, (9-35. Lichterv.) - Lichterv.-TfcïwffiW, 4-23 m
7 23, 8-25, 12-30, 3-00, 6-42. Lichterv.-Courtrai, 5-23 m. 9 01
i pres-Courtrai 3-34, 9-49, 11
Gaad-Terneuzen, (station) 8-17, 12-23, 7,30 (porte d'Anvers) 8-30, 12-40. 7-45. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 440.-
Selzaete-Loftare/», 9-04, 1-30, 8-30. (le Merer. 5-10 in.) Lokeren-Salsaete, 6-00, 10-23, 4 43. (le Mardi, 9,30.)
cohhbshpowdaivoe:
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dep. 6,37 10,53 12,33 3,47 6,33.
Bruxelles arr. 9,20 1,35 2,25 6,14 8,54.
COURTRAI, TOURNAILILLE.
Courtrai dep. 6,37 10,56 2,34 5,34 8,47.
Tournai arr. 7,28 11,47 3,48 6,39 9,41.
Lille a 7,38 12,08 4,00 6,33 10,00.
BRUXELLES, COURTRAI.
Bruxelles dep.
Courtrai arr.
5,22
8,02
8,28
10,46
12,21 5,35
2,44 7,36
6,47.
8,44.
LILLE, TOURNAI, COURTRAI.
Li lie dép. 3,13 8,22 11,03 2,22 3,20
Tournai 5,42 8,56 11,29 2,40 3,39
Courtrai arr. 6,34 9.47 12,26 3,38 0,33
COURTRAI, GAND.
GAND, COURTRAI.
Courtrai dép. 6,42 12,31 3,44
Gand arr. 8,01 1,31 5,04
BRUGES, GANDBRUXELLES.
6,40.
7,56.
Gand dép.
Courtrai arr.
5,13
6,34
9,38
10,31
1,28
2,49
4,24
3,31
7,21.
8,42.
DMUUC.3, O.liaU j URl/AGLLDT,
Bruges d. 6,49exp.I2.34, 2,32, 3 43,ex. 6,43.
Gand a 7,34, 1,49 4-07, 4,28, 7,38.
Bruxelles 8,30, 4-00, 6,02, 9-31.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruxelles dép.
Gind arr. 6,00
Bruges 7,13
8,14
9,41
10,34
11,33
1.13 3,23
2,38 4,37
3,12 exp.
4,20
3,11
4,59 exp. 5,28.
6 37 7,33.
7,22 8,55.
L
PAR LA
C0MTESSE DE 15ASSANVILLE.
(Reproduction interdite.)
Suite. Voir Ie numéro précédent.
II m'écouta fans m'inlerrompre, mais sa figure
prenail une leinlo cadavérique qui faisait trembler,
el, quand j'eus fini, il lacha mon bras, el, me repous
sanl avec mépris
Vous avez vengé mon père, madame!...
Dieu esl juste il m'a pnni Qui nous vengera
(ous deux je l'ignore... mais soyez muudile
II recula alors el porla la main ii son from.
Quelque chose d 'élrange se passail en lui ses yeux
se fixéren! en s'injeclanl de sang il voultil faire
quelques pas vers la porie, mais il nc pul avancer.
II s'nff.iissa sur lui mème el loniba comme foudroyé
sur le plancher. Je crus d'abord qu'il n'élail qu'éva-
noui il éiail moil L'indignalion, l'élonncmenl, la
douleur. lui avaient donné une attaque d'apoplexie,';
je l'avais luó
Un cri déchirant inlerrompil, a ce moment de son
récil, la narralrice elle leva les yeux et apergut
avec autanl de terreur que de surprise l'abbé Hcnri
la figure bouleversée et glissant évanoui sur son
fauteuil.
Elle s'élanca alors vers la porte, appela dame
Marion a son aide, et, quelques instants après, le
fauteuil du malade étail placé devant une fenêire
ouverle.
C'est la fa ulo. de M. le curé, disait la vieille
Marion en lui bassinanl les tempes d'une main ircm-
blanle, landis que Laure lui froltait les mains avec
du vinaigre; c'est sa faule, il mange a peineil boil
de l'eati pour donncr son vin aux ma lades, et il rcsle
dos jouinées eniières saus s'asseoir, pour a 11 Ier visi
ter ciuix qui out bcsoin de lui Cependanl je ne
I uvuis pas vu encore tomher dans un évanouissement
aussi profond. Mais que la sainte Vicrge Marie et le,
bon Jéstis nous prolégent le voila qui ouvro les
yeux. ajoula l elle avec joic.
Effeclivement', l'.ibbe Henri revcnait a la vie Son
premier mouvement fut de porter ses regards notour
de lui avec tnquiéiude puis, quand ils s'anêlèrcnl
sur 1 étrangère, il les délourna avec un sentiment
d horreur indcfinissalile. A mesure que les forces
lui revinrenl, cl avec les forces la connaissance el la
rolonté, il parut faire yif violent effort sur lui-mème,
et ('expression de sa physionomio s'ndoucit. II sem-
blait considérer avec un sentiment profond de com
passion la figure have, amaigrieetla toilette délabrée
de I etrongère. On eüt dit que celle pensee errait sur
ses lèvres entr'ouvertes t'auvre femme com-
iiien elle a élé coupable, mais combien elle a élé
punie
Pendant celte scène, qui n'avail duré qu'un mo
ment, dame Marion n'avail cessé de tourner autour
de l'abbé Henri, en nièlant aux soins qu'elle lui ren-
dail des questions auxquelles il ne pouvail répondre
et des observations inopporlunes sur l'excès de son
zèle et sa dureté pour lui-mème, revenant loujours
cutte phrase par laquelle les inférieurs se rendent
témoignnge quand leurs supérieurs n'ont pas suivi
leuts conseils u Je vous l'avais bien dit
Ce liourdonnemetil continuel, cl l'émolion pro-
fonde qu eprotivait la narratrice en éacontanl ce der
nier et terrible drame, l'avaient etnpêchée de re-
marquer l'impression extraordinaire que plusieurs
fois sou récit avail fai-te sur le vénérable prèlre.
Pour elle, i'évanouissemenl de i'aldié Henri avait
été catisé par la fatigue seulemept, el ce fut sans
inquietude qu'elle lui demanda s'il élan tiieii lemis
de celte indispositlun subile.
L'homme de Lheu, tout a fait revenu a lui, la
reinercia avec bonté, puis la priant, ainsi que Ma
rion, de le laisser seul un moment, il lui reeomuianda
dc ne jias quitter le presliytère de ia matinee. Il
voulait, ajouia-t-il, peser les différeiKes pensé.es quo
son récil avail fait nailreeii lui.et peiil-êtro aurait-il
une proposition a lui faire. L'étrangère proiint de
lui obéir. Le Don prèlre, livré a lui-mème, fénna
avec soln la porte de sa chambre, et, apiès s'être
agenouiilé durant quelques instants devant ie grand
crucdixde bois attache sur lamuraille de sa modeste
celluie, il ouvrit d'une main iremblanle son secré
taire, d'oü il lil a un petit coffret d'acajou qu'il porla
jiresque religieuscntenl sur sa lable.
Mon Dieu 1 murmura-t-il avant de l'ouvrir,
vous avez pardonnó a vos meurlriers... le pardon
est une chose divine..Mon Dieu, donnez inoi la
veriu du pardon
Plus calme après avoir ainsi élevé son coeur vers
Dieu, l'abbé Henri ouvrit le précieux coffret et y
prit un portrait et des lettres. Pendant prés d'une
heure il demeura absordé, tantót dans la lecture
d'une coirespondance qui lui retraxit ces années
de la jeunesse, qui fuienl si vile, et donl le souvenir
est éternei tantól dans la contemplation de ce por
trait qui devait lui rappeler les trails d'une personne
bien clière, car ses yeux se mouillaienl de larmes
quand il le regardait.
Quand il vim rejoindre dame Marion el sa com-
pitgne, la séiénilé avail reparu sur ses trails, el ce
lui avec un doux sourire sur les lèvres qu'il les
accueillitTune et l'autre.
Madame Laure, dit-il avec bienveillance a
l'étrangère, je viens de penser longuemenl a vous,
ei comme vous ni'avcz traité en ami, en me faisant
le récit de vos malheurs, je me crois autorisé a vous
ofïrir mes bons soins poor améliorer voire situation.
Ma maleneontreuse indisposition m'a emjièché d'en-
letid re la fin de voire triste histoire mais vos traits
altérés, votre douleur m'ont appris, mieux que ne
l'eussent pu faire vos paroles, que la terrible tnalé
diction sous laquelle s'était conrbée votre Iele n'avail
pas été en vain prorioncée contre vous mais le
repentir désarme la colére divine, et le votre est
sincère, mon enfant; ayez done confiance etespérez...
Je connais, dairs un chateau des environs, une dame
agéequi a besoih d'une personne de confiance auprés
d'elle. Celte dame veul bien écouler mes conseils
je vais aller la voir, je lui parlerai de vous avec
l'intérêt que méritent voire repentir et votre situa
tion. C'est one nmie qu'elle cherche, une personne
qui pnisse causer avec elle et l'aider a gouverner sa
maison. Si vous lui agréez, vous aurezconquis une
position sinon brillante, au moins honorable et (ran -
quille. Je comprends qu'il n'y ait plus de bonheur
pour vous sur la terre mais la vie est encore un
bienfait pour ceux qui ont eu lo malheur de faire le
mal, car la terre est un lieu d'expiation. Votre ama
s'élèvera, j'en suis sitr, a celte grande pensée. En
attendant, acceplez ma proposition.
L éirangère s'inclina avec reconnaissance et avec
respect. Il lui semblait qu'en écoulant la voix qui
lui marquail sa nouvelle destinée, elle se soumettait
a 1 arret de Dieu,et elle éprouvaitun secret bonheur
a s'humilier dans ce lieu mème oü son orgueil in-
sensé avait fait tanl de viclimes. Le curé, salisfait
de son humble acquiescement, partit sans tarder
pour le chateau voisin, et Laure sortil un moment
du presbytèrc.
Elle voulait se promener, avait-elle dit a Marion.
Sa promenade la conduisil vers Ie c'imelière du vil
lage elle y chereha longlemps des tombes bien
chères et depuis de longues années négligées. Ce ne
fut pas sans peine qu'elle les déeouvrit les ronces
et les mauvaises lierbes avaient presqueentièrement
reconvert ces pierres sépulcralcs, image de l'onbli
qui, dans un cceur ingrat, élonffe les souvenirs les
plus sacrés
Le cuirevint le soir mème, le cceur allege d'un
grand poids, car il avait réussi dans sa charitable
entreprise madame Laure était admise au chateau.
Le lendemain matin, au moment oü le prèlre se
disposal! a quitter le presbytère pour aller dire sa
messe,une voiture s'arrètait a son humble demeure:
on venait chercher, de la part de la chatelaine, la
dame de compagnie qui lui avait élé choisie par
l'abbé Henri.
(A continuer).