ORGANE CATHOLIQUE DE L'A RRON DISSEMENT,
MERCREDI 30 Avril 1879.
10 centimes le numéro.
14e année.
N° 1391,
On s'abonne rue au Beurre, 6(5, a Ypres, et a tous ies bureaux de poste du royaume.
Résumé politique.
Le mouvement contre les projets Ferry sur
l'enseignement s'aceentue.en France.
Dans tous les conseils gënéraux, dont la
session annuelle vient de se clore, des voeux
out été proposés s'exprimant formellement
contre ces lois oppressives; dans un grand
nombre de conseils ces voeux ont été adop-
tés. Comme contre-partie, il est vrai, les ra-
dicaux peuvent citer quatre ou cinq conseils
généraux oü des felicitations ont été votées tl
l'auteur des lois contre la liberté de l'ensei-
gnement; mais ces quatre ou cinq conseils
appartiennent a des départements notoire-
ment dévoués au radicalisme, et (Tailleurs
leur nombre ne se compare pas celui des
conseils oü la protestation a été votée, saus
compter ceux oü elle a été appuyée par une
forte minorité.
Cette manifestation a une importance capi-
tale. Jusqu'a présent le flot des protestations
montait toujours; nous le signalions gran-
iiissant, s'élargissant, prenant les propor
tions d'une manifestation nationale.
Le mouvement entre b présent dans une
phase plus significative encore, et les faits
qui se produisent doivent donner b réfléchir
;i des gens qui se proclament partisans du
suffrage universel et qui, en tout cas, tien-
nent de lui tout ce qu'ils sont. Les assemblees
dëpartementales out reru de la Constitution
et des lois spéciales des attributions plus
liautes que les soins des intéréts locaux. D'une
part, elles fournissent des électeurs pour le
Sénat, et, d'autre part, elles out le droit de
formuler des vceux qui doivent avoir un
grand poids sur les decisions legislatives,
puisqu'ils sont une attestation directe et ac-
tuelle de fopiuion publique.
C'est la ce qui fait la force, l'importance
considérable des protestations que font en
tendre les conseils généraux.
La question Blanqui menace de tout
brouiller en France. Gambetta a quitté
Paris pour chercher dans le midi un rayon
de soleil. En partantil a signiiié au gouver
nement qu'il avait b gracier le vieux conspi-
i'ateur. Le vide se fait autour du ministère
fit bientöt M. Grévy pourra honger b de nou-
veaux collaborateurs.
En Russie les mesures contre les nilii-
listes continuent.
I n ordre vient d'etre donné a la garde et
aux autres troupes de la circonscription de
amt-Pétersbourg de faire connaitre immé-
ment a l'autorité la provision d'armes et
munitions qu'elles ont entre les mains,
mme fa fait derriièrement la population
v'le, en vertu d'une prescription analogue.
Ene commission se forme a Saiiit-Péters-
bourg pour obliger les habitants a assurer
leurs immeubles et a organiser une surveil
lance active dans les campagnes.
D'une statistique compléte et établie sur
des documents officiels fournis par les gou
verneurs de province il résulte que, pendant
le seul mois de Mars dernier, les cas d'incen-
die ont alteint le total énorme de 1,660; les
pertes sont évaluées a 1,727,169 francs.
On a constate aussi que les quatre dixiè-
mes des incendies étaieut dus a la malveil-
lance et au défaut de precautions.
Enfin, les membres de la commission d'en-
quête qui voyageaient ces derniers temps
dans le midi de la Russie, pour découvrir
les sociétés secretes, altribuent, dans leurs
rapports, une grande partie de ces incendies
aux.nihilistes.
C'est done centre eux qu'est dirigée la com
mission dont on nous signale la constitution.
D'après le Nouveau Temps, il serait ques
tion de rétablir le poste de grand-maltre
général de la police.
D'un autre cöté, on assure que les fonc-
tions de préfet de Saint-Pétersbourg seraient
dédoublées. 11 y aurait ainsi deux préfets qui
porteraient le nom, l'uu de préfet de Sain-
I'étersbourg, l'autre de préfet de police.
Ce dernier serait placé sous les ordres du
gouverneur général.
Lii ukase imperial défèrc le jugement de
l'attentat contre le Czar b un tribunal présidé:
par le président du département de la legis
lation au conseil de l'Empire.
Le comte Andrassy a promis au comte
Schouvaloff de prendre toutes les mesures né
cessaires pour empêcher les révolutionnaires
galliciens de se mettre en rapport avec les
nihilistes russes.
La France et l'Angleterre ont agi au-
près du Khédive d'Egypte. Un arrangement
est possible.
L'occupation de la Roumélie n'est pas
encore réglée.
Garibaldi est a Rome. II agite l'ltalie:
revendication de l'exercice effectif de la sou-
verainelé nationale, constitution d'une ligue
de la démocratie pour eombattre le gouver-
ment des minorités, souscription nationale
pour l'achat d'un million de fusils, tcls sont
ses moyens, ou rnieux ceux de la Révolution.
Discours prononcé par M. Struve,
dans la séance
de la Chambre du 23 Avril.
Journal d'Ypres,
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Suite. Voir notre numéro précédent.
Sous le régime nouveau qu'on prépare, il sera
j done évidemment et expressóment défendu au
I prètre qui s'aventurerait dans le local de l'école
d'enseigner quoi que ce soit de ces vóritós élé-
rnentaires et primordiales, que nous venons
d'exposer et sans lesquelles il n'y a plusdefoi
ni de morale chrétienne. Cela lui sera défendu,
sous menace d'en être chassé comme un malfai-
teur: - Sur le terrain politique, dit le rapport
de la section centrale, l'Etat a le devoir de se
défendre, et ce devoir il le remplira. A ceux qui
voudront abuser de l'article 4, il doit fermer
résölüment les portes de l'école, et nous sommes
convaineus qu'il les leur fermera.»
Pour nous en convaincre de plus en plus, mes
sieurs, écoutons les hommes autorisés et d'abord
i honorable M. Frére, chef du cabinet et du parti
libéral, séance du 6 aoüt 187$:
Nous avons 1111 grand devoir a remplir, c'est
celui de faire prévaloir, dans les établissements
destruction publique, les véritables principes
coustitutionnels (tels évidemment que le libéra
lisme les professe), de les y faire comprendre,
aimer et respecter; ces établissements doivent
servir a la defense de ces principes, a la propa
gation des vérités politiques a l'abridesquelles
nous avons véeu jusqu'a présent Voila la raison
d'etre de la creation du département nouveau de
rinstruction publique.
Si le catholicisme consiste a prêcher des
principes desti-uctifsde nos institutions (tels que,
d'après M. Frére, en enseignantle Syllabus et les
Encycjiquès du Saint-Siégè), oui, les établisse
ments publics auront pour mission de contrarier,
de eombattre et de détruire ceprétendu ensei-
gnement religièux qui, ajoute M. Frére, n'cst
qu' un enseiguement politique.
Ecoutons maintenant M. Van Huinbeeck, le
miuistre de l'instrction publique, séance du 7
Aoüt:
II déclare que la création de son ministère est
- la suite nécessaire du refus de la droite de
flétrir le pape et les documents pontificaux,
qui proclament la souveraineté universelle de
Dieue.t la dépendance correlative de l'homme;
l'autorité de l'Eglise sur la société et les suites
funestes de la licence, a laquelle donnent beu les
libertés modernes.
Ce que nous voulons en dóveloppant l'ensei-
gnement public, dit-il, c'est précisément rendre
plus vive Faction do l'Etat pour se défendre con
tre les prétentions formulées clans les docu
ments ullramontains c'est-a-direpontificaux.
«La politique est chose, indépendante de la
religion dit M. Van Humbeeck a la mème
séance, ct il déclara au Sénat, le 21 Aoüt que:
La sphere relicjieuse est entièrement, coröplè-
temént, absolument distincte de la sphere poli
tique.
S'il y a lutte entre les libéraux et les mem
bres du clergó catholique, continue-t-il a la
Chambre, c'est a cause de la pretention des prê-
tres d'assujettir tous les actes de la vie du fidéle,
tousles actes de sa vie publique comme de sa
vieprivée, a la nécessitó d'une approbation sa-
cerdotale. Que signifie celal En réalité, sousce
travestissement, nous ne trouvons que le repro-
ehe adressé aux eatlioliques de vouloir confor-
nier tous leurs actes moraux a la doctrine, a la
morale chrétienne et d'en soumettre le jugement
a l'autorité divinement constituée dans l'Eglise.
C'est la tout le crime du prètre d'accomplir son
devoir et de nous laisser accomplir le nótre.
Nos prêtres ne prétendent nullements'oppoSer
par la force matérielle aux infractions commises
aux lois de Dieu, soit par les magistrats, soit par
ies fonctionnaires, soit par ies électeurs; mais
ils out le devoir, et, Dieu merci, constitutionnel-
lement ils peuvent parfaitement l'accomplir, ils
ont le devoir d'instruire les fidéles de tous les
devoirs d'etat, politiques, civils et autres, et de
juger en confession, suivant les lois de Dieu et
de 1 Iïglise cathclique, tous les actes moraux
des fidéles.
lis n'ont que cette seule pretention, Elle est
un devoir absolu qu'ils doivent remplir, sous
peine de forfaiture vis-a-vis de Dieu, vis-a-vis
de 1 'E7gli.se, vis-a-vis des fidéles mêmes. Ceux qui
ne croient ni a ce devoir du prètre ni a ce devoir
du fidéle n'ont qu'a s'abstenir et du próne et du
confessionnal. M. le ministre, comme tout le
monde, sait bien que de ce chef on ne s'expose 4
aucune coercition.
Ce n'est pa's tout.
A en croire encore l'honorable ministre en-
seigner les commandements de Dieu et de l'Egli
se les donner comme base a l'enseignement
public», c'est tout simplement la negation de
la liberté de conscience
I!ien plus, a en croire le ministre (Chambre des
roprésentants, 20 Novembre 1878) les doctrines
de l'Eglise sont évidemment destructives de lout
Etat laïque. Pourquoi'! Paree que «si un« loi
est contraire a ce que l'Eglise proclame comme
vérité, l'Eglise se résigne simplement "dia
laisser intacteet refuse le sacrifice de son
autorité indiscutable c'est-a-dire de ses princi
pes divins.
Enfin, a en croire le ministre de l'instruction
publique, la loi de 1842 doitavant tout être re-
visée, paree qu'elle oblige Tinstituteur a mettre
son enseiguement en harmonie avec celui du cler-
gé c'est-a-dire avec l'enseignement de l'Eglise
catholique. D'après lui, comme d'après le prési
dent du cabinet, les eatlioliques ne sont pas er
droit de demander que, dans les écoles publique:
destiuées a leurs enfants, on leur garantisse
qu'aucun enseiguement ne sera donné en con
tradiction avec les doctrines de l'Eglise catho
lique (Chambre des représentants, 6 Aoüt t878).
Ecoutons l'honorable ministre de l'intérieur it
son tour. M. Rolin prétend aussi qu'on n'est bon
citoyen beige qu'a condition de considérer toutes
les libertés constitutionnelles com ine devérita-
bles droits inhérents a la nature humaine et,
avec la haute raison et l'esprit de suite qui le dis-
tinguent, il promet uu brevet de catholicisme et
de civisme il tous ceux quien matière politique",
repoussent l'autorité de l'Eglise et tiennent
les Encycliques, les paroles d'un Pape et mème
d'un évêque comme les paroles d'un simple
mortel, comme de vaines paroles
Voila, messieurs, les doctrines de aos ministres,
et voila ce qu'il faut évidemment enseigner dans
toutes les écoles publiques pour sauver la patrie
et nos institutions constitutionnelles.. qui, entre-
temps, n'ont pas de meilleurs défenseurs et gar-
diens, de plus sincères partisans et observateurs
que les eatlioliques.
Non, messieurs, pour maintenir nos institu
tions constitutionnelles, pas n'est besoin de vouer
un culte idolatrique a de faux principes de pré
tendu droit naturel. II suffit de tenir nos institu
tions pour ce qu'elles sout et pour ce qu'elles
valent, pour nous autres, Beiges du xix° siècle