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Mercredi 14 Juin 18ï>9 10 centimes le N\ 34" Annes. N° 3451
REVUE POLITIQUE
France
Hol lande
Italië
Les agités
A la Conférence de La Haye
On s'abonne rue au Beurre, 36, a Ypres, et a tons ies bureaux de poste du rovaume.
Lecabinet Dupuy est tombé Lundi a
la Chambre francaise. Voiia une non-
velle qui eausera une grande sur
prise. Jitsqu'ici M. Dupuy paraissait
avoir le vent en poupe. Les derniers
incidents de laifaire Dreyfus lui
avaient valu des majorités énormes.
11 a suffi hier d'une interpellation
socialiste sur le zèle excessif de la
police a la journée du Grand Prix
pour le mettre par terre. G etait done
le colosse aux pieds d'argile.
En réalité, des bruits incertains de
erise ministérielle couraient depuis
quelques jours. On disait qu'un ac
cord était interven a entre divers
groupes républicains pour constituer
un cabiuet oü l'élément progressiste
dominerait et qui serait placé sous la
présideuce de M. Constans, l'homme a
la poigue de fer, le tombeur du
boulangisme. Bien entendu, on con-
serverait M. Lockroy, le ministre
radical, etsurtout M. Krants, un mi
nistre de la guerre qui a fait preuve
de résolution.
Si nous comprenons biencette crise,
le mécontentement causé par le cabi
net Dupuy ne datait pas d'hier, mais
les circonstances étaient trop délicates
pour qu on osat se débarrasser de lui
avant larrêt de la Cour de Cassation
qui a liquide i'affaire Dreyfus. Une
fois cette liquidation faite on est
sur de l'arrêt du conseil de guerre de
Rennes on l'a exécuté.
Enfin la journée d'Auteuil a fait a
M. Dupuy un tort évident. On savait
qu'une manifestation désagréable s'or-
ganisait, un journal l'avait même
annoncé, et le chef du cabinet, bien
qu'excusable de ne pas avoir prévu le
coup de canne du comte Christiani, a
peut-être manqué de ce tact, de ce
flair qui joue un si grand róle en poli
tique. Avec une assemblée aussi im-
pressionnable que la Chambre f'ran-
Qaise, pen de chose soffit pour faire
tomber un cabinet, surtout quand ce
cabinet a duré quelques temps le
temps nécessaire pour aiguiser les ap-
pétits et irriter les impatiences.
La seconde Chambre a voté une
modification a la dernière loi militaire,
qui supprime le remplacement et la
permutation.
M. Coolen, notaire a Helvoirt (Bra
bant septentrional), avait imaginé un
truc ingénieux pour tourner la loi et
rétablir le remplacement sous une
forme déguisée. Les municipalités
votaient one subvention dans le but
d'obtenir un nombre de volontaires
suffisant pour assurer l'exemption des
conscrits.
Desdécrets royaux avaient suspendu
l'effet des decisions de plusieurs con-
seils municipaux désireux d'aider les
jeunes gens de leur commune a se
sonstraire a 1'obligation du service
militaire.
D'autre part, le ministère avait
aussitót reconnu la nécessité de com-
bler cette petite lacune. Le projet du
general Eland a été adopté par 64
voix contre 12. Quatre députés catho-
liques dont deux prêtres, le docteur
Schaepman et l'abbé Nollens, ont, voté
avec la majorité.
Rome, 12 Juin.
Les élections municipales ont été
faites hier a Milan, a Turin, a Gênes,
dans le plus grand calme. A Milan, la
concentration des radicaux el des so-
cialistes a triomphé avec environ
20,000 voix. Laliste des modérés et
deS'Catboliques n a réuni que 10,000
voix celle des catholiques-intransi-
geants que 3,000.
L'agitation continue chez nos libéraux,
radicaux et socialistes. lis organisent des
meetings ua peu partout, de concert même
avec les daensisiês. Mais ils prêchent dans
le désertleur voix l este sans écho.
En voulez-vous une preuve?
Une grande manifestation nationale avait
été annoncée pour le Dimanche 25 Juin
prochain h Bruxelles. Tous les protesiataires
de toutes les parties du pays devaient s'y
réuiiir. C était ia chute inévitabie du gouver
nement etc., etc.
Or, la fameuse manifestation est remise
provjsoirement
Pour quel motif? On le devine aisément
Une manifestation qui rate est un événement
désastreux pour ceux qui l'ont organisée.
Or le fiasco eut été complet. El déjb la
manifestation dernière a avorté pitoyable-
meut, il n'y a pas h se,, le dissimuier.
Nous vèrrons h quelle dale celle du 25
Juin sera remise. Nous croyons que ce sera-
après Paquesou après la Trinité.
Un discours de M. Beernaert
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-m—
A la 2® section de la Conférence de La
tl »y i a eu lieu une importante délibération
sur ies dioits et oevobs dts puissances iiOti-
belligérantes dont le territoire serait envahi.
M Beernaert a prononcé sur ce sujet, si in
téressant, pour nous Beiges, un discouis
qui a été trés remarqué. Le voici
Avant d'aborder l'examen des articles 1,2,
9, je demande A présenter quelques observations
qui me semblent communes A tous les trois. La
pensée qui les a inspirés est absolument humani
taire, ainsi qu'il en est d'ailleursde tout le pro-
jot de 1874. II s'agissait de réduire autant que
possible les maux d'une invasion, en régulari-
sant, ou pour mieux dire, en canalisant celle ci
mais pour atteindre ce but, il faudrait que le
vaincu reconnüt d'avance des droits sur son
territoire a l'envahieseur et qu'il füt en quelque
sorte interdit aux populations de se mêler a la
guerre.
De la, messieurs, de graves difïïcultés, qui, en
1874, ont longtemps arrêté les plémpotentiaires
de Bruxelles et qui ne leur ont pas permis d'a-
boutir. En effet, A cette époque, il n'y a pas eu
de convention. Le protocole final de la Confé
rence ne donne son travail que eomme une
étude théorique et préparatoire», que comme
une enquête eons'ciencieuse de nature A servir
de base a un échange d'idées ultérieur
Le travail reste done a faire, et nons y som
mes occupés, et le voici aux trois quarts heu-
reusement accompli; mais de quelque bonne
volonté dont tous nous soyons animés, je crains
bien que si nous voulons tout régler, tout arrê-
ter conventionnellement, nous ne nous beur-
tions aux mêmes difflcultés que naguère.
A rnon avis, il y a certains points qui ne peu-
vent faire l'objet d'une convention et qu,il vau-
drait mieux laisser comme aujourd'hui sous
l'empire de cette loi tacite et commune qui ré-
sulte des principes du droit des gens.
Je me bornerai a vous indiquer, a 1'appui de
mes vues, deux ordres de considérations.
Par ie projet de Bruxelles, le pays vaincu, le
pays envabi, reconnait d'avance des droits sur
son territoire a l'envahissement. Celui-ci con-
servera les lois existantes ou il les changera et
il les appliquera. (art. 3).
Les fonctionnaires du pays envahi sont auto-
risés a se mettre au service du vainqueur, si
cela leur convieüt, et même,en vue de ce cas, on
stipule en 'leur faveur* quelques garanties. C'est
l'objet de I'article 4.
L'envahisseur est autorisé A prélever A son
profit les impóts existants (art. 5), et ce droit est
singuliêrement amplifié par les articles 40, 41 et
42. LA l'ennemi est conventionnellement autorisé
A établir de nouveaux impóts, A faire des réqui-
sitions et même a frapper le pays envahi d'a-
men-ies.
Semblable engagement conventionnel ne me
paraït vraiment pas admissible.
Ce n'est pas que je critique le fait. Les ctioses
se sont toujours passées ainsi, et il continuera
sans doute A en être de même tant que l'huma-
nité n'aura t as reuoncé a la guerre. Mais il est
naturel que le vainqueur puise le droit d'agir
ainsi dans la force de la victoireje ne com-
prendrais plus que ce droit resultat d'une con
vention. Et je pense que semblables notions
seraientmal accueillies par les Parlements qui
auront A approuver notre oeuvre Cela est vrai
même pour les grands Etats. Comprendrait-on
que d'avance, et pour le cas d une guerre, celui
qui sera battu attribue des droits cbez lui a son
vainqueur et organise le régime de la défaite
Ce pourrait il être du consentement anticipé
et écrit du vaincu que le vainqueur établit des
impóts et des amendes, ou prit a son service ses
onctionnaires, dont le premier devoir est d'être
fidèles a leur pays? Je ne disconviens pas, qu'en
fait, cela pourrait présenter des avantages, que
l'ordre civil serait maintenu,que les populations
envahies souffriraient moins. Mais pareilsrègle-
ments se heurteraient a des objections d'ordre
moral et patriotique, qui ne semblent guère sur-
montables. II no me parait pas que l'on puisse
sanctionner d'avance comme droit ce qui appar-
tient nécessairement au domaine du fait et de
la force.
Et cela apparait encore plus évident, quand il
s'agit depetits pays qui. par la nature des cho-
ses, ne peuvent être envahisseurs, mais sont ex
posés a se voir envahis il n'y a pas même cette
incertitude, cette réciprocitó de risques que je
signalais tout a l'heure.
Quant A Ia Belgique, vous le savez, sa situation
est spéciale, elle est neutre, et cette neutralité
est garantie par les grandes puissances, et no-
tamment par nos voising. Nous ne pouvons done
pas être envahis, le gouvernement beige ne peut
Soumettre a l'approbation de la législature uue
convention oü il serait prévu que les grands
Etats manqueraiènt a leurs engagements envers
nous et qui ne pourrait constituer qu'un vérita-
ble abus de la force.
Je pense done qu'A tous les points de vue il y
a la des situations qu'il vaut mieux abandonner
au domaine du droit des gens, si vague qu'il
soit. On ne peut pas transformer ici le fait en
droit, et c'est A quoi l'on arriverait foreément,
puisqu'ii faut se placer en même tamps au point
de vue de l'envahisseur et de l'envahi. Le pays
envahi subit la loi du vainqueur, c'est un fait et
une force majeure, mais oil ne peut pas d'avance
légitimer Tusag-s de cette force et reconnaïtre
qu'elle est de droit.
II n'est vraiment pas possible que le vainqueur
légifèro, administre, punisse, préléve des impóts
avec !e consentement anti ipé et écrit du vaincu.
Tout cela ne deviendra régulier qu'A la paix,
paree qu'alors seulement, si un traité continue
la conquête, s'établiront de nouveaux liens de
droit.
On a invoqué l'intérêt dupaysoccupé et spé-
cialement celui des petits pays. Parlant au norn
d'un petit pays, souvent foulé et eruellement
foulé par l'invasion, j'aime mieux le maintien de
la situation actuelle, au péril des incertitudes
qui en résultent.
Selon moi. il ne faudrait adopter que des dis
positions qui admettent !e fait sans reconnaitre
le droit du vainqueur, et emporteraient l'enga-
gement par celui-ci d'en modérer i'exercice. On
pourrait, par exemple, s'engager d'avance a
respecter la propriété privéo, les édiflees consa-
crés aux arts ou A la bienfaisance, a n'établir
d'impöts ou ne faire de réquisitions que dans
certaines conditions données. Et tel est l'èsprit
dont ce sont inspirés tous les votes érnis jusqu'a
présent.
Oü pourrait aussi supprimer au chapitre 1"
les articles 3, 4 et 5 et le chapitre 9, en conser-
vant les dispositions essentielies du chapitre
premier complétée» par quelques dispositions
restrictives en matière d'impóts et de réquisi
tions s'appliquant piutót aux articles 9,10, tl.
Quels-sont les belligérants? Quelle participa
tion ies populations peuvent elles prendre A la
guerre, soit avant, soit après l'occupation?
ici encore je constate dans le projet de Bru
xelles les mêmes préoccupations, profondément
louables en elles-mêmes, de réduire les maux de