M. De Ponthière. M. Smeats vient de
le dire, il y a un instant.
H. Smeets. J'ai dit que le libéralisme
avait enlevé del'espritdu peuple les idéés
religieuses.
M. Colaert, rapporteur. Parfaitement
et il l'a fait dam les écoles
M. Smeets. Je n'ai pas dit dans les
écoles
M. Colaert, rapporteur. Oü done les
libéraux auraient-ils enlevé aux populations
la croyance en Dieu, si ce n'est dans les
écoles officielles Bruit d l'extrême gauche.)
Il s'agit du reste d'une discussion au sujet
de l'enseignement religieux, et vos paroles
se rapportent h cette discussion.
M. Furnémont. Mais la loi de 4879
avail inscrit la religion dans le programme.
M. Demblon. Voyea l'article 4 de la loi
de 4879, qui permettait malheureusement au
pr&tre l'entrée de l'école
M. Furnémont. Et les prétres pouvaient
entrer dans les écoles.
M. le président. Je vous en prie,
messieurs, n'interrompez pas.
M. Colaert, rapporteur. Je m'adresse
la gauche libérale et je lui fais le mdme
reproche que l'honorable M. Smeets.
Voulezvous connaltre...(Bruit h l'extrême
gauche.)
M. le président. Je prie l'honorable
rapporteur de ne pas s'arréter aux interrup
tions.
M. Colaert, rapporteur. l'avis de tous
ceux qui pensent dans le parti libéral, et je
ne prends que ceux-lk, au sujet de la neutra-
iité scolaire et de la morale sans religion T
Ecoutez le langage de M. Gianturco.ministre
de l'instruction publique d'Italie.qui écrivait,
en 4896, h l'un de ses amis Je reconnais
que les écoles libres donnent une meilleure
éducation et une meilleure instruction que
les écoles de l'Etat.II ajouteque l'enaeigne
ment officiel est profondément corrompu.
L'Etat, dit-il, ne doit pas protéger les
mattres et les élèvesc'est h l'Eglise
fixer les limites au delk desquelles il n'y a ni
vrai ni juste Et M. Gianturco annonce
qu'il prépare une loi dans ce sens.
M. Tonnelier. Quel est l'aimable per-
sonnage qui a écrit cela
M. Colaert, rapporteur. Je viens de le
citer, c'était le ministro de l'instruction pu
blique de l'I talie.
M. Tonnelier. Nous n'avons pas 4
savoir ce qui se passé en Italië.
M. Hoyois. Les libéraux les plus émi
nents l'on dit également en Belgique.
M. Colaert, rapporteur. Voyons main-
tenant ce que Ton pense en France de cette
question.
M. Georges Michel, dans 1'Economie fran-
taite, écrit
La faute grave, la faute capitale, 4 été
d'introduire dans notre organisation scolaire
le virus de la politique et de la franc-ma-
ponnerie. Dans l'instituteur, on n'a voulu
voir que l'agent électoral, et, sous prétexte
de ruiner l'enseignement congréganiste, on
a créé un clergé laïque qui se préoccupe
beaucoup plus de plaire aux députés que de
former l'&me et l'esprit des jeunes généra-
tions. L'école, qui aurait dü rester neutre,
est devenue une maniére de laboratoire
pour les expériences socialistes et révolu-
tionnaires.
Vous allez voir que cette opinion n'est pas
isolée. Si je ne voulais ménager les instants
de la Chambre, je pourrais continuer des
citations de ce genre jusqu'au moment oh
vous demanderiez gr&ce. Exclamationi A
gauche.)
Voici maintenant l'opinion de M. Fouillé.
M. Tonnelier Restez done en Belgique.
M. Colaert, rapporteur. Je vais y venir,
seulement si je ne pariais que de la Belgique,
vous diriez que c'est chez nous seulement
qu'il est question de ces choses-lh c'est
pourquoi j'ai commencé par une petite revue
de l'étranger. Voici done la citation que je
voulais faire
M. Fouillé, un philosophe éminent, a eu le
rare mérite de reconnaitre que l'instruction
seule était insuffisante pour élever l'ame et
l'esprit des jeunes générations et qu'il fallait
y ajouter le condiment indispensable de la
morale et des idéés religieuses.
M. Denis. Si vous soutenez que l'on
n'enseigne pas la morale dans les écoles
primaires en France, c'est lh une pure aber
ration 1 Rires A droite.)
M. Colaert, rapporteur. Je sais qu'on
enseigne dans les écoles franpaises certaines
notions de morale, mais on n'y a pas admis
l'enseignement religieux, et c'est ce que cri-
tiquent les meilleurs esprits en France.
(Interruption A gauche.)
Voici ce que dit M. Henri Bouquier dans
un artiole du Matin, de Paris, journal anti-
catholique
L'erreur essenlielle de notre temps c'est
d'avoir trop cru h l'école. On s'est imaginé
qu'en forpant les enfants du peuple h aller
s'asseoir sur les bancs depuis l'dge de 7 ans
jusqu'h celui de 12 ou 13 ans, on inculque-
rait dans leur esprit une loi assez forte pour
suppléer, avec les axiómes du catechisme
civique, h l'éducation de la familie et h la
contrainte de la foi reltgieuse. 11 me parait
que l'expérience est faite et que l'école a fait
faillite.
M. Furuémout. C'est pour cela que la
République devient de plus en plus forte.
M. Colaert, rapporteur. On verra plus
tard si la République, comme vous le dites,
devient de plus en plus forte.
M. Furnémont. Lesélections de diman-
che le prouvext.
M. Demblon. Le pape lui-même s'y est
rallié en 1892
M. Colaert, rapporteur. Voici mainte
nant des documents officiels. Vous savez que
récemment une enquête a été faite en France
sur l'état de l'enseignement secondaire. Cette
enquête fut présidée par l'honorable M.
Ribot qui n'est pas un catholique, je sup
pose.
M. Furnémont. Qu'est-il alors
M. Hoijois. II n'a jamais été catho
lique. C'est un libéral frangais
M. Colaert, rapporteur. Et il n'est pas
non plus socialiste. II est partisan de la
liberté et il l'a suffisamment prouvé a la
chambre frangaise en défendant, avec quel-
ques antres libéraux, la liberté de l'enseigne
ment ce qu'on n'a pas encore vu faire en
Belgique par nos libéraux, sauf —exception
honorable par feu M. Pirmez.
Les faits ont prouvé que l'enseignement
officiel en Fraace, fait assez triste figure.
Dans son introduction h l'enquéte sur l'ensei
gnement secondaire, M. Ribot constate qu'il
s'est fait un changement dans les idéés d'une
partie de la bourgeoisie elle s'est rappro-
chée de l'Eglise catholique.
M. Furnémont. Cela est vrai
M. Colaert, rapporteur. Jesuisbeu-
reux de le oonstater avec vous. Mais l'hono
rable M. Ribot le constate h regret. C'est
sans doute cause de ce rapprochement,
qu'en France on ne veut plus de la liberté.
M. Cavrot. Le crucifix sur lecoffre-
fort Exclamations A droite.)
M. Colaert, rapporteur. Je crois nepas
devoir répondre k l'interruption inconve-
nante de M. Cavrot.
M. Vandervelde. L'honorable M. Ca
vrot a dit, sous une forme pittoresque, que
le reeul d'une fraction de Ia bourgeoisie
frangaise s'explique tout simplement parle
désir de conserver ses privilèges écono-
miques.
M. Colaert,rapporteur. C'est saus doute
pour empêcher l'acheminement de la bour
geoisie vers l'Eglise qu'on a trouvé qu'il
fallait enlever aux congrégations la liberté
de s'associer et d'enseigner.
Mais j'en viens notre pays. Dans des
discours qu'il a prononcés, k propos de la loi
de 1842, dans les séances des 17 Avril et
8 Aoüt M. Lebeau disait. j
M. Tonnelier. Eu quelle année
M. Colaert, rapporteur. Mais je viens
de vous le dire, en 1842. M. Lebeau done
disait
J'ai toujours dit qu'il n'y avait destruc
tion vraiment efficace, vraiment sal utaire
que par l'accord des deux autorités (civile et
religieuse). Je n'hésite pas k répondre que je
regarderais un instituteur antireligieux com
me une véritable peste.
M. Furnémont. II faudra prendre des
mesures prophylactiques paree qu'il y en a
beaucoup.
M. Demblon. C'est la religion qui est
devenue une peste
M. Verheyen. Mais sous la loi de 1842
le prêtre ne mettait jamais le pied k l'école;
il se souciait peu de l'ame des enfants.
M. Colaert, rapporteur. Cela n'est pas
exact.
M. Verheyen. A l'improviste et une ou
deux fois seulement par an.
M. de Trooz, ministro de l'intérieur et de
l'instruction publique. Mais l'bonorable
M. Verheyen n'explique pas pourquoi le parti
libéral a fait la loi de 1879.
M. Colaert, rapporteur. 11 expüquera
pourquoi son parti a changé la loi de 1842.
Puisque les préires n'allaient pas k l'école, il
fallait,me semble-t-il, maintenir l'école sous
l'application de la loi de 1842 plutót que de
modifier cette loi. Interruptions
Voici maintenant ce que dit M. de Lave-
leye. Interruption A gauche)
Allez-vous repousser M. de Laveleye
M. Hymans. Cela dépend de ses
paroles
M. Colaert, rapporteur. C'est cela
cela dépend des cas...
M. Huysmans. Nous n'avons pas de
pape dans notre parti
M. Colaert, rapporteur. Tout k l'heure
on m'a reproché de me borner a signaler des
éorivains étrangers.Je répondsk ce reproche
en citant des beiges.
Je vais done vous donner l'opinion de M.
de Laveleye
Presque tous les parents désirent don
ner k leurs enfants l'instruction religieuse,
et quoi qu'on en dise, ils ont raison. De
l'avis de tous, l'enseignement de la morale
est indispensable au citoyen. Or, en atten
dant que la morale nouvelle positiviste.
agnostique, indépendante ou décadente
soit définitivement constituée,la morale an-
cienne n arrive, en général, au peuple que
par l'intermédiaire des ministres du culte.
Cest pour cela que la Révolution frangaise
les transformait en officiers publics de
morale.
Vous entendez, monsieur Denis, il y en a
d'autres qui pensent comme nous que l'en
seignement de la morale et de la religion
doit être uni. Votre altruisme même ne
donneraitpas satisfaction k M. de Laveleye,
s'il vivait encore.
Voilk aussi que nous avons certaines idéés
de la involution frangaise avec nous.
Et parlant spéciaiement des atbénées
dans ses Lettres d Italië, M. de Laveleye
disait Il y a dans nos athénées de Bel
gique une grave lacune.On n'y trouve pas
d'enseignement qui ait pour but d'élever
Time de la jeunesse k l'idée du devoir et de
culiiver le sentiment religieux.