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Mercredi 5 Mars 1909
10 centimes le N°
HT Année. N° 3694
Le Féminisme et
l'électorat des femmes
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Discours prououeé par |M. Colaert,
la séance depa Chambre ades Repré-
sentants du 27 Février 1902.
M. le président. Nuus reprenons la
discussion générale des propositions do loi
en matière électorale.
La parole est a M. Colaert.
M. Colaert. Messieurs, j'aurais voulu,
en com intrigant mon discours, faire miemies
es paroles it ia fois franches, courageuses
et chrétiennes, par lesquell *s une femme,
Mu' Mane Maugeret, la distinguée féministe
de France, saluait ses adversaires dans un
rapport, datani de 1900 et qu'elle a publié,
sinon avec l'approbation de l'épiscopat, tout
au moinssans être blkmée parcelui-ci
Si les partis s'honorent, disait-elle, en
rendant justice k leurs adversrires, vous ine
laisserez, mesdames, moi k qui Dieu a fait
la grkce d'être une croyanle ardemment con-
vaincue, rendre hommage k ces femmes qui,
n'atlendant rien de la justice de Dieu et de
son règne en ce monde, ont cru k la possi
bilité d'une justice humaine et ont voué leur
existence k en préparer i'avènement. Nous
pouvons désapprouver leur symbole, blkm.-r
plus d'un article de leur programme, déplo-
rer les tendances irréligieuses de leurs doc
trines nous ne pouvons pas oublier qu
ies premières, el les sont descendues dans
l'arêne, qu'elles ont eu le courage de prenrL e
corps k corps les préjugés et de brav r
jusqu'au ridicule, cette puissance si redoutée
en France. Et c'est pourquoi, je vous deman-
de la permission de les saluer avant de les
combattre.
Vous n'en doutez pas, messieurs, je n'ai
pas songé un seul instant k pouvoir rendre
un hommage analogue k nos adversaires du
banc doctrinaire ils sont trop vieux pour
épouser une cause jeune encore. Rire'.
M. Tourrray. U y en a parmi eux de
plus jeunes que vous.
M. Colaert. Je pouvais cependant m'at-
terrdre k les voir examiner la question sé-
rieusement, sans passion, saris préjugés,
sans parti pris, comme il convient k des hom
mes. L'honorable M. Hymans a opposé, k la
cause des femmes et k leurs défenseurs, une
ironie presque dédaigneusa. Je pourrais me
servir de la même arme, mais vous me ro-
procheriez de manquer d'égards et de pitié
pour le dernier et impuissarit rejetorr d un
parti qui n'a plus aucune virilité politique.
(Rires.)
En notant les paroles de M"' Maugeret, je
songeais k nos collègues radrcaux et socia
lisms qui, en 1895, les uns saus réserve
aucune, les autres avec enthousiasme, votè-
rent l'amendement des honorables MM. Dem-
blon et Denis, accordant le vote aux femmes
pour la commune. Mais les premiers, les
radicaux, ont déserté le combat, et c'est k
peine si l'urr deux, M. Lorand, se souvieut
encore de son vote d'alors, qu'il appeile
aujourd'nui an vote de courtoisie d'oü
je pourrais presque conclure qu'ii n'est plus
même courtois pour les femmes. [On nt.)
Lesauties, les sociaLstes, tout en voulani
conserver l'bonneür de s'être lancés les pre
miers dans la lutte, nt sont plus utiis aulour
de leur drapeau féministe. Plusieui s ont renté
leur programme, et je constate que l'ardeur
de tous s'est singulièremenl refroidie depuis
le jour oü, dans une simple^interruption, je
ine suis permis de dire un mot du suffrage
des temines.
Et, puis-je le dire sans être discourtois?
les dames som.alistes eües-mêmes, celles qui,
le 27 septemore dernier, fulminaient conue
l'uulitarisme et l'égoisme des mauvais tac-
ticiens de leur parti ont enfourché, buit
jours plus tard, lopportunisme, auxapplau-
dissemenrs du journal le Peuple, qui venaii
d'acnever sou mouvement tournant l'ajour-
nemeut
Combien le regretté Albert Nyssens était
bon prophéte lorsque, en 1895, diacutant
l'ame.idemerit Uemblon-Dears, dont il se
déciaia partisan en principe; il disau
Voulez-vous que je vous dise loute ma
pensée au sujet de l'amendement en faveur
du suffrage universe! des femmes Je crois
que si les honorables tnemores de 1'extrêmö
gaucb avaieut la coaviction que nous som
mes luc et nunc disposés k le voter, lis se-
raierrt fort au regrei üe l'avotr présenté.
Les Annales de i'époque souligneut ies
rires et ies exclamations de lagaucUe entière,
et ses ens Voiez-le alors, votez le.
M. Vandervelde. Nous le disons encore.
M. Colaert. Nous allons voir dans quel
sensvous ie dues.
Aujourd'nui, je vais plus loin que M. Nys
sens, et je me perineis de dire, aux honora
bles auteurs de la proposition de lot, que
s-'ils éuient convaincus que la droite voteralt
ie suffrage téminin aujourd'hui même, ris
seraient disposés k retirer leur proposition.
M. Autoine üelporte. Essayez, aiors
M. Deins. Vous êres trop novice dans
la question du féminisme pour prendre cette
attitude de magister. Uilarité
M. Colaert. Pardon, mon féminisme
est k peu prés aussi ancien que le vótre. Je
ne vous visa pas, du reste.
M. Vandervelde. Vous vous êtes con
vent en 1895.
M. Colaert. Je le reconuais et je dé-
clare que c'est t'üónorable M. Denis qui m a
coaverti.
M. Vauderveide. Notre téminisme est
done antérieur au voire.
M. Antoine Delporte. Avei-vous con-
verti vos amis de la droite
M. Colaert. MM. Vandervelde et Hy
mans out bien voulu rendre hommage k la
siricérité de mes convictions. Mon féminisme
civil et social date, en effet, de loin. J'ai tou-
jours cru k la possibility et k la nécessité de
modifier nos Codes, et surtout le Code civil,
d »tis Ie sens d une plus grande justice pour
la femme. Mais, avec le journal tranpais be
Temps, j'ai cru aussi que les femmes n'ob-
tiendront rien et que nous n'obtiendrons rien
pour el les, si elies ne savent modérer leurs
ambitions, elasser leurs projets, ordonner
leurs efforts avec méthode et, surtout, fuir
de part' pris toutes les occasions de tapage et
tous les appuis compromettants.
Mon féminisme politique date de 1895. II
est done jeune, je le reconnais...
M. Vandervelde. Et il s'est traduit par
une abstention.
M. Colaert. Mais il existait et je vais
vous le prouver immédiatement. Vous avez
rappele les paroles que j'ai prononcées alors
et qui, en effet, expliquaient mon attitude.
Je me suis abstenu, vous l'avez dit vous-
même, k cause d'abord du discours de l'ho
norable M. Demblon et quelque peu aussi k
cause du vótre. J'aurais pu, sans doute,
suivre l'honorable M. Denis; mais je ne pou
vais pas marcher avecceux qui avaient trouvé
habile de bafouer et d'accuser injustement la
religion que j'ai le bonbeur de professer.
Faut-il s'étonner, messieurs, que mon
féminisme ne soit pas trés vieux, comma on
vient de le dire Elevé comme vous, mes
estimables contradicteurs, dans des idéés de
codes élaborés par de faroucbes antiféminis-
tes, il m'a fallu beaucoup de réflexion, de
longues études et l'expérience des choses
humaines, pour comprendre qu'il y a dans
notre législation une foule de dispositions
vieillies et injustes, k l'endroit des femmes.
C'est le cas de l'honorable M. Denis qui,
en 1895, nous racontant sa conversion,
disait
Mon témoignage ne peut-être suspect;
disciple d'Auguste Comte et de Proudhon, je
suis parti de l'idée de l'infériorité indélébile
da ta femme, et il a fallu des fails pour mo
difier ma conviction.
Voilk done que M. Denis est, comme moi,
un néophyte ou tout au moins un converti.
Je ma suis rencontré avec lui sur le che-
min de Damas. Je reconnais que j'y suis
arrivé par d'autres voies mais j'espère que,
dans notre marche, je pourrai encore, de
temps k autre, saluer notre accord sur cer
tains points, sauf k combattre ses tendances
et quelques-unes de ses idéés.
Messieurs, j'ai k dégager mon féminisme
de celui de mes honorables collègues de la
gaucne socialiste et k venger le christianisme
des accusations dont il a été l'objet dans cette
discussion.
Le féminisme iutégral, radical, je le ró-
pudie hautement. C'est celui d'Olympe de
Gouges, la triste héroïne de la Révolurion
franpaise, qui, dsns son enivrement de l'idée
totale de justice, la basa sur le droit humain,
et qui ilia jusqu'k réclamer une déclaration
des droits de la femme et de la citoyenne,
analogue k la déclaration des droits de
l'homme.
C'est^comme vous l'entendei, le féminisme
révolutionnaire, celui des socialistes. Nos
honorables collègues veulent allier le courant
féministe, qu'il est impossible de nier, k la
lutte des classes et ils espèrent bien révolu-
tionner ainsi, logiquement, l'uae après l'au-
tre, la femme, la familie et la société.
M. Denis. C'est cela nous voudrions
done dissoudre la familie, d'après vous
M. Colaert. Nous sommes done d'accord
sur votre genre de féminisme et sur la posi
tion de la question
M. Denis. Pas du tout
M. Colaert. Vous pas peut-être, mais
les autres Ils ne disent rien. Mon féminisme
n'est point celui-lk. Je poursuis, en faveur
de la femme, la revendication des droits
civils, sociaux et politiques compatibles i vee
sa nature, avec l'ordre des choses humaines
et avec l'état actuel de la société. En lui ac
cordant ces droits, j'espère que nous pour-
rons soustraire la femme, et particulièrement
la femme ouvrière, k l'influence des utopistes
et des révoltés contre la société.
Ce n'est évidemment pas le moment d'ixa-
miner toutes ces revendications. Je l'ai fait
ailleurs et j'espère pouvoir, dans d'au res
circonstances, revenir ici k cette quesiion
qui serable, du reste, sauf sur certains points
rencontrer un assentimeut unanime. C'est de
l'électorat féminin que j'ai k m'occuper
aujourd'hui.
Nous pouvons constater que nos honora
bles adversaires sont extrêmement préoccu-
pés en ce moment de l'état de notre con
science. Cette préoccupation part, sans
doute, d'un bon naturel, mais je les prie de
quitter ce souci. C'est k nous k savoir, et
non k l'honorable M. Lorand, par exemple,
si le suffrage des femmes est opposé aux
principes politiques de la droite ou aux tra
ditions de l Eglise catholique, et si, pour le
réaliser, nous devons mentir k tous nos
principes et les renier.
Nous n'allons pas davantage nous référer
k l'avis de l'honorable M. Vandervelde qui,
tout en reconnaissant que le dogme catho
lique n'est pas un obstacle direct k l'égalité
des sexes, prétend, cependant, que, dans la
conception générale de l'Eglise sur le róle
de la femme, il y a une contradiction
évidente avec les déclarations que nous fai-
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