temps encore. Nous avons le devoir de vous faire connaitre le socialisme, ses hommes, ses idéés, ses oeuvres, ses succès ou ses déconvenues. Vous connaissez ses hommesAnseele et consorts. Vous savez ce qui se passe au «Vooruit» de Gand; vous connaissez la condamnation de certaines chefs, dénoncés par leurs propres hommes, par ceux-lk même qui, nourris dans le sérail, en con- naissent, mieux que tout autre, les détours. Anseele avait reproché aux patrons catho- liqueset libéraux d'être durs et inhumains pour l'ouvrier. llaétéétabli judiciairement qu'il traite les ouvriers et les ouvrières du «Vooruit» comme les derniers des esclaves! II a taxé de bande de Cartouche et compagnie les capitalistes. Par un juste retour des choses d'ici-bas,ce sont des mem bres du Vooruitqui se sont fait ses justiciers, et qui dressent encore aujourd'hui le dossier de la société et de ses dirigeants L'orateur entre ici dans des détails nom- breux pour prouver, par des exemples, cités par Paul Dewitte, dans son histoire du «Vooruit», avec quelle injustice des ouvriers sont traités, alors que certains chefs et quel- ques ouvriers sont prévilégiés Le Vooruit doit être l'image de ce que sera la future société, rêvée par les socialis - tes. Belle image, vraiment M. Colaert parle longaement de l'essai collectiviste fait en Australië. C'est un fiasco complet. Les ouvriers désabusés sont reve nues aux idéés anciennes. En France, l'essai fait k Albi aboutit k un pitoyable avortement. Et cependant la verre- rie socialiste pu s'établir grace, en grande partie, des dons faits par des particuliers; les carrières de sable sont k proximité de I'usine il y a des mines de houille dans les environs; le chemin de fer est k la disposi tion de la verrerie les ouvriers ne touchent qu'un salaire de 1 fr. 25 k 1 fr. 60. Et mal- gré tous ces avantages, et d'autres encore, la société d'AIbi périclite On a même imaginé de faire appel k tous les socialistes de France, leur enjoignant de ne plus prendre leurs vins que chez les producteurs et fabricants qui commandent leurs bouteilles k la verrerie d'AIbi Mais l'essai n'est pas complet. Je revien- drai un autre jour, dit l'orateur, sur les mécomptes de la verrerie aux ouvriers verriers Une des causes, dit M. Colaert, de l'in- succès des entreprises socialistes, c'est que les collectivistes ne veulent pas de msitres. Ni Dieu ni Maitre! Comment une société quelconque peut-elle exister sans chefs Et s'il y a des chefs, des directeurs,des con- tre-maitres, ce n'est plus une société de socialistes. La pratique est contraire au principe et en contradiction absolue avec lui. Vous imaginez-vous une simple société d'agrément, sans comité, sans chefs L'orateur soulève k chaque instant les applaudissements de l'auditoire, en montrant le gachis qui doit rêgner dans toute société oü il n'y a ni chefs ni maitres. J'arrive, dit l'orateur, k la question fla- mande, si discutée en ce moment. Je déclare tout d'abord qu'ayant voté le projet Devriendt-Coremans une première fois, je le volerai encore quand il reviendra devant la Chambre. (applaudissements pro- Iongés). Mais j'espère que le projet sera modifié en quelques points, notamment en ce qui concerne la procédure parlementaire k suivre pour la discussion et le vote des lois. On a fait, vous le savez, beaucoup de bruit autour des discours pronoricés au Sénat, par MM. Surmont de Volsberghe et Struye. Je dirai ma fagon de penser sans détours. Dans les questions d'ordre religieux et moral, nos principes sont immuables. Nous savons d'avance quelle attitude nous devons prendre, et nous la prenons toujours confor- mément k nos convictions qui sont les mêmes pour tous les catholiques. Mais, dans les questions libres, comme la question flamande, j'estime qu'il faut laisser une grande liberté d'appréciation k eeux qui sont appelés k les trancher. Mon opinion est qu'il faut placer les deux langues nationales, le flamand et le francais, sur le même pied, comme il doit y avoir égalité de droits entre fiamands et Wallons. Lk-dessus MM. Surmont et Struye se sont toujours prononcés dans le même sens que nous. Dans l'applicalion de ces idéés, il peut y avoir des différences de vues. Libre k nos hommes politiques d'être partagés. Ils orit le devoir d'exprimer leurs impressions, leurs vues, leurs appréhensions, pourvu qu'ils ne dérogent pas au principe constitu- tionnel et juste de l'égalité entre fiamands et wallons. Or, je prétendsque, plus que n'im- porte qui, MM. Surmont et Struye ont tou jours été partisans de cette égalité. (applau dissements). On a reproché k M. Surmont certains mots et expressions dont on l'accuse de s'être servi au Sénat. II aurait traité les flamingants de flamencliants, terme injuste et méprisant, je le reconnais. Mais on a eu soin de ne pas reproduire le passage du discours de notre honorable Sénateur oü il a prononcé le mot. Si on avait été loyal, on aurait reconnu - cornme M. Picard que ce n'est pas M. Surmont qui a prononcé ce mot, mais bien M. Tournay et que M. Sur mont ne s'est servi du mot que pourcritiquer l'expression. Et pour cela notre sénateur a été traité de leliaert, de traitre, de Judas, comme du reste M. Struye qui n'a fait des objections qu'au point de vue de l'application et de l'opportunité de la loi, tout en admettant le principe. Mais qu'ils se consolentN'ai-je pas été taxé de trahison en 1889, parceque, moi qui avais aidé k faire admettre, dans la loi Devigne-Coremans, que les procés verbaux en matière fiscale devaient être rédigés en langue flamande, en pays flamand, aussi bien que les procès-verbaux en matière pénale ordinaire, m etais permis de critiquer une disposition de cette loi Et n'ai je pas été affiché, attaché au pilori, en même temps que Mgr De Haerne, !e grand patriote, le défenseur attitré de notre langue nationale? (mouvement). J'ai toujours méprisé les injures et les gros mots, et mon expérience m'a démontré que j'ai eu raison. Üe la campagne faite contre moi en 1889, il m'est resté l'honneur d'avoir vu figurer mon nom k cóté de celui dun ancien illustre enfant d'Ypres, Mgr. De Haerne. (bravos Une des grosses objections de M. le Baron Surmont contre le projet de loi Devriendt- Coremans, c'est que la langue flamande n'a pas assez de mots juridiques pour exprimer 1 idéé exacte du texte frangais. Je ne partage pas eet avis. Notre langue matei nelle est, au point de vue des mots, l'une des plus riches qui existe. Nous avons de plus le texte hollandais auquel nous pou- vons faire des emprunts, au besoin. Puis, nous pouvons fabriquer des mots. Mais dé grace, ne fabriquons pas des mots aussi inutiles que chinois. Ne faisons pas comme certains le veulent: traduire les mots dès qu'ils semblent seule- ment avoir une origine frangaise. Ace sujet, je vous donnerai un exemple: le mot post est compris par tout le monde.' Pourquoi le traduire par's lands boodschaps- wezen (rires). Cela me rappclle une histoire qui m a sou- rent fait rire: II y a une trentaine d'années, un jeune homme de Poperinghe était parti pour l'armée. Après trois mois, il rentra chez ses parents en congé. Voyant le chat, il demanda k son père: Wat heest is dat Le père de répondre: 't is de kat. Et le soldatbij ons dat is een muishond.(Hilarilé). Je n'ai pas besoin de dire que le père allongea quelque peu l'oreille de son pédant gargon. (Nouveaux rires). II y a prés de trente ans que j'ai quitté Pope ringhe. Me voyez. vous y retourner et deman- der k un passant: waar is 's lands boods- schapswezen, als 't u belieft. (Rires prolongés) Mon interlocuteur se dirait: eet homme est fou ou il se moque de moi; et je suis bien certain qu'il ne voterait plus jamais pour moi. Et si au lieu de Post, il faut dire 's lands- boodschapswczen, comment appellera-t on le percepteur des Postes?'s landsboodschaps- wezenmeester?(Rires) N'exagérons pas, et ne rendons pas notre belle langue maternelle ridicule M. Lejeune a demandé aux fiamands du Sénat comment ils traduiraient les mots obligation solidaire. Quel mal y aurait-il k diresolidaire verbintenis Et si le mot solidaire parait trop frangais, ne pourrait-on traduire l'expression latine d'oü la frangaise est tiréeobligation in solidum L'objection de M. Lejeune n'est pas sé- rieuse. Nous trouverons des mots pour tra duire notre pensée. Sans doute, il faudra y mettre de la bonne volonté, et rechercher le mot employé le plus habituellement. Supposez, dit l'orateur, que nous ayons k mettre dans la loi les motsbrouette et ca- rottes. Tout le monde comprendra korte of kruiwagen en wortels. Mais si, intransi- geant. j'exigeais que le mot kortewagen soit remplacé par piepegaele, et wortels par wel- tels, comme on dit k Poperinghe, on me renverrait avec ma brouette et mes carottes. Ze zouden mij uil de kamer jagen met mijne piepegaele en mijne wettels. (longue hilarité) Et cependant, des hommes compétents soutiennent que le mot piepegaele est très- flamand, et je partage leur avis. Vous riez Messieurs, et je ris comme vous. Faisons attention Demain quelque malveillant pourrait écrire que je me suis moqué de la langue flamande, et me traiter aussi de Judas, paroeque j'expi ime mes idéés avec quelque humour. Mais vous protesteriez vous savez bien que j'aime ma langue maternelle, que je la parle, que je l'écris et que je la défends par- tout oü je peux en trouver l'occasion.Je vous lirai un jour quelques uns de mes vers, du temps que j étais élèveen poésie, des pé- chés de jeunesse, et qui ont regu les hon neurs du Rond den Heerd de M. Gezelle (très-bien) M. Surmont el Struye aiment leur langue aulant que moi. Est-ce k dire qu'ils ne puis sent pas, sur certains points, différer d'avis avec moi? Mais je serais un tyrar, si ie nadmettais pas la contradiction. Et vraiment, est-on toujours et partout d accord,meme sur des points essentiels Entendez plaider deux avocats Au fond i s sont les meilleurs amis du monde. Mais fis défendent leur avis, quelquefois av énergie et vivacité. Ils ne vont que rare- ment flest vrat, jusqu'k sarracher les ch - veux (hüanté). Cela serail du reste difficile pour ma partie adverse (nouveaux rires) E,il arrive même r„„ ell autre avo- cat ont tort. Un jour, deux avocats plaidaieot devant un juge de paix de Gaud. L.„„ système et sou ad.ersaire un système ab solument opposé. Après de longues Dia- doieiies, le juge disaitVous avez plaidé ouiet vous, vous avez plaidé nonmoi m'en vais juger autrement. 'k Ga 't ik nu n keer anders zeggen (rires). Voilk trois systèmes. II en a été de même, au Sénat, de la ques. tion flamande. Est ce k dire que tous ceux qui ont voté non soient hostiles au flamand? Loin de lk. M. Surmont a montré certaines difficultés d'applicationincontestables.Supposonsqu'une loi doivc être volée. II y a une majorité pour la voter; mais, par suite de l'obstina- tiori de quelques wallons qui ne comprennent pas le texte flamand, toute la loi est rejetée voilk une singulière situation Mais l'on peut répondre que si les fiamands s'obstinaient, il n'y aurait pas de texte du tout. Les uns comme les autres y mettront de la bonne volonté. La vie humaine est faite de concessions. Ce sera aussi une histoire de traduire les 45.000 lois et règlements obligatoires en Belgique. Mais avec de la bonne volonté on surmonte tous les obstacles. Reste le cas d'antinomie entre les textes frangais et flamand On en a fait grand état. Le cas d'antinomie est rare, et je crois, quant k moi, que les deux textes s'interprê- teront mutuellement. Si l'antinomie était rcelle, on pourrait, comme aujourd'hui, dans certains cas, recourir k une loi interpreta tive. MM. Surmont et Struye ont peur de cer taines tendances dangereuses.Je partage,sous ce rapport, quelques-unes de leurs appré hensions. Ainsi.je ne suis pas partisan d une université exclusivement flamande, bien que j'aie proposé et obtenu k la Chambre,en 1889, que les candidats-notaires qui veulent obtenir une place en pays flamand, doivent subir une épreuve, dans la langue flamande. Si Ion créait une université flamande, les catholiques devraient en faire autant, et que deviendrait l'Université de Louvain Je ne veux pas davantage que dans l'armée les commandements soient faits en deux langues. Que l'on prenne l'une ou l'autre lan gue nationale, celle qui est parlée par le plus grand nombre, soit; mais deux langues, non; il n'y aurait plus d'unité, ceseraitle gachis. Voilk mes idéésSi quelqu'un veut me contredlre, je le prie de le faire si non je constate que nous sommes d'accord (applau dissements). Mais je constateaussiquej'aidépassé l'heure que votre comité a bien voulu m'accorder. J abuse de la parole (non, non). Vous mele pardonnerez, en songeant que je suis avo- cat (rires). Un mot encore sur l'enseignement du fla mand dans les écoles, Je suis d'avis que I instruction doit être donnée dans la langue maternelle des élèvesen flamand dans les Handres, en frangais dans le pays Wallon. Est-ce k dire qu'il faille trailer, ici, le frangais comme une langue étrangère,comme quelques uns le demandont? Nullement. Le flamand et le frangais sont, clans notre Belgique,deux langues nationales. II importe que tous les beiges parient les deux langues. Après que les enfants ont appris convenablement leur langue mater nelle, il est nécessaire, au point de vue de nos relations avec le pays Wallon', et même avec la France, qui est notre plus proche voisine, qu'ils apprennent.avant toute langue étrangère, le frangais dont ils auront le plus besoin. Je m'insurgerai toujours contre l'idée de traiter le frangais de langue étrangère. C'est pour cela que je n'admets pas quo l'on tra- duise tous les mots qui ont une origine plus ou moins frangaise. L'horreur du frangais 11 es' Pas étrangère k cette de manière de faire-

HISTORISCHE KRANTEN

Journal d’Ypres (1874-1913) | 1897 | | pagina 2