ORGANE CATHOLIQUE DE L'A RRON DISSEMENT.
MERCREDI 8 Janvier 1879.
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14 année.
Nö 1359.
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LETTRE PASTORALE
de S. E. i.e Cardinal-Archev-êque et de
NN. SS. i.ES Evêques de Belgique,
Nous avons fait connaitre sommairemcnt
en notre dernier numéro la lettre si digne
et si éloquente en laquelle i'Episcopat belgo
signale la guerre perfide et incessante que
le parti au pouvoir poursuil contre 1'Eglise,
ses droits et ses liberiés. Nos vénérés Pas-
teurs démontrent en la dernière partie de
leur protestation que Texclusion de l'ensei-
gnement religieux des écoles du gouverne
ment est contraire aux droits de la religion
et de la société, en même temps qui Tes-
prit de la Constitution et aux intéréts du
pays.
I. Quant au premier point, relatif aux
droits de la religion,nos Evêques démontrent
par les Ecritures et par la parole de Notre-
Seigneur lui-même, que la vérité et la mo
rale religieuse doivent être enseignées li
tons, et doivent l'être par les seuls Apötres
et leurs successeurs.
La mission éducatrice de l'Eglise s'é-
tend done a Tenfance et la jeunesse comme
aux autres ages olie s'y rattacbe méme
d'une manière toute spéciale puisque les
premières années de la vie sont particuliè-
rement consacrées la formation et au dé-
veloppement de toutes les facultés de 1'ame
et out par la même une influence décisive
sur le reste de l'existence. 11 s'ensuit que
1'Eglise a le droit divin d'intervenir dans
l'école oü se fait Téducation de Tenfance et
de la jeunesse chrétienne pour imprinter a
cette education un caractère moral et reli
gieux. 11 s'ensuit en outre que les parents,
dont le premier devoir est d'élever chré-
tiennement leurs enfants, sont rigoureuse-
rnent obligés de procurer a ceux-ci une
education religieuse. IR comme ils se dé-
chargent partiellement de ce soin sur les
écoles publiques ou privées, ils ont le
devoir et le droit d'exiger non-seulemerit
qu'on y apprenne la religion, sous la direc
tion de Tautorilé legitime, mais encore que
tout Tenseignement et que toutes les in
fluences scolaires concourent a faire de
leurs enfants des ills vertueux, dociles
craignant üieu, aimant le prochain, soumis
it Tautorité de l'Eglise el de l'Etat.
II. Nos Evêques réclament aussi l'inter-
ventiou du prêtre et Tenseignement reli
gieux au nom do la conservation sociale.
Le bonheur de la familie et de la société
repose essentiellement sur Tobservation ré-
ciproque des devoirs qui obligent ses mem
bres. De l'aveu de tous, Téducation publique
doit done avoir pour résultat de donner ii
la société non seulemeiit des hommes in-
struits, mais des hommes de bien, qui par
Taccomplissement fidéle de leurs devoirs
envers leurs semblables, envers la familie
et envers l'Etat concourent ii assurer la
félicité générale.
La lettre pastorale développc cette these
en détail. Elle poursuit:
Or oü puisera-t-on ces vertus quelle
puissance est capable de dompter les pas
sions, den comprimer les murmures, et de
détermiuer la iiberté de Thomme a suivre
toujours, maigré tous les obstacles, la voix
austère du devoir, si ce ifest la Religion
la Religion qui place Dieu au-dessus de
Thumanité, comme souverain rémunérateur
du bien et vengeur incorruptible du mal
la Religion qui lui montre ce Dieu présent
partout, scrutant et jugeant tous ses actes,
même les plus secrètes pensées et les aspi
rations les plus silencieuses de son être; la
Religion qui éveiiie et développe en lui la
conscience cette puissance merveilleuse
qui tröne au plus intnue de l'ame, préside a
tous ses mouvements, les approuve ou les
condamne suivant les régies de Téternelle
justice,- réprime la fougue des passions,
donne la volonté la force et Ténergie du
bien la Religion qui enseigne it Thomme
son origine, sa fin dernière, et les devoirs
qu'il doit remplir pour atteindre cette fin
la Religion qui apprend au pauvre ii res
pecter l'ordre providentiel de Tinégalité
des conditions et soutient sou courage, au
milieu des privations et des éprcuves de la
vie, par les espérances de Téternité
»Si vousötez Dieu et la conscience,quelle
sanction reste-t-il ii Tautorité paternelle, li
la iidélité conjugale, ii la moralité publique,
au respect de la propriété, Tobservation
des lois elles-inêmes, toutes ces grandes
choses enfin qui forment les assises de
Tédilice sociale
Aussi M. Guizot, un protestant, procla-
mait-il avec tous les hommes soucieux des
intéréts de la société que la religion doit
être le principe f'ondamental de Téducation
populaire; que Tinstruction morale et
religieuse n'estpas comme le calcul, la
géométrie, Torthographe, une lepon qui
se donne en passant une heure détermi-
née, après laquelle il n'en est plus ques-
tion; que la partie scientifique est la
moindre de toutes dans Tinstruction mo-
rale et religieuse; que la partie scien-
tifique est ia moindre de toutes dans l'in-
struction morale et religieuse; que ce
qu'il faut, c'estque Tatmosphère de l'école
soit morale et religieuse, que la reli-
gion doit planer sur Tenseignement tont
entier, et s'associer k tous les actes du
maitre et des élèves.
JE Cousin parlait comme M. Guizot:
L'autorité religieuse,» disait-ilü la Gliam-
bre des Pairs, Tautorité religieuse doit
être représentée d'ollice dans'l'éducation
de la jeunesse, tout comme Tautorité ci-
vile.... Nous ne vouloas pas inêler le
moins du monde la religion aux choses de
la terre; mais il est question iei de la chose
religieuse elle-méme. Nous sommes les
premiers il vouloir que la religion reste
dans le sanctuaire: mais l'école publique
est un sanctuaire aussi, et la religion y est
au même titre que dans l'église ou dans le
temple.
La première République fiancaise avail
voulu chasser le prêtre et le crucifix de
TEcole, et dix ans après le ministre Portalis
disait :i la tribune:
11 est temps que les theories se taisent
devant les faits. Point d'instruction sans
éducation et point d'education sans mora-
le et sans religion.
Les professeurs ont enseigné dans le
désert, paree qu'on a proclamé impru-
demment qu'il ne fallait pas parler de re-
ligion dans les écoles.
L'instruction est nulle depuis dix ans...
Les enfants sont livrés k l'oisiveté la
plus dangereuse, au vagabondage le plus
alarmant.
lis sont sans idéé de la divinité, sans
notion du juste et de Tinjusle. De lü des
moeurs farouches el barbai es. dc ia un
peuple féroce.
Si Ton compare ce quest Tinstruction,
avec ce quelle devrait être, on ne peut
s'empêcher de gémir sur le sort qui me-
nace les générations présentes et futures.
»Ainsi. concluait le Ministre, toute la
France appelle la religion au secours de la
morale et de la société.
Nos premiers pasteurs citent encore les
paroles de Pie IX d'illustre et sainte mé-
moire.
III. Contraire au droit divin, contraire
au droit social, le projet d'exclure la Reli
gion d(^ écoles primaires est encore mani-
testement opposé a Tesprit et a Ia lettre de
la Constitution.
La lettre pastorale invoque ici le témoi-
gnage et les paroles des anciens membres
du Congrès dont un si grand nombre sié-
geaient encore la Chambre en 18-42.
D'ailleurs la Constitution, en garantissant
Texercice public et Ie budget des Cultes,
recommit 1 utilité et la nécessilé sociale de
la Religion.
La neutralité imposée k l'Etat vis-h-vis
des différents cultes, dérive uniquement
de legale liberté que la Constitition assure
et garantit k toutes les communions reli-
gieuses; et des lors il est manifeste que loin
d obliger 1 Etat ii entraver ou ii paralyser
cette liberté, ia neutralité lui impose la mis
sion de la protéger, et d'en rend re a chaque
culte Texercice possible et facile. Or que
fera Ia secularisation des écoles, sinon pa
ralyser et même supprimer, a légard de
1 entance et de la jeunesse, le principal ex-
ercice de tout culle, ;j savoir Tenseignement
dogmatique et moral de ses adherents, sans
lequel il n'y a ni convictions, ni pratiques,
ni culte religieux possible? Garantir au
culte catholique la liberie de sou exercice et
fermer ses minislres les portes de l'école
oü doit se faire Téducation morale el reli
gieuse de
a jeunesse, n'est-ce pas aussi in
conséquent pour éclairer notre pensée
par une comparaison que de décréter la
liberté de l'industrie et du commerce, et de
fermer ensuite tous les industriels et k
tous les commerpants les ports de mer et
les entrepots publics sous le prétexte de
garder vis-ïi-vis de tous une parfaite neu
tralité?
»La seule conclusion que Ton puisse tirer
de cette neutralité constitutionnelle, c'est
que le Gouvernement doit accorder tous
les cultes la même protection et la jouissan-
ce des mèmes droits.
....La proscription de l'instruction reli
gieuse dans les écoles primaires est encore
inconstitutionnelle en ce quelle méconnait
le droit sacré des pères de familie sur Tédu
cation de leurs enfants et viole la liberté de
conscience.
»La voix de la religion s'accorde avec ceile
de la nature pour proclamer que Téducation
des enfants appartient, non a l'Etat, mais il
leurs parents, et quelle constitue pour ceux-
ci un droit eu même temps qu'un devoir.
Le maitre it l'école n'est que le représentant
du père; il est le mandataire chargé par lui
de perfectionner et d'achever la noble têclie
de Téducation de ses enfants; et pour rem
plir son mandat, il doit les instruire et les
élever de telle sorte qu'ils trouvent k l'école
la continuation de l'éducation de la familie.
En ouvrant, aux frais de la nation, des
écoles publiques pour faciliter Téducation
de Tenfance et de la jeunesse, l'Etat est
done oblige de respecter ce droit inhérent
ii la paternité, et (i'organiser ces écoles de
manière it permettre ii Tinstituteur de rem
plir son honorable mission conlormémcnt
aux exigences de son mandat.
Or, peut on nier de bonne foi que Tédu
cation de la familie repose sur la religion,
et que le premier vceu du père qui confie
son enfant a l'école est de lui voir donner
non-seulement une instruction solide, mais
encore une éducation qui rende son fils
vertueux, docile, respeclueux, craignant
Dieu, en un mot une éducation religieuse?»
Nos Evêques ajoutent les considérations
suivantes auxquelles personne ne saurait
contredire:
L'école neutre ou sécularisée est né«-
cessairement irréligieuse et hostile l'E
glise. Car supposé méme qu'il soit possible
de donner aux enfants une instruction sufli-
sante sans toucher aux questions religieu-
ses. que doit produire dans ces jeunes intel
ligences et dans ces jeunes coeurs l'absten-
tion systémalique de toute affirmation se
rapporlant ;j Dieu. a leurs ames, J.-C., a
l'Eglise, leurs immortelles destinées, si-
non l'indifférence et le mépris pour la reli
gion? Quelle estime pourraient-ils avoir
pour une science, dont leurs maitres fout
si peu de cas qu'ils la relèguent au rang
des choses qui n'ont aucune utilité pour
leur instruction et leur éducation Si Notre
Seigneur a dit des hommes qui ne veulent
pas le suivre et marcher sous sa bannière;
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