Samedi 31 Octobre 1903
10 centimes le
N° 8799
TOUSSAINT
Neutralité scolaire
33® Annéi
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Quel homme intelligent, capable de réflé-
cbir et de sonder sou être, oserait soutenir
cette insane objection que la conviction
catbolique est édifiée sur des hypothèses
Vous matérialistes,qui d'ailleurs vous vous
condamnez vous-mêmes par chaque juge-
ment, par chaque pensée que vous énoiicez,
étes vous done une bypolbèse Nous croy-
ants spiritualistes, qui vous réfutons, s na
mes nous aussi des fictions systéraatiques
Vous convenes, n'est-il pas vrui, que indu-
bitablement vous êies, vous qui tie voulez
même n'être que tnatière et vous me per-
mettez, malgré la pitié répulsive que m'in-
spire voire volontaire avilissement, de ne
voir en l'bomme, tel que vous le voudriez,
qu'un être matériel propuiseur et moteur.
Get homme, quelque amoindri qu'il soit,
peul faire des oeuvres matérielies dans les-
quelles il fera passer tout ce qu'il a de giace,
de dextérité et de force, de fagou que sa
production soit ie reflet de son être, dans la
plénitude du possible, et puisse, en quelque
sorte être le prolongement, la perdurance
de lui même.
Ce sentiment maiérialiste n'est pas une
nouveauté dans ia nature humaine. Nulle-
ment, j'ai le regret de devoir vous enlever
encore cette illusion de votre progrès inven-
tif. Les érecteurs des immenses nécropoles
de Babylone, des eolossales pyramides
d'Egypte, des sarcophages gigantesques dont
les vestiges se trouvent aux pays, berceaux
des humains, n'ont fait qu'éructer de leur
fond cette notion matérielle de leur grandeur.
De tous temps les artisars ont laissé sur
les matériaux divers les traces de leurs facul-
tés physiques. (Je ne puis faire injure ici aux
artistes, qui ont imprégné de leur pensée
idéale les objets palpables.en les assimilunt k
ceux qui n'ont point la notion spiritualism).
Aujourd'hui encore i'fiomme qui plaate veut
faire une oeuvre durable dont il tirera quelque
avantage l'homme qui construit souhaite
jouir deson travail et en léguer la jouissance
it ceux qui le suivront. II n'y a que l'insensé
qui édifie sur le sable, pour détruire ou dé-
vaster.
L'homme normal, purement etsimplement
matérialiste, opère en vue de la conservation
et de la jouissance de son oeuvre sous peine
d'encourir une juste disqualification.
Eh bien, l'Eglise, en la fête de la Tous-
saint, nous enseigne que sous ce point de
vue encore l'homme est fait k l'tmage de
Dieu qui, Lui aussi, veut conserver ses
ceuvres, son chet d'eeuvre surtout.
Nul homme intelligent ne vcudrait contes-
ter l'existence d'un Créateur. Mais, lk fran-
chement, le Gréaieur peut-il être moindre
que sa Gréature ne serait-il aussitót disqua-
lifié Et ne serait-il pas inférieur k l'homme,
même uniquement moteur matériel, s'il n'a-
vait le désir et la puissance de conserver les
plus signalées de ses oeuvres. G'est évident,
Dieu Créateur doit vouloir et pouvoir garder,
même matériellement, les hommes, ses ima
ges. D'oü découle naturellement la résurrec-
lion des corps et, par justice immanente, la
glorification éternelle de ceux qui se sont
modeléssur le divin Prototype de l'humanité.
L'homme raisonnable qui n est pas asservi,
mais libre, peut trouver en sa nature non
seulement des motifs sérieux decroire, mais
crème les fondements de la plus inébranlable
conviction.
Immuable dans son essence, Dieu opère
dans ses oeuvres et dans ses dons par super
position et non par substitution. Au lien
naturel qu'il avait établi entre le premier
homme et Lui et qui constituait la religion
naturelle, il a superposé le lien surnaturel
nécessaire h sa réhabilitation, mais sans
üéiruire le lien naturel par lequel l'homme
pout encore s'acherniner vers Dieu et entre-
voir les sublimes et ineffables harmonies qui
existent entre le Créateur et sa créature.
C'est par lk qu'il ménage, aux hommes de
bonne volonté l'accès des profondeurs
inabordables receiées dans laloi de crainte et
des splecdeurs inouies accumulées dans la
loi d'amour.
O homme, qui que tu soissonge en ce
jour qu'exalte l'Eglise,k ta persoonelle indes-
tiuctibiliré sache bien que même matériei-
lement tu dois perdurer pour répondre aux
vues du Créateursache surtout que ce Dieu
dont tu dépends t'a donné une intelligence
pour Le connaitre et que pour te faciliter
cette connaissance il a revêtu ta nature du
sceau divin de son image.
Nous empruutons au Bien Public
['excellent article de fond, paru daus
son numéro d'hier, en le recomman-
dant a l/attention des pères de familie
et de tous ceux qui pensent.
Nous avons mis, il y a quelques jours,
sous les yeux de nos lecteurs un document
significant et décisif, dévoilant le fond de la
neutralité scolaire et officielle.
II s'agissait d'une circulaire, adressée par
un inspecteur de l'enseignement primaire
en France aux instituteurs de son ressort. La
neutralité scolaire y apparaissait sous son
véntable jour, c'est-k dire comme le masque
d'une hosulité persévérante et systématique
contre la religion.
En ouvrant hier les juurnaux francais,
neus y avons trouvé un texte plus complet
de ce témoignage irrécusable, accompagné
da détails qui achèvent d'en préciser la signi
fication. 11 nous parait utile d'y revenir.
Voici done les instructions que M. l'in- j
specteur Dequaire-Grobel a adressées aux j
instituteurs et aux institutrices laïques de
son ressort, dans le département de la Man
che
Le but de l'école laïque n'est pas d'ap-
prendre k lire, k écrire et k compter non,
elle est un engin de guerre contre le catholi-
cisme.
L'école laïque a pour but de former des li-
bres penseurs.
Lorsque, a treize ans, il quitte les bancs
de l'école, l'élève laïque n'a pas profité de
l'enseignement de ses maitres s'il reste
croyant. L'école laïque n'aura porté ses fruits
et donné sa juste mesure que si l'enfant est
débarrassé du dogme, s'il a renié la foi de
ses pères, s'il a renoncé k ia foi catholique.
L'école laïque est un moule oü l'on jette un
fils de chrétien et d'oü s'échappe un renégat.
Comme les choses n'iraient pas assez vite,
k notre gré, pour qua l'apostasie soit géné
rale, nous nous emparerons du monopole de
l'enseignement-, alors force sera aux families
arriérées de nous confier leurs enfants, nous
ne croirons rien leur avoir appris tant qu'ils
ne seront pas en révolte contre le clergé.
Votlk doncce qui se cache au fond de la
neutralité scoiaire
Les aveux contenus dans ia circulaire
officielle de M. Dequaire sont tellement
cyniques et apparaissent, k certains égards,
comme tellement maladroits qu'on serait, k
première vua,tentéde douterde leurauthen-
ticité. 11 me faut pas oublier, toulefois, que
ces préceples pédagogiques étaient exclusi-
vement destinés k des initiés, prêts k secon
der avec docilité la pensée gouvernementele.
Voilk déjk plusieurs jours qu'ils sont tomnés
dans la publicité. Or, aucun démenti a'est
venu les atteindreaucune rectification
même n'est venue en atténuer la portée.
D'autre part, les instructions de l'inspecteur
scolaire de la Mancue ne sont que le décalque
fidéle du programme de la Franc-magonnerie
en ce moment toute puissante en France. II
n'est done que naturel que ce qui se dit au
haut de l'écbelle gouvernementale se répète
aux degrés inférieurs de la hiérarchie admi
nistrative. Le langage des journaux ministé-
riels etles fails les plusnotoires démontrent.
d'ailleurs, que le mol d'ordre dont un
fonctionnaire, zélé et sans doute soucieux
d'avancement, s'est fait l'écho - s'exécute
un peu partout.
Lorsque nous avons, une première fois,
opposé eet irrécusable témoignage aux
journaux libéiaux de notre pays, ils ont
cherché k l'éluder par de vaines échappatoi-
res, en soutenant entre autres que la situation
de la Belgique diffère beaucoup, au p ;int de
vue scolaire surtout, de cells de la France.
Nous en convenons sans peine.
Ainsi nous admettons que le tempérament
catbolique beige est beaucoup plus solide et
plus résistant que le tempérament catholique
franpais.
Ainsi encore, nous confessons, avec une
certaine fierté, qu'ayant conquis la liberté
d'enseignement et sachant nousenservir avec
succès, nous sommes capablesde la garder et
de victorieusement la défendre.
C'est pourquoi les catholiques beiges étant
au pouvoir depuis prés de vingt années, nous
sommes persuadés qu'aucun inspecteur sco.
laire ne se permettrait d'écrire ou même de
parler aux instituteurs, ses subordonnés,
comme le F. Bequure-Grombel vient de le
faire en France.
Et, même sous un ministère libéral, les
fonctionnaires les plus zélés redouteraient,
pensons-nous, de tenir un pareil langage. Le
pharisanisme doctrinaire a un certain proto
cols hypocrite k observer. Ne faut-il pas sau-
vegarder les apparences? Ne faut-il pas éviter
surtout de froisser trop vivement l'opinion
publique dans un pays religieux comme le
nótre La stratégie, la plus élémentaire dans
de telles occasions, ne conseille-t-elle pas k
la Franc-magonnerie de poursuivre son plan
discrètement.entapinois, sansrien en dire?...
Oui, cela 6St vrai Mais il n'en demeure
pas moins acquis non plus qu'k part ces con
cessions faites k Topportunisme et k la tacti-
que, la Franc-magonnerie beige et la Franc-
magonnerie frangaise visent, en matière
scolaire, absolument au même but. Ce que
nos adversaires libres-penseurs, radicaux ou
socialises n'osent pas dire ouvertement, ils
n'hésitent pas le moins du monde k l'accom-
plir sournoisement.
Sans doute, dans les documents officiels,
ils répudient toute tendance irréligieuse et
iis afficbent un scrupuleux respect de la
liberté de conscience. Mais ne savons-nous
pas que, dans le secret des Loges, ils tiennent
un tout autre langage et que le F. Van Hum
beek, entre autres, l'auteur de la loi néfaste
de 1879, qui, lui aussi, parfait de neutralité
et d'impartialité, proclamait sans vergogiie
devant le Grand Orient que son véntable but
était de déchristianiser nos jeunes générati-
ons et de rouler dans la fosse le cadavre du
eaiholicisme? Même, sous Ie cabinet actuel,
tous les instituteurs des communes iibérales
ne sortent-ils pas d'écoles normales oü ils
som initiés a la franc-magonnerie et spéciale-
mentdressésk« arracber desamesk l'Eglise?»
Pourquoi enfin nos adversaires de toute
couleur et de tout plumage ont-ils voué k
l'euseignement catholique et libre une haine
de prédilection S'ils étaient, comoie ils le
prétendent, de sincères partisans de l'instruc-
tion populaire, ils devraientse réjouir de voir
des enfants chrétiens recevoir une éducation
chrétienne. Mais non G'est précisément le
contraire qui est vraile libéralisme cherche
bien moins k dissiper l'ignorance qu'k oppri-
mer la liberté, et ce qu'il apprécie dans les