ORGANE CATHOLIQUE DE L'ARRONDISSEMENT.
MERCREDI 1 Octobre 1879.
10 centimes le numéro.
f4* année. N° 1485.
On s'abonne rue au Beurre, 66, k Ypres, et k tons les bureaux de poste du royaume.
Resume politique.
FRANCE. C'est aujourd'hui que se
célèbre en France 1'anniversaire de la nais-
sance du comte de Chambord, et tout indique
que cette fête, k laquelle les partisans de plus
en plus nombreux d'Henri V ont voulu don-
ner le caractère d'une grande solennité mo-
narchique, réussira complétement. La petite
sortie orléaniste du rédacteur en chef du
Soleil n'aura pas peu contribué k en assurer
le succès; d'ailleurs, cette manifestation ma-
lencontreuse, dans un moment oü le besoin
d'union se fait si vivement sentir, a eu pour
résultat de stimuler le zèle de tous les roya-
listes, tant et si bien, qu'en beaucoup de vil
les oü rien n'avait été décidé en vue de la
fète de ce jour, on a pris immédiatement
toutes les dispositions nécessaires k cet effet.
Le Journal du Loiret, dans ses infor
mations particulières, assure que le prince
Napoléon a invite les journaux dont il dispose
h séparer peu k peu la cause bonapartiste de
celledu parti clerical.
ANGLETERRE. A Londres, on
commence enfin k respirer un peu; la situa
tion en Afghanistan, après avoir été long-
temps fort obscure et indécise, parait décidé-
ment s'améliorer, ou, pour le dire exacte-
ment, elle est moins mauvaise qu'elle n'eüt
été si l'émir de Caboul avait fait cause com
mune avec l'insurrection. Celle-ci est très-
intense, mais elle n'a pas de chefs et elle est,
par conséquent, moins redoutable.
Les opérations militaires marchent, d'une
manière satisfaisante.
On a rec-u la nouvelle que le général
Abramof, commandant les troupes russes
dans le Khokand, avait franchl la passe de
Karasik et occupé la principauté de Darvas,
une des provinces vassales de l'émir de Ca
boul. Cette province donne accès k un pla
teau ouvert s'étendant iusqu'au district de
Gilgit.
1TALIE. Garibaldi a déclaré k ses
amis qu'il est revenu k Rome, afin de soute-
nir le gouvernement dans ses projets de dé-
veloppement de la défense du pays. D'après
lui, ce ne sont pas les environs de Rome,
mais la frontière du nord qu'il convient de
fortifier.
Les révolutionnaires italiens s'inquiètent
de l'alliance de FAllemagneavec FAutriche.
ESRAGNE. Les nouvelles d'Espagne
deviennent alarmantes et tout fait prévoir
fine, dans un avenir prochain, le gouverne
ment d'Alphonse XII aura de nouveau tnaille
k partir avec les entrepreneurs de république.
Nous avons déjk signalé la récente évolution
du due de la Torre retournant k ses premiè
res amours. Voici que le télégraphe nous
siguale des arrestations faites dans les rangs
de l'armée. Le général Lagunero et après lui
plusieurs officiers de grades inférieurs out été
mis sous les verrous pour des faits se ratta-
chant k la découverte de placards révolution-
naire au bagne de Saragosse, et de procla
mations portant comme entête: République
espagnole. Comité des justiciers. Enfin
on assure que Martinez Campos et ses col-
lègues du ministère vont devoir se retirer
pour faire place k d'autres.
CHINE. Encore de menaces de
guerre. L'Agence Fournier reqoit de Sanghaï,
en date du 25, une dépêche d'après laquelle
un conflit armé serait imminent entre la
Chine et le Japon. C'est l'occupation des iles
Liou-Kiou par les Japonais qui aurait déter-
miné la rupture. De part et d'autre, dit la
dépêche, on se prépare a la latte.
Ce que vaudra l'enseignement
de la religion a l'école officiellc.
La lettre ci-dessous nous est adressée par
un homme que l'expérience a rendu parfaite-
ment. capable d'apprécier l'objet dont elle
s'occupe
N.. le 24 Septembre 1879.
Monsieur l'Editeur du Journal d' Ypres
Je ne suis pas complétement étranger k
l'enseignement offlciel. Je suis k même de sa-
voir ce qui s'y passé. Je dirai que contrahit
et forcé j'en fais encore partie.
A la difference d'un certain nombre d'ofli-
ciels mercenaires, je ne prends pas mes dé-
sirs pour des réalités. Je soutiens, au con
traire, que le refrain qu'on nous chante du
matin au soir: rien nest chanqé! est un re
frain absurde. Ce refrain a été réfuté dans
votre estimable journal d'une fagon péremp-
toire. Cependant permettez-moi de vous dire,
Monsieur l'Editeur, que la refutation en ques
tion peut être plus claire encore. Elle doit
montrer la difference pratique qui existe entre
l'enseignement religieux donné actuellement
par l'instituteur et celui donné avant la pro
mulgation de la nouvelle loi scolaire. C'est ce
parallèle que je vais essayer d'établir: il dë-
montrera, j'espère, que teut est chanqé.
Je fais abstraction de la défense faite aux
laiques d'enseigner la religion sans déléga-
tion canonique. A ce point de vue absolu la
question est tranchée. L'instituteur ne peut
sans cetle délégation que donner un ensei
gnement condamné d'avance par la seule au
torité compétente. Pared enseignement ne
saurait produire que des fruits détestables.
Laissant de coté cette face de la question,
je soutiens que malgré toutes les déclarations
ministériélles et les hypocrisies libérales tout
est changé dans l'école.
En quoi consistait, sous l'empire de la loi
de '1842, l'enseignement religieux dans l'é
cole olïlcielle? En quoi consistera-t-il désor-
mais
A. Pour répondre k cette question, citons
d'abord le reglement général des écoles pri-
maires de Belgiquc, (1846) art. 16. L'édu-
cation morale et religieuse sera entièrement
prise a coeur. L'instituteur en fera l'objet de
ses soins assidus. II saisira avec zèle les oc
casions qui se présentent sans cesse, pour
développer les principes de religion et de
morale. Get article est supprimé dans le
reglement de 1879.
B. Avant le lr Juillet dernier, l'enseigne
ment de la religion et de la morale compre-
nait trois parties: les prières ordinaires du
chrétien, l'abrégé de la doctrine chrétienne,
renfermé dans le catéchisme du diocese, et
I'Histoire Sainte (ancien et nouveau Testa
ment.)
Notons en passant que l'enseignement de
I'Histoire Sainte est supprimé par le gouver-
vernement. Done rien n'est changé en fait
d'enseignement religieux
En ce qui concerne le catéchisme, le soin
principal de l'instituteur devait consister k
faire apprendre par coeur k ses élèves le texte
des prières et du catéchisme, a le leur faire
comprendre d'une manière precise, et a leur
imprimer un profoncl respect pour ces prières
et ces grandes vérités de la religion.
L'instituteur devait done donner aux en-
fants des explications simples et familières sur
le sens des mots; 11 devait y joindre quelques
comparaisons choisies parmi les objets qui
tombent sous le sens des enfants, ou le récit
des fails historiques avéréspropres k faire
sur eux une impression salutaire.
Eli bien, Monsieur l'Editeur, tout est chan
gé sous ce rapport: plus d'explications, plus
de comparaisons, plus dc récits: tout cela est
supprimé. Ecoutez le rapport de la section
centrale: Ce cours (de religion) se restrein-
dra, pour les enfants catholiques, k l'étude
du catéchisme, simple exercice de mémoire
qui ne suppose ni commentaires ni interpré-
tations.
Voilk ce qu'on appelle: enseigner la Reli
gion aux enfants. Un tel enseignement de la
grammaire, de l'arithmétique, de l'histoire
beige serait considéré par les gueux ofticiels
comme nul.
II est utile, Monsieur l'Editeur, d'insister
sur cette difference entre l'enseignement reli
gieux, donné k l'école avant et après le lr
Juillet 1879, afin d'éclairer les parents ca
tholiques.
Pour terminer cette lettre, déjk longue, je
voudrais citer un commentaire officieux de
la loi de 1879 par Victor Luerquin, attaché
au ministère de [instruction publique.
Je cite: Le principe inscrit dans l'art. 4
entraine nécessairement Ta suppression de
la Religion comme branche du programme;
celle de l'Inspection ecclésiastique, tant par
les délégués du chef du culte que par les
ministres des cultes, et de la représenta-
tion des évêques et des* consistoires des
cultes rétribués par l'Etat, au sein de la
Commission centrale d'Instruction; du rap-
port des évêques diocésains sur l'enseigne-
ment de la morale et de la religion; de l'ap-
probation des chefs des cultes pour les
livres destinés a l'enseignemenl de la reli-
gion et de la morale et des bvreS de lecture;
de la présence, dans les jürys d'examen,
des délégués des chefs des cultes; de l'exa-
men sur l'instruction religieuse; de la di-
rection et de l'inspection ecclésiastiques
dans les écoles normales.
Done, rien n'est changé!
Je voudrais que les Instituteurs qui hésitent
k quitter l'enseignement officiel pussent bien
se convaincre que l'école officielle actuelle est
devenue une école destinée k gueusifier la
Belgique de Faveniret que contribuer k
atteindre ce but est une mauvaise action.
Agréez, Monsieur l'Editeur, Fassurance de
ma considération distinguée.
Plus on approfondit les changement appor-
tés k l'école officielle par la loi de malheur,
plus on est convaincu de l'étefldue du mal
qu'elle fera k l'individu et k la société.
Quand bien même l'instituteur ferait sincè-
rement son devoir, son enseignement ne
pourra jamais produire que Findiftérence la
plus absolue en matière de religion. Au point
de vue de Féducation, le résultat en sera non-
seulement complétement nul, mais encore
nuisible au plus haut degré.
Un inspecteur d'écoles disait dernièrement
dans une conférence d'instituteurs, transfor-
mée par lui en club politique, que si le
Gouvernement le chargeait d'enseigner ou de
faire enseigner le mal, il serait le premier k
renoncer k sa belle place et k appliquer ses
gros bras au travail mécaniquè afin de gagner
le pain quotidien pour lui et sa familie.
Ce trop zélé fonctionnaire ignore qu'il ne
s'agit pas seulement de ne pas enseigner le
mal, mais que l'enseignement doit tendre k
inculquer le bien, afin de eombattre la con
cupiscence de la nature humaine, que le
gueux ne connait sans doute plus k force
d'indifférence pour tout ce qui touche k la
religion.
Transformer l'enseignement de la religion
en simple exercice de mémoire, c'est déjk
enseigner le mal, car c'est abuser de la con-
liance des parents, qui ont loujours vu, dans
l'enseignement de la religion, le fondement de
Féducation chrétienne et morale de l'enfant,
la destruction de ses mauvais penchants, la
formation de son coeur et le flambeau de son
intelligence.
Tout instituteur, dit Mgr Frayssinous,
l'illustre évêque d'Hermopolis, soit privé,
soit public, chargé de [education de l'enfance,
qui ne met pas la religion avant tout, et
trouve trop longs les courts moments qu'il lui
donne, trompa les espérances des families, est
indigne de Fhonorable profession qu'il exerce,
et semble ne voir qu'un métier dans ce qui
devrait être k ses yeux une espèce de sacer-
doce.
Journal d'Ypres,
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