Pêche a la ligne
hésitantes et les indifférentes se joindront
aux femmes de cceur qui défendent la cause
de tout un sexe mis jusqu'ici par la loi
civile sur le rang des mineurs et des cri-
minels.
Si l'on admettait un jour les revendica-
tions de ceux qui réclament le S. U. pur et
simple, il importerait que l'on ne s'arrêtkt
pas 4 mi-chemin et que cette réforme füt non
corrigée, mais complétée par le suffrage des
femmes. Tout milite en faveur de celui-ci
les principes constitutionnels en vertu des-
quelssont égaux devantla loitous les citoy-
•ns, hommes et femmesle droit k la repré-
sentation des veuves, des orphelines, des
families dont le chef meurt, elles sont
frappées par les impöts et leurs intéréts ne
sont jamais débattusl'égalité devant les
taxes des commer$ants et des commer-
cantes...
Convenons, pour être juste, que nos ad-
versaires disposent d'une série d'objections
presque irréfutables. Les voici
Ge sont d'abord, et surtout, leurs sourires
ironiques et les couplets de leurs revues.
Comment, s'écrient-ils aussi avec une
comique épouvante, la femme devra, une
fois tous les quatre ans, aller déposer un
papier dans une petite boite Mais ne sen-
tez-voas pas que c'est abominable, que c'est
la négation même de sa Mission sainte Que
deviennent les enfants dans tout cela?
Pauvres chérubins Une mère de familie qui
vote tous les quatre ans, ff l'horreur
L'objection est décisive.
Eu égard k leur mission dans le moede,
les femmes ne sont pas soldatselles ne
peuvent done concourir k la facture des lois
d'un pays qu'elles ne défendent pas.
C'est en vertu de cette thèse que les ecclósias-
tiques et les inslituteurs, justement exemptés
du service militaire, ne deviennent jamais
électeurs.
Vous voulez, disent-ils encore, diviser
les ménages, détruire la paix des foyers
i II est entendu, en effet, que le secret du
vote n'existe point, et que jamais la question
de l'éducation religieuse des enfants, par
exemple, ne divisa père et mère.
Mais les femmes ne sont pas préparées
I l'exercice de ce droit, elles n'entendent
rien k la politique. Cet argument vaut
d'autant plus que les ouvriers électeurs,sans
sompter nombre de soi-disant intellectuels,
lont tous docteurs ès-sciences politiques...
Que voulez-vous qu'elles demandent, les
femmes?» Oh! rien! Seulement la faculté
de conclure des actes, le partage de la puis-
lance parentale, le droit k la tutelle, l'admis-
sion aux Conseils de prud'hommes, la libre
.disposition entière de leur salaire, et quel-
flues autres futilités de cette espècerien
Les femmes, assurent les féministes,
i jtravailleront efficacement k combattre l'al-
i |Boolisme et l'indécence des rues, k résoudre
jiux mieux les questions scolaires nous pré-
i ,;endons, nous, qu'elles n'y ont aucune com-
i .pétence. Aucune.
I C'est tout.
Le mouvement féministe, ceci parait
iffrayer les catholiques, est né chez les
ibrea penseuses; est-ce k dire que les fem-
'nes chrétiennes pktissent moins qu'elles de
a situation présente Les femmes catholi-
mes n'ont aucune raison de ne pas suivre le
jouvement. Leurs soeurs de France et d'Ita-
ie leur donnent courageusement l'exemple:
Paria, M"* Marie Duclos dirige k la fois,
ivec l'approbation des évêques, une ligue
iminiate chrétienne et la revue Le Féminis-
chrétien; k Milan vient de se fonder
'Atione Muliebre, organo del Femminismo
ristiano. Toutes demandent le droit de vote,
'asurant que la chose publique est gérée le
'aieux du monde dans les Etats ou les fem
mes le possèdent intégral (le Wyoming,
l'U'.ah, le Colorado, l'Idaho) et que dans
ces pays il n'a pas été observé de grandes
calamités depuis les nombreuses années
que les femmes l'y exercent.
Le Féminisme et le Catholicisms peuvent
parfaitement, selon l'expression de Marie
Duclos, faire un mariage d'amour; il y a
plus de foi chez les femmes que chez les
hommes, et elles se serviront au moins
aussi bien que leurs seigneurs et maltres
du glaive éleetoral dont parlait l'autrejour,
k Lourdes, le R. P. Coubé.
Un de nos grands organes catholiques, le
Bien public, préconise d'ailleurs ouverte-
ment le suffrage des femmesun ministre
d'Etat catholique beige, qui fait en ce mo
ment parler beaucoup de lui, n'y ast pas
plus hostile que M. A. Balfour. Les socia-
listes beiges abusés peut être par de
folies illusions s'en déclarent aussi les
ardents défenseurs. Les libéraux retardent,
icicomme ailleurs, de trois quarts de siècle
c'est leur róle. Sur ce point, l'opinion des
démocrates daensistes est curieuse k con-
naitre M. Raphael Simons est partisan du
suffrage des femmes; M. Daens propose
d'organiser un referendum, si les intéres-
sées demandent k vote, elles le pourront
quant au député du parti, que Mme De
Backer, nous excuse de rapporter ici son
opinion, voici la réponse fine et sage
qu'il fit k notre question
On voit bien, cher monsieur, que vous
êtes célibataire.
C'était accompagné du fameux sourire,
le sourire qui tue.
René HENRY.
P.-S. La KölnischeZeitung du ler Juin
nous apprend que le Lagthing (Chambre basse)
de Norwège avotéle26 mai, après leOdelsthing
(Chambre haute), une loi conférant aux femmes
l'électorat k la commune. Sont électeurs, désor-
mais, les femmes mariées dont les époux payent
des contributions, et les célibataires qui payent
l'impót sur revenu minimum de 375 francs
dans les campagnes et de 500 francs dans les
villes. Deux cent mille citoyennesont ainsi regu
le droit de vote. Bien que le régime nouveau
soit exclusivement censitaire, il n'en constitue
pas moins un progrès sérieux il faut d'ailleurs
un commencement k tout... Nous aurions tort
de nous plaindre de celui-eiil prouve que la
réforme préconisée par nous est, comme on dit,
dans l'air. R. H.
Le Patriots publie, sous la signature de
Miguel Zamacois, une spirituelle boutade
contre la pêche k la ligne, intitulée La
pêche, les pêcheurs et les poissons
Nos lecteurs, amateurs du sport de la
pêche, verront par l'exagération même des
termes dont se sert l'auteur de cette bonne
blague, pour employer ['expression usitée,
qu'il n'y a nulle intention malveillante en
l'occurence.
Nous ferons remarquer toutefois, et nos
amis qui possèdent k fond l'art de pêcher le
constateront avec nous, que M. Miguel Za
macois en est encore au déluge en matière
de connaissance des choses de la pêche.
Ainsi, quand il croit que le silence est
obligatoire pour pêcher avec succès, il se
trompe joliment. La seule pêche oil un bruit
quelconque nuit, c'est cello k la tanche. Pour
toutes les autres pêches k la blanchaille,
au brochet etc. la conversation entre pê
cheurs ne fait aucun tort. Dans la pêche k
l'anguille, on peut faire autant de bruit qu'on
veut, soit même en agitant l'eau, en fouillant
dans les fonds, etc. Loin de nuire.ee remue-
ménage fait souvent du bien, paree qu'il force
les anguilles k quitter la vase.
II existe des pêcheurs, tellemeot bavards,
qu'ils ne se taisent pas une minute en pê-
chant, au grand ennui de leurs voisins.
Le vrai pêcheur ne se moque pas mal du
paysagedit M. Z. Par conséquent il
dénie k l'amateur de la pêche tout amour du
beau, du poétique, del'idéal... Comment se
fait-il alors qu'il y ait lant d'artistes, littéra-
teurs, peinlres ou poètes et autres génies,
qui ont aimé et aiment encore ce sport
Pour flair, nous ferons observer au sur
plus, qu'il n'y a pas que les pêcheurs qui
spéculent sur la gourmandise ou la faim de
leurs futures captures. Les chasseurs des
grands fauves, au moyen de pièges, les chas
seurs de loupsen Russie, même les oiseleurs j
dans les tenderies opèrent de même, pour
attirer le gibier convoilé...
Mais assez, l'article n'est qu'une plaisan-
terie, nous ie répétons, et le voici k titre de
curiosité
La pêche k la ligne est une des plus
anciennes lkchetés connues.
La pêche n'a pas la noblesse de la
chasse. Le gibier, en effet, voit le chasseur,
il peut «ie débrouiller. On n'a jamais cherohé
k attirer un lapin en mettant une carotte au
bout de son fusil.
La pêche k la ligne, c'est le premier
des abus de confiance, par ordre chronolo-
gique. II a précédé de plusieurs siècles ceux
des employés, des caissiers.
Pêcher k la ligne, c'est aussi lkche
que d'attirer un aveugle affamé dans un
guetapens en lui faisant flairer son mets
favori.
Les personnages qui, dans l'histoire,
se sont conduits vis-k-vis de leurs ennemis
comme font les pêcheurs vis-k-vis des pois
sons, sont vouós k jamais k l'exécration
publique.
L'invention de l'hamepon assure pour
toujours k l'homme le record de la férocité.
Les pêcheurs sont les tortionnaires les
plus raffinés qui soient.
lis ne passent pour les plus doux et les
plus inoffensifs des hommes que paree que
les poissons ne crient pas.
Le silence des poissons, c'est ['excu
se des pêcheurs.
Mais il ne faut pas croire que les poissons,
paree qu'ils ne disent mot, consentent.
Les poissons sont de tous les étres or-
ganisés ceux qui ouvrent le plus la bouclie...
pour ne rien dire
Dire qu'il n'a peut-être manqué aux pois
sons pour être dófendus par la Société pro-
tectrice des animaux et vivre relativement
heureux, qu'un larynx
On ne croit guère k la souffrance de ce
qui necrie pas heureuses les bêtes qui ont
plusieurs cordes vocale3 k leur are
On lyncherait un homme pour le cri
d'un chien douillet qu'il aurait bousculé par
inadvertance et l'on félicite un pêcheur selon
le nombre do pa.ivres gorges de poissons
qu'il a déchiróes.
Le ciel a refusé au poisson tout ce qui
peut éveiller la pitié la voix et l'expression
douloureuse du regard.
Et puis pourquoi, diable, un poisson pris
a-t-il toujours l'air, au bout d'une ligne,
d'être foude joie?
La pêche est une religion oü les pê
cheurs ne se repentent jamais.
La pêche devrait commencer ou
finir Pas du tout, bien que n'ayant ni
portes, ni serrures, el le ouvre et elle
ferme
On n'a jamais su pourquoi.
La pêche n'est pas un art, c'est un
hasard.
C'est une malice cousue d'un fil blanc.
C'est un fil de soie qui s'en va au fil de
l'eau.
C'est une gourmandise qui profile d'une
faim et compte sur une voracité.
Le pêcheur k la ligne a le mérite de la
patience, c'est entendu, mais est-ce que vous
croyez qu'il peut faire autrement
Le vrai pêcheur se moque pas mal du
paysage qui l'entoure les fonds lui impor
tent peu, il n'y a que le fond qui l'ntéresse.
On ne s'imagine pas qu'un pêcheur
puisse avoir de la conversation dans la
vie ordinaire.
Les premières bavardes ont dü être des
femmes de pêcheurs exaspérées.
Les pêcheurs ne parient pas, d'abord
pour ne pas effaroucher les poissons et en-
suite paree qu'ou n'a rien du tout k dire
quand on pêche.
Pêcher, c'est attendre.
II parait qu'il y a des pêcheurs qui
trouvent le temps court.
11 n'y a pas de bons ou de mauvais
pêcheurs, il n'y a que des poissons affamés
ou des poissons repus.
Ce qu'il y a de plus k plaindre encore
que le poisson, c'est le ver de vase lui n a
même pas l'illusion
Les poissons pêchent aussi, mais eux,
c'est par excès de gourmandise
Le pêcheur est souvent plus attrapé
que le poisson.
Pour un pêcheur, l'eau est un mur der
rière lequel il croit toujours qu'il se passé
quelque chose.
Si le pêcheur pouvait voir l'isolement pro-
longé de son hameqon ou l'indifférence des
poissoDs qui passent, il s'endormirait ou il
s'en irait.
La pêche n'est vraiment absolument
amusante que pour le bouchon qui peut voir
k la fois la tête du pêcheur et celle du pois
son.
Une exposition unirerselle est bien
moins intéressante pour un pêcheur qu'un
bouchon qui flotte.
Dire qu'il y a peut-être des maladies de
cceur qui ont été accólérées par des tressau-
tements de bouchons
II y a des histoires de pêche comme il
y a des histoires de chasse la blague est
amphibie.
Un pêcheur a toujours pris un plus gros
poisson que celui-Ik
Le vrai pêcheur en exercice ne rit
jamais.
II faut dire qu'il n'y a pas de quoi.
Ce qui peut étoaner, ce n'est pas qu'un
homme, jouissant de la plénitude de ses fa-
culiés, s'acharne k pêcher toute une journée
sans résultat, c'est qu'il recommence le len-
demain
Un poisson qui se méfierait ne serait
jamais pris.
Mais il mourrait de faim.
Si les poissons étaient des esprits dé-
ductifs, ils n'auraient jamais peur ni des gens
qui font du bruit ni des flots agilés.
Ils ne se méfieraieut que des gens d'aspect
inoftensifei des petits coins tranquilles et
giboyeux.
II est vrai que si les poissons étaient
si intelligents que cela, c'est eux qui pêche-
raient les hommes, avec, au bout de leurs
lignes, des petits vers rouges qui seraient
des décoratious.
L'immobilité de certains pêcheurs est
extraordinaire et effraierait si l'on était de
leur familie.
II faut, pour s'apercevoir qu'ils sont en
core vivants, attendre de les voir tirer un
poisson de l'eau.
Ausai, presque toujours, s'en va-t-on les
croyant morts.
Ce qu'il y a de plus énervant encore
que de pêcher, c'est de voir pêcher.
Un individu qui regarde pêcher plus de
cinq minutes est jugé, cérébralement...
Pourquoi les curieux sont-ils toujours
pour les pêcheurs contre les poissons
Pourquoi en font-ils une affaire person-
nelle
Un curieux qui voit prendre un poisson
sourit toujours.
Petite définition
Carpe bkilleur de fond.
Les armoiries du goujon
De gueule ouverte sur fond de sable.
L'arête, c'est l'hamecon avec lequel le
poisson cuit essaye k son tour de prendre le
pêcheur.
Restons-en lk une chronique sur la
pêche ne doit pas être tirée k la ligne...
Miguel ZAMACOIS.
ft