ORGANE CATHOLIQUE DE LA R R ON DISSE MENT.
MERCREDI n Octobre 1879.
10 centimes le numéro.
14 année. N" 1441.
On s'abonne rue au Beurre, (V6, a Ypres, et a tons les bureaux de poste du rpyaume.
Résumé politique.
FRANCE, Le Gouvernement francais
passé décidément de l'inertie k Faction, et il
inaugure la politique de resistance a la Com
mune,'en frappant des royalistes.
En effet, le ministre de Fintérieur vient de
révoquer vingt-deux maires ou adjoints cou-
pables d'avoir pris part it des banquets légi-
timistes. En tête de cette liste figure l'hono-
rable M. de Carayon-Latour, sénatëür inamo-
vibie et maire de Virelade, dans la Gironde.
'Foutes les autres victimes de la rigueur mi-
nistérielle appartiennent au département de la
Vendée.
II serait puéril de récriminer: le Gouverne
ment a déjii montré comment il savait user
de son droit k l'égard des réactionnaires,
quand il frappait les maires assez audacieux
pour protester en faveur de la liberté des
pères de familie. Les vingt-deux révoqués se
consoleront aisément de leur disgrace en
considérant que la politique du gouvernement
républicain contribuera, pour sa bomte part,
it hater la realisation de leurs espérances.
ANGLETERRE. La grosse question
du moment est sans contredit le grand dis
cours politique que le marquis de Salisbury a
prononcé Samedi ;i Manchester. 11 résulte, en
effet, de cette harangue que le fait d'une
alliance defensive ou autre, qu'on Fappelle
eomme on voudra entre l'Allemagne et
FAutriche, non-seulement est réel, mais que
FAngleterre elle-même participe k ce pacte
dans des conditions et des limites plus ou
moins formelles et précises. Sans tergiverser,
le noble lord a déclaré que FAutriche avait
assumé le röle d'empéclier les envahissements
de la Russiedu cóté desBalkflns, comme FAn
gleterre s'est imposé la tache den arrêter
les progrès du cöté de FAsie-Mineure en oc
cupant File de Chypre.
La première consequence it détruire de
cette grosse nouvelle, c'est la rupture cette
fois certaine et officiellement déclarée dc l'al-
liance des trois empcreurs. Désormais l'etn-
pereur de Russie se détaclie du groupe im
perial pour y être remplacé par Fimpératrice
des lades. Sa Majesté britannique-et indiennc
s'unit k l'Allemagne et a FAutriche contre la
Russie. Voilé ce que l'on sait maintenant
d'une mauière positive et indubitable. A la
vérité, FAngleterre n'a signé aucun traité en
cette affaire, elle y est seulement restée spec-
tatrice oflicieuse et bienveillante; mais son
intérêt la lie mieux qu'un traité honni soit
hui mal y penseet somme toute, il reste
acquis qu'une véritable coalition est a l'heure
actuelle constitute en Europe.
- PRUSSE. Lors de la visite du Statt-
halter d'Alsace-Lorraine a MeLz, il s'est pro
duit un incident qui montre bien les senti
ments de la population. M. de Mantcuffel
avait convié au banquet, auquel assistaient les
autorités civiles et inilitaires de la ville, les
membres du conseil municipal. Mais un seul'
d'entre les conseillers a répondu k cette invi
tation; les autres se sont abstenus. A la fin
du diner, le Feld-maréchal-gouverneur s'est
levé et ii dit qu' il aurait été beureux de
pouvoir, au milieu du conseii municipal, por
ter un toast ii la ville de Metz; mais ces mes
sieurs ont en grande majorilé refusé de s'as-
seoir ii sa table. Ge fait toutefois ne chan-
geait en rien ses sentiments et il boit done
de tout, cceur au bien et k la prospérité de la
cité messine.
Un fait a produit quelque sensation ii
Berlin ces jours derniers. G'est l'arrivée si-
multanée dans cctte capitale des premiers
ministres des trois royaumes de Bavière, de
Wurtemberg et de Saxe ai-nsi que de la con
vocation de la commission des affaires étran-
gères au conseil federal, dans laquelle ces
ministres occupent le premier rang. On dit
que le chanceliér n'avait pas coutume de con
sulter ces hauts fonctionnaires et qu'une dis
cussion d un intérêt capital a pu seule néces-
siter leur presence. Quoi qu'il en soit, on
pense généralement que l'inlérêt en question
est de nature exclusivement commerciale, et
il semble résulter d'informations multiples et
concordantes qu'il s'agit de régler les consé-
quences de l'entrevue de Berlin sur le terrain
économique. D'autres hypothèses de nature
plus grave ont été faites, il est vrai; mais
c'est, croyons-nous, sans motifs sérieux.
AUTRICHE. Le Times a repu de
Vienne une dépêche, le '19 Octobre, démen-
tant le bruit de la signature de l'alliance aus-
tro-allemande; le télégramme ajoute que le
prince de Bismarck et le comte Andrassy,
dans leurs conférences, n'ontpas fait mention
de la garantie mutuelle du territoire.
La revolution européenne.
Un journal important de Loudres, la Pali
Mall Gazellepublie, sous ce titrc, un article
destiné a mettre en éveil tous les gouverne-
ments sur les perils dont les menace la
démagogie cosmopolite qui, grace a l'Inter-
nationale, aux sociétés secretes et aux pro
grès du socialisme universel, a partout des
centres d'action et des foyers incendiaires.
A ce tableau sombre de l'Europe contem
poraine, la feuille anglaise ajoute des consi-
dérations graves sur le système suivi par tous
les gouvernements pour contenir, suivant
son expression, ces éléments voicaniques
toujours prêts a faire éruption
Mais la Pall Mall Gazelle se demande avec
inquiétude si les armées Rationales qui exis
tent aujourd'hui et qui, eomprenanl toutes
les classes de la population, sont nécessaire-
ment imprégnées dc leur esprit, ne risque-
raient pas, a un moment donné, d'éclater
dans la main mème de ceux qui en feraient
usage pour réprimer les mouvements popu-
laires. Elle remarque que les régiments
allemands et russes contiennent dans leur
sein de nombreux adeptes du socialisme et
du nihilisme, et l'on ne peut douter que le
service obligatoire n'ait peuplé aussi de radi
caux les régiments francais.
Ce qui iuquiète non moins le journal an
glais, c'est la crainte que des hommes d'Ëtat,
partisans de la politique de la force, ne pro-
iitent pas de ce développement gig-antesque
des armées pour tenter k Fextérieur des
diversions aux dangers intérieurs et ne
déchaiuent la guerre sur l'Europe afin de
détourner au dehors les passions qui s'exci-
tent au dedans.
On ne saurait méconnaitre tout ce qu'il y a
de sérieux dans ces observations. Elles
méritent de faire réfléehir tous ceux qui por
tent en leurs mains les destinées des peupies,
et sur leur tête la respoösabilité de la paix
générale.
Mals la Maconncrie beige n'en tiendra nul
comple.
La loi de guerre.
Les reflexions très-justes, sur la lutte qui
s'est engagée en Belgique dans le domaine de
l'enseignement primaire émises pat' le Nord,
ot'gane libéral, et que nous avons repro-
duites dans notre n° du 15 c', se termi-
naient par cette phrase: G'est en déiinitive
la paix morale du pays qui sort de champ clos
it la guerre que se font les écoles publiques
et les écoles catholiques, celles-ci munies
des armes ecclésiastitjues que l'épiscopat met
a leur service, celles-Ik fortifiées de tous les
avantages temporels que l'Etat peut dispenser.
Paix morale, que le faux libéralisme,
ramené au pouvoir d'une faf.on imprévue par
les elections de 1878, est venu troubler pour
ainsi dire malgré lui, forcé de donnet' des
gages k Fopinjon avancée, qui, k cette condi
tion seule, lui a donné son appui.
Mais, lutle inégale, oü le pouvoir, par des
empiétements successifs, a su mettre tous les
avantages de son cóté! Que sont en effet ces
armes ecclésiastiques, basées uniquement
sur les convictions personnelles que le ci-
toyen ose a peine encore exprimer libremcnt,
en comparaison des avantages temporeis
que le libéralisme a enlevés k la liberté, k
force de réformes et de lois injustes et spo-
liatrices!
Avant d'entamer la lutte, les catholiques
auraient eu le droit de dire au pouvoir:
Rendez-nous les bourses d'études insti-
tuées en faveur de l'enseignement libre et
catholique.
Laissez les fondations d'enseignement k
Fintention charitable et chrétienne, pour la
quelle elles ont été créées.
Abandonnez k leur destination première
et réelle ces nombreux locaux d'écoles et de
petits couvents, mis par des prêtres et des
religieuses sous la protection du bureau de
Journal d'Ypres,
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- Depuis l'explosion de la Revolution francaise.
dit ia feuille britannique, ce que nous appellerons
les éléments volcaniqubs de la société n'ont jamais
été plus mena§ants; quede nos jours; et, analy
sant la situation fntérieure des principaux Etats
Européens, elle l,e4 montre tous en proie a un
travail révolulljinliRre ou s'aeharne le radicalis
me moderne.
La Russie n'était pas auparavant attemte des
passions sauvages qui inettaient l'Europe en
convulsionaujourd'hui, au contraire, elle est
sur la peute des revolutions les plus profondes.
ïandis que les classes moyennes et les classes
supérieures el-les-mèmes réclanient les garanties
du régime constitutionne], les nihilistes, partout
rópandus, partout pöursuivent dans l'ombre une
compléte reorganisation sociale, d'autant plus
redoutable qu'ils s'appuyent d'un cóté sur le
mécontentement croissant des populations fina
les, de l'autre sur l'enthousiasme du panslavisme.
L'Allemagne, qui est le berceau du socialisme
radical, qui a produit Lassalle, le grand apótre
des déshér.ités et Karl Marx, le graqd-prétre
de l'Internationale, a bien pu rédnire un moment
le parti soeialiste au silence par des mesures de
compression et de repression, mais personae
n'y croit que co p.arti soit brisé. ni même affaibli.
Ses chefs disent hautemént que M. de Bismarck,
en les persóeutant, leur a rendu un signalé ser
vice et a doublé leur force, lis prédisent qu'aux
prochaines elections du Reichstag leurs candi-
dats auront d'óclatants succes.
En examinant ensuite la situation de la France,
la Pall Mall Gazette s'efïraie de l'explosion
récente de passions qu'on devait croire pour
longtemps étoulïées. Elle constate que si le sou-
lèvement de la Commune 'a pu être énergique-
ment réprin'ié, le sentiment communiste n'a
point été déraciné et qu'il reparaït aujourd'hui
avee une nouvelle énergie.
L'Espagne est encore travaillée par des aspira
tions et des menées rópublicaines qui minent
souterrainement le tröne d'Alphonse XII.
II y a plus de démagogie qu'on ne pense au-dejè.
des Alpes dans les revendicatiöns" natiónales de
1'Italia irredenta.
L'Angleterre, d'ailleurs, n'échappe pas A ce
mouvement général de revolution. L'Irlande est
le théatre d'une agitation plus sociale encore que
politique, oir le vieux fenianisme joue toujours
un röle mystérieux et terrible, et oil, sous le
programme d'indépendance et d'autonomie des
homerulers, se cachent des plans radicaux de
réforme agraire.
L'ordre, dit-elle, n'est maintenu partout que
grace aux immenses armées dont dispose le pou
voir. Les forces militaires colossales organisées
depuis quelques années ne sont pas seulement
créées en vue de la défense contre l'étranger,
elles le sont plus encore en vue de la repression
des agitations a Fintérieur.