Ignorantins Le lendemain a l'Exposition Mouzaffer ed Din entra alore dans ie musée qu'il a visité en détail. S. M. a demandé elle- même h signer le livre d'honneur. Eu carac tères persans le Shah a écrit qu'é la date du 19 aoGt il est venu au musée de l'hópital ac- compagné de son grand vizir et de M. le gou verneur et qu'il a grandement admiré tous les tableaux Quelqucs minutes après le cortège arrivait au couvent des soeurs de Si-Vincent-de-Paul. Le Shah avail exprimé le désir formel de visiter ce couvent paree qu'il s'y trouve une soeurqu'ila connue en Perse avecson père, M. le baron D'Erp, ambassadeur h la cour persane. En entrant, le Shah a tout de suite recon nu la religieuse h laquelle il a serré les deux mains, lui demandant si ellele reconnaissait encore. La soeur ayant répondu affirmative- mer.t, le Shah a exprimé sa vive satisfaction. Dans la cour du couvent l'attendaient les orpheiines, avec des gerbes de fleurs. Lrs enfants ont entonnéla Brabanconne. Puis les fillettes lui ont présenté des bou quets et le Shah a fait annoncer par son grand vizir, qu'en signe de satisfaction et de sympathie, il remettait au couvent une som- me de 2,000 francs. G'est au milieu d'ap plaudissements enthousiastes que Mouzaffer- ed-dine a quitté le couvent pour aller voir le Béguinage, le Lac d'Amour et la Cheminée du Franc. Une foule énorme attendait sur la place du Bourg. A 5 heures, le Shah arrivait ii l'liótel du gouvernement provincial oü il a été repu par M"" la baronne Ruzeite. S. M. 1. s'est reposée en prenant une col lation. A plusieurs reprises elle ii exprimé sa satisfaction. Quelques minutes avant 5 1/2 heures, le cortège est reparti pour la gare. La rue des Pierres et la place de la Station étaient bondées. Les applaudissements écia- taient parlout trés nourris. A 51/2 heures, S. M. repartait pour Ostende, trés enchantée de sa visite. Les Petits-Frères de l'Université de Louvain La canonisation de Sl-Jean-Baptiste de la Salie remet en rnémoire les épreuves et la persecution dont le fon- dateur de l'Institut fut l'objet jusqu'a la fin de son existence. Le mauvais sort qui semblait attaché a chacun de ses pas, nous montre d'une facon écla tante combien sont vaines les tentati- ves des hommes pour combattre l'oeu- vre de Dieu,lorsque l'heuredu triom- phe est venue pour eelle-ci. Eu 1706, le Parlement, en France, rendait un arrêt interdisant a M.Jean- Bap tis te de la Salie de tenir, lui ou ses Frères, aucuue petite école dans 1'étendue de Pariset de ses faubourgs», sans certaines au tor sations difficiles a obtenir. Le Saint secoua la poussière de ses rudes souliers sur Paris et partit pour la ville de Rouen, qui lui fut plus hos- pitalière. Mais la Providence a toujours sou heure. Lorsque Jean-Baptiste de la Salie mourut, le 7 Avril 1719, il lais- saitpour heritage: 125 classes, 300 Frères et 9,000 écoliers. Aujourd'hui l'Institut compte, dans la seule capitale de Ia France, 56 mai- sons. II en a, par le monde entier, 1627. Les Frères sont au nombre de 15,000, sans compter les novices, qui sont prés de 4,000. Enfin ils enseig- nent dans 2910 écoles, et la statistique de ieurs élèves accuse le chitfre formi dable de 326,579. Ils sont dans toutes les colonic s framjaises, en Algérie, a Madagascar, en Cochinchine et au Tonkin. II y en a dans les contrées protestantes comme dans les pays ca- 1 iholiques, en Angleterre comme en Irlande, en Allemague comme en Au- triche, aux Ëtals ünis comme au Ca nada, et même eu Australië. L'Egypte et la Turquie connaissent leur costume aussi bien que l'Kspague et l'Italie, la France et la Belgique. Et le jury de Exposition uuiver- selle vient de leur décerner le grand- prix de reuseigaemeut primaire. Qui se souvieut encore de l'arrêt du Parlement interdisant, en 1706, a M. de Ia Salie, de tenir, lui ou ses Frè res, aucune petite école dans toute 1 é- tendue de Paris Un pédagogue francais, qui saus doute ne counaitnotre pays que par certains articles de journaux macon- niques, M. Michel Bréal, écrivait il y a quelques anuées que la Belgique est le seul pays du monde oü Ie gouverne ment conspire contre l'enseignement public Le mot a fait fortune dans la presse anticléricale.On nous le jette a la tête, en chaque occasion, dans les polémi- qu 's sur la question scolaire. S'il est des gens de bonne foi qui s'y soient laissé prendre, ils aurout été bien étonnés de constater que ce gouvernement de conspiratears. ce ministère clérical qui rève de replon- ger la Belgique dans les léuèbres de l'ignorance, vient de remporter a l'ex- posilion Universelle de Paris, cinq grands prix, c'est-a-dire les plus hau- t< s récompenses que le jury décerue. A signaler, spécialemenl, le graud- prix obtenu par l'admniisl ration cen trale, de 1 enseignement primaire le grand-prixde l'enseignementagricole, accordé a 1 exposition collective des écoles ménagères et le grand-prix de l'enseignement spéciale induslriel et commercial, enlevé par le ministère de 1'Industrie et du Travail. Les écoles ménagèr s sont une créa- tion du gouvernement catholique et de 1 initiative privée catholique on ne songeait même pas, sous le défunt ministère libéral, a cette oeuvre d edu cation domestique. Même observation, en ce qui cou- cerne l'enseignement iudustriel et com mercial. Quant a 1 enseignement primaire.il existait sous le ministère libéral, saus doute nous sommes payés.ou plulöf, nous avons payé pour le savoir ;mais le certificat délivré au ministère catho lique par le jury de l'Exposition uni verselle atteste que, sur ce terrain, notre pays, malgré le gouvernemeu t clérical et quoique l'enseignement ne soit point obligatoire,u'u rien a en vier n'importe quel autre pays. Ce n est pas d'ailleurs l'intérêt de 1 instruction populaire qui a dictéa la presse anticléricale de tout ramage ses lamentations sur la ruine de notre enseignement populaire Qui done oserait soutenir que les écoles primai- res officielies vailleut moios aujour d'hui qu'il y a quinze ans Qui done prétendra que les écoles primaires catholiques, soumises a I'inspection officielie commeleséc descommunales, soient inférieures a celles-ci Le vrai, l'unique motif de la colère libérale, e'est que les écoles primaires libres participant, elles aussi, aux subsides del'Etat, l'anticléricalisme ne trouve pas son compte a ce changement, soil mais l'instruction des masses ne peut qu'en profiler. Nous ne voulons pas terminer eet article sans adresser nos félicitations a TUniversité catholique de Louvain qui a obtenu le grand prix dans la classe de 1'Enseignement supérieur, tandis que lej Universités de Bruxel- les et de Gand n'ont retju que la mé daille dor. VAlma Mater n'avait certes pas be- soin de ce certificat pour s'imposer a l'admiration du monde mais il ne dé- plait pas aux catholiques de noter qu'un jury, composé en grande partie de mécréants.lui décerne la plus haute des récompenses. On a pu voir aussi, par la liste pu- bliée hier a cette place que les exposi- tionsspécia/esdesétablissements catho liques beiges, et notamment les écoles libres d'agriculture, ont remporté des récompenses brillantes. C'est une nouvelle réponse aux ca- lomniateurs de nos ceuvres libres d'iu- structioi:. Les anciens auraient vu des presages dél'a- vorables dans les accidents divers qui, depuis l'ouverture de l'Exposition, viennent si lugu- brement marquer les pages de sa courte et bruyante histoire. Les p3uples Chretiens ne sont pas superstitieux, et ils ont raison. 11 est impossible, d'autre part, qu'une gigan- tesque agglomération d'hommes et de choses comme celle qui a été nécessitée par l'Exposi tion n'apporte pas avec elle son contingent presque inevitable de malheurs individuels et mème de catastrophes, malgré toutes les pré- cautions suggérées par la prudence humaine. 11 importe done de ne rien amplifier, et ce serait d'une tactique d'opposition véritablement trop élémentaire que de reprocher au gouverne ment tous les accidents qui arrivent. Eu Bel gique, les doctrinaires ne manquent jamais, chaque iois qu'un déraillement se produit, d'eu faire remouter la responsabiiité aux opinions religieuses du miuistre des chemins de fer. Laissons done de cölé ces nigauderies qui font sourire et n'exagérons rien.. II faut cependant reconnaitre, que le gouver nement, par sa hate de voir l'Exposition ou verte et de créer, de celte minière, unesorte de para- tounerre iégislatif contre la foudre parlemen taire, n'a pas été absolument étranger a cer tains accidents du début. Quand, pour inau- guivr une Exposition qui n'existait pas encore, M. Millerand faisait détruire ie superbe écha- faudage de la salie des fëtes, qu'ou rempla§ail le lendemain par un échafaudage volant mal compris, un esprit judicieux put, saus crainte, établir une relation de cause a elïet en Ire la precipitation du ministro socialiste et la mort de quelques malheureux ouvriers peintres victimes de cette précipitation. Quand ['administration livrait a la circulation une passerelle défeclueuse et qui n'avait pas été vérifiée, sous le fallacieux prétexte qu'elle avait été construite par une société particulière, il est certain que la responsabiiité de celte admi nistration se trouvait engagée par cette faute lourde. L'Exposition a done apporté ses accidents inévitables et ses accidents évitables, ces der- niers les plus nombreux et les plus navrants. Mais il est une autre catégorie d'accidents qui n'atteindront pas les vies humaines et qui ne se manifesteront pas immédiatement, ce sont les accidents économiques et financiers qui marqueront la tin de l'Exposilion et qui seront tels qu'on n'en aura jamais connus de pareils. lei encore, faisons la part des choses. Les Expositions, par l'activité factice qu'elles occa- sionnent, produisent inévitablement une reac tion dépressive, lorsque cette activité cesse de se manifester. 11 y a toujours une crise écono- mique le lendemain de ces gigantesques foires du monde Mais jusqu'ici ces crises n'avaient point dépassé ce qu'on pouvait attendre et ce qu'on pouvait craindre. Cette année, tous ceux qui sont au courant des dessous de l'Exposition, et qui sont même de s'expliquer sur cette question, sont effrayés des cataclysmes économiques dont nous serons demain les témoins. Nous ne parions pas ici de la province vidée de seséconomies et de beaucoupde ses activités, de l'encombrement qui se produit h Paris lorsque des milliers et des milliers d'êtres humains verront s'évanouir le rêve au milieu duquel ils vivaient et dont ils vivaient. Ce phé- nomène se produit a toutes les Expositions, mais il y a plus." Pour dix-neuf cent, on a voulu non seule- ment faire grand, mais faire immense. L'Expo sition est tout un monde qui séduit et quiétonne encore plus qu'il ne séduit. Or, ce monde artifi- ciel est disproportionné avec le monde réel qui peut le visiter, l'alimenter et le soutenir; les épaules du public ne sont pas assez robustes pour supporter le lourd fardeau qu'on lui inilige. L Exposition est en avance de cinquante ans sur le siècle qui s'ouvre. II résulte done de cette situation parfaitement exacte que toutes les entreprises fondées k l'occasion <le l'Exposition ne feront pas leurs frais. Les trois quarts, dit-on, et qui y ont en- glouti des dizaines de millions, tomberont en failüte, et celles qui résisteront ne le devront qu'aux sacrifices d'entrepreneurs ayant les reins solides et qui boiront le bouillon pour la gloire. A cette crise d'un ordre financier qui n'inté- resse qu'un nombre relativement minime d'ac- tionnairesou de commanditaires, vase joindre une autre crise plus terrible, celle-la, une crise économique et ouvrière. Les milliers et les dizaines de milliers d'ouvriers que les travaux de construction ou les services d'entretienet de surveillance ont attirés a Paris vont se trouver, du jour au lendemain, sans travail, et la crise sera d'autant plus terrible que le nombre de ces ouvriers et de ces employés dépasse tout ce que l'on avaitconnu et imaginé jusqu'ici. Et ce n est pas toul l'activité commerciale et industrielle que 1 Exposition avait provo- quée, créée, pourrait-on dire, ne pourra pas se soutenir indéfiniment, on reviendra au ealme et a la normale, après une période fiévreuse qui avait oblige les industriels a augmenter leurs moyens de production, aembaucherles ouvriers supplémentaires. G'est une loi fatale dont l'écou- lement des dernières commandes pourra re- tarder 1 application, mais que nous n'éviterons certainement pas. Dans ces courbes montantes et descendantes qui rep ésentent la production humaine, nous sommes en haut de ia courbe et comme la montée a été trop rapide, la des- oen te sera correspondante. Au milieu du brouhaha des fêtes, de l'éclat des fonlaines lumineuses, du tumulle des mu- siques et des banquets, ii y a la un grave pro- blème dont le gouvernement ferait sagement de soccuper, s'il n'a pas perdu la notion des realilés el s'il ne vit pas dans ce palais des illusions oü l'on se iieurterait aux murs en avancant un peu, mais dans lequel on se figure que des galeries sans tin s'ouvrent devant les yeux ra vis et trompés. Le lendemain de l'Exposition sera dur sou- haitons que les com; iications de la politique exterieure ne viennent pas se joindre k celles inévitables de notre politique frangaise, et que nousnayons pas a icgretter d'avoir exagéré leflort temporaire q ii nous enchante tous, malgré Ia froide rais >n, nous faisant perdre cette prévoyance qui est, dit-on, la qualité essentielle de ceux qui gouvernent ou devraient gouverner. Le nouvel accident qui a marqué lasoirée de samedi aura peut-être le triste mérite de nous engager a ne pas trop nous appuyer sur cette balustrade fragile de ('illusion et de songer un peu au lendemain de l'Exposition. Henri La.ngi.ais. v ft K

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1900 | | pagina 2