ORGANE (AT HOI 10 DE DE I/ARRONDISSEMENT. SAMEDI 21 Juin 1879. 10 centimes le numéro. 14e année. N° 1406. Ou s'abonne nie au Bourre, 66, a Ypres, et ïi tous les bureaux de poste du royaume. Lettre pastorale S. EM. LE GARDINAL-ARGHEVKQUE ET DE N.N. SS. LES ÉVÊQUES DE BELGIQUE Résumé politique. MORT DU PRINCE LOUIS-NAPOLÉON. Une dépêche officielle expédiée h YAgence Reuter, du Cap de Bonne Espérance, h la date du 3 Juin porte: Le prince Louis-Napoléon est mort. Etant allé avec quelques officiers effec- tuer une reconnaissance, il descendit avec eux de cheval, fut surpris par les Zoulous et tué par un coup d'assegai. Deux soldats fu- rent également tués. Les autres échappèrent. Le corps du prince a été retrouvé. a Journal d'Ypres, Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercrecli et le Samedi. Le prix de l'abonnementpayable par anticipationest de 5 fr. 50 c. par an pour tout le pays; pour l'étranger, le port en sus. Les abónnements sont d'un an et se régularisent tin Décembre. Les articles et communications doivent être adressés franc de port a Tadresse ci-dessus. Les annonces, content 15 centimes la ligne. Les réclames dans le corps du journal paient 30 centimes la ligne. Les insertions judiciaires, 1 franc la ligne. Les numéros supplé- nientaires coütent 10 francs les cent exeinplaires. Pour les annonces de France et de Belgique (excepté les 2 Flandres) s'adresser a VAgence Havas Lafjitèet' O BruxolleS, '89', Marclié aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse. AU CLEPGË ET AUX PIDÈLES. Nos très-chers frères, Dans nos deux précédentes instructions pasto rales, nous avons fait voir le principe, le carac- tère et le but du projet de loi sur l'enseignement primaire, soumis en ce moment aux deliberations des Cliambres legislatives; Nous avons aussi appelé votre attention sur les consequences funestes, sous le rapport religieux et moral, que Ié régime dé l'ócole primaire NEUTRE, c'est-a- dire sans religion et partant sans Dièu, doit produire en Belgique, comme il l'a fait ét comme i! continue de.le faire dans tous les pays oü il est appliqué. Notre langage a été celui du devoir et de la véritó. Responsables du salut de vos ames, défenseurs de vos droits et de vos intéréts moraux et reli gieux, interprets des lois ómanées du piel, nous étions obliges d'élever la voix, de vous signaler, dans facte le plus significatif qu'elle ait encóre tenté, la conspiration organisèe par les loges maeonniques contra Jésus-Christ, contre son Eglise, contre vos croyances, ccmtre les ames de vos enfants. C'était done un devoir pour nous, un devoir impérieux, urgent de parler. Si nous avions gardé le silence, si, sentinelles muettes, nous n'avions pas dónoncé les desseins de T.ennemi, nous eussions prévariquó contre le Ciel et contre vous. En qualifiant, comme nous rayons déja fait, de mauvais et de permcieux de sa nature, le principe qui a donné naissancë a la loi projetée, et qui domme dans les principales dispositions de cette loien attribuant a cette oeuvre un caractère antichrétien, antinational en antisocial en dévoilant le but, a savoir la propagation de Tindifférentisme en matière de religion, c'est-a- dire l'oubli de Dieu, l'abandon des devoirs de la religion chrétienne, l'extinction du sentiment religieux dans les ames, nous nous sommes rencontrés avec tous les hommes publics et con- servateurs les plus dóvoués au pays et au Roi, avec les plus intelligents défenseurs des reven- dications de la conscience catholique, des droits des pères de famiile et des enfants, en tnème temps que des intéréts de la société. Leur lan gage, soit dans la presse, soit dans les assem blees, soit dans les Cliambres, a continué de tont point nos appréciations et justifié nos alarmes leurs jugements comme leurs sentiments sont a l'.unisson des nötres. Nós instructions out aussi porté la conviction dans vos esprits, Nos Très-Chers Frères. C'est que notre langagö ést l'expression de la vérité, e'est que nos jugements se fondent sur les vicés intrinsèques du régime scolaire auquel l'Etat prétend soumettre l'enfance et sur les funestes effets que ce même régime produit ailleurs et nécessairement. Ge qui le prouve non moins manifestement, ce sont les efforts que les auteurs et les partisans de la loi projetée ont prodigués dans la presse et et dans des documents officiels, et qu'ils em- Ploient encore a la tribune parlementaire et dans ia loi même, pour dissimuler la malignité de celle-ci, et faire croire qua nos appréciations sont injustes et nos craintes exagéróes. Mais la Plupart de leurs organes et de leurs représen tant.? les plus autorisés ont reconnu et proclamó franchement le caractère et le but de la loi. La Prudence elle-même des habiles s'est démentie, leur haiuo contre l'Eglise catholique s'est dénias- quée; des aveux leur ont échappó, et ces aveux révèlent clairement ce qu'ils veulent, ce qu'ils cherchent en neutralisant l'ecole primaire, a savoir un rqqyen infaillible de déchristianiser le pays. La dissimulation n'a pas eu de succèselle ne pouvait tromper personne. La loi projetée est trop formelle, trop catégorique dans ses disposi tions principales; les intentions du gouverne ment, manifestées dans l'oxposé des motifs a l'appui de la loi, les commentates de la section- centrale, consignes dans son rapport, et les ex plications donnóes a la Gbambre par le rappor teur sont trop explicites pour que les catholiques puissent se laisser donner le change. Le prin cipe, le caractère, le but de la loi projetée sont done tels que nous lés avons définis, teis que les ont définis, signalés et réprouvós avec nous ces hommes d'Etat, élite de l'opittion conservatrice, dont nous avons ci-dessus invoqué le témoigna- ge. Pourquoi le gouvernement propose-t-il de só- culariser l'école primaire, c'est-a-dire d'en ex- clure l'enseignement de la religion et Tinterven- tion de toute autorité religieuse quelconque Ge n'est certainement pas dans le but d'assurér aux enfants la libertó de conscience. Cette liberté leur est suflisamment garantie par les disposi tions de la loi de 1842; et il est avéró que les dis sidents n'ont élevé de ce chef aucune plainte contre les instituteurs communaux catholiques. Quel avantage moral ou scientiflque, quelle nécessitó nouvelle religieuse ou sociale Tont déterminé a recourir a une mesure d'une si haute gravité L'ótablissement de ce régime scolaire se comprend, sans se justilier toujours, dans le pays oü cliaque agglomération d'habi- tants se compose de families appartenant tant a diverses confessions religieuses qu'a diverses sectes pliilosophiques incroyantes, et oü le man que de ressources ne permet pas d'ouvrir autant d'ócoles qu'il y a de confessions et d'opinions. Mais quelle raison y a-t-il d'établir ce régime scolaire dans toute la Belgique, oü sur environ 2,500 communes il y en a peut-êtro 2,400 qui ne comptent dans leur population ni juif's, rii pro testants, ni libres-penseurs L'égalitó entre les croyants et les incroyants, ainsi que la liberté de conscience, n'est ici qu'un vain mot, qu'un futilè prétexte. Les incrédules, renégats de toutes les confes sions chrétiennes, plus acharnós que les hétóro- doxes contre l'Eglise catholique, les déistes, lés libres-penseurs, les nihilistes, les matérialis- tes athóes oupanthórstes, ne s'y trom pent pas. Pourquoi, en effet, demanderaient-ils, tien- draient-ils tant a séculariser l'école primaire, s'ils n'étaient pas convaincus què le régime da l'école neutre aura infailliblemeiit pour résultat d'éteindre la foi chrétienne dans la plupart des jeunes ames, et de ne laisser dans les esprits atrophiés qu'une incurable indifference? Aussi est-ce vaiuemènt que le miuistre de l'in- struction publique a soutenu que la loi n'exclut aucunement Dieu de l'école instituée par sa loi. La loi ne veut-elïo pas exclure de l'ócole pri maire, et menie des salles d'asile ou écoles gar- diennes, au nom de la tolerance, l'enseignement de tout dogme et de tout culte positifs Et l'an dernier, l'homme d'Etat qui est aujourd'hui le chef du ministère, il'a-t-il pas dóclaró solennel- lement qu'un gouvernement liberal ne peut s'ap- puyer sur aucun dogme,pas même sur la croyance a l'existence de la divimté, paree que le dóisme lui-même serait intolérant? L'a-t-on oublié? le ruinistre actuel de rinstruction publique a précisé le sens et la portée de ces paroles, en disant, en plein Sénat, que le Decalogue ne serait point enseignê duns l'école instituée par la nouvelle loi, paree que le Décalogue est la négation de la liberté de conscience? L'a-t-on oublié? un ora- teur, organé attitró des partisans' dé la loi, croyant cöucilier les'declarations bontradictoirès des niinistres, les a aggravées, en disant que l'instituteur pourra parler de Dieu a ses qléves d'une manière non dogmatique? Tel est bien le sens de 'ses paroles. Or, qué 'signifient ces' p'dro- les Iïlles veulent dire que l'instituteur pourra parlor de Dieu sans le déflnir, de facon a ce que ce Dieu indéflm ne soit qu'une pure abstraction. Et l'on croit que l'enfancé élévera dans Son coeur, comme la superstitieuse Athönes sur sa place publique, UN AÜTEL A CE DIEU INGONNU, et l'adórera chrêfiennémé'nt en esprit ét en vérité Non, non. Qü'est-c'e, en effet, qu'un Dieu sans culte? Qu'est-ce que l'Être suprème sans souverainetó, sans pouvoir, sans droit sur les êtres inférieurs, ses créatures, et sans rapport avec eux Qu'est-ce que ce Dieu spécülatif,Tm- personnel, faineant, étranger a Torigine et a la fin dernière et de l'homme et des choses Qu'est- ce que ce Dién, qui ne mérite pas d'etre OFFT- CIELLEMENT adofé, aimé, seFvi, ni même d'etre connu dogmatiquement? Que penser enfin de ce Dieu selon la nouvelle loi, sinon ce qu'en a dit l'un' dés cofyphéès contemporains deT'impiété, UN BON VIEUX MOT QU'IL FAUT CONSER- YER Arrière, arrière la dissimulationG'est done avec raison, en toute véritó que nous quali- fious, comme l'ont fait aVant nous les catholiques d'Angleterre et de Hollande, l'école neutre ou sécularisée, D'ECOLE SANS DIEU Non moins vainement l'organe de la section centrale assure-t-il que l'ócole, sous le nouveau régime, sera loyalement, cómpTétëmént, con- stamment neutre envêrs toutès les religions; que l'ihstituteur, en vertu d'une disposition qui sera insóróé dans la loi, sera teiiu de respecter ét qu'il rèspëctera scrüpuleuseméut les croyances religieuses et le culte de chacun de ses éléves. Gette disposition que l'on propose d'insérer dans la loi sera tout h fait iuefficace. Elle sera inefficace A l'égard de l'instituteur libre-penseur. Gelui-ci se borneraa professerun respect négatif envërs la religion de sesécoliers, eu s'abstenant d'en parler d'uue manière ouvertement agresslve; mais il affichera pour elle un dédain, un mépris pösitif, en s'abstenant d'en remplir les devoirs. Péüt-êtrö ne corrom- pra-t-il pas la foi des enfants par ses lecons orales; mais il la ruinera plus sürement dans leur. estiine par l'enseignement tacite, mais effectif de ses exemples. Et encore, sans disser- ter contre les dogmes et les institutions catholi ques, que de moyens n'a-t-il pas d'en ébraillef, d'en saper la croyance, èt d'en aff'aiblir le res pect dansl'esprit de ses él'èves? Nele sait-on pas? Tout est enseignemeut cliez le maitre de l'enfan ce: tout aussi est leqon pour elle, un mot, un regard, un geste, un ricanement, le silence mê me. L'enfance s'impfègne avec une merveilleuse facilité de tout cë qui s'imposeA son intelligence avec le prestige de la supérioritó; mais elle ac- cepte et imite le mal et Terreur beaucoup plus facilement que le bien et la vérité. Mais n'aitribuons au maitre aucune disposition hostile; ne supposons pas même qu'il puisse, sans mauvaise intention, entr'eméler a son enseigne- ment de la morale des doctrines ou des maximes fausses, dangereuses, perriicieuses: nous nous demandons seulement quelle impression l'éco- lier recevra d'un instituteur qui, oblige par la positiQn que lui fait la loi de ne tenir compte d'aucune religion, doit se bonier a enseigner quelques devoirs civils, et se comporter dans l'école, comme s'il ne se souciait aucunement de Dieu a qui il ne rend OFFICIELLEMENT au- cua culte, qu'il ne peut prier, invoquer qu'en dehors des heures de la classe? L'atmosphère de l'école sera done indifférentiste, incródule, mêrtte sous un maitre religieux qui observera servile- ment la loi. A plus forte raison sous un maitre móeréant, propagateur adroit de ses opinions, l'atmosphère de l'ócole sera-t-elle irréligieuse, et l'enfance y respirera-t-elle l'incrédulité ou l'in- diffórence, sans qu'elle s'en doute; la tendance a Timpiétó sera rèelle, active, dans l'enseignement de eet instituteur, sans que cette tendance püisse être constatéo dans des actes déterminés: on no s'en apereevra que par ses funestes effets. Ainsi se sera opéré un mal immense, l'empoisonne- ment des ames, et la disposition législative, moyen soi-disant tutélaire de sauvegarder la foi de Tenfant, aura été impuissante a prévenir les ravages du mal, et n'en aura ni arrêté ni rèpri mé l'auteur. Gette disposition que Ton propose d'insérer dans la loi sera done inefficace. Ilu'en saurait être autrement. En effet, tandis- qu'elle ferme Tëntréë dés écoles püblïquês aux instituteurs et aux institutrices formés dans les écoles normales catholiques, la loi autorise l'Etat, devenu Tantagoniste de l'Eglise, a placer dés maitres libres-penseurs, nihilistes, protes tants, juif's, francs-masons', a la tête des écoles primaires, même composées exclusivement d'é- lèves catholiques, comme elles le sont presque partout. La loi charge l'Etat de choisir comme il lui plait, et d'imposer a ces mênies écoles des manuels de lecture, de morale indépendante, de sciences naturelles, d'histoire, et de désiguer les ii vres destinés soit a former les bibliothèques seolaires, soit a être donnés en prix aux élèves, sails que Taütorité religieuse, gardienne des croyances et de la morale chrétiennes, soit mê me consultée. Gette loi, exócutéo a la lettre et selon son esprit, par un ministre de Tinstruction publique, qui peut être un ardent ennemi de la religion catholique, par une inspection et des comités seolaires composés peut-étre exclusive ment de francs-macons et de libres-penseurs, cétte loi présente-t-elle aux families catholiques une garantie d'absolue neutralité Non. L'expérience acquise dans le pays oü est en vi- gueur le régime scolaire que le gouvernement projette d'appliquer a la Belgique, prouve que cette neutralité absolue est moralement impos sible. G'est ce que dómontrent les plaintes et les reclamations de Tépiscopat en Irlande, aux Etats- Unis d'Amérique, au Canada, en la Nouvelle- Ecosse, en Australië, en Hollande. G'est ce que le Saint-Sióge a reconnu, après une longue et sérieuse instruction, sur des documents d'une irrecusable autorité foürnis a sa demande par les óvêques des pays quo nous venons de nom- mer, et de plusieurs autros, comme TAllemagne et quelques contróes del'Orient. (A continuer.)

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1879 | | pagina 1