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Mercredi 16 Septembre 1903 10 centimes Ie N® 38e Année N° 3778
Le Concert des Mélomanes
Une fète politique
On s'abonne rue au Beurre, 36, a Ypres, et k tous les bureaux de poste du royaume.
Le Dimanche, 13 Septembre, la ville
d'Ypres était en fête. La Société Royale des
Mélomanes de Gand, dont rimmense talent
et le goüï délicieux sont renommés, s'y faisait
entendre dans la grande salie des Halles.
Dans la matinée, la plupart des artistes
gantois étaierrt arrivésetadmiraient les beaux
édifices de noire ville. Mais, ce ne fut qu'k
2 1/2 heures qu'eut lieu la réeeption dans la
salie d'iUiente de l i gare. Les Mélomanes s'y
groupèrem amour de leur distingué Prési
dent, M. le notaire Van Zantvoorde qui, dans
sa réponse aux courioises paroles de bien-
venue adressées par les organés de l'autonté
communale et de la commission des Fêtes,
mil en relief Se but essentiellement et, exclu
sivement ai tistique de la soirée.
Puis, pour les introduire en corps, un
cortège se riérouia, comprenant la Fanfare
Royale, la rausique desOrphelins, la musique
des Pompiers de Poperioghe, l'Orphéon
d'Ypres, la Fanfare de Voormezeele, l'Har-
raonie de Wan êtozi, 1 Harmonie communale
d'Ypres, un peloton de Pompiers dont ie
restant du corps form ut la baie.
Dans toutes les rues de la ville un grand
nombre de maisons étaient pavoisées malgré
le mauvais temps, tnalgré aussi d'indignes
manoeuvres poiitiques dont nous parierons k
part.
Plusieurs musiques de l'arrondissement
étaient retenues chez elles, k cause des ker-
messes locales les kermesses des 18 vil
lages Au dernier moment, le déeès de
M. Delva, Bourgmestre de Wervicq,empêcha
deux sociéiés de eet te ville de participer au
cortège.
A trois heures, les 225 Mélomanes furent
repus k l'Hótei de Ville par le collége des
Bourgmestre et Ecbevins, les conseillers
communaux, les membres de la commission
des fêtes, les jeunes commissaires el les
Présidents et Directeurs des sociéiés parti
cipates.
M. Golaert, au nom de la ville, ofFrit le
vin d honneur et but aux Mélomanes, leur
souhaitant la bienvenue en termes chaleu
reux, auxciuels M. le Président Van Zant
voorde répondit avec la plus grande cor-
dialité.
Entretemps,les amateutsde belle musique,
qui étaient accourus sur le parcours du défilé
et k la Grand'Place, attendaient l'ouverture
du Concert. j
Entrons dans la salie. De prime abord
cette vaste salie de 125 mètres de long sur
13 de large et environ 15 de hauteur k la
flècbe, sous voüte ogivale en bois, avec toute j
sa forêt de poutres et de solives, semble j
impropre aux séances aiusicales. Contre toute
apparence elle est d'une excellente acousti-
que, d'une sonorité pleine et monopbone,
sans répercussion d'écho ni de bourdonne-
ments.
C'est dans cette salie, la plus vaste et ia
pius grandiose que nous counaissions, que
la société musicale la plus nombreuse et la
plus renommée du pays va se faire entendre.
Pas de drapeaux, aucun décor, rien qu'un
velum au dessus de fimmense estrade, et,
sur les cöiés de eelle-ci, quelques ar bustes k
cöté des deux lions tradittonnels. L'éclairage
k giorno fait ressortir toute la grandeur,
toute la saisissante beauté de la salie Pau
wels, et coatraste singulièrement avec la
lumière du jour qui se répand k travers les
fenêtres ogivales des salles suivantes.
Le public peu k peu envahit la salie et
s'assied sur les mille chaises rangées dans
l'enceinte. Gette première assistance est vrai-
ment choisie c'est la bonne société de la
régiori, ceite qui cultive l'estbétique et l'art,
cells qui sait apprécier le beau avec connais- satisfaite
sance de cause. Sous le befïroi, des chuis s
et des bancs encore, pour le brave peuple,
avideduu régal artistique. Enfio, dans la
salle Delbeke, s'entassa le puolic qui forcé-
ment dott rester debout, et ou 1'on remarqus
beaucoup d'amateuis qui, lors du concert
Blockx, ont constaté que la distance, dans la
longue enceinte, n'a aucun empire sur
1'effluve musicale.
Tout se passe dans l'ordre le plus parfait
et dans la joie la plus tranche. Güacuu peut
savourer k loisir le nectar d'Apoiion sei vi k
pleines coupes par les Mélomanes royaux et
leurs lllustres compagnons.
Nous u'avons pas la préiention de nous éri-
ger en eenseur dans Pappiéciation du concert
et rnieux que personiie nous nous souvenons
que la critique est aisée autant que 1'art 1'est
peu, D'autre part, comme toujours les per-
sounalités emportent avec elles un cachet
agressifjious nous en abstiriudrons.Pourtant,
nous satisferons k noire devoir de journaliste
en prenant la liberté de narrer siapleiaeat,
selou ia véi'ité.
Dans Fame d'uti chef se trouve le talisman
des revers ou des victoires, et moins ia force
matérielie contribue k la conquêie, plus les
faculiés de l'koie doivent y propuisei. Pout-
la musique, et suriout pour le ciiant, ïi taut,
outre la coonaissance de Kart, I'intelligence
des paroles et la délicatesse du sentiment.
Un bon caanteur n'est pas celui qui émet avec
ryttime, mesure et tonalité les sons musi -
caux, taais bien celui qui joint k ce strict
nécessaire les fluctuations passionnelles et la
mimique que comporte sou récitqui, mieux
encore, fera vibrer la sensibiiité de son
auditeur au diapason de ia sienne et fera
passer dans tout l'auditoire le frisson qui le
glace, la crainte qui l'épouvaute, 1'augoisse
qui i'étreint, la terreur qui le eonsterne, la
douieur qui l'abat, la peine qui 1'afflige, 1'es-
poir qui t'anime, le calme qui le repose, la
gaieté qui le réjoutt, l'amour qui l'enivre, le
plaisir qui Tébaudil, l'allégresse qui l'exalte
et communique enfin k ceux qui 1'entend.ent
toutes les émotions dont son ame est succes-
sivement péaétrée.
Combien plus, k fortiori, pour diriger un
choeur, faut-il posséder cette sensibiiité se
lecte, afin d'en commuuiquer le souffle vi-
goureux qui fera juiliir daces moteurs s u-
sationnels variés, 1'effluve puissante qui sou
tiendra toute une salle, bondée d'ames im-
pressionnanies, sous le cüarme demotions
intimes etpiofondes.
Aussi les Mélomanes de Gacd peuvent lis
se féuciter d'avoir dans leur directumM.
Liévm Duvosel. lout jeune encore, une ame
d'élite, virile, véiitable sensitive mélodique,
qui semole cueillu de leuis lèvres les suns
nuancés, zépbyrs ou aqu.lons, gémissem.-nts
ou clameurs, doux murmures ou gais écluts
qui composent daus leurs multiples et riches
combinaisons, ces spiendides exécutioas
qu'on appeile La Tempête, Quand sous le
sombre voile Vlaamsche Nacht, Germinal,
Ads,
11 fait c tie cueillette avec modestie, so-
bné.é de geste, comme en familie, avec
grace et amabilité, se servant presque plus
des yeux et des lèvres que des mains et du
corps, présente enfin sa riche corbeille avec
uu fia sourire, k l'ussistance émervdFdj et
N jus devons une mention spéciale pour la
fi idu cuoeur Vlaamsche Nacht qui est
admirablement beau. Tout auditeur a pu
r« t. ..rquer combien les consonnances pho-
niqu.-s cte la poésie fLimande s harmomsent
avee le rhythme de la mélodie musicale.
C'ét,-it vrmment comme ur.3 main de fée
gantée de son merveilleux reflet, tellecnent
ies paroles, si riches d'expressions et de sen
timents, s'adaptaient aux phrases narmoni-
ques de la magistrale composition. Oui, cette
laiigue reeèle dans son vocabulaire un tréso:
qui renforee et rehaussa encore le charme
puissaut et fascinateur de l'art musical. Aussi
le pubiic enthousiasmé, captivé par l'éner-
gique et umjestueuse beauté da ce cr.aat,
l'u t-il acclamé, bissé et longuement applaudi.
Honneur k la chorale mixte
Que dire maintenant du violoniste et des
solistes
M. Drabbel sail tirer de son violori des
trésors de mélodie, des sons harmorueux;
son coup d'arohet est d'une süreté sans égale;
son doigté d'une souplesse et d'une exactitude
qu'uti long exercice peul seut assurer. Tou
tes les positions lui soat familières et n'aliè
rent en rien la mi jesté de son maintien. 11
n y a eu aucune note éraillé aucun fröl -
ment de cordes dans les morceaux qu'il a
xéeuiés avec art et en maltrt consommé.
Son violon parle véntablement et il n'y a,
semble-t il, qu'k lui fournir l'occasion de
ressembler k Pagamni pour qu'il renouveile
au XX siècle ce prodige d'autrefois.
Quant k Mademoiselle Mercier, il suffii de
due que l'ampleur, Féteiidue, ia pureté et la
clarté de sa voix dépassent de beaucoup ia
spleudeur, l'élé ance et l'éclat de sa parure.
Pnilomèle n'a plus de secrets pour elle, on
s'y troinperait si comme l'oiseau elle pouvait
se blottir dans l'aubépine embaumée.
M. Van der Haegen est un ténor réelle-
meot artiste. La diction est si pure, si so
nore que pas une syllabe- s'échapne k l'oreille
préoccupée. Ses fluctuations, ses modulations
sont si ratiormelles, sa mimique si naturelle
a que l'auditeur vit son chant avec lui. C'est un
jj modèle justement proposé k ses émules et
I élèves.
I Dans le grand air da Patrie, parfaitement
1 interprêté par M. Bafroey, l'ampleur de la
i phrase musicale est en harmonie avsc la
grande idéé de liberté. Nous avons seiri
i riotre kme Irémir sous la vibiation de la male
diction du chanteur.
Enfin, lesexercicesde bassede M. Parmen-
tier nous ont révélé, k la fois, la fatigue et
les difiicultés de ces morceaux, en mêuae
temps que le puissant organe et le talent du
chanteur.
Nous passerons sous silence fair de bal
masqué; le sujet n'est pas fait pour séduire.
Mais nous devons reconnaitre que M. Van
Den Hoeck jouit d'une voix forte qui est
parvenue k vaincre avee aisance les difii
cultés de i'oeuvre.
En résumé, briljante soirée, pleine de
sujets d'admirations pour les deux mille
amateurs de la ville et des environs. Aussi
M. le Bourgmestre a-t tl été l'interpréte des
sentiments unanimes de ses coicitoyens, en
offrant aux artistes, en la personne de leur
Direc ur an strperbe bouquet de fleurs et de
félicitations et en remettaut au Président des
Mélomanes, une médaille en vermeil portant
d'un cöté nos magnifiques Halles et de l'autre
UD0 inscription en souvenir do lour oxcur-
tion k Ypres. Comme M. Colaert, et avec
lui nous osons espérer qu'ii nes écoulera plus
t- ente ans avant que nous ayons le bonheur
de les revoir et entendre.
Notre récit de la fête du 13 Septembre
serait incomplète, si nous ne mentionnions
le concert donné k midi au Kiosque de la
Grand'Place, par l'Harmonie Communale de
Warneton, qui s'est grêcieusement mise k la
diposiüon de la ville d'Ypres pour nous
faire entendre quelques morceaux choisis de
son répertoire, et quajusw titre M. l'Eche-
vin Struye a remerciée et félicitée. Malheu-
reusement, pendant l'exécution la pluie a
dispersé le public, qui était venu admirer la
phalange wallonne.
La Flandre Libérale a re-u d'Ypres
uue correspoudauce, dans laquelle un
liberal de notre ville qualifie la fète
des Mélomanes une fête politique.
Le Progrès reproduit cette corres-
pondance, mais sans dire qu'elle vienf
d'Ypres mêrne. 11 va plus loin que ia
Flandre liöéralej il reproduit mêrne
les comment aires que le Journal de
Grand, i orgnne de Tuitraradicalisme
ajoute a la lelt re de la Flandre
lndignes manoeuvres de la dernière
heure pour empêcher les Mélomanes
de venir douner leur concert
^aissons ia parole au Procfrès
Sous ce titre. la Flandre libérale
Septembre publia la lettre suivaMa
reproduisons sans commentaires
Dans une récente séance du conseil com
munal d'Ypres, l'hoaorabls M. Golaert a an
nonce que les Mélomanes, de Gand, avaient
sollicité I honneur de se faire entendre eu
'antique capitals de la Wrst-Flandre.Gnacuu
Ie c- ue, et le trés ciérical consei! cocumuaal
accorda saus sourciller k soa suave maïeur
les crédits nécessaires pour recevoir notra
vaillant orphéon.
Depuis lors, la vérité s'est fait jour. Tout
le monde san maintenant que les cléricaux
yprois, en invitaot les Mélomanes, ne pour-
suivenl d'autre bui qua d'attéouer 1 immense
impression produite sur Ja population
yproise, par la grande anifestation libérale
du 30 Aoüt d mier, et de préparer l'élection
du 18 Octobre.
Voilk ce que Pon a caché aux Mélomanes,
et voila ce que nous tenons k leuc dire.
du 11
que nous
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