Mercredi S Décembre 1897.
10 centimes Ie IV0.
32e Année. N° 3304.
Autriche-Hongrie.
France.
Revue politique.
En Cour d'assises.
Une Bombe.
Prague, 13 Décembre.
On a trouvé pendant la représentation, au
Théatre National allemand, suspendue au
battant de la porte de sortie de ce théatre,
une bombe fabriquée l'aide de boites en fer
blanc remplies de poudre, et munie d'une
mêche allumés.
La mêche a été éteinte. Au dire des
experts, la bombe aurait pu causer des
dégats importants. Des mesures rigoureuses
sont prises en vue de la surveillance exer-
cer dans les deux thèbtres allemands de
Prague.
Paris, 14 Décembre.
On a distribué, bier b la Chambre, un
projet deloitendantbaccorder aux exposants
francais de l'Exposition de Bruxelles deux
croix de commandeur de la Légion d'honneur,
vingt d'officier et quatre-vingts de che
valier.
La crise rninistérielle n'est pas résolue en
Italiëau contraire, elle lest moins que
jamais. M. di Rudini n'a pas abouti. 11 avait
chercbé b consolider si situation en exécu-
tant un mouvement b gauche, c'est ce qu'in-
diquait l'entrée de M. Zanardelli dans la
combinaison rninistérielle, et c'est justement
c® qui l'a fait échouer. Bieri que nous ne
connaissions pas encore tous les détails de
cette intrigue politique, il y a tout lieu de
présumer que l'on n'a pu s'entendre sur la
question de l'attributioi) des portefeuilles et
la proportion de représentation b donner
3ux divers groupes intéressés. Zanardelli
avait d'abord demandé un sous-secrétariat
Pour le parti radical, puisquatre portefeuil
les pour son propre parti. Au dernier mo-
il consentit, b se contenter de trois
Portefeuilles seulement sans insister sur l'at-
'ribution d'un sous secrétariat d'Etat b un
Sombre du groupe Cavallotti. Mais il doit
sêtre produit alors quelque manifestation
dos groupes modérés qui, jusqu'ici avaient
soutenuM. di Rudini. II se pourrait notam-
0lent, que la question religieuse eüt joué un
röle dans l'échec des pourparlers. Depuis
8011 arrivée au pouvoir, M. di Rudini sétait
™°utré trés conciliant b l'égard de l'Eghse.
L'entrée de M. Zanardelli dans la combinai-
son parraissait indiquer un changement
do'titude sur ce terrain. Le oom de 1 ancien
^'Oistre est particulièrement abhorré des
®a'boliques. lis n'ont pas cessé de voir en
Zanardelli de législateur hostile b 1 Eglise.
'nen fallait pas davantage pour rendre
trés délicate la mission de M. di Rudini. II
lui eut été difficile de gouverner avec un
majorité eomposée en partie de libéraux et
de conservateurs fidèles aux traditions ca-
tholiques. II a préféré renoncer a la tache
dont l'avait chargé le roi.
Nous voici en présence d'une situation des
plus compliquées. II semble difficile que M.
di Rudini exécute une volte face et, ayant
écbouéb gaucbe, se retourne vers la droite.
Le roi ne parait autrement disposé b charger
M. Zanardelli de la constitution du nouveau
conssil. M. Crispi, d'autre part, est impos
sible en raison de son passé et des soupcons
qui pèsent sur lui. A qui s'adresser, alors?
II ne manque pas d'hommes politiques de
talent en Italië, mais il n'y a, pour le mo
ment, aucun homme d'Etat offrant une
suffisante surface pour prendre le pouvoir.
La situation n'est pas facile b résoudre.
Aussi ne s'étonne-t-on pas de ce que M.
di Rudini ait renoncéb sa mission.
Un télégramme de Rome annonce que M.
Visconti Venosta, appelé au Quirinal, a été
chargé par le roi de la formation d'un
cabinet.
Sa tbche sera bien plus difficile encore que
n'a été celle du marquis di Rudini, lequel du
moins a failli réussir.
Un acquirement.
Nous n'avons point lenu nos lecteurs au
courant de la scandaleuse affaire qui s'est
terminée Samedi soir, devant la Cour d'as
sises de Bruges, par l'acquittement de 1'ac-
cusé. Nous avons dit les motifs de notre
abstention.
Vanderauwera, le mari infidèle,est acquit-
té, aaalgré les charges qui pesaient sur lui.
La justice bumaine ne pouvait lui demander
compte de son infidélité, établie cependant,
avouée même. Sa femme seule avait ce droit.
Encore fallait-il, aux termes de la loi, que
l'adultère fut établi autrement qu'il ne l'a élé,
et Mme Vanderauwera, pour se séparer de
son mari. n'avait d'autre moyen que de baser
sa demande sur ce que le code civii appelle
l'injure grave.
Mais la pauvre femme n'est plus La vic
tims de l'adultère est descendue dans la
tomue, après de longs mois de souffrances,
souffrances physiques et morales, tandis que
son époux infidèle est déclaré innocent par
la Justice, et fêté, ovationné, par ses amis
Sans doute, le jury n'était point appelé b se
prononcer sur l'adultère nous venons de
dire pourquoi. Mais il avait b statuer sur le
point de savoir si la femme innocente avait
été assassinée, lachement empoisonnée, par
son conjoint coupable d'adultère.
Le manquement aux devoirs conjugaux
n'est pas punissable, et l'empoisonnement
n'est pas établi.
Vanderauwera est done innocent II n'a
pas empoisonné sa femme. Res judicata pro
veritate habetur. La chose est jugée el la
chose jugée est la vérité.
Malheur a ceux qui diront demain b l'ac-
cusé d'hier Vous avez empoisonné votre
femme L'henorable Procureur du Roi,
chargé de soutenir l'accusation, a pu le dire
dans son réquisitoire. II ne peut plus le dire
aujourd'hui il y a chose jugée.
Et la chose jugée est tellement vraie que,
si l'accusé venait confesser le crime s'il
allait se dénoncer lui-même, narguant et les
magistrals qui loot poursuivi, et les témoins
qui l'ont soutenu ou accablé, et les médecins
légistes qui ont conclu b l'empoisonnement,
el l'fionorable président de la Cour qui l'a in-
terrogé et qui a dénoncé publiquement la
conduite de certains témoins b décharge
s'il plaisait même b l'acquitté d'insulter les
juréa, les taxant de pusillaniraité ou de
pleutrerie, encore la justice devrait-elle se
détourner, croiser les bras et, au besoin,
défendre le diffamé contre ses diffamateurs
en leur disant eet homme est innocent,
il y a chose jugée vous n'avez plus le droit
de I'accuser, même en produisant la preuve
de sa culpabilité, son aveu
Telle est la justice humaine Nous recon-
naissons qu'il est nécessaire qu'il en soit
ainsi. Que deviendrait l'innocence reconnue,
proclamée, si elle n'était b l'abri de nouvel-
les investigations, de nouveaux souppons,
de nouvelles accusations
II y a même une autre nécessité sociale, la
proscription.
Elie aussi efface le crime et éteint faction
du ministère public. On poursuivra peut-être
ie coupable, on le raettra en accusation.
Mais son avocat dira le crime que vous
poursuivez aujourd'hui, '13 Décembre 1897,
aétéeommisle 14 Décembre 1887 vous
n'avez pas agi pendant ces dix années il
n'y a plus de crime
Encore une fois, telle est la justice hu
maine, et i'on ne s'imagine pas qu'il puisse
en être autrement.
Loin de nous done de blamer la justice et
le droit. Nous leur rendons au contraire
hommage. Dans le eas Vanderauwera, com-
rae dans tous les autres, la justice a fait son
devoir. Si elle poursuit, c'est quelle est con-
vaincue de la culpabilité de l'accusé si le
jury acquitte, c'est qu'il estime que l'accusé
n'est point coupable ou que les preuves de
sa culpabilité ne sont pas suffisantes. Dans
l'un commedans l'autre cas, il faut renvoyer
l'accusé,
Libre h tout le monde, aux témoins, aux
magistrals instructeurs, au public, de con-
server sa conviction, de considérer le con-
damnécomme innocent ou l'acquitté comme
coupable, dans l'intimité de l'ame, dans le
silence de la conscience. Libre auisi, après
s'être formé une conviction, de donner a
l'un sa pitié et b l'autre son mépris. Mais ce
que nous blbmons, ce que nous considérons
comme profondément regrettable, ce sont
les manifestations qui suivent quelques fois
les verdiets.
Ne sont-elles pas un outrage et un défi b
la magistrature, qui, après tout, n'a fait que
son devoir, que ces ovations, ces proclama
tions d'innocence qui accueillent les acquit
ments
Passe encore quand il s'agit d'acquitte-
ments prononcés par les tribunaux correc-
tionnels, oil siègent des magistrats habitué#
b rendre la justice, intelligents, compétents.
Lb, la justice est ju .ée pour ainsi dire par
elle-même.Si elle acquitte,c'est b bon escient.
Puis l'appel est possible.
Les magistrats du ministère public ne sont
pas désavoués par les juges, pas plus que
ceux-ci par les juges d'appel. On voit souvent
même le ministère public demander le ren
voi du prévenu.On peut dire lb que la mani
festation du sentiment public n'est que la con
firmation du jugement prononcé.
Les jurés au contraire jugent souvent
d'après des impressions. lis ne distinguent
guère entte les témoigriages vrais et faux.
Combien en est il, qui, intimemsnt convain-
cus de la culpabilité de l'accusé c'est
tout ce que la loi leur demande exigent
encore des preuves directes, matérielies,
croyant de bonne foi que des présomptions
graves, précises et concordantes ne suffisent
pas? Puis, ils sont souverains ils jugent
sans appel.
Sans faire allusion au cas Vanderauwera,
dont nous ne nous occupons pas dans nos
considérations générales il y a chose
jugée, et dous nous inclinons devant elle
n'est il pas vrai que, dans le cas d'empoi-
sonnement, on n'aura jamais ou presque ja
mais que des présomptions Combien de
fois y aura-t il des complices ou des témoins?
El si le raffinement est poussé jusqu'b ad-
ministrer le poison lentement, par doses,
scientifiquement pour ainsi dire, y a-t-ii un
seul empoisonnement qui n'échappera b pas
la vindicte publique
En terminarn ces considérations, nous
rendons hommage b nos magistrats des
Flandres, qu'uri témoin b décharge a gratui-
tement et gravement outragés en disant de
vant la Cour et le Jury De quoi dépend
la liberté d'un homme A Mons Vander
auwera n'eut pas été poursuivi.
II n'y eura qn'une voix dans le pays pour
blamer cette parole odieuse que la défense a
eu tort de répéter. 11 est vrai que notre ma
gistrature est au-dessus de pareilles insinua
tions. Elle n'est inférieure b celle de Mons
(qui a eu son affaire du Chasteleer) ni
comnae intégrité, ni comme impartialité,
ni comme capacité. Les débats qui viennent
d'avoir lieu b Bruges le prouveraient, s'il
On s aborine rue au Beurre, 36, a Ypres, et
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