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Mercredi 3 Mai 1899
10 centimes le N°.
84e Année.
N0 3439
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L'affaire de Lille
Le ler Mai
Ce que coütent les grèves
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Coup de theatre raté
Les feuilles anlicléricales vien-
nent, grace au zèle du parquet de
Lille, de pouvoir offrir a leurs lec-
teurs la primeur d'un coup de theatre,
mais d'un coup de theatre manqué,
car ces messieurs de la justice ne se
doutent probablement point du pas de
clerc qu'ils viennent de commettre.
Trois personnes qui s'occupaient,
dans l'intérêt du Frère Flamidien, de
rechercher des renseignements sur les
conditions étranges dans lesquclles a
été accompli le crime de la rue de la
Monnaie, ont été arrêtées a Lille, a la
Brasserie Armcnlièroise, par des
agents de la police de süreté.
Ces personnes sont MM.Duthilloeul,
ancien commissaire de police, Georges
Degroux et Alfred Soudoyez. Une
autre arrestation a été effectuée, celle
du tils de M. Duthilloeul, en ee mo
ment soldat a Lille, mais ce militaire,
qui n'était venu a la Brasserie Armen-
tieroise que dans lei;soul but de dire
bonjour a son père, et qui ne savait
même pas ce dont il s'agissait, a été
remis en liberté immédiatement.
MM. Duthilloeul, Degroux et Sou
doyez ont passé la nuit au violon; leur
arrestation a eu lieu, a ce que I on af-
firme, d'après les instructions de M.
Tainturier, procureur de la Républi-
que. Samedi dans la matinee dès le
début de 'l'enquête de la Süreté, MM.
Degroux et Soudoyez ont été relaxés.
lis devront toutefois, a toute invita
tion, se mettre a la disposition de la
justice.
A en croire les feuilles «anticlérica-
les», on reprocherait aux trois per
sonnes dont nous parions d avoir tenté
de suborner des témoins dans le but
de déclarer que le petit Gaston Fo-
veaux aurait été vu le Dimanche sor-
tant de l etablissement des Frères et
rencontré, Ie lendemain Lundi, au
bois de la Deule, vers !0 heures du
matin.
La vérité est que, seul, M. Duthil
loeul est retenu sous le prétexte, non
S>rouvé encore, d'usurpatiou de qua-
ité de membre de la süreté. Et il est
démontré qu'il n'y a pas en tentative
de subornation de témoins.
M. Duthilloeul a simplement promis
de l'argent aux personnes en question,
si, grace a leurs indications, on pou-
vait arriver a connaitre la vérité sur
le crime de la Monnaie.
C'est un moyen de délier les lan-
gues qui n'a rieu d'iinmoral et qui ne
peut se comparer aux barbares ma
noeuvres d'extorsiou d'aveu auxquel-
les s'est livré M. Delalé lui-même, dit
fa Croix du Nord
II n'y a pas une loi qui défende de
promettre une recompense, une pri-
me, si vous voulez, qui fera lalu-
mière sur un crime. Gela se fait en
Amérique, en Angleterre, cela s'est j
fait souvent en France.
Du reste, est-ce que les renseigne- j
merits acquis ainsi ne doivent pas fina-
lement aboutir au cabinet du juge j
d'instruction
Nest ce-pas celui-ci qui est appelé j
a les contróler ou a les apprécier Et j
s'il est sincèrement désireux de con- j
naitre la vérité, ne devrait-il pas, au
contraire, féliciter et remercier les
citoyens qui dépensent leur temps et
leur argent pour l'aider a faire la lu-
mière?
Oü est le scandale en cela
Qui sait, d'ailleurs, si le but n'est
pas atteint
Voila M. Delalé forcé de lever son
nez de dessus la piste oü il le tient eu-
foncé.
La glace est brisée. Un peu d'air
extérieur entre en cette affaire qui
commencait sentir singulièrement le
renfermé. M. Delalé aura des indica
tions. il devra contróler les notes et
les papiers de M. Duthilloeul, vérifler
ses renseignements, examiner les
pistes qui y sont indiquées.
Le Matin, de Paris, annonce que les repré-
sentants catholiques omdéposésur le bureau
de la seconde Ciiambre néerlandaise une
note collective protestant contre la non-invi-
tation du Pape et du président Krüger k la
Conférence du désarnaement.
Si cette note est exacte, il en faudrait
nouclure qu'effectivemem le St Siège n'a pas
été invité k la Conférence pour la réduction
des armements.
Pareiile exclusion appellerait d'univer-
selles prolestations dans le monde catholique,
el metirait nu le pharisaïsme dont usaient
les gouvernements et la presse libérale,
cbaque fois qu'ils aftectaierrt, a l'égard du
St Siège. des semiments avec lesquels ne
s'accorderait guère l'exclusion dont il s'agit.
Les journaux de Londres consacrent de
longs articles k l'entente anglo-russe et s'en
féiicitent, rnais non pas tous sans ïéserves
En dehors de la Chine, écnl ie Times,
d'autres litiges sont pendants entre l'Angle-
lerre et la Russie. Si le texte de i'arrange-
ment aciuel donne satisfaction, ii est proba
ble que toutes les autres difficultés seront
réglées peu k peu k la satisfaction des deux
pays, li s'agira pour cela de les discuter
dans un esprit de conciliation et de confiance
mutuelle.
Moins optimiste, le Daily News demande
ce que deviennent en présence de cette con-
venuou les principes de la porteouverte»
Les deux puissances, objecte ce journal,
s'accordeni une entière égalité de traitement
sur les chemins de fer situés dans leurs
sphères d'influence. Si l'arrangement leur
donne satisfaction, c'est que les ministres
abaiidonnein l'objet principal de leurs diffi
cultés. Dans ces conditions l'entente négligé,
les difficultés futures.
Le Standard se préoccupe de la question
de s ivoir quel röle sera réservé au Tsung-li-
Yamen entre la Russie et l'Angleterre.
D'autre part, eet organe n'a pas ses apaise-
ments pour l'avenir
Les finances et la politique russes ont
des rapports trèsétroits et est probable
que l'argent anglais sera plaeé dans l'entre-
prise de chemins de fer asiatiques. Or, qu'ad-
viendrait-il si ces chemins de fer, une fois
terminés, doivent subir des desseins hostiles
au commerce et au prestige britanniques
Ce sera k lord Salisbury k répondre k ces
questions embarrassantes lorsqu'elles lui
seront posées au parlement.
On ne saurait cependant pas supposer que
le gouvernement anglais n'ait pas envisagé
pareiile éventualité. L'imprévoyance est le
dernier reproche k faire aux gouvernants
britanniques qui ne rêvent qu'k Texpansion
de leur influence et aux moyens de lui don-
ner des appuis solides.
On peut dire que le «l"Mai» est mort
les poiiticiens socialistes 1 'ont tué. De cetie
grande manifestation internationale qui, is
sue du congrès de 1889 devait aller sans
cesse grandissant et montrant la force crois-
sante du monde du travail, il ne reste plus
dans certaines localités que quelques fêtes
de quartier, des promenades, des retraites
aux flambeaux qui transformed le 1" Mai
eu une sorte de ducasse supplémentaire.
Cette date pourra encore donner lieu k
des incidentselle a perdu sa portée et son
caraclère; elle ne dépend plus que des fails
divers, et nous la notons k titre de re
portage.
En Belgique, dans les centres houillers,
oil la giêve sévit en ce moment,des cortèges
avaient été organisés, des meetings les om
précédés. A Charleroi, le député socialists
Fagnard k Cüatelet, le dépuié Emile Van
dervelde; k Gilly, Léon Furnémoni ont en-
gagé les mineurs k la résistance.
Des cortèges ont ensuite défilé dans les
runs, précédés pour la plupart de fanfares
ou d'harmonies.
A Frameries, una cavalcade a eu lieu. Un
riombre considérable de Borains sont arrivés
dans cette commune, oü le député Maroille,
faisant functions de bourgmesLre, avait re-
quis d'importantes forces de gendarmerie.
A Liége, le bourgmestre avait interdit tout
cortège et tout rassemblement.
Les sor.ialistes ont célébré le ler Mai dans
les locauxde la Maison du Peuple. Un grand
meeting a eu lieu k 2 heures, suivi d'un con
cert.
A Charleroi, un cortège a parcouru la
ville. Parmi les manifesiants se troüvaient
beaucoup de femmes et d'enfants, quichan-
taient la Carmagnole et criaient de temps en
temps: Vive la grève! II n'y a eu aucun
désordre.
Dans les commuues des environs, les ma
nifestations out éfalement été trés calmes.
En France, c'est également le calme le
plus complet qui a régné partout.
A Paris, un certain nombre de rénnions
avaient été organisées par les différents
groupes socialistes révolutionnaires. On y a
pariéde... l'affaire Dreyfus Pas d'inci-
dents.
Les ouvriers mineurs du Pas-de-Calais
ont travaillé dans toutes les concessions,sauf
k la Compagnie d'Ostricourt, oü, sur 700
ouvriers, on comptait une centaine de des-
centes.
A Roubaix, la municipaliié collectiviste,
rompant cette année avec ses habitudes an-
térieures, a décidé que la féte du ler Mai se-
rait reportée au Dimanche.
Aussi la journée a été d'un calme absolu
k Roubaix, et on a travaillé comme k l'ordi-
naire.
On signale dans tout le reste de l'agglo-
roération de Roubaix-Tourcoing la même
indifférence k l'égard de la manifestation du
1" Mai.
De l'étranger les dépêches ne signalent
aucun incident marquant.
Le 1" Mai en tant que manifestation
révolutionnaire et malgré les excitations so
cialistes, a décidément vécu.
L''Office du Travail frangais vient de
publier des statistiques auxquelles la grève
actuelie de nos mineurs donne un intérêt
tout spécial. II s'agit du relevé de toutes les
journées de chömage voulu, de 1874 k 1896.
Pour la France on constate pendant les six
premières années de cette période, une
moyenne annuelle de 162,000 journées de
travail perdues. En comptaut la journée k
3 francs, ce qui est un chiffre bien modeste,
on arrive k une perte sèehe de 490,000 fr.
par année.
Mais, k ce moment, le mouvement gréviste
était encore relativement peu accentué.
Moins beltiqueux et d'ailleurs moins armés,
les ouvriers hésitaient plus k entreprendre
la lutte. Quelques années après, en 1882-85,
la proportion est autrement forteelie atteint
annuellement 2 millions et demi.
De 1890 k 1893 le nombre de journées de
travail perdues s'élève a 1,726,000, repre
sentant environ 7 millions de salaires. En
1893, la grève arrête 170,000 ouvriers
pendant 3,174,000 jours. La perte re pré
sente environ 13 millions.
L'année 1894 a moins donué, mais repré-
senie 4 millions et demi dn privation de
paye. En 1896, un progrès est k enregistrer:
664,000 journées de travail perdues^ seule-
tuurt. Enfin, si l'on considère que la grève
des terrassiers et des ouvriers du bktiment
n'a pas duré moins d'un mois et qu'elie a
immobilisé, certains jours, jusqu'k 80,000
travailleurs, on peut conclure que l'année
1898 figurera pour une place plus apprécia-
blfi dans cette facheuse statistique.
Cette situation n'est pas, bien entendu,
spéciale k la France. Voyons, par exemple,
ce qui est résulté. en Belgique, de la grève
du Borirrage en 1897.
Cette grève a duré trois semaines pour
le Borinage tout entier et s'est prolorigée
dans certains districts ouvriers jusqu'k six
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