Mercredi 3 Mair 1901
10 centimes ie N°
36° Année. N° 3632
Les Boers
Le droit de licence
Encore Quo vadis
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Le Gap, 1" avril
Les commsndos de Scheeper et Fouehe
onl tfteciué leur junction et ont établi leurs
camps Roodapoor», Konplatz et Zuurpoort.
Leur avant garde se diri^eait hier vers
Richmond. Un détachement boer a détruit la
ligne du chemin de fer au nord de Fishriver
le 28 mars.
Le Cap, 1" avril.
Le directeur du service sanitaire déclare
que la peste augmente de violence. Les
cadavres d'un Européen et de 4 indigènes
ayant succombé su fléau ont éié découverts.
4 cas de peste ont été constatés parmi les
nègres.
Le Cap, 1" avril.
2000 recrues pour le corps de police
de Baden Powell venant d'Angleterre sont
arrivées aujourd'bui. Tout le personnel
d'employés de la corporation des mines du
Rand psrtira demain pour Johannesburg. Le
retour de ces employés est considéré comma
un indice de la prochaine réouverture des
mines.
Ricbmont, 1" avril.
On signale la présence da 200 Boers com
msndés par Fouohe k 20 milles de Ricbmont.
On s'aitend kune attaque de la ville. La garde
civile est sous les armes.
Londres, 1" avril.
Liste officielle des perles S tués, 29
morts de rnaladie dont un officier et 7
blessés.
Washington, l" avril.
D'après des informations parvenues ici le
gouvernement russe a notifié d'une fa$on
distinctc et non équivoque k la Chine que si
l'accord relatif k la Mandchourie n'est pas
signé il pourra en résulter une interruption
des relations diplomatiques entre les deux
puissances et la cessation des rapports ac
fuels entre elles.
Le Bien public rVest pas partisan du projet
de loi modifiant la constitution du fonds
communal, généralisant le droit de licence et
instituant une taxe d'ouverture sur les débits
de boissons, que M. le ministre des finances
a déposé ft la Chambre et donl nous avons
reproduit les pri r.ci pa les parlies dans notre
n° du 21 mars. II dit
11 est douteux que ces corisidérations suffi
sent poer conquérir des adhësioes au projet.
Pour le contribuable, il est fort indifférent de
payer il I Etat ou k la commune. L'essentiel
et le pis, c'est qu'il doit payer. Le bénéfice
de la réforme sera encaissé par les com
munes, qui s'en trouveront bien mais l'im-
populariié atteindra le cabinet qui a pris
l'initiative de la réforme, et les Cbambres
qui l'auront volée.
Nous ne sommes pas de ceux qui, par
crainte d'encourir l'iiripopularité, déconseil-
leraient une mesure de justice et de relève-
rnent social. Et si le projet pouvait avoir
pour conséquence d'en finir avec l'alcoo
lisme, nous y applaudirions avec enthousi
asme, réserve faite de certains détails.
Puut on compter que ce projet réagira
contre l'alcoolisme avec effieacité?
11 vise k dimiriuer le nombre des cabarets.
L'inteniion est excellente. Mais il passe
cö'é de la mesure qui seule, pourrait infail-
iiblement amener ce résultat: l'interdiction
d'ouvrir tous nouveaux débits
On oe peul pas, dit i'exposédes motifs,
songer k une limitation par voie d'auiorité.
Toute disposition l'égale qui serait prise en
ce sens, serait en opposition avec Ie principe
de la liberié du commerce et des profes
sions, sans pouvoir se fonder d'ailleurs sur
aucune règle juste el rationnelle.
Et voilk toul
II est évident qu'une loi interdisant la
création de nouveaux débits constiluerait
une atteinte au fibre exercice de la profession
de cabaretier. Mais il s'agirait de prouver
que ce fibre exercice est un principe sacro
saint, ne souftrant aucune exception, fut-eiie
commandée par l'intérêt social. C'est quoi
les auteurs du projet n'ont pas songé
II nous semble, ii rious, beaucoup moins
rationeel, et surtout beaucoup moins juste,
de poursuivre, par voie fiscale, la suppres
sion sans iridemnité des anciens cabarets
qui étaient exempts jusqu'k ce jour, et qui
seront grevés désormais.
Un certain nombre de ces cabarets dispa-
isitront, en effet. En revanche, beaucoup
de débitants de bière plutót que de souscrire
l'engagement de laisser pénétrer les agents
du fisc k chaqueheure du jour dans loutcs
les pièces de leur habitation, paieront le
droit de licence et. deviendront débitanls
d'alcool. II y aura peut être un peu moins de
fraude: mais il y aura sürement beaucoup
plus de débits d'alcool.
Est ce bien la peine, pour en arriver k
un aussi piètre resuhat, de bouleverser le
iégime de 1889 et d'ameuter contre soi l'ar-
mée immense des débitants aujourd'bui
exemplés?
Nous avons donné récemment notre bum
ble avis sur Quo vadis, roman des temps
néroniens, écrit par Hentyk Sienkiewicz,
l'auteur polonais d'autres romans remar-
quables.
Tout en conslatant l'immense succès du
livre et la manifestation que la Pologne ca-
tholique faisait en l'honneur de M. Sieukie-
wicz, le Journal d'Ypres écrivait dans son
numéro du 21 novembre dernier
Nous estimons que si ce roman des
temps néroniens peut faire quelque bien,
chez un certain nombre de personnes dis -
posé.-s a tout lire et chez d'autres que la
o lecture des romans modernes el la fréquen-
talion des théótres a blasées, il en est au
tremc-nt de tous ceux qui ont conservé
intactes les notions de la morale et la
pratique des vertus chrétiennes.
Ce serait, k notre avis, un danger im
mense et une faute grave de metlre Quo
vadis entre les mains de la jeunesse,
qu'une éducation cbrétienne a préservée
contre les alleintes de la propagande de
rimmoralité par la lecture et le théktre.
Malgré tout ce qu'on a dit et écrit au sujet
du livre en question, nous persistons dans
notre manière de voir. Notre opinion s'est
raffermie même depuis que, un dramaturge,
M. Emile Moreau, un des plus habiles coitó-
bovateurs de M. Victorien Sarlou, a mis au
théatre les aventures de Vinicius et de Lygie,
de Pétrone et d'Eunice, de Néron et de
Poppée.
Le drame aggrave le roman c'était fatal.
Comment représenter honnêtement sur la
scène des tableaux comme celui qui donne
une orgie au 1'alalia, présidée par Néron,
pour nc parler que d'un seul
M Henri Dac, dans un article de l ünivers,
analyse le drame et exprime son avis sur le
roman lui même. Son jugement est sévère,
mais juste. Aussi, croyons nous devoir le
signaler aux parents qui seraient tentés de
permettre it leurs enfaats d'aller voir Quo
vtdis au theatre, ou qui croiraient pouvoir
impuuément metlre !e roman entre les mains
de leurs enfaots.
Voici ce qu'écritle polémiste frangais
Le drame ftnitsur la mort de Pétrone et
d'Eunice, mort païenne par excellence, puisque
le poète et son amie se font ouvrir les veines,
pour échapper aus tortures donl les menace
Néron. Déja, dans le roman, celte mort pré-
sentée avec une grace particulière et comme un
tableau enchanteur, m'avait dépla.
Je trouvais que l'auteur célébrait avec une
insislance choqHante cette disparition enchan-
teresse de la beauté et de la poésie du monde
romain. M. Emile Moreau a été plus loin encore.
11 nous a montré Vinicius, le Romain nouvei-
iement converli.et Lygie, qui vient d'échapper
au martyre, couronnés de roses et conversant
tendrement avec Pétrone. lis assistent, sans
protester, au suicide de leur ami et d'Eunice et
its répandent des violettes sur la tête des mou-
rants.
Ce malencontreux dénouemenl change toutk
fait la portée véritable de l'oeuvre de Sien-
kiewicz. Ce n'est plus le Quo vadis dont le
but principal est de nous présenter la conver
sion du farouche Vinicius et le triomphe des
cbrétiens que nous avons sous les yeux, c'est
l'apothéose de Pétrone. Je dois dire, sans excu-
ser le dramaturge, que cela devail arriver et jo
m'explique.
Tout en manifestant son admiration absolue
pour les chréliens et leur religion, tout en
faisant ressortir la candeur et la foi de Lygie,
la majesté et la sainteté de Pierre, la sincérité
de la conversion de Vinicius et de Cbilon, le
sacrifice héroïque de l'apötre saint Paul et des
martyrs, Henryk Sienkiewicz se complait
beaucoup trop dans la description des plaisirs
et des orgies de Rome, dans des tableaux d'une
licence et d'une volupté, véritables je le veux
bien, mais que Tacite a su tracer en quelques
coups de burin sans insister.
11 est incontestable que certaines pages du
roman ne doivent pas étre mises sous tous les
yeux et qu'elles auraient dü même être abré-
gées. 11 est incontestable aussi, que l'auteur a
jugé tels ou tels détails regreltables plutót en
artiste qu'en moraliste. Si je ne prends pour
exemple que la mort de Pétrone et d'Eunice, je
ne puis m'empêcher de reconnaitre que cette
mort est présentée avec tant de grace que pour
certains esprits elle doit paraitre presque
enviable.
«Un instant après leur sang a tous deux se
niariaitet se perdait l'undans l'autre. Pétrone
fitsigne aux musiciens et de nouveau tintèrent
les cithares et résonnèrent les voix... Se soute
nant mutuellement, divinement beaux, ils
écoutaient tous deux, souriant et pküssant.
L'hymne terminé, Pétrone fit offrir a nouveau
les vins et les mets- Puis il se mit k causer avec
ses voisins des mille riens puérils, et char
mants, coutumiers aux festins.
Enfin, il appela le médecin et se fit atlacher
l'artère, disant qu'il se sen fait pris de sommeil
et voulait encore s'abandonner k Hypnos, avant
que Thanatos l'endormit pour jamais. II s'as-
soupit. Au réveil, la tête d'Eunice reposail, telle
une fleur blanche, sur sapoitrine. Les chanteurs
entonnèrent un nouvel hymne d'Anacréon tan
dis que les luths lintaient en sourdine afin de ne
point étouffer les paroles.
Quand se fut évanouie la dernière harmonie,
il se tourna vers les invités Amis, convenez
que périt avec nous... II ne put finir. D'un
geste suprème, son bras enla^a Eunice et sa tête
retomba. Et le romancier nous dit que les
convives émus, devant ces deux formes blan
ches pareilles k deux merveilleuses statues,
sentirent que périssait l'ultime apanage du
monde romain... Jesaisbien qu'a cette des
cription amollissante d'un délicieux suicide
succède la mort de Néron et que le roman firiit
sur ces mots Ainsi passa Néron, comme pas
sent la rafale, la tempête, le feu, la guerre ou la
peste. Et désormais sur les hauteurs du Vatican
règne sur la Ville et le monde la basilique de
Pierre.
Non loin de l'ancienne porte Capène, s'élève
aujourd'hui une chapellc minuscule avec cette
inscription effacée a demi Quo Vadis, Do-
mine? Je sais bien, que les intentions chré
tiennes de l'auteur se manifestent clairemenl
par ces dernières lignes, maiscclane m'empêche
pas de regretter une complaisance exagérée
pour Pétrone, complaisance dont le dramaturge
a abuse. Aussi, arrive-t-il que la pièce parait
plutót célebrer les adorateurs de la beauté
païenne et de l'amour profane que les adorateurs
du vrai Dieu. Cela est, on en conviendra, singu-
lièrement deplorable.
Mainlenant le personnage de Pétrone méri-
tait-il d'etre poétisé comme Ta fait Sienkiewicz?
Ce voluptueux raffiné élait, si Ton en juge par
la complaisance avec laquelle il décrit les igno-
bles orgies romaines dans le S a t y r i c o ii un
être aussi indigne que ses abjects compagnons.
Tacite nouu apprend qu'il donnait le jourau
m