C
XT annee.
Samedi 22 Septembre 1877.
N° 1,224.
IttONSEIKNEM PËÏIIAEALE,
tëÏÏ£I^-~
>-
■H
I e Journal parait le Mercredi et le Samedi. Les insertions content la centimes la ligne. Les réclames et annoncesjudiciaires se paient 30 centimes la ligne. On traite a forfait pour les insertions par annee.
Un numéro du journal, pris au Bureau, 10 centimes. Les numéros supplémentaires commandés pour articles. Réclames on Annonces, coülent 10 fr. les 100 exemplaires.
C H K M I IV I» K V K li.
LES LIBRES-PENSEURS ET LE CIMETIËRE.
L'admirable lettre pastorale qui contient
la protestation de son Eminence le cardinal-
archevèqne de Malines contre le récent em-
piétemeut de l'édilité bruxelloise dans ledo-
maine des sépultures, a ramené plus vive-
ment que jamais Paitenlion publiquesur l'au-
dace et les prélenlions de celle anomalie
qu'on appelle un libre-penseur.
De lout temps et chez tous les peuples la
tradition et la législation onl consacré l'usa-
ge des lieux de sepulture commons aux hom
mes de la même croyance. Ce culte des
morts, partout enlouré d'un respect jaloux,
;ou ve son explication bien naturelle dans la
croyance en Dicu et a Pimmortalité de l'ame,
dans la communauté de convictions et d'es-
pérances qui a uni les croyanls sur la terre et
qui se confond avec l'indestructible besoin
de se survivre au dela du tombeau. La cité
chiélienne des morts est aussi et surlout la
doctrine el la loi de l'église catholique.
Eh bien, cequi est l'objet d'un. religieuse
vénération chez les sauvages comme chez
les nations policées, ce que respectent le
païen, le musuiman, le juif el le chrélien,
n'est absolument rien pour le libre-penseur
moderne. II n'y a plus a ses yeux el il ne
peut plus y avoir qu'un cadavre, une af
faire de police, une question de salubrité,
une destruction par le sol, en concurrence
avec l'alambic du chimiste ou les procédés
du crémateur. Les pompes funébres, et les
discours, el les larmes dargent el les mo
numents magnifiqnes y sont encore, Iristes
hommages qui ne s'adressent désormais a
rien el qu'on a réduits a l'état de non sens
et de coüleux anachronisme. Que lui par-
lez-vous, a ce solidaire, d'un ètre créé a
l'itnage de Dieu, d'un corps qui a renfermé
une ame immortelle, du sommeil de ceux
qui altendent la résurrection Que lui font
ces choses a lui qui s'est efforcé d'arracher
la foi de son cceur, pour ne pas obéir, non
serviam
Ce qu'eiles lui font? Peut-être bien ce
qu'il laisse le moins paraitre. Voyez-le a
l'ceuvre. Le pressentiment el le trouble Ie
ramènent sans cesse a ce lieu qui lui rap-
pelle lejugement. II y revieni, non pour
le simple accomplissement d'un pieux de
voir, mais avec lout l'appareil de ses mani
festations lapageuses, et qui sail Peut-être
avec l'espoir secret des'élourdir par le scan-
dale.
Dans ce champ funèbre oü les pensées
de miséricorde et de justice pénètrent irré-
sistiblemenl jusqu'au plus profond de l'ame,
unechéliw créature ose se dresser sur la
pointe des pieds pour lancer le blasphéme a
son Créateur! Les supplications qui implo-
rent le pardon et l'oubli doivent céder la pla
ce aux clameurs de la haine seclaire, au
serment d'Annibal contre l'Eglise catholique.
Et l'on a vu, quand les snjels manquaienl
pour ces journées impies, les pourvoyeurs
d'enlerremenls civils trouver, en dépit de la
douleur des families, l'emploi du lugubre
drap des solidaires et le prélexle aux sinis-
tres promenades des fréres et amis.
L'odieux est la dans son plein el l'absurde
n'y est pas moins. Avez-vous vu passer un
de ces cortéges qui donnent le frisson et qui
procurent a plusieurs l'occasion propice de
poser au mècréanl? Voire esprit a dü êlre
frappé de la lumineuse logique qui guide
ces gens-la.
De deux choses l'une ou ils croienl en
Dieu, ou ils n'y croient pas. S'ils n'y croienl
point, ils sont absurdes d'aller en guerre
avec tant de fracas: on ne manifeste pas con-
tre le néanl. Et s'ils y croient, quelle insani-
lé done les pousse, rnisérables pygmées, a
lever la téte conlre le Mailre du ciel et de la
terre
Parmi les comparses de la lugubre parade,
il en est plus d'un, nous le savons, qui ne
voudrait a aucun prix suivre l'exemple du
défunl et qui se réserve bien, in petto, d'ap-
peler le prètre quand il sera temps. Mais
de quel nom faut-il appeler la capitulation de
conscience de ces vaillanls qui savent qu'il
existe une autre vie, la redoutent pour eux-
mèmes el n'en poussent pas moins Ies3tilres
au malheur par la glorification publique de
l'iinpénitence finale
Non, il n'y a pas de spectacle plus repu
gnant que cette eoinédie au seuil de l'élernité,
pas de nom pour ce vain bruit de démonslra-
tions et de phrases qui ne rassure guére les
vivants, pendant que le malheureux mort
reste seul en face de son juge.
Et comme si lout ici devait èlre faux el
illogique, celui qui, de son vivanl, fuyait
avec horreur la sociélé des fidêles, aura sa
tombe au milieu des leurs, par la force au
besoin; le magistral municipal trouvera sans
peine quelque paragraphe de décret pour
faire inlerveriir son écharpe en l'honneur de
la promiscuité, el le système tont contempo
rain el tout libéral des lois facullatives, qu'on
applique ou qu'on ri'applique point suivant
l'exigence du cas, rendra le législaleur lui -
mème complice involontaire de l'arbilraire
assumé par les tyranneaux de commune.
En présence de ce régime inique les calho-
liques sauront se souvenir qu'il exisle des
lois protectrices, et que les Beiges sont
égaux devant la loi. Ils comprendront el
ils metlronl en pratique le sage conseil que
le premier pasteur du diocése vient d'adres-
ser au clergé et aux fidéles de Ia capilale
Vous parlerez douc, vous écrirez, vous
prolesterez courageusement, et par la re-
vendicalion de vos droits, par l'usage mé-
me que vous en ferez, la ou la chose sera
possiblevous finircz par reconqué-
rir la pleine liberlé de voire foi, de voire
culte et de vos osuvres.
Dyle
SUR LA PENTE!
Le pays assiste, non sans effroi, au chan
gement radical qui se manifeste dans le libé
ralisme. L'impiélé l'emporierapidemenl dans
les bas fonds de la démagogie. Comment
ose-l- il encore nier son caractére absolument
anti-calholique? L'irréligion ledoinine telle
ment que la Ftandre libérale est son orgnne
principal. Et la Flandre railie ces libéraux
assez timides pour ne pas attoquer le dogme
catholique, pour ne pas travailler a la des
truction compléte de l'Eglise. Après ia Flan-
dre, cesont les pelils jotirnaux bruxellois, si
bien appelés de trottoirs, qui conduisent les
libéraux. La Chroniquela Gazette Petrus
ont des tirages considerables. Qu'est-ce que
1 'Echo du Parlement auprés de la Gazette,
M. Hymans auprés de Petrus?
Voyez 1'Eloile beige pendant si longtemps,
si habilement hypocrite!
Elle a jeté le masque, déchiré les voiles:
depuis que son capilaine de cavalerie la diri-
ge, elle affecle le libéralisme bon teint, le
libéralisme bien anti-calholique.
Elle ne cherche pas a amadouer par
don! personne. Elle emhoite Ie pas der
rière la petite presse, regreltanl sansdoule
le temps ou elle le marquail avec I'Echo du
Parlement.
Ces cbangemenls si considerables, si pro-
fonds sont visibles; ils s'imposenl, pour ainsi
dire, a l'observation de tous. Et je me de-
mande comment il se rencontre dans les
rangs libéraux des hommos qui prétendent
rernplir tous leurs devoirs religieux tout en
restant libéraux a tout erin. Quelle aberra
tion! Je sais que le nombre de ces étrangetés,
de ces incohérences diminue, mais il en ex
iste cependanl encore.
Je connais un lecteur assidu de deux jour-
naux libéraux,un destiné au matin,l'autre au
soir, membre de l'association libérale, ap-
prouvant tous les acles libéraux, toutes les
violences de presse et anlres, soutenant que
les poignardés de Malines, les pillés d'Anvers
el les rossés d'Ooslacker, étaient des provo
cateurs. Mon homme fait consciencieusement
le Mois de Marie et son livre de prières est
tellemenl gros que j'aurais peur de in'en
servir! Mais petit a petit les plus obstinés
doivent se rendre a l'évidence: libéral sigm-
fiera pour tous: gueux, et gueux signiliera
anti-catholique. Nous arriverons ainsi a une
démarcation compléte, a une division pro-
fonde et neltement tranchée. Tant mieux! Je
suis partisan des positions nettes et franches:
arrière les equivoques!
Le pays est peut-être moins saisi d'une
autre transformation du libéralisme: je vcux
parlor de sou radicalisme.
Le libéralisme beige devient de plus en
plus républicain, et si les républicains triom-
phent définitivement, ou du moins sérieuse-
ment en France, la question de la république
sera posée eri Belgique par le libéralisme.
La résidenee royale Bruxelles, est ac-
quise a la république; l'éleclion Jansou ne
peut faire l'ombre d'un doute. M. Janson a
été élu non quoique mais paree que répu
blicain.
La Chronique donne le ton et le ton est
aigre a l'égard de la royauté.
7}
CO
O
O
2
CS
'-0
«O
O
£- x
U2
S3
-5
illlj
zo
>-
c*
r:
C/2
—3
rc
n >-
rr
5?
poperinghe-Ypres, 5-15, 7-00,9-28, 11-00, 2-15, 5-05, 9-20. Ypres-Poperinghe, 6-30, 9-07, 12-07, 3-57, 6-50, 8-45,9-50. Pope
ringhe-Hazebrouck, 6-53, 12-25, 7-10. Hazebrouck-Poperinghe-Ypres, 8-25, 4-00, 8-25.
Ypres-Roulers, 7-50, 12-25, 6-45. Routers-Ypres, 9-25, 1-50, 7-50.
Roulers-Bruges, 8-45, 11-34, 1-13, 5-16, 7-36 (9-55 Lichtervelde.) Thourout, 5-15 mat. vers Ostende. Bruges-Roulers, 8-25,
12-45, 5-05, 6-42. Lichtervelde-Courtrai, 5-25 mat.
Ypres-Courtrai, 5-34, 9-46, 11-20, 2-35, 5-25. Courtrai-Ypres, 8-08, 11-05, 2-56, 5-40, 8-49.
Ypres-Thourout, 7-18, 12-06, 6-20, (le Samedi a 5-50 du matin jusqu'a Langemarek.) Thourout-Ypres, 9-00, 1-25, 7-45 (le
Samedi a 6-20 du matin de Langemarck a Ypres).
Comines-Warnéton-Le Touquet-Houplines-Armentières, 6-00, 12-00, 3-35. Armentières-Houphnes-Le Touquet- \V arneton-
Comines, 7-25,2-00, 4-45. Confines-Warnèton, 8-45 mat. 9-30 soir, (le Lundi 6-30.) Warnêton-Comines, 5-30, 11-10 (le
l.nndi 6-50.)
41. 9-01.
Ingel'munster-Deynze-Gand, 5-00,9-41, 2-15. Ingelmunster-Deynze, 6-10,7-15. Gand-Deynze-Ingelmunster, 6-58, 11-20, 1-41.
7-21 Deynze-Ingelmunster, 1-00.
Ingelmunster-Anseghem, 6-05, 12-55, 6-13. Anseghem-Ingelmunster, 7-42, 2-20,7-45.
Lichtervelde-Dixmude-Furnes et Dunkerque, 6-30, 9-08, 1-35, 8-00. Dunkerque-Furnes-Dixmude et Lichtervelde, 6-35,
11-10, 3-40, 5-00.
Dixmude-Nieuport, 9-50, 2-20, 8-45. Nieuport-Dixmude, 7-30, 12-00, 4-20.
Thourout-Ostende, 4-50, 9-15, 1-50, 8-05. Ostende-Thourout, 7-55, 10-10, 12-25, 6-15.
Selzaete-Eecloo, 9-05, 1,25, 8-25. Eecloo-Selzaete, 5-35, 10-15, 4-22.
Gand-Terneuzen (station), 8-17,12-25, 7-30. (Porte d'Anvers) 8-30, 12-40, 7-45. Terneuzen-Gand, 6-00, 10-30, 4-40
Selzaete-Lokeren, 9-04. 1,30, 8-30 (le Mercredi, 5-10 matin). Lokeren-Selzaete, 6-00, 10-25, 4-45 (leMardi, 9-30).
comRBaporrDArrcBS
COURTRAI, BRUXELLES.
Courtrai dép. 6,37 10,53 12,33 3,42
Bruxelles arr. 8,50 1,35 2,25 6,10
COURTRAI, TORNAI, LILLE.
BRUXELLES, COURTRAI.
6,35.
8,54.
Bruxelles clép.
Courtrai arr.
5,22 8,28
8,00 10,46
12,21 5,35
2,55 7,56
6,47.
8,44.
LILLE, TORNAI, COURTRAI.
Courtrai dép. 6,37 9-37 10,56 2,54 5.34 8,47.
Tournai arr. 7,28 10,15 11,47 3,48 6,39 9,41.
Lille 7,42 10-42 12,08 4,00 6,37 10,04.
COURTRAI, GAND.
Courtrai dép.
Gand atv.
6,32
7,51
6-42
8,01
9,49
11,08
12,31,
1,51,
3,44
5,04
6,40
7,56
9-32.
10,20.
BRUGES, GAND, BRUXELLES.
Lille dép. 5,15 8,12 11,05 2,21 4,10.
Tournai 5,42 8,56 11,32 2,40 5,39.
Courtrai arr. 0,12 9,49 12,31 3,44 6,40.
GAND, CORTRAI.
I Gand dép. 5,15 8,45 9.24 9,38 1,28 4,24 7,21.
Courtrai arr. 6,37 9,37 10,41 10,56 2,54 5,34 8,47.
BRUXELLES, GAND, BRUGES.
Bruges d. 6,49 7,04 9,39 12,34 2,52 6,43 8,43. Bruxelles dép.5,22 7,20 7,25 9,00 11,06 1,35 3,02 4,53 o,oo 5,01 8,00 8,20.
Gand a. 7,34 8,19 10,54 1,49 4,07 7,58 9,26. Gand arr. 6,00 8,38 9,30 10,27 1,23 3,59 4,11 6,01 7.17 (,02 9,09 10,26.
Bruxelles 8,50 10,35 12,39 4,00 7,15 9,31 10,40. j Bruges 7,i5 9,23 10,51 11,20 2,38 5,01 6,58 8,1b S,u0
Nos lecteurs nous sauront gré de reproduire la
lettre touchante par laquelle M. Henri Lassorre
a fait connaitre a 1 'Echo des Pêlerins les détails
de la mort du vénérable curé de Lourdes.
Monsieur le rédacteur,
"Hier samedi, jour consacré a la móre de Dieu,
hier 8 septembre, en la fete de la Nativité de la
très-Sainte Vierge, Notre Dame de Lourdes a
appeló a elle son grand serviteur Mgr Dominique-
Marie Peyramale, curé de Lourdes.
C'est a onze heures un quart du matin qu'il a
quitté ce monde. Ainsi, en cétte même heure du
jour, Bernadette partit, il y a bientöt vingt ans,
pour aller vers eesroches Massabielle, oü devait
avoir lieu l'apparition rayonnante de la Reine
du Ciel:
L'Eglise militante pleure d'avoir perdu l'un de
ses soldats les plus héroïques; l'Eglise triom-
phante se réjouit d'avoir recu un bienheureux.
Autant qu'on le peut présumer au souvenir de
tant de vertus et aussi de tant de peines et d'a.
mertumes, l'Eglise souff'rante l'a vu passer au-
dessus de son horizon, allant, en quelques coups
d'ailes, de la boue de la terre aux ineffables
splendours du ciel, de la conversation des hom
mes a celle des élus, du regard attristé des Glio
ses d'ici-bas a la contemplation de Dieu.
Tout le peuple, dont il ótait le père, tout le
pays, dont il ótait la gloire, est couvert d'un
voile de deuil. La terrible nouvelle, inattendue
comme un coup de foudre dans un ciel Serein, a
jeté dans la stupeur et les multitudes de ces con-
trées, et le tpèlerinage d'Agen, arrivé et reparti
hier, et les divers reprósentants du monde entier
qui se trouvent ici en ce moment, attirés par
leur piétó au pieds de Notre Dame de Lourdes.
A cette mort si soudaine, nul n'était préparé,
excepté lui.
De toutes parts on s'interroge; de toutes parts
on est avide de connaitre les moindres circon-
stances qui ont précédé son depart de ce monde
et son entrée dans la patrie dóflnitive.
L'avant-veille, e'est-a-dire jeudi dernier, 6 sep
tembre, rien ne faisait pressentir a ses amis l'im-
mense malheur dont ils allaientêtre frappés, ni
a lui-même la glorieuse couronne qu'il était sur
le point de ceindre pour jamais.
Vers cinq heures du soir, il recut dans sa nou
velle église en construction le pèlerinage de
Bourges, et il accueillit l'offrande qui lui fut
faite pour son oeuvre laborieuse, avec ces paro
les pleines de coeur qui débordaient toujours de
son ame apostolique, toutes les fois qu'il s'entre-
tenait avec le peuple chrétien. II avait en leur
parlant avec une familiarité royale et paternelle,
je ne sais quoi des anciens patriarches, la majesté
auguste et simple du père, du vieillard et du
chef.
II faut, leur dit-il, que je vous montre la
crypte de notre église.
Et tous descendirent avec lui sous les voütes.
Au centre de la crypte, immédiatement au-
dessous du futur autel, il s'arrêta et s'entretint
encore avec les pêlerins des grandeurs de Notre
Dame de Lourdes. Celui qui a écrit ces lignes
avait l'honneur d'etre a cóté de lui. Les pieds de
Mgr Peyramale portaient sur quelques planclies
posées a terre et auquelles nul ne faisait atten
tion... Elles recouvraient le caveau funèbre oü
il devait étre déposé quatre jours après et oü
son corps attendra jusqu'è la fin dos temps, au
milieu des hommages des peuples, la résurrec
tion de la chair.
Le soir, il prit son repas comme d'habitude et
voulut garder avec lui son ami fidéle, landen
curé d'Alger, M. le chanoine Martignon.
Le diner fut plein de cordialité; mais, vers la
fin, Mgr Peyramale eut un mot qui est resté dans
la mémoire de sou très-aimé commensal.
Adieu, lui dit-il, la nuit sera mauvaise.
Elle fut mauvaise, en effet. Vers deux heures
du matin eut lieu, croient les médecins, une hé-
morrhagie intérieure dans la vessie; il commenca
a souft'rir d'ópouvantables douleurs. Mais la dou
leur, quelque violente quelle füt, ne pouvait
abattre du premier coup eet homilie de granit.
Le matin, il se leva, sortit, et alia prendre un
bain sans vouloir étre accompagné.
II rentra plus malade. Les médecins lurent
mandós en toute hate et constatérent la gravité
du péril.
II comprit lui-même sa situation. Son ame
était préparée. II voulut faire régler quelques
détails matériels, faire reporter sur les comptes
quelque argent regu la veille, inscrire quelques
messes qu'il devait célébrer.
Maintenaut, dit-il, tout est en ordre. II ne
me reste plus qu'a aller vors l'éternité.
Ses douleurs étaient affreuses et dóchirantes.
Puissamment constitué, il souffrait puissamment.
De temps en temps son corps athlétique se tor-
dait violemment sous quelque étreinte d'une
acuité inouïe il poussait comme un rugissement
étouffé. Puis il disait
Allons allons C'est la mort la plus cruelle:
mais elle expie bien le péché.
Et son mobile et héroïque visage exprimait le
sentiment que ces soutfrances de la fin étaient le
purgatoire terrestre qui allait le conduire aux
portes du ciel.
Nous voulions lui persuader que son terme
ici-bas n'était point si proehe, et qu'il resterait
encore longtemps au milieu de nous.
La Mère des Douleurs ne vous envoie qu'une
épreuve passagère. Demain sera le jour de fète
et tout ira mieux. Ce sont maintenant les pre
miers vêpres de la Nativité.
Ce sont les dernières, répondit-il gravement.
Je n'en ai pas pour vingt-quatre heures.
Sa présence d'esprit, et ce qu'on pourrait appe
ler sa présence d'a me, étaient dans toute leur
plénitude et dans tout leur rayonnement. Au
milieu de ses tortures physiques, il avait encore
des paroles souriantes et si l'enjouement et la
vive saillie en étaient la forme et l'expression,
la eharité en était le principe.
Je suisbrülé par la soif, s'était-il éerié.
Son frère lui présenta un verre d'orgeat.
Le malade en prit une gorgée pour rafraichir
sa bouche desséchée.
J'ai peur que ce ne soit point la une bonne
boisson, lui dit son frère.
Qu'importerepartit-il, c'est le précepte de la
Faculté. Et vous savez qu'il faut toujours mieux
mourir suivant rordonuauce que de vivre contre
les régies.
Voila que vous retrouvez le rire, lui dimes-
nous. C'est signe que la santé revient.
II faut bien que je sourie un peu et quo je
l'asse autre chose que gémir pour ne vous point
trop affliger.
11 ne songeait qu'a relever notre courage
abattu.
D'autres fois sa parole était sublime.
Toujours sa bouche ardonte qui lui semblait
pleine de feu. Quelques heures s'étaint écoulées
depuis ce que nous venons de raconter, et l'on
craignait que, dans l'état de ses organes, l'eau
pénétrant dans son corps aggravat encore le pe
ril.
J'ai soif, dit-il.
Mais, lui répondit-on, le médecin vous de
fend de boire.
OuiouiNe buvons point.
Puis il regarda le crucifix, et, unissant ses
souffrances a celles de son Dieu, il prononca ce
simple mot, en contemplant l'image de Jésus
mourant pour le monde
ISitio.
L'acent de cette parole pénétra jusqu'au fond
de l'ame de ceux qui l'entendirent, groupés en
prière autour de son lit.
11 supportait avec une constance surhumaine,
et en s'appuyant sur la pensée du Sauveur expi-
rant, les infructueuses opérations des chirur-
giens. Chose ótrange, en apparence contradic
toire, et cependant d'une vérité saississante
la douleur tordait les traits de son visage, non-
seulement sans en altórer le calme profond, mais
mème sans en assombrir la superbe sérénité.
Ainsi se passa l'après-midi d'avant-hier ven-
drediainsi le soir, ainsi la nuit.
(A continuer).