ORGANE C ATHOLIQUE DE L'A RRONDISSEMENT.
SAMEDI 12 Avril 1879.
10 centimes le numéro.
14" année.
N° 138C.
Oil s'abonne rue au Beurre, 6(5, a Ypres, et a tous les bureaux de poste du royaume.
Resume" politique.
_En Afrique, les Zoulous ontenlevéun
convoi d'approvisionnement destiné u ravi-
tailler les troupes anglaises enferémes a Eko-
we, et massacre la plus grande partie de
l'escorte.
D'autre part des troubles sérieux out éclaté
au Transvaal.
Le Kliédive d'Egypte continue sa resis
tance aux Européens. II a renvoyé les minis-
les Wilson et de Blignières, qui représen-
taient les intéréts anglais et francais. Les
projets du Kliédive aboutissent la banque-
route.
Les difficultés sont grandes. Les deux puis
sances ne se sont pas encore mises d accord.
Le Sultan, sur lequel elles avaient compté,
semble avoir poussé le Kliédive dans la voie
oil il est entré. Pourvu que la main du Czar
de Pmssie ne dirige pas ces affaires.
Ce serait uue grave complication it la ques
tion d' Orient.
Les journaux russes annoncent qu'un
grand nombre de personnages marquants de
l'eiitourage de fEmpereui' et de la liaute ad-
minstration ont regu des lettres anonymes de
menaces, qu'on suppose émaner du comité
central nihiliste.
L'assassinat organisé; car jusqu'ici la poli
ce ne réussit pas ii mettre la main sur les
auteurs des derniers attentats.
La question Blanqui continue d'etre.l'or-
dre du jour en France. Ses deux compétiteurs
radicaux s'étant désistés en sa faveur, il est
Épisodes de la commune (1)
algré les protestations violentes de j a ren(ju vjsite; Tentrevue a duré une heure.
pie la république possède encoie de Garibaldi est une puissance qui a traité
désormais indubitable que le farouche déma-
gogue sera élu. Or, cette élection sera pour
le gouvernement une épreuve des plus cruel-
les. S'être vu obligé d'amnistier les commu
nards m:
tout ce que
gens d'une certaine tenue, c'était dur; mais
voir les communards s'amnistier d'eux-mê-
mes en faisant la nique aux hommes du pou
voir, cela parait intolérable, et telle est pour-
tant la perspective du moment. La candi
dature est tirée, il faut la boire, dit la Mar
seillaise. Le gouvernement devait insenre en
tète de la première liste d'amnistie le nom de
Blanqui, de ce Latude infiniment plus hono
rable et plus intéressant que l'autre. L'obsti-
nation féroce de nos ministres oblige de nou
veau le peuple a ouvrir les portes de la Bas
tille. II suffira d'un bulletin de vote pour at-
teindre ce grand résultat. Rien ne sera moral
et instructif comme de prouver, en nommant
Blanqui député de Bordeaux, que le suffrage
universel peutquand il le veut, malgré M.
Andrieux, M. ie Roger ou M. Waddington,
proclamer ïamnistie plénière.
A notre humble avis, l'élection de Blanqui ne
sera rien moins que morale, n'en déplaise la
Marseillaise; mais pour instructive, nous l'ac-
cordons et ce n'est pas M. Grévy qui dira le
contraire. II va en effet être démontré M. lc
président de la république que le droit de
grace et d'amnistie, loin de dépendre de lui
comme il se letait failacieusement imaginé,
dépend surtout du peuple souverain, c'est-a-
dire du premier journal radical venu. Hélas
M. Grévy est en train d'apprendre une infiini-
té de choses dont il n'avait jamais eu avant
la moindre idee; il l'avoue, dit-on; avcu bièn
inutile.
Garibaldi est a Rome. Le roi Humbert
jadis avec Victor-Emmanuel d'égal a égal et
qui n'entend peut-être pas s'incliner devant
Humbert.
M. Desimpel, Bourgmestre seloti
le Progrès.
Que M. Desimpel soit nommé Bourgmestre
de Warneton! e'est tout simple, dit le Progrès.
II remplace en 1879 M. Godtsclialck,
comme celui-ci avait en 1872 rempiacé
l'honorable M. Piicquier.
II n'y a pas la moindre difference. Par
pari refertur. Voila tout.
Pour les gens simples du Progrès et d'ail-
leurs, cela peut paraitre simple, en effet;
mais pour les gens sensés! et pour ceux qui
n'oublient pas d'une année a l'autre les faits
passés! Progrès, il n'en est pas dc même.
L'honorable M. Ricquier, en 1872, restait
seul libéral dans un conseil homogène élu
malgré lui et contre lui. Le corps électoral
avait clairement exprimé sa volonté. En lais-
sant M. Ricquier son rang de conseiller,
le Gouvernement n'avait fait qu'appliquer les
vrais principes de nos lois. II respectait
Tautonomie de la commune et la liberté du
corps électoral.
En 1875, M. Ricquier, eet ex-Bourgmes-
tre, étoile de première grandeur au firma
ment du Progrès, réélu en 1872 avec une
voix de majorité, dégringola avec prestesse
de son siége de conseiller. il ne se relev.a
pas de cette chute. Les électeurs, édifiés sur
ses capacités administratives et rënseignés
par M. Desimpel, qui parfois fut si cruel
pour lui, le renvoyèrent aux loisirs de la vie
et aux soins de ses affaires personnelles. M.
Ricquier ne parvint même pas, en 1878,
malgré toutes les manoeuvres messinoises,
les influences grandes et petites de M. De
simpel, rentrer au conseil communal par
la petite porte d'un ballotage. Le corps élec
toral le laissa jouir en paix d'un repos que le
Progrès lui envie probablement.
Voila pour le premier, Progrès. Si vous
aviez gardé le silence nous n'aurions jamais
relevé ces souvenirs cuisants.
M. Desimpel a couru d'autres aventures
électorales. On n'y trouve pas cependant la
justification de sa nomination.
Cet. honorable compose, avec son nouvel
échevin, la minorité du Conseil, oü il est
parvenu par les moyens qui n'ont pas réussi
son frère siamois d'aujourd'hui.
Le ministre de TIntérieur, qui tient avant
toutü défendre les intéréts de son parti, Ta
nommé Bourgmestre a la demande de M.
Carton, ce pour le simple motif qu'il est la
minorité et que la minorité doit être proté-
gée contre la majorité.
Journal d'Ypres,
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(Extrait ile la Gazette de France.)
Nous voudrions pouvoir nous arrêter aux sept
épisodes dont se compose ce volume, paree que
chacun d'eux est comma le fragment d'un miroir
oü se refléte la Commune tout entière. Le pre
mier raconte avec force détails intimes et précis
i'intervention des maires entre le gouvernement
régulier et le comité central, leurs compromis,
leurs concessions, leur capitulation finale, ou du
moins la capitulation d'une partie d'entre eux,
du tiers tout au plus, qui, sous le coup d'une
fausse nouvelle répandue avec une légéretè
inexcusable, ne craignirent pas d'associer la
Chanibre et la France entière a l'accomplisse-
ment d'un acte dont l'illógalité était flagrante.
11 met dans tout son jour la mauvaise foi du Co
mité central, qui, abusant avec impudence de sa
situation et du désarroi du gouvernement, résolu
a tout pour garder Paris, trahissait deux fois de
suite la parole donnée en son nom par ses délé-
gués et, après la transaction, altérait, en l'affl-
chant, le texte de l'adresse a la population pari-
sienne rédigée d'accord avec la fraction des mai
res ralliés a lui.
(1) Tome II, des Convulsions de Paris, par
Maxime Du Camp, Hachette, in-8°.
L'Assemblée infligea un énergique désaveu a
la capitulation des maires, et les négociations
furent rorapues. Par suite, la situation de l'ami-
ral Saisset, nommé commandant supérieur des
gardes nationales et qui s'efforcait de grouper
autour de lui dans Paris les forces du parti de
l'ordre, devenait absolumant intolérable. Mais
M. Du Camp établit très-bien que ce qui domiua
la situation, en amenant d'une part l'écliec des
négociations, de l'autre la retraite de Bamiral et
le licenciement de sa petite armee, ce fut l'entê-
tement invincible avec lequel M. Thiers se refu-
saa faire saisir.militairement un des points stra-
tógiques sur lesquels il avait besoin de s'appuyer
pour se rnónager unmoyen de ravitaillementet
de retraite. On ne négocie pas avec une armee
coupóe de sa base d'opóration dès le dóbut, d'ail-
leurs très-faible etprivée de cohésion, sanss'ex-
poser a un échec certain. Mais M. Thiers re-
poussa toujours avec une vivacité extréme tous
les avertissements et toutes les propositions
qu'il recut a eet égard il persista opiniatrement
dans son idee d'abandonner entièrement Paris
pour le reconquérir, ce qui le condamnait a s'in-
fliger un démenti a lui-même, en prenant des
fortifications qu'il avait déclarées imprenables
lorsqu'il les fit construire
La Commune et ses apologistes honteux ont
osé prétendre que les crimes qu'on lui reproche
ont tous été commis en représailles, qu'on a pro-
voqué ces pauvres fédérés et qu'ils ne sont de-
venus coupables, s'ils le furent, que par l'exas-
pération. Versailles n'avait qu'a les laisser jouir
en paix de Paris, ils auraient été les plus inoffen-
sifs du monde. Mais on est venu. les attaquer, on
atirésur eux, on les a fusillés Alors, quoique
ce fussent de bonnes ames, l'indignatioh d'un
traitement si injuste a été la plus forte, et ils ont
vu rouge. II ne faut pas se lasser de rappeler
qu'ils n'ont même pas cette pauvre excuse. Le
crime de Versailles fut de répondre a la force
insurrectionnelle par la force légale, aux coups
de fusils de l'ómeute par les coups de fusil de
l'armée réguliere, ne n'avoir pas consenti a rece-
voir les bras ouverts la deputation de fédérés
que dispersa le canon du Mont-Valérien et a li
vrei' la France a la poignée de dróles dont l'his-
toire est condamuée a ramasser les noms dans
les ruisseaux sanglants du 18 Mars.
Mais, même avant ce crime, dès le premier
jour, dós la première heure, ils ont versé le sang
et se sont montrés dignes de ce qu'ils devaient
être deux inois plustard. Le 18 Mars, ils assassi-
nent Clément Thomas et ls général Lecomte; les
19, 20, 21 et le 31, ils empoignent leurs premiers
otages: lesgónéraux Chanzy et de Langourian;
M. Claude, chef du service de süreté M. Bonjean
et le curé do Plaisance, M. Biondeau; le 22, ils
tirentsurla manifestation pacifique de la place
Vendóme qui laisse treize morts surle pavé; le
2 Avril, ils tuent a bout portant M. Pasquiei',
chirurgien en chef, revêtu de son uniforme et
protégé paria croixde Genève Nous ne sa-
vions pas qu'il était médecin, disait plus tard
1'offlcier insurgé nous croyions que c'était un
parlementaire. Excuse admirable et qui donne
une haute idéé de leur sens moral
Le plus instructif de tous les épisodes abordés
dans ce volume, c'est peut-être celui du général
Eudesetde la Légion cl'honneur. Le général Eu-
des, comme on sait, s'était révélé ie l7Aoüt 1870,
dans l'affaire de la Villette, organisée par Blan-
qui4 ce virtuose de l'émeute, ce maniaque do
conspiration, qui semblait vraiinent avoir coin-
biné celle-ci par pur amour de Tart. Ayant poi-
gnardé un pompier, il était naturellement appelé
a jouer un grand róle dans la Commune. 11 avait
d'ailleurs les talents d'un écuyer du Cirque: nul,
parmi les gónéraux fédérés, ne montait mieux a
cheval. Le général Eudes, ancien gargon apothi-
caire, avait une maison militaire composëe de
vingt-quatre personnes. Bergeret ne montait pas
a cheval, mais il avait pour planton un superbe
mulatre vétu en turcodont on parlait avec
admiration comme jadis du mameluck de I'em-
pereur, ce qui mettait une pointe de jalousie au
cosur du général Eudes. A force de recherches,
après avoir suceessivement essayé d'un Polonais
et d'un Hongrois qui n'obtinrent qu'un succès
d'estime, il finit par découvrir un spahiS, noir
comme le diable, qu'il prit pour ordonnance et
qui relégua aussitöt dans le troisième dessous le
turco de Bergeret.