ORGANE CATHOLIQUE DE L'A RRONDISSEMENT.
MERCREDI 29 Janvier 1879. 10 centimes le Numéro.
Oil s'abonne rue au Beurre, (5(5. a \pres, et a tons les bureaux cle poste du royaume.
RÉSUMÉ POLITIQUE.
NOTRE NOUVEAU CORRESPONDENT.
Comme rtous l'avons annoncé l'autre jout',
nous publions aujonrd'hui la prose de M.
Carton. L'envoi se cornposait d'un billet
tracé fiévreusementcomme d'une main
agitée, et d'un numéro du i'rogrés.
Le billet disait:
Ypres, le 23 Janvier 1879.
Monsieur l'Editeur,
Je vous prie de reproduire, comme pre
mière réponse aux articles qui me concer
nent dans votre dernier numéro, la leltre
que je viens d'adresser it la Patrie (le Bru
ges et dont vous trouverez la contexture
dans le numéro ci-joint du Progrès.
Recevez mes salutations.
Le Comtnissaire intérime
de l'arrondissement d'Ypres,
Henri Carton.
Un mot nous frappa. Nous lisions conté,v-
ture et nous nous demandions si le N° du
Progrès contenait bien le toxte integral ou
seulement le résumé, l'agencement dc la
lettre adressée tt la Patrie. Mais nous ne
pouvtons croire que M. Carton ne connüt
pas la langue qu'il emploie d'habitude. Le
dictionnaire de Littré nous lit voir que ce
liaut personnage, licencié en droit, se per-
met des licences en langue frangaise com
me en administration. D^puis nous avons
vu it Bruges le manuscrit original adressé
a la Patrie. 11 est écrit tout entier de cette
belle écriture qui dévoile M. Pieters. l'ati-
cien chef de bureau du commissariat, de-
vcuu aujourd'hui tout it la l'ois secrétaire de
M. Carton et secrétaire du secrétaire de la
ville d'Ypres, tine bonne a tout faire,
quoi!
Ce doute levé, voici la lettre:
Ypres, le 20 Janvier 1879.
Le style c'est l'homme. La longue et mau-
vaise defense qu'oa vient de lire émane
bien de M. Carton. Affirmations denudes
de preuves, outrages a l'adresse de lavictime
dun acte inique, un ton général de suftisan-
ce et de morgue, le tout sous le couvert
d'un exces d'audace voilit le résumé de la
lettre.
Le système ne réussira pas. L'opinion
publique qui connait l'homme ne lui per-
mcttra pas de payer d'audace. 51. Carton a
fait poser par M. le procureur de la provin
ce un acte d uue brutalité inouïe; c'est sur
ses vives instances que la revocation de M.
Desaegher a été obtenue.
11 faut que eet acte lui reste comme une
flétrissure.
M. Carton aime a poser pour le préfet i
poigné, decide d'arriver quand mème au
but qu'il s'est proposé. Ce róle il doit le
conserver jusqu'au bout et en ce qui nous
concerne nous ne permettrons pas qu'il
s'efface aujourd'hui et se cache derrière les
insultes prodiguées a celui qui a été l'objet
d'une destitution injustifiable et a ceux qui
out admiuistré l'arrondissement d'Ypres
avant lui.
Quand on prend une position comme
celle que M. Carton cherche ii se donner,
il taut avoir le courage d'aller jusqu'au
bout.
M. le Comtnissaire interimaire croit nous
accablei sous los oftres de son rapport offi
cie!. Nous 1 atlendons tranquillement, fort
pen effrayé des airs de matamore de M.
Cat ton. Cioit-il peut-ètre que ce rapport
restera sans réponse dans l'avenir? II se
trompe si cest la son opinion. 11 sera
répondu a ce rapport comme il a déjit été
fait. Nous soupgonnons avec quelque droit
que M. le Procureur provincial a trouvé
dans la réponse de M. Desaegher der argu
ments sériéux; car il sest gardé d'invoquet'
dans son arrêté de revocation aucun ties
BSMSKSK2!9!28&»E23Bi3E - ytvss^xs'^xx^.yï^iSKSfZKtrjrMfit T£?v?xm!^JSOtt^vtM&w^r-aa'T -^i'jrrrsxFjrei: xjrttccarz&x? ja t.
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Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercredi et le Sarnedi.
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MDufanrc n'e&t plus que l'exécuteur des
mes et des rancunes de Gambetla. Ne disposant
pas de la m ijorité a la Chambre, le chef du cabi
net frangais se traine a la remorque de I homme
e plus en vue de la gauche.
Les feuilles républicaines dressent de jour en
|our des listes de suspects. Elles ont publié la
iiste des presidents de Cours et des procureurs
généraux, suspects de cléricalisrae; elles dénon-
eent aujonrd'hui de nouvelles classes de function-
naires.
Déja sept receveurs généraux ont été ainsi
lacrifiés aux rancunes radicules. On annonce
la revocation du procureur general de la Cour de
cassation et des procureurs généraux prés des
Cours d'appel a Paris, i Lyon, a Angers, a Dijon.
Celui-ei, 11. Boissard, n'avait pas craint de
rondure, dans un procés purement civil, a la
condamnalion de 11. Challëmel-Lacour, un répu-
blicain de la plus belle eau, a 97,000 fr. de dom-
mages-intérêts envers les Frcres de la Doctrine
chrétienne, et la Cour de Dijon avait adopté les
conclusions de 51. Boissard.
Le préfel de police de la Seine, 31. Fernand
Duval, est également remplacé par un radical, 31.
Hérold. Le principal tort de 51. Duval, c'esl d'a-
voir courageusement lutté conlre ies rouges du
conseil municipal, qui voulaient chasser des écoles
le Paris les Frères de la Doctrine Chrétienne, el
les liöpilaux les Soeurs de Charité.
Ces gages donnés a la Revolution par un cabi-
aet vivant au jour le jour d'expédienls et de con
cessions, ont rendu le radicalisme plus audacieux
:t plus exigeant.
Une proposition d'amnislie générale doit être
ioumise simultanément aux deux Chambres, et
ouvrira la France aux pétroleurs, aux incen-
liaires des Tuilerie» et aux assassins des olages.
En Allemagnele Kulturkvmpf sévit avec
ine recrudescence nouvelle, en dépit des villéités
t des declarations du vieil Empereur, qui veut
juc le peuple conserve sa religion. Par l'organe
lu ministro des cultes, 51. Falk. le gouvernement
net pour condition a la paix, que les cat bol iq ties
le la Chambre désavouent au préalable la juste
pposition qu'ils ont faile a une legislation inique
t oppressive des droits de la conscience el de la
iberté religieuse.
Les calholiques ri'onl rien a désavouer, et ne
e désavoueronl pas.
La peste étend de plus en plus ses ravages
n Russie. Ou a établi antoiir de la zóne infestér
in large cordon sanilaiie. Slaisdéja le mal aurait
tteint le Dniéper.
L Allemagne et l'Autriche avisenl également
ux mesures a prendre pour que 1'épidémie ne
anchisse pas Icurs fronlières.
Monsieur VEditenr
Comme vous paraissez très-désireux de mettre
vos locteurs au courant des véritables raisons,
qui out fait congédier le sieur Dcsagher, jo veux
vous aider a saüsfaire leur curiositó. lis se-
ront édiflés en mème temps de voir la bonne foi
de votre correspondant d'Ypres.
Et d'abord, Monsieur l'Editeur, la mesure qui
atteint le sieur Desagher était réclamée de toute
part et loin d'avoir provoquó la moindre emo
tion, elle a produit, ea ville comme dans l'arron
dissement, une profonde et légitime satisfaction.
Les uns se disent que le sieur Desagher n'eut
jamais dü être nommé a ces fonctions et ies plus
indulgents setonnent qu'il ait pu y rester jusqu'a
ce jour; car il est ici de notoriété publique que
le sieur Desagher n'a ni l'instruetion, ni ies con-
naissances, ni la pratique administrative pour
diriger convenablement un commissariat d'ar-
rondissement.
Et qu'y a-t-il d'étonnant a cela? Lorsqu'il y a
trois ans, mon ancien chef de bureau fut nommé
chef des bureaux de l'Hötel-de-Ville, il fallait le
remplacer par un administrateur, or on norama
un boulanger. Le sieur Desagher venait en eifet
d'abandonner cette profession et jamais il n'avait
fréquente aucun bureau, ni fait partie d'aucune
administration publique; malgré tout, on le
nonima chef de bureau d'emblée, en récompense
sans doute de ses services politiques.
Est-il étonnant, après cela, que le sieur Desa
gher ne fut pas a la hauteur de ses fonctions
aussi, a peine fut-il rentré au commissariat qu'il
se produisit un relachement général dans l'ad-
ministration de l'arrondissement, au point que
le bureau devint presque une boite aux lettres;
telle était la situation iorsqu'on m'engagea a me
charger de l'intérim, Certes, Monsieur l'Editeur,
je rfai pas accèpté cette mission par ambition,
mais avec le désir sincere de róorganiser le
commissariat sur le pied oii il était, lorsqueje
1 ai quitté, il y a iiuit ans. Mais dés mon entrée en
fonctions, le premier et le principal obstacle que
je reneontrais, fut ie sieur Desagher; eet em
ployé ne connaissait pas la solution qu'il fallait
donner aux affaires, ni mème la suite qu'il con-
venait de donner aux dossiersil renvoyait ies
pieces d'une commune a l'autre a telles fins que
de droit et i! y avait ainsi une foule de dossiers
qui avaient voyagé quinze vingt fois d'une
commune a une autre,sans avoir recti de solution.
Get état do choses ue pouvait évidemment pas
se perpétuer et mon successeur était en defini
tive en droit d'exiger un chef de bureau qui fut
a mème d'en remplir ies attributions.. La loi lui
en donnait lo droit et ii eut bicn faliu finir par y
satisfaire.
Votre correspondant n'essaie pas du reste de
justifier le sieur Desagher; il ne cherche qua
exciter la pitié et a appitoyer vos lecteurs sur
son triste sortmais le commissariat n'est pas
en définitive un établissement de charité et les
intéréts de tout un arrondissement ne sauraient
être sacriiiés au besoin d'une familie.
Au surplus votre correspondant a tort de s'at-
taquer a M. le Gouverneur, car ce haut fonction-
naire ne s'est pas baissé déterminer par ces seules
considerations, plus que suffisantes, d'apros moi,
mais, il a exigé des faits graves et précis avant
de statuer; ainsi j'ai dü lui démontrer d'une part
que des irrégularités très-regrettables et trös-
graves existaient dans les documents les plus
essentiels de la milice, notamment dans le re-
gistre de visite des médecins et d'autre part que
le sieur Desagher s'était permis de gratter et
d altérer des documents portant ma signature.
Et c est sin la production seulement de ces docu
ments autbentiques et sur mes vires instances
que le sieur Desagher a été enfin relevé de ses
fonctions, non seulement après avoir été entendu,
comme l'exige l'arrêté royal de 1877, mais après
avoir eu, pendant buit jours, en sa possession lo
rapport textuel, quo j avais adressé a sa charge
et que je tiens aussi, Monsieur 1 Editour, a votre
disposition si vous avez envie dele publier dans
tin prochain numéro.
Certes, vos lecteurs pourraient ainsi juger
avec connaissance de cause.
Votre correspondant n'oublie jamais de se
donner un peu d'encens: ainsi il fait grand mérite
a M. le Chevalier Ruzette d'avoir non-seulement
conserve mais amélioré la position de mes an
ciens employés. Eli parbleu qu'eut-il done fait
Lui qui était absolument ótranger a tout ce qui
était administration, a dü étre fort heureux de
trouver deux bons employés, et s'il les a gardés,
eest qu'il en avait grand besoin; mais {jouree
qui est de la manière dont ils ont été traités, je
suis autorisé a dire qu'ils ont passé tout 1c temps
qu ils furent chez M. Ruzette dans un caveau hu-
mide et qu'ils n'ont jamais eu d'autres augmen
tations ou d'ameliorations, que celles qui étaient
consenties et payées directement par ie Gouver
nement.
Comme je veux que vos lecteurs soient corr.
plètement édifiés sur cette non motives et
brutale destitution je vous enverrai, si' vous
y tenez, mon rapport offleiel auquel cette lettre
sert de prologue et que vous aurez ainsi l'oeca-
sion de soumettre a vos lecteurs.
En attendant, je vous prie, M. l'Editeur, de
donner place a la présente, dans votre prochain
numéro, et je vous présente mes salutations.
Henri Carton.