sons aujourd'üui en faveur du suffrage féminin. Les esprits convaincus de la bonté d'une cause n'ont pas de ces préoceupations-lk, its ne consultent que leur conscience, heu- reux de rencontier des adhérents et de faire des adeptes. C'est ainsi et je lui rends volontiers ce témoignage qu'en 1895, l'tionorable M Denis ne s'est pas soucié de nous mettre en contradiction avec nous-mêmes, ni avec nos principes. II s'est borné k tkcher de nous convaincre, nous tous, ses collègues de droite aussi bien que ceux de gauchs et son discours, vous le savez, a produit de l'effet sur plusieurs de ses collègues catholiques et notamment, je le reconnais encore une fois, sur moi-même. II a achevé de me convertir. L'üonorable membre, qui va se faire entendre dans cette discussion, tiendra sans doute le méme langage calme et modéré. Son attitude sera celle d un homme qui a pu dire, au moment oil d'autres ont quitté le drapeau Je reste fidéle k mes convictions quoi qu'il advienne. Les apótres d'une cause ne fulminent et ne récriminent pas lorsqu'ils veulent sincère- ment amener leurs adversaires k embrasser leurs idéés. Au surplus, je défie nos adversaires, quels qu'ils soient, de pouvoir nous dire que le catholicisme professe, ao sujet du ïóle so cial de la femme, des doctrines ditficilement compatibles avec l'électorat féminin. Comte et Proudhon, que j'ai cités tout k l'heure d'après l'bonorable M. Denis, étaient plus hostiles k la femme que n'importe qui. M. Denis. Proudhon n'était pas hostile k la femme, il la concevait autrement que nous. M. Colaert. Proudhon était hostile et trouvait que l'infériorité de la femme était indélébiie. Schopenhauër avait la haine de la temme au plus haut degré. Tous les hommes de la révolution, sauf Condorcet et quelques autres, étaient de féroces antiféministes, depuis Chaumette disant k une dépulation de femmes en bonnets rougesSouvenez-vous de l'impudeute Oljmpe de Gouges, qui, la première institua des comités de femmes, qui abandonna les soins de son mémage pour se mêler k la république, et dont la tête est tombée sous le fer vengeur des lois jus- qu'au journal les Révolutions de Paris, qui se moquait lourdement de la lettre écrite par Olympe k la Convention pour lui deman- der de pouvoir défendre Louis XVI, et qui terminait son article en disant De quoi se mêle cette femme Qu'elle tricote plulót des pantalons pour nos braves sans-culot- tes Rires Et c'est avec raison, messieurs, qu'on a pu dire que si la révolution franpaise a cherché k établir l'égalité entre les hommes, elle n'a établi qu'une égalité pour les femmes l'égalité devant l'échafaud. (Mouvement.) Ce qui permit k Mmi! de Condorcet de dire au premier Consul, qui n'aimait pas nou plus que les femmes se mélent de politique Dans un pays oü on leur coupe la tête, il est naturel qu'elles aient envie de savoir pourquoi. (Sourtres.) Je pourrais faire d'autres citations, mes sieurs, et nommer d'autres antiféministes de l'époque révolutionnaire. Vous avez pour vous, je le reconnais, la plupart des sociologues et des polémistes révolutionnaires modernes, ceux que l'hono - rable M. Vandervelde a cités et auxquels je puis ajouter les noms de MM. René Viviani et Elie Reclus. Ce dernier professe que toutes les civilisations, toutes les religions 4 nous connues, qui envahirent la scène du monde pour s'entredéchirer, ne s'accordèrent ^ue sur un pointla haine et le mépris de la femme, se ravalant ainsi au dessous de la plupart des espèces animales. (Rires.' Si ce fait était exact, la religion catholi- que ne serait done pas la seule k se montrer hostile k la femme. Mais il me sera aisé de démontrer que le christianisme n'a point ravalé la femme. Si, d'une part, notre reli gion lui impute la chute originelle, elle l'en- noblit de l'autre. Si saint Paul, que l'honorable M. Vander velde a cité, et des pères de l'Eglise ont eu quelques apostrophes amères pour les fem mes, M. Viviani lui même a pu écrire, dans son récent article la Femme que les premiers chrétiens parlant de la sorte, pen- saient aux courtisanes célèbres qui, pour la perdition prématuréc des peuples, avaient noué autour des trónes de sanglantes intri gues et noussavons, messieurs, que les courtisanes pullulaient dans l'empire d'O- rient. Schopenhauër, que je citais tout k l'heure, dans sa haine de la femme, ne pardonne pas k la religion de l'avoir relevée de l'heureux état d'infériorité dans lequel le paganisme l'avait maintenue. L'honorable M. Vandervelde lui-même a reconnu que la morale chrétienne a été un progrès considérable sur la morale du paga nisme et qu'elle a contribué puissamment k améliorer la condition sociale de la femme. Et, dans un élan d'erithousiasme, l'honorable membre, comme s'il avait été un croyant, a cité la sublime figure de la Vierge. II me saura gré de lui apprendre que l'éminente catholique, dont j'ai cité quelques paroles tout k l'heure, Melle Marie Maugeret, a pu écrire sans être condamnée ni même blkmés, que le féminisme chrétien est né le jour oü le fits de Dieu, qui n'eut point de père ici-bas, appela l'humble vieige de Nazareth k l'incomparable honneur d'étre sa mère Le féminisme chrétien aurait-il vraiment une origine aussi sublime, un berceau divin Toujours est-il que c'est le christianisme qui a contribué le plus k relever la condition sociale de la femme et que c'est l'Eglise qui l'a magnifiée. Eu se vouant k la doctrine du Christ,en lui restant fidèles jusqu'au tombeau, en soutenant plus tard le culte et les oeuvres du christianisme, las femmes ont aidé puis samment k fonder la religion catholique. A son tour, l'Eglise l'a relevée, en plapant sur ses autels autant de saintes que de saints, en travaillant, comme saint Jéröme, k la trans formation de la femme latine, en choisissant une femme, sainte Catherine d'Alexandrie, comme patronne des phi!r>sophes, en per- rnettant k des femmes d'enseigner k l'univer- sité de Bologne, dans toutes les facultés, en proclamant la Vierge Marie l'instrument de notre rédemplion. (Approbation d droite Mais, dit l'honorable M. Vandervelde, l'Eglise a soumis la femme k l'homme, et il invoque de nombreux textes de saint Paul et l'admirable eneyclique de Léon XIII du 28 décembre 1878. Je nen disconviens pas, la femme est et restera soumise k son mari mais, ainsi que le dit le grand apótre, comme cela se doit selon le Seigneur e'est-k dire, sans doute, en évitant 1 arbitraire, limpiété et l'immora- liié. Et c'est le même apóire qui a écrit Il n y a plus ni hommes libres ni esclaves, ni hommes ni femmes vous êtes tous un en Jésus-Christ. Comme cette doctrine est éloignée de celle de nos législateurs du Code civil, qui assu- jettirent la femme k l'homme jusqu'k devoir condescendre k tous ses caprices, jusqu'k suivre son mari partout oü il lui plalt de résider, jusqu'k ne pouvoir se plaindre de l'adultère de son conjoint que pou autant qu if ait tenu sa complice dans la maison commune L'obéissance ainsi entendue n'est certes pas la soumission que prêche l'Eglise; et, pour ma part, je protesterai eonire eet assujettissement jusqu'k ce qu'il ait disparu du Code civil. L'honorable M. Vandervelde nous demande aussi comment il est possible, avec nos doc trines, de faire de la femme l'égale de l'hom me, en proclamant l'égaiité des sexes au point de vue électoral. Venant k son secours, un honorable membre de la gauche radicale nous a rappelé que la femme ne peut être ni curé, ni vicaire d'oü l'honorable M. Van dervelde conclut que, puisqu'il faut que la femme se taise dans l'Eglise, k plus forte raison doit-elle se taire au Forum. La conclusion, messieurs, est incontes- tablement forcée. Si l'Eglise a éloigné la femme du sanctuaire, elle n'a pas agi autre ment que tous les autres cultes, sauf le pa ganisme qui admit les femmesk l'autel, et nous savons ce que sont devenus les temples oil officiaieot les prêtresses de Vénus et de Diane! InterruptionsQuant au Forum, l'Eglise n'a jamais songé ky admettre ou k en exclure les femmes, la question n'ayant point été posée. Pour ma part, si je suis partisan de l'électorat féminin, je ne demande pas que la femme ait sa place au Parlement. Sans doute, je ne verrais point d'inconvénient k ce que quelques femmes éminentes siégeassent dans nos Cnambres, dans la nótre surtout; celle ci ne pourraitqu'y gagner en dignité. Trés bien d droite.) M. deTrooz, ministro de l'intérieur et de l'insiruction publique. Cela adoucirait les mceursnous deviendrions plus gracieux. (Hilarité.) M. Colaert.flest incontestable qu'on n'aurait pas, dans un salon, les manières qu'on a quelquefois dans cette assemblée nos moeurs ne pourraient qu'y gagner. M. deTrooz, ministre de l'intérieur et de l'instruction publipue. Dieu vous écoute M.Colaert. Mais je crois qu'il neconvient pas de conférer aux fecnme3 des functions qui, de par les devoirs qu'elles entrainent, les obligeraient k abandormer le gouverne ment domestique et k passer une partie de leur vie sur le Forum. II en est autrement de l'obligaiion de pren dre part k des scruiiiis qui ne se renouvel- lent qu'k de rares imervalles. L'électorat n'est point une fonction k ce point absorban- le qu'il doive contraindre la femme k n'être plus que, par intermittence, la gardienne du foyer. L'honorable M. Janson a prélendu que la femme n'avait jamais joui des droits pohti- ques. Je me suis permis de lui dire qu'il ne connaissait pas l'üistorique de la question. Plusieurs auteurs, eutre autres M. Raoul de la Grasserie, citent les républiques du moyen age, oü les administrate trs de la commune étaient désignés, par ia voie du sort, parmi les deux sex ;s. Eu Toscane, eet usage s'est maintenu jusqu'en 1849 et, en Lombardie, jusqu'en 1816. Voilk pour l'éli- gibililé. M. de Trooz, ministre de l'intérieur et de l'icstruction publique. Et k Namur, une femme était bourgmestre au XVlll* siècle M. Colaert. Ge fait encore, tiré de notre histoire, prouve combien M. Janson a eu tort de dire que jamais la femme n'avait exercé de fonctions publiques. Mme Vincent, dans ses recherches sur la situation politique de la femme aux siècles passés, prétend et prouve que la femme pro- priétaire et les veuves assistaient aux assem bles Messieurs, j'ai dit l'autre jour, dans une interruption, qua les tem nes siégeaient dans la Convention. C'est une erreur de ma part, je le reconnaismais la convocation des Etats généraux de France, en 1789, prouve que les femmes, possédant iief, pouvaient voter par procureur. II n'est done pas vrai de dire que jamais, avant 1830, l'on eüt, dans aucune partie du monde, accordé des droits politiques k la femme. II n'est pas vrai davantage que l'électorat féminin n'existe que dans de rares Etats d'A- mérique. Ainsi, aux Etats-Unis, par exem- ple, quatre Etats ont accordé aux femmes tous les droits électoraux, Ge sontle Wyo ming, le Colorado, l'ötah et l'Idaho. Les femmes du Kensas possèdent le suf frage dans toute son étendue. Elles sont électeurs ei même éligibles Dans le Montana, le Mississipi et la Louisiane, elles exercent un vote municipal restreint. Droit de suf frage politique encore dans l'lle de Man, en Nouvelle Zélande, dans l'Equateur et, tout récemment, dans la Nouvelle-Galle du Sud. Dans différents autres pays, dont l'Angle- terre et l'Ecosse, la Suède, la Finlande e' l'lslande, ainsi qu'en plusieurs Etats de l'AI- lemagne, la femme jouu du droit administra- tif. La Norwège lui a accordé, en mai 1901 l'électorat k la commune. Est-ce que jamais l'Eglise, dans le passé ou dans le présent, s'est montrée hostile au vote des femmes Elle n'a cure de ces ques tions purement politiques. Nous connaissons ('opinion de plusieurs prélats distingués sur la question que nous discutons. Le cardinal Vaugban, primat d'Angleterre, est ouvertement favorable k la participation des femmes aux affaires com- munales il va même, corame le marquis de Salisbury, jusqu'k se prononcer pour l'élec torat législatif. Le clergé d'Angleterre et des Etats-Unis, dans sa grande généralité, par- tage cette manière de voir. Et voulez-vous connaitre i'opinion de M. le chanotne Didiot, professeur k l'école de sciences sociales et politiques de Ltlle Plus dune fois déjk, dit le savant pro fesseur, on s'est curieusement demandé ce que l'Eglise pourrait bien periser de l'électo rat accordé aux femmes en quelques contrées et sollicité en d'autres. Goniormément k ses doctrines sur l'égalité chrétienne et sur les conditions morales du suffrage universel, conformément aussi k sa lógisiation sur les congrégations et solidarités féminins, qui toutes fout usage du suffrage universel, sans que l'obéissance ait beaucoup k en souf- frir, on peut être assuré que, dans toute na tion oü i électorat des femmes pourrait, sans de graves inconvénients, s'harmoniser avec celui des hommes, l'Eglise n'y ferait jamais obstacle, se contentant de raaintenir les principes de prudence nécessaires k la fa milie comme k l'Etat. Je ne veux pas justifier autrement l'électo rat féminin au point de vue rehgieux. C'est d'ailleurs affaire k nous et nous n'irons pas nous confesser k nos adversaires. Il sera opportun d'examiner ici la ques tion d inconstitationnaliié de la disposition de l'article 2 de la proposition de M. Vander velde,visant le vote des femmes. L'honorable membre se serait sans doute chargé de ré- pondre lui-même k M. Janson, s'il n'avait pris la parole avant lui. M. Vandervelde. J'ai déjk répondu que 1 s ieetions communales et provinciales sont réglées par la loi. M. Colaert. Parfaitement, et moi aussi. Nous sommes done d'accord; mais M. Janson ne s'est pas tenu paur battu. D'ailleurs, si jt m occupe de cetie question, c'est k cause de la personnalité de l'honorable M. Janson. Je m'étais permis de lui dire que sa théorie n'était pas digne de lui. II m'a répondu que j'étais plus fort jurisconsulte que lui-même. On sait ce que cela veut dire dans la bouche de l'aonorable membre. Cependant, ce n'est

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1902 | | pagina 2