ORGANE CATHOL.1Q UE DE L'ARRONDISSEMENT.
SAMEDI 13 Septembre 1879.
10 centimes le numéro.
14e année. N° 1430.
On s'abonne rue au Beurre, 66, a Ypres, et k tous les bureaux de poste du royaume
Resume politique.
PAYS-BAS. D'après des informa
tions transmises d'Atchin b la Haye, la guerre
que les Pays-Bas font depuis tantöt cinq ans
dans ice'tte contrée est sur le point d'etre ter-
minée. La* plupart des chefs indigèrtès ayant
fait leur soumission, le gouvernement-géné-
ral aurait déja décrété la dissolution des co
lonnes expéditiorinaires.
ALLEMAGNE. La Gazette de l'Alle-
viatjne du Nord déclare qu'en ce moment au-
cuiïe négociation n'est pendante entre le
Vatican et 1'Allemagne. Elle ajoute que le
nouveau nonce a Munich, Mgr Roncetti, n'a
pas eu pouvoir, comme son prédécesseur,
Mgr Masella, pour continuer les négociations
entaméês par celui-ci en vue d'établir un
modus vivendi entre Rome et Berlin.
On assure que le ehancelier do fempire
aurait déclaré qu'il était décidé a ne prendre
aucun engagement définitif envers le Vatican
avant de connaitre l'opinion de la majorité
des Ghambres, car il ne trouverait véritable-
merit pratique qu'une solution qui pourrait
satisfaire au moins la majorité de la popula
tion catholique de fempire;
AFGHANISTAN. On no peut plus se
faire aucune illusion sur la gravité de la si
tuation en Afghanistan. Si, comme il y a tout
lieu de le prévoir aujourd'hui, les troubles de
Caboul sont le signal d'un soulèvement géné-
ral, Fannexion sous une forme ou une autre,
Les orphelins de la Commune.
de tout l'Afghanistan s'imposera au gouver
nement anglais comme une nécessité. En
llussie, ou l'on suit de Toeil le plu&attentif
tout ce qui se passe aux Indes, on suppute
déjli avec une sorte de satisfaction j aio use
les conséquences des- événement»de Caboul.
La Gazette de Saiut-Pëtersl/ourg a publié sur
ce sujet un article que le télégraphe a trans
mis aussitöt aux journaux anglais et auquel
ceux-ci attachent une très-sérieuse impor
tance, avec quelque apparence de raison,
semble-t-il, étant donné le caractère semi-
officiel du journal qui le publie.
Examinant féventualité de l'occupation du
territoire afgban tout entier par l'armée bri-
tannique, la feuille russe rappelle les assu
rances que le gouvernement de la Reine a
données récemment a la Russie sur le ca
ractère et le but de sa campagne en Afgha
nistan. Pas d'annexion, ni d'occupation per
manente; telle était la promesse taite par le
cabinet de Londres et réalisée par le traité
de Gandamak, qui a laissé a Yakoub khan
l'indépendance de sa souveraineté, en assu-
rant seulement a FAnglpterre une certaine in
fluence sur la politique extérieure de l'Emir.
Se tondant sur ses engagements qui ne cor
respondent plus ii la situation présente, la
Gazette de Saint-Pétersbourg estime que le
cabinet de Londres devra s'entendre avec
celui de Saint-Pétersbourg quant aux sa
tisfactions qu'il eompte exigei' de l'Emir.
Cette entente, dans la pensée de la feuille
rasse, devrait avoir pour résultat de mettre
fin b l'indépendance de l'Afghanistan et de
joindre directement les possessions russes et
britanniques dans l'Asie centrale, au moyen.
d'un partage de l'Afghanistan entre les deux
puissances. On détruirait ainsi, d'un commun
accord, une zone intermédiaire,, cause d'in-
cessantes inquiétudes dans les deux pays.
Telle est la thèse mise en avant par la Gazet-
te de Saint Pétersbourg. II est douteux qu'elle
soit favorableinent accueillie en Angleterre, et
l'on pourrait prévoir de sérieux tiraillemente
entre Londres et Saint-Pétersbourg, si réel-
lement le gouvernement du Czar la faisait
sienne.
Déja le Standard relève la proposition de
partage de la Gazette de Saint-Pétersbourg. 11
en repousse l'idée, sous le prétexte que ce
partage serait immoral. Le journal conserva-
teur ne voit cependant pas d'immoralité b
annexer l'Afgbanistan. lln'y a pas, dit-il,
lieu de cnoire que nous ne puissions résoudre
la question des: relations futures de l'Angle-
terre avec l'Afghanistan sans fannexion de ce
pays. Certainement, si nous sommes forcés
d'avoir recours b cette mesure extreme, un
partage de l'Afghanistan avec la Russie n'enr
trera pas dans nos plans. Cela est.dovenu
impossible et hors de question quand il a été
décidé que l'Afgbanistan est tout b fait en
dehors dela sphère de la Russie.
Le Standard ajoute, du reste, qu'il y a une
question plus importante a examiner maiute-
nant, c'est la nouvelle marche sur Gaboul. 11
dit qu'il ne faut pas comprarae.ttre le suecès
de la marche en avant par trop de precipita
tion, et il ajoute que l'émir semble avoir-eu
une conduite équivoque.
En attendant que tout ceci s'éclaircisse, les
feuilles liberates- commencent une campagne
vigoureuse contre le cabinet et centre Ie vice-
roi de l'Inde, dönt l'optimisme par trop pré-
somptueux et l'impardonnable incurie, disent-
ils, ont permis b la catastrophe de se produi-
re, bien qu'on la pressentit de tous cötés.
L'officieuse Etoile publie la note suivaute
Dans le conseil des ministres qqi s'est
tenu b la suite de la,prestation de;s,eraent du
nouveau ministre de la guerre, M. le lieute-
nant-général Liagre, les principes du projet
d'organisation de la réserve, nationale ont été
arrêtés, et fhonorable ministre s'estengagé b<
formuler son projet de manière qu'il puisse
être présenté b la Ghambre dès les premiers
jours de la prochaine-session. »-
M. A. J. Mercier, directeur de fécole nor
male de llonne-Espérance,. vient d'adresser
la lettre suivante b M. Van Humbeeck
Journal d'Ypres,
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Lafllte,etG16 Bruxelles, 80, Marché aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse,
Au moment oü débarque a Port-Vendres le
premier batiment ramenant en France un convoi
de déportés de Noumea, l'heure est venue de
parler d'une oeuvre admirable et inconnue qui,
depuis buit ans, s'accomplit dans le silence, au
milieu de nos frivolités et de nos désordres, II
s'agit des'orphelins de la Commune.
Ce ne sont pas les orphelins de l'abbé Roussel,
a Auteuilce ne sont pas non plus les orphelins
de la guerre, dont s'est patriotiquement occupée
jadis une grande commission prósidée par Mme
Thiers. Ce sont uniquement et exclusivement
les orphelins de la Commune, c'est-a-dire les
enfants des lactieux qui out incendié et déshonoré
Parisles tils des criminels qui ont payé, les uns
de la vie, les autres de la liberté, leur participa
tion sauvage aux forfaits de cette horrible
époque.
Ceux-ci en tombant sur les barricades, ceux-la
en partant pour la Nouvelle-Calédonie, laissaient
abandonnés, sans abri et saus pain, sur le pave
de la grande ville, de pauvres petits-étres, inno
cents des crimes de leurs pères. Qui songeait a
eux, au milieu du sang et des ruines, et qu'al-
laient-il's devenir
C'est a ce moment que Mgr Guibert, quittant
avec tristesse le siége de Tours, fut transféré b
celui de Paris,.en disant a M. Thiers: On peut
refuser une dignitéon n'a pas le droit de refuser
le martyre.II vint prendre la succession encore
fumante deMgr Darboy, et la première misère
qu'il rencontra sur son chemin fut celie des
orphelins de la Commune. Se baissant aussUèt
avec compassion vers ces déshérités, il les ra-
massa pour ainsi dire dans le sang des otages et
se dévoua b leur destinée. Les pères avaient
assassmé le précédent archevêque: la première
action de l'archevêque nouveau fut d'adopter les
flls des meurtriers
Quelle plus saisissante application de ces vers
d'Alzire, que Voltaire ne pensait pas ócrire a la
glorification future du catholicisme et de ses
pontifes
Des dieux .que nous servons connais la difference:
I.es ticus t'oot commando le meurtre et la vengeance,
Et le mien, quand ton bras vient de m'assassiaer
Miordonne.de te plaindre et de te pardonner!
II a été recueilli environ 040. orphelins de la
Commune, dont le placement dans des families
süresou des institutions particulièresya nécessité
une dépense annuelle de cent francs, en moyenne,
par enfant; soit, au total, une soixantaine de
mille francs par an, qui depuis buit années, ont
été demandés a la charité au moyen de deux
quêtes faites, dans les églises du diocèse, le jour
de la Toussaiutet le Jour des Morts deux dates
bien choisies pour cette oeuvre de deuil et de pitié
religieuse
L'archevêque a simplement adressé a eet égard
deux circulaires discrètes aux curés de Paris, et,
chaque automne, l'aumónióre des quêteuses lui a
donné l'argent nécessaire a la mission évangéli-
que qu'il avait si généreusement entreprise.
S'associant avec ardeur a sa pensée sacerdotale,
Mme la duchesse deMagenta lui a prêté jusqm'au
bout le plus affectueux concours. Mais lui-mème
n'a pas eessé un jour de s'occuper de sas chers
enfants, les visitant avec tendiresse aux foyers
oü on les élevait, aux écoles oü on les instruisait,
aux ateliers oü ils apprenaient un métier pour
l'aveniret par ces témoignages d'une bonté con
stante et familière, il a su leur inspirer un tel
attacbement- et une- telle reconnaissance que
beaucoup d'entre eux, parvenus aujourd'hui k
1 age de l'homma et dispersés dans l'industrie
parisienne, continuent de lui écrire les.lettres
les plus touchantes, en l'appelant leur père
L'oeuvre, en effet, touche a son terme,. Encore
un semestre environ, et elle sera tout a fait
accomplie.
Les enfants des deux sexes, ainsi recuoillis
après 1871, avaient poup la plupart de buit a dix
ans. lis atteignent aujourd'hui leur seizième
année, et placés avec soin dans de bonnes mai-
soos, chez des patrons sürs et bienveillants, ils y
gagnent honnctement leur vie, a l'ahri des funes-
tes passions qui las avaient si déplorablement
jetés sur le chemin du vice et du bagne
Les déportés de Nouméa, attendus en ce mo
ment sur nos cötes et auxquels on prépare une
réception triomphale, vont done trouver, au
retour, les enfants qu'ils avaient si cruellement
compromis, nourris, vêtus, élevés, sauvegar-
dés avec amour du froid, de la faim, de l'igno-
ranee, de toutes les misères, par les families
mème des victimes de la Commune C'est peut-
être un fils ou un neveu du président Bonjean,
un frère du P. Captier, la sceur de Mgr Darboy,
J'ai l'bonneur de vons informer que Sa Gran
deur Monseigneur 1,'évê'que de Tournai affranchit
l'école normale de Bonne-Espérance de l'adop-
tion du gouvernement.
un héritier de M. Deguerry, des catboliques en
tout cas, des parents, des amis des étages, des
victimes de la Roquette et de la rue Haxo, qui
ont donné du pain, des vêtements, un asil'e, uu
métier honorable b ces petits enfants, j'allais dire
a ces petits reptiles, qu'ils n'ont pas eraint de
récbaufïer dans leur sein
N'est-il pas saisissant et vraimeut caractéri-sti-
que dé voir ces centaines d'orphelitis, trausfor-
més par la charité chrétienne, rendus a tours
pères juste au moment oü l'on pourchasse la foi
qui les a couverts et abritós, oü l'on traq-ue les
admirables Soeurs et les Frères dévoués qui les
ont instruits, oü l'on tire sur les prêtres qui les
ont élevés, comme sur desbêtes ftuives, oü l'on
reconnait, en un mot, les bienfaits mat-ernels de
la religion, par l'outrage, la violence, la persecu
tion et le guet-apens, en attendant pevit-être pis-
encore
Qui, eatholiques, qui, chaque année depuis la
Commune, avez versé soi-xante mille francs a
l'appel de votre archevêque, pour les flls des
scélérats qui ont pétrolisé et ensanglantó Paris,
on vous remercie de cette générosité persistanto
en fermant vos écoles, en dótruisant vos Univer-
sités, en sapant la foi qui vous apprend la chari
té, l'oubli du mal et le pardon des blessures.
Eh bien, Fingratitude ne les corrigera pas; ils
répondront a la haine aveugle par un plus large
dóvouement; et a la Toussaint proctiaine, quand
la cloche des morts les invitera a prier pour
Fame des malheureux qui ont mis la civilisation
endeuil, ils verseront de nouveau leurs pièees
d'or, leur épargne, le fruit de leurs privations,