ORGANE CATHOLIQUE DE L'ARRONDISSEMENT.
SAMEDI 19 Juillet 1879.
10 centimes le numéro.
14e année. N° 1413.
On s'abonne rue au Beurre, 88, a Ypres, ct a tous les bureaux de poste du royaume.
Résumé politique.
FRANCE. D'après les votes émis
dans les bureaux du Sénat, la loi-Ferry a
rencontré une.majorité de 'lSvoix contreson
adoption.
D'autre part, la Chambre n'a pas voulu
adopter les modifications apportées a la loj
de garanties. Elle a maintenu le droit pour
ie président de la Chambre de requérir l'ar-
mée.
Le bruit circule it Paris que MM. de Saiut-
Vallier, ambassadeur a Berlin, et Fournier,
qui occupe le même poste it Constantinople,
donneraient leur démission si le Sénat adop-
tait la loi-Ferry.
On dit aussi que le centre gauche vote tout
entier contre l'art. 7.
Constatons en tous cas que l'opinion se
prononce de jour en jour avec une énergie
plus grande contre le projet Ferry et en fa
veur des religieux menacés par eet exécuteur
des vindictcs maponniques. On nous assu
re, dit YtJhivers, que les procédés de citation
de MPaul Bert, qualifiés d'avance par lui-
iriême de calomnies, et le renouvellement
scandalëux du conseil d'Etat it la veille de
l'arrêt qui devait être rendu en faveur des
écoles congréganistes, ont achevé de decider
les membres du centre gauche sénatorial, en
core hésitants, it se prononcer contre le pro
jet Ferry. Or, ce trait de la situation n'est
nullement isolé. Les organes les plus sérieux
de la presse républicaine eux-mêmes sont
bicn forcés de s'avouer confus de certaines
déclarations faites par les ofiicieux et d'après
lesquelles ceux-ci prétendent que repousser
une loi proposée par le ministère, c'est atta-
quer la république et la trahir au profit de la
monarchie; que penser, parler ou agir autre.
ment que la Chambre, c'est pour le Sénat un
crime de lèse-majesté it l'égard du suffrage
universel, c'est manquer a tous ses devoirs
envers Dieu et envers les hommes. Ces pré-
tentions ridicules sont notamment l'objet de
vives critiques de la part du journal archi-
républicain de M. Girardin: Le projet deM.
Jules Ferry est, dit la France, essenticllement
de ceux en vue desquels les doubles Cham-
bres ont été instituées. A moins de renoncer
au systême bicamériste et de s'en tenir une
seule Chambre, il faut reconnaitre que, si le
Sénat conservateur a eu jamais une raison
d'etre et de se prononcer, c'est quand il s'a-
git de se jeter en travers d'un courant d'opi-
nion très-vif, mais aussi très-superficiel. Les
Sénats n'ont été inventës que pour cela. Le
Sénat actuel, en arrêtant le projet Ferry, est
done complétement dans l'exercice de sa
mission.
II se fait décidément en France un grand
réveil de l'opinion royaliste. Nous avons déjit
mentionné les messes célébrées en de nom-
breuses villes a la Saint-Henri, les banquets
et les adresses dont cette fête a été 1'occaSion.
Voici que plusieurs journaux bonapartistes
du Midi font au prince Napoléon-Jéróme des
sommations fort peu respectueuses et dont le
but manifeste est de permettre aux susdits
journaux de faire revolution que les circon-
stances commandent. Le prince Jérömen'obéi-
ra pas et la cause royaliste y gagnera de
nombreux et vigoureux adhérents, cela est
désormais indubitable.
ALLEMAGNE. M. de Bismarck
cherché a étendre de plus en plus son influen
ce dans l'Océan Pacilique. II a acquis quatre
nouveaux ports dans l'Océanie.
GRANDE-BRFTAGNE. La dissolu
tion du Parlement n'aura probablemént pas
lieu avant 1'année prochaine.
ORIENT. Difficultés nouvelles au
sujet des frontières des Grèce. L'Angleterre
et la France poursuivent chacune une ligne
différente.
Un mot des nouveaux impóts.
La logique du Progrès a toujours été pro
gressive.
Chacun sait ga.
Ce journal vient d'en donner une preuve
sans réplique.
Préoccupé tout-a-coup des intentions des
sénateur et députés de notre arrondissement,
il se demande si nos mandataires vóteront ou
ne voteront pas les nouveaux impóts deman-
dés par M. Graux.
Toute opposition, dit-il, pourrait avoir
les conséquences les plus regrettables, au
point de vue de l'ïfitérêt général et de notre
arrondissement en particulier.
Le projet de loi créant de nouvelles res-
sources et ie projet décrétant des travaux
publics sont, et doivent être connexes.
Done faire opposition au premier, c'est
faire opposition au second, et ainsi it 1 achève-
ment du canal Lys-Yperlée une question
de vie ou de mort!
Ainsi c'est entendu; il faut voter les nou
veaux impóts, siuon mort a l'arrondissement
d'Ypres.
Faire opposition, c'est oublier les devoirs
les plus sacrès; c'est obéir a l'Fvêque de
Bruges.
Voilé les prémisses du Progrès, mais c'est
clairement dit.
Voyons la suite.
Immédiatement après ce premier Ypres,
le Progrès nous annonce très-gravement que
le comité de l'Association agricole s'est réuni,
Samedi dernier, et a décidé d'adresser it M.
le ministre des finances et aux Chambres des
réclamalions contre l'impöt projeté sur la
culture des tabacs.
Voilé bien un acte d'opposition.
Et le comité s'est permis d'insister. 11 ap-
porte l'appui de sa réclamation des argu
ments très-fondés.
Tirons les conclusions:
Le Progrès l'a établiil n'est pas permis de
faire de l'opposition aux projets de M. Graux.
Voilé done le comité de l'Association agri
cole, c'est-é-dire MM. Carton, Merghelynck,
etc., tous dignitaires de l'Association libérale
qui oublient leurs devoirs les plus sacrés, ou
bien leur réclamation n'est qu'une parade
hypocrite et surtout une colossale manoeu-
vre électorale.
Ces hiots du Progrès s'appliquent mer-
veilie.
Discours de M. Eugène Struye,
prononcé la Chambre des Beprésentants,
en séance du '16 Juiliet.
Journal d'Ypres,
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Laffite, et Cie Bruxelles, 89, Marclié aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse.
On ne s'attendait guère
A voir l'Evèque en cette affaire.
M Struye. Messieurs, parmi les impóts
proposes, il en est un qui est plus inacceptable
que tous les autres, c'est l'impöt sur le tabac, tel
que le gouvernement le met en avant; car eet
impót compiomet la culture même du tabac en
Belgique.
Le gouvernement représente eet impötcomme
équitable, modique, sans conséquence pour la
culture nationaleil est, au contraire, injuste,
écrasant, et il sera destructifde notre culture.
Le gouvernement allègue vainement et fausse-
ment que le planteur, qui de, ce clief payera 150
francs par hectare, pourra vendre ses produits a
l'avenant.
Rien de moins vrai. Pour s'en convaincre, on
n'a qu'a consulter l'expérience universelle et la
situation particulière du tabac beige vis-a-vis du
tabac américain de qualité commune. Le rapport
qui existe actuellement entre la consommation
detabae américain et la consommation de tabac
beige n'existera plus; le tabac américain sup-
plautera de plus en plus le tabac beige et celui-ci
tombera a un prix plus bas que jamais.
Qui, en effet, forme généralement les prix des
marches'! Qui en decide effectivenient? Ge ne sont
pas tant ceux qui offrent la marchandise que
ceux qui la demandent, surtout si ceux qui ven-
dent doivent vendre a époque plus ou moins lixe,
comme c'est le cas pour les fermiers ayant a
acquitter leurs fermages a écliéance dóterminée.
Or, pour les tabacs, qu'est-ce qui régie la de-
mande des fabricants et des marchands de tabac
Evidemment les convenances et les exigences
des consommateurs.
Et quelles seraient ces exigences, si le prix du
tabac beige s'ólevait? Les consommateurs du
tabac beige appartiennent en immense majorité
aux classes populaires, qui n'ont pas le goüt
dólicat ni capricieux. Si les prix s'élevaient, les
masses, et a leur suite les marchands et les
fabricants, demanderaient de plus en plus des
tabacs américains, dont les prix sont et resteront
malgré l'ólóvation proposée du droit d'entrée,
bien inférieurs au prix normal des tabacs beiges.
Les tabacs américains de qualité commune ne se
payent pas plus de 60 francs les 100 kilos, c'est-a-
dire qu'ils sont livrés a bien meilleur marclié que
le cultivateur beige ne peut produire le tabac
indigene. Bien plus, dorénYvant, ils nous seront
livrés a plus bas prix encore, si le gouvernement
beige ne prend immédiatement les mesures pro-
tectrices que commande la politique óconomique
des autres nations.
Ne nous le dissimulons pas, messieurs, le nou
veau régime douanier de l'empire.d'Allemagne,
qui met 106 fr. 25 c. de droit d'entrée sur les 100
kilos de tabac exotique üvró en feuilles, ferme le
marclié allemand et aux tabacs américains de
qualité commune et a nos tabacs indigènes. Du
même coup, nos tabacs, et en particulier ceux de
l'arrondissement d'Ypres, auront perd.u leur
meilleur débouché, et les tabacs américains,
refoulés du marclié allemand, comme ils le sont,
du reste, de tous cötés par des droits excessifs,
nous envahiront complétement. Si le gouverne
ment ne porte remède a la situation, inévitable-
ment, a raison même de leur affluence en Belgi
que, ces tabacs américains, de qualité commune,
se vendront de plus en plus bas, et feront au tabac
indigene une concurrence d'autant plus ruiueuse
que nos exportations, je le répète, son de venues
de plus en plus difficiles, sinon impossibles.
Non, la Chambre ne saurait ne pas tenir compte
de cette situation nouvelle, et assurément ce ne
sera pas a la veille d'une crise semblable, a la
suite de plusieurs annóes peu favorables a nos
planteürs et au milieu de circonstances généra
lement funestes a Fagriculture beige, que nous
allons consentir a un impót qui serait le plus
écrasant et le plus odieux de tous ceux que notre
agriculture connaisse.
A des esprits inattentifs l'impöt proposé, qui
suivant les evaluations du gouvernement ne doit
produire que 255,000 francs, peut paraitre un
droit modique. Ainsi l'affirme le gouvernement.
Mais telle n'est pas l'appréciation de nos plan
teürs de tabac. Leurs nombreuses petitions en
font foi et les considérations qu'ellës renferment
dómontrent l'énormité de la mesure proposée.
Qu'on s'en rende bien comptel'impót demandó
double, même dans les conditions les plus favo
rables, le bail du fermier dans les conditions les
moins favorables, il le triple, Les membres du
gouvernement, pour juger de la popularité que
eet impót leur fera, n'ont qu'a se demander
en quelle estime ils seraient tenus par leurs
fermiers si, comme propriétaires, ils doublaient
triplaient le prix de location de leurs terres.
Dans l'arrondissement d'Ypres, en effet, des
terres oü l'on cultive largement le tabac, ne se
louent pas a 80 francs l'bectare il en est ainsi
notamment a Gheluvelt et a Zandvoorde, et ces
terres seront frappées de, 150 francs d'imposition
nouvelle. Leur rendement, tel quel, était, cepen-
dant la meilleure ressource du fermier, l'impöt
nouveau sera sa ruine. Les fermes les meilleures
oü l'on cultive le tabac ne se louent au maximum
que 150 francs l'hectare 150 francs d'imposition
nouvelle par hectare de tabac, c'est bien encore
le prix de la location doublé
L'impöt est done énorme; j'ajoute, messieurs,
que son incidence est absurd© et sa repartition
inique.
Un peu de réflexion suffit pour le voir a l'évi-
dence. Get impót, portê prétenduement sur la