Le couvent des Pauvres Claires La Maison de Santé Un nouveau Boulevard Les rues du Marais et de St-Jean En Forêt monuments. Monsieur le Chanoine De Brou wer, curé doyen, lui a fait les honneurs b la cathédrale St-Martin, et M. Golaert, Bourg- mestre l'a regue b l'Hötel de Ville et aux Halles. L'émiaent prélat a exprimé ft plusieurs re prises son admiration en contemplant les édifiees que nos ancêtres nous ont légués. Les Soeurs Clarisses quittent définitive- ment leur couvent dans le courant de celte semaine. Nous apprenons que M. le Bourgmeslre a obtenu l'autorisalion de visiter le vieux mo nument dans tous ses détails. M. Colaertest d'avis, neus dit on, qu'il y aurait lieu pour la ville de reprendre le bail des Pauvres Claires, et même d'acquérir l'immeuble, qui serail transformé en un su perbe musée. D'aucuns auraient préfété voir raser le bbtiment, tout en conservant le cloitre du XUle siècle adossé it la collégiale St-Martin. Mais, on nous assure que toutes les parties de l'édifice, le cloitre proprement dit, le couvent et le sacristie de St-Martin sont tellement en- castrés qu'ils font un ensemble inséparable. Une reslauration intelligente rendrait au bbtiment son ancienne beauté et en ferait un monument de tout premier ordre. II est vrai qu'ainsi notre magnifique cathé drale ne serait pas dégagée. Ce dégagement pouvait êlre un beau rêve, mais ce nest plus qu'un rêve irréalisable, d'aulant plus qu'b notre avis la chapelle dite Chapelle du curé» doitêtreconservéc, bien quelle aussi fasse disparate. Espérons que la Ville pourra s'entendre avec la Fabrique de 1'Eglise St-Marlin, pro- priétaire du couvent des Pauvres Claires, et que bientol, grace aux subsides des pouvoirs publics, I'ancien couvent sera transformé en un musée unique comme batiment. Un arrêté royal, en date du 3 Octobre, autorise M. le Chanoine E. Soenen, b Bruges, b ouvrir l'asile pour femmes aliénées indi- gentes et pensionnaires, érigé it Ypres, en vertu de l'arrêté royal du 8 juin 1897. Lechiffrede la population que le dit asile est autorisé b recevoir est fixé b 340 mala- des, savoir300 indigentes et 40 pension naires. Le prix de la journée d'enlretien.en 1900, des aliénées indigentes est fixé b 1 fr. 15 c. Mme M. Huytens est autorisée it diriger cet établissement. M. le docteur Beesau est nommé médecin du dit asile. Enregistrons ces bonnes nouvelles, qui feront plaisir b tout vrai Yprois. Nous apprenons que la direction de la Maison de Santé est décidée it se fournir, autant que possible, en ville, de tous les ob- jets nécessaires b l'entretiendes indigentes et des pensionnaires. Dans sa réunion de Samedi dernier, le coneeil communal a approuvé le projet de création d'un boulevard de vingt mètres de largeur allan', de la chaussée de Dixmude it celle de Furnes. Ce projet sera exécuté dans le courant de l'année prochaine, b partir de la Chausée de Furnes, prés du Canal, jusque derrière la maison d'arrót. Le chemin qui va de la rue d'Elverdinghe, le long du mur de cloture du chateau d'eau sera prolongé jusqu'au Boule vard nouveau. Ce travail, d'une utiliié incontestable, constituera une amélioration considérable et donnerr, aux terrains, qui longeront le Bou levard,une plus value immense, en eu faisant des terrains b batir. Le conseil a approuvé un projet d'élargis sement de la rue St-Jean Les maisons faisant le coin des rues St-Jean et du Marais seraient en psrtie expropriées et la rue St-Jean aurait une largeur uniforme de six mètres. Nous consiatons avec plaisir que tous ces travaux pourront s'exécuter, en grande par- tie,avec les ressources du budget ordinaire. II faisait ruit nombre, toutb fait sombre, el le' ciel était noir comme une soutane, quand l'abbé Laine, après avoir passé le carrefour du Rcussy,s'engagea dans la route de Solinières, qui traverse presque de part en part la forêt d'Orléans. A cet instant, Holopherne, c'était le nom du petit ane qui trainait la charrette oü s'était assis l'abbé, ayant fait mine de s'arrêter, quel- ques exhortations lui furent adressées de la voiture avec une douceur toute pater- nelle, et l'animal reprit son trot court et haché, qui lui secouait si fort (ainsi qu'ori pouvait le voir en plein jour) ses oreilles démesurées. A ce trot-lb, un trot de bon Dieu, comme le disaient quelquefois les malins des pays avec une mouedédaigneuse, Holopherne était cependant capable d'abattre beaucoup de chemin. Ses petits sabots, pointus et tenaces, travaillaient sans relache pendant des heures il était en même temps vigoureux et docile, comme les bnes qu'on ne bat point, son msitre ne l'ayant jamais fouetté.pour l'excellente rai- son qu'il n'avait pas de fouet, et se conten- tant d'une bonne parole ou d'un simple appel des rênes dès qu'il voulait lui trans- mettre sa pensée. Mais ce soir-lb, qui était un soirde juin trés lourd et trés orageux, sans étoiles ni lune, l'abbé eüt souhaité, comme il est dit dans les Précis de poésie, donner des ailes d'alcyon b son baudet, qu'il trouvait lent et qu'il ne cessait b toute minute de presser de la voix, car il allait loin, b plusieurs lieues, et, quoique en route depuis une heure, il n'était pas encore b moitié du chimin qu'il avail encore b par- courir. M. Lesprit, le messagen de Chauvigny (e'est lb que l'abbé Laine remplissait les fonctions de curé depuis dixans), revenant ce soir même de son voyage hebdomadaire, avait apporté au prêtre, vers les neuf heures, la nouvelle que la femme Dora- doux, la garde-barrière, ne passerait pro- bablement pas la nuit, et dame quelle se faisait bien du tracas b mourir sans ce vider de ses péchés et sans recevoir la com munion. Aussitot l'abbé Laine s'était rhabillé, avait réveillé Holopherne en plein rêve de chardons, accoutumé d'ailleurs b ces sor ties nocturnes que lui infligeaient les der- niers sacrements. Une fois sa charrette altelée, il avait été droit b l'église et lb, presque b talons, b la lueur d'une chan- delle, il avait pris dans le vieux tabernacle de bois peint une hostie consacrée, avec tout ce qui lui était nécessaire pour admi- nistrer le viatique. A cette heure tardive, neuf heures et quart tous les enfants du village étaient couchés et dormaient. Bien que M. Laca- basse, le bedeau.se fut offert avec une gé- néreuse insistance pour accompagner le curé, lui présenter ies saintes huiles et l'assister dans son ministère, l'abbé Laine ne voulut point consentir b la touchante proposition de M. Lacabasse, qui n'avait pas moins de soixante et onze ans, et, malgré les exclamations de ce vieillurd, jointes aux prédictions les plus sinistres de sa servante, il décidn qu'il irait seul, tout seul, cbezla femme Doradoux, et qu'il n'y avait aucun danger, la forêt n'ayant point la réputation d'une méchante personne. D'ailleurs, le bon Dieu n'était-il pas du voyage? Par conséquent, rien b craindre. 11 avait placé tout prés de lui, dans sa péle rine soigneusement roulée, la petite boite de vermeil oil était enfermée l'hostie, et, une rêne dans chaque main, il conduisait Holo- pherne dans la nuit, en priant. Quelquefois il disait hue au milieu d'un Pater. Une lanterne, hativement lie lés au dé- part b un des barreaux de la charrette, l'éclairait tout juste assez pour l'empêcheur de verser dans les fossés qui bordaient la route, et l'abbé pensait par instants que ja mais, sans le faiblo éclat de ce pauvi e fanal, il r.'eüt pu s'en tirer, tant la nuit était som- bre, un vrai temps de vendredi saint pour réciter les l'énèbres. II avait un peu dépassé le bois du Loup- Pendu, quand il crut entendre, b quelques mètres de lui, sur sa gauche, un bruit de pas. En même temps, Holopherne s'arrêta net. L'abbé n'avait jamais connu la peur, ne pensant toute sa vie qu'b la mort, et ayant coutume de dire (sans le savoir), avec Hamlet, qu'il ne tombe pas un passe- reau sans la permission du Tout-Puissant. II avait toujours considéré qu'ici bas les plus redoutables des assassins, e'est encore nos vices, et qu'il n'y a pas de pire danger que le pécbé. C'était un esprit tiès simple. II ne se troubla done point et il demanda tout haut, avec beaucoup de tranquillité Est-ce quelqu'un C'est quelqu'un, répondit une voix d'homme dans les ténèbres. - Quelqu'un qui a perdu sans doute sa route inierrogea le prêtre. Quelqu'un qui l'a perdue et qui va b Thiézy, dit la voix. Eocecas, commanda l'abbé, monlez vite. C'est lb que je V3is aussi. Quelques secondes s'écoulèrent, la char rette bougea, puis ersque sous le poids d'un lourd enjambement, et le pi être sentit s'as- seoir, tout contre lui, unhomme.Un homme qu'il devina aussitot grand et fort. Dès qu'il fut en place, l'abbé put distin- guer vaguement les traits de son visage autant que l'obscuriié le lui permeitait. C'étaient ceux d'un ouvrier, d'un homme du peuple habilué aux grossiers et rudes labeurs, emprelnts d'une expression favou- che et résolue. Lui, de son cóté, avait fixé un dur regard sur l'abbé Laine Tiens, tiens observa-t il, comme ga, vous êtee dans les prêtres Roulons 11 cracha et la petite voiture repartit. Pendant une mi nute ou deux, chacun garda le silence. En fin, l'abbé dit le premier. Ce n'est pas un beau temps pour se promener dans la forêt. Dame, non, fit l'homme, sans compter que ga n'est pas prudent. Pourquoi, mon ami Rapport aux malfaiteurs. Est-ce que vous ne croyez pas aux malfaiteurs, vous Guère mais cependant il yen a, c'est triste b dire. Oh il y en a... Un silence régna de nouveau entre eux. Et, sans être trop curieux, monsieur le curé, oü que vous alles b cette heure, au lieu de pioneer demanda l'homme. Je vais porter le bon Dieu b une n:ou- rante. Je m'ensoupgonnais. Et c'est-il loin qu'b meurt, vot' mourante Un peu avant Thiézy. C'est la garde barrière, la femme Doradoux. Est-ce que vous la connaissez Non. Vous n'êles pas d'ici Non. Ni des environs Non. Vous passez Comme vous dites, oui, m'sieu le curé, oa passs. Us se turent. Après avoir laissé sur leur droite l'étang des Billaudes, qu'on ne voyait pas, mais dont l'abbé, b qui la forêt était familière, savait remplacement, ils s'étaient engagés dtns la route de Chilleurs, d'une montée trés raide, et l'ane essoufilé avait commencé b prendre le pas, quand tout b coup, avec une incroyable rapidité do sau- vggerie, l'homme bondit sur !e prêtre, et, le" culbuiant du banc de bois sans dossier oü il était assis, le fit tomber en arrière, sur le dos, dans le fond de la charrette, oü il le terrassa. II n'y eut pas l'ombre de lutte, le vieillard ne poussa pas un eri, pas une exclamation. Ce fut une courte et muette bousculade en pleines ténèbres, b peine quelques piétinemenis de semelles sur des planches. Et puis, plus rien que le silence terrible et grave des choses faites, des cri mes commis, un silence qui semble avoir regret. L'agresseur, armé d'un couteau, n'avait pas encore frappé sa victime, il la tenait ré- signée sous son genou, et, le bras mal levé, il bésitait cependant b tuer cet inoffensif qui, sans défiance, l'avait reeueilli sur la route, en pleine nuit... quand soudain, b deux pas, éclalèrent d'épouventables hurle- ments, une tempêle de sanglots énormes qui serablaient crier b 1 aide et prendre b témoin les dix huit lieues de forêt. Holo pherne s'était mis b braire. En entendant ces sinistres clameurs dé- cupléespar le silence de la nuit, et qu'il ne s'était pas tout de suite expüquées, l'assas- sin avait laché le couteau et bondi sur ses pieds. L'ane se tut. Et l'homme écoutait en core, plein d'efïroiquand une voix trés calme, partant du fond de la charrette, lui demanda Avez vous des aliumettes (>ui, pourquoi répliqua l'homme ahuri. Allumez en une ou deux, dit le prêtre, e'est pour retrouver quelque chose, que j'ai perdu. Chancelant comme un homme ivre, et désarmé par l'héroïsme bonbomme du curé, l'assassin, ayant en poehe quelques aliu mettes b demi brisées, en frotla une contre sa cuisse la flamme jaillit, et, b sa lueur, il vit.penché b quatre pattes dans la eharrelle, l'abbé qui ramassaitun objet. S'étant relevé ensuite, ce dernier s'assit, et, approchant sa main du verre de la fa meuss lanterne, il mit en lurnière un petit crucifix de bois trés cotnmun. Puis, sans que sa voix subit la moindre altération C'est le cr ucifix queje porte toujours dans ma ceinture, j'avais enlendu qu'il tombait, et cela m'aurait bien c jntrairié de la perdre, car j'y tiens baucoup, beaucoup. Hue allons, paresseux Et l'ane repartit. Pourquoi que vous y tenez tant.b votre brimborion? demanda l'homme au bout d'une seconde, avec une gêne mal déguisée. Pourquoi mon ami, vous allez le comprendre ce petit crucifix que vous voyez lb (et il le rapprucha de nouveau ds la lanterne), il a été embrassé par dix huit personnes au moment de leur mort, et des gens qui sont morts d'une triste mort que vous ne devineriez jamais... Quelle? dans le feu ou le cholera peut être Bien pire.... ft

HISTORISCHE KRANTEN

Journal d’Ypres (1874-1913) | 1900 | | pagina 2