ORGANE
DE L'ARRONDISSEMENT
Mercredi 24 Février 1904
10 centimes Ie N°
Année 39 N° 3822
T7I
Cercle Catholique d'Ypres
Réclamation libérale contre
l'élection communale
du 7 Février 1904
y.
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Séance académique
Nousapprenons que M. Fraeijs, Président
du Cercle Catholique, vient d'inviter les mem
bres du cercle et leurs families, k une séance
académique, qui sera donnée par la section
dramatique de la Jeune Garde de Courtrai,
le Dimanche 28 Février, k 6 heures du soir,
k la Salle de Spectacle.
A Messieurs les Président et Membres de
la Députation permanente de la Fiandre occi
dentale,
BRUGES.
3 Annexes
Ypres, le 13 Février 1904.
Messieurs,
Nous soussignés, électeurs communaux de
la ville d'Ypres, avo.s l'honneur de formuler
la présente réclamalion contre l'élection com
munale qui a eu lieu k Ypres le 7 bévrier
1904.
D'après les résultats proclamés officielle-
ment par le bureau principal, le chifïre des
votes valables a été de 4472 et la majorité
absolue flxée k 2237.
MM. Lemahieu et Vandenboogaerde, can-
didats de la liste n' 2 (cléricale), ont obtenu
chacun 2428 voix, soit 191 au-dessus de la
majorité absolue. Les candidats de la liste 1
(libérale) ont obtenus M. Nolf, 2024 voix,
M. lweins, J 992 voix.
Le 18 Octobre 1903, MM. Lemahieu et
Vandenboogaerde obtenaient chacun 2236
voix, M. Nolf, 2144 voix, M. lweins, 2074
voix.
La difïérencc entre ces chiffres et ceux
obtenus le 7 Février est absoiument anor-
male, ne peut être attribuée k un revirement
de ropiniou publique, mais est au contraire
le résultat de manoeuvres frauduleuses et
d'actes de pression et de corruption mul
tiples.
En effet
1') Le gouvernement provincial a envoyé
k l'Hótel de Ville d'Ypres un paquet conte-
nant, d'après la lettre d'envoLÖ350 bulletins
de vote. Ce paquet a été remis au bureau
des Hospices cü il a été ouvert. Quand le
secrétaire du bureau principal,secrétaire des
Ho3pices, a remis les bulletins de vote k
I impression, l'iraprimeur, M. Lambin, lui a
fait observer que trois bulletins manquaient,
il n'y en avail plus que 5347 au lieu de 5350.
Le nombre des bulletins électoraux
comptés dans les neufs bureaux de vote
avant les opérations est exactement 5281.
II y a eu cependant 5347 bulletins imprimés.
Que sont devenus les 66 bulletins qui for-
ment la différence?
La caisse contenant les cachets a été
ouverte k l'Hótel de Ville avant d'être remise
k M. le Piésident du bureau principal.
L'Association libérale, avisée dès le Same
di, veille de l'élection, qu'il serail fait usage
i du bulletin voyageur, a donné k tous ses
■j témoins l'ordre formal de demander, avant
le commencement des opérations des bureaux
de vote, que tousles bulletinsfussent para-
phés par n'importe quel membre du bureau
ou tout au mains doubicment estampillés.
Cettedeamide, actée dans tousles procés
verbaux, a été rejetée par tous les bureaux
cornposésen majorité de cléricaux.
Ajoutez k cela que M. le Président du
bureau principal a cru devoir envoyer des
instructions extraordinaire,s a tous les prési-
dentsdes bureaux de vote, instructions con-
gues dans les termes que votci
Ypres, le 5 Février 1904.
Monsieur le Président,
J'ai 1'bonneur d'appeler voire attention sur
les points suivants
Veiller tout spécialement k ce que les
électeurs remettent leurs bulletins un d un
et constater que le nombre est bien le mèrne
que celui des billets rtgus, et que le timbre
est le raême aussi.
M M. les présidants, membres du bureau
et témoins voudront bien constater avant le
commencement des opérations, que la botte
close au moyen d'une ficelle cacbetée, con-
tient un tampon neuf, une fiole d'encre rem
plie et le timbre k date.
Le Président du bureau principal,
(S.) Fekd Van Daele.
Instructions louables qui, quoique obser-
vées par les bureaux de vote, peuvent avoir
été facilement éludées avant le commence
ment des opérations.
Dans tout ce qui précèie, vous trouverez
un ensemble de circonstances qui rendent
vraisemblablcs les renseignements fournis k
['Association et justifient une enquête sur Ie
point de savoir s'il n'y a pas eu contrelagon
ou süustraction de bulletins électoraux.
2°) Les fails de pression et de fraude ont
été nombreux et se constatent notamraent
a) Par la présence dans les urnes de plus
de deux cents bulletins cléricaux marqués de
fagon suivante
1" Vote dans les deux cases latérales de la
liste n' 2.
2° Vote en tête de la liste a* 2 et dans les
deux cases latérales.
Ges bulletins marqués d'une fagon anor-
male out été imposés k des électeurs, sous
menaces, sous promesse d'argent, deisecours,
etc., faits que nous prouverons a l'enquête.
Ges bulletins, par leur grand nombre, in-
diquant un sysième de votation imposé et
dénotant urie combinaison précongue, ne
pouvaient être accueillis comme valables.
Geci est du reste conforme k la jurisprudence
de la Députation permanente de la Fiandre
occidentale qui, statuant sur la validation des
élections communales de Kerkhove du 18
Octobre dernier, a annulé neuf bulletins de
ce genre favorables aux candidats libéraux.
Le fait signalé est d'autant plus caractéris-
tique que le 18 Octobre 1903 le nombre de
ces bulletins k Ypres était insignifiant.
bPar la présence dans les urnes de nom
breux bulletins cü les électeurs, sous pré
texte de noircir le point clair central de la
case sous le n° 2 ont fait en réalité et inten-
tionnelletnent un grand rond noir. Ges bul
letins, tous nuis, (voir Edm. De Bock, guide
pratique pour les élections législatives, 13'
édition, p. 99 n° 326 5) ont été admis k
tortcomrne valables, de même que d'autres
qui portent une marqué évidente.
c) Par la présence dans les urnes de bul
letins dont .le point clair central de la case
sous le n° 2 est f or temen t frotté et portent
au verso la déteihte du contróle employé.
d) Par la contrainte subie par les vieiilards
hospitalises des Hospices qui, sous menace
de renvoi, ont été forcés de voter pour la
liste cléricale. La veüie dé 1 election,k partir
de 15 b', il leur a été défendu de sortir des
établissements. On leur y a distribué des
couques et des pintes de bière avec promesse
de leur dormer davantage encore si le résul
tat de l'élection était favorable k la liste clé
ricale. Ces vieiilards ont été conduits au
serulin, soit en voiture soit k pied, accompa-
gnésde jeunes gardes cléricales.Geux d'entre
eux qui ont dü voter avec un certificat médi-
cal ont eu un guide imposé. II ne leur a pas
été permis de se faire accompagrier de pro-
ches parents voire même de fils qui
s'ótaient présentés pour les conduire au
scrutin.
e) Par le refus opposé aux proches des
électeurs en traitement k l'Hópital civil
d'être admis k conduire leurs parents k
l'urne électorale. Les religieuses de l'Hópital,
dont l'une d'elles est la soeur d'un candi
dal clérical, M. Lemahieu, ont même été
jusqu'k refuser l'entrée k des enfants allant
faire visite k leur père et munis de la
lettre de convocation k l'élection. Elles
ont fait conduire des électeurs au scrutin,
k l'irisu de leurs parents qui avaient
manifesté la vulonté de les accompagner.
f) Par les menaces faites par M. Colaert,
bourgmestre de la ville d'Ypres, lors de ia
reunion électorale du Volkshuis du
24 Jmvier, et reproduites dans les jour-
naux cléricaux locaux (voir annexes 1 et
2). Ges menaces out fait l'objet d'un ma
nifeste clérical distribué k foison en ville
(voir annexe 3).
g) Par le fait que des électeurs qui ne
soat ui aveugles ni infirmes ont été con
duits au scrutin par des agents électoraux
cléricaux. 11 s'e3t même trouvé un élec-
teur qui a déciaré, k la demande du témoin
libéral, avoir été contraint d'accepter comme
guide la personne qui l'accompagnait.
h) Par le fait que des cléricaux nota
bles, rêvètus d'un mandat public, ont ubusé
de leur situation pour imposer leur volonté.
11 s'en trouve qui se sont présentés cbez
des électeurs les menaganl de leur retirer
leur modeste emploi et de leur enlever
une partie de leur clientèle s'ils ne votaient
pas pour ia liste n° 2.
i) Par l'aveu fait publiquement pat' des
cléricaux notoires qui se sont vantés d'avoir
acheté le corps électoral.
j) Par l'adfuission comme ouvriers de la
ville, la veille et le iendemain de l'élec
tion, des électeurs Vandevyvere Charles,
Philyps Emile, Vermeerscb Servais, Ther-
ryn Ch'-L', Garlier Adolphe et Desmet.
k) Par le fait d'un nommé D. B., agent
électoral clérical, qui, accompagné d'un fils
de M. C., s'est introduit cbez l'électeur et
dans un but. facile k comprendre, k surpris
sa bonne foi en se faisa.ni passer pour le
fils de M. Nolf.
I) Par les beuveries organisées dans les
es'.aminets par le parii clér ical. Les chefs
de bandes dépensaient sans compter et
jetaient des pièces de cent sous sur le
comptoir en paiement de quelques verres
de bières seulemont. Des agents électoraux
s'en allaient scheler les votes des électeurs
et avouaient cyniquement qu'ils avaient de
l'argent k foison.
m) Par le fait que pendant toute la période
électorale le règlement communal sur le jeu
des orgues et la danse n'a pas été appliqué,
des dispenses nombreuses ayant été aecor-
dées.
n) Par le fait que durant douze jours
et douze nuits précédant l'élection, des
ouvriers, électeurs ou parents d'électeurs,
ont, en grand nombre, été chargés, moyen-
nant une forte rétribution, d'exercer 1 'inutile
besogne de surveiller les abords de toutes
les maisons occupées par des libéraux no
toires de la ville et même de suivre ceux-ci
dans les rues.
o) Par le fait que la plupart des certificats
médicaux qui ont été délivrés aux électeurs
sont sujets k caution.
Dans un but de moralité publique nous
vous demandons, Messieurs, avant de statuer
sur la validation des élections d'Ypres, d'or-
donner une enquête sur les faits que nous
vous avons sigualés ci-dessus et sur tous
autres que nous vous indiquerons en temps
et lieu.
Nous vous prions de décider que votre en
quête sera publique, contradictoire et faite
sur la foi du serment, pour, après, être par
vous statué comme il appartiendra.
Nous adressons la même demande d'en-
quête k Monsieur le Procureur Général.
Agréez, Messieurs, l'assurance de notre
considération distinguée.
Aug. Brunfaut,
Président de l'Association libérale.
Arth. Dal mote,
ff. Secrétaire d® l'Association libérale.
11 suffit de publier le texte de cette récla
mation pour en faire justice.
Cbaque fait est mensonger, inexact ou
su j f t k caution.
Nous retoverons., dans notre proehain nu
méro. qu Iqu-s inepties que nos lecteurs
ou - oei déja no'ées.
Remarquons du reste que ce no sont ni les
candidats ni l'association libérale qui récla-
ment. Ge sont deux électeurs d'Ypres qui
s'affublent da la qualité de Piésident et de
ff. Secrétaire de l'Association. Ils n'otn regu
aucuu mandat k eet effet.
Remarquons encore que le Progrès se
borne k enregistrer le document, qui passera
k la postérité.
Remarquons enfin que MM. Brunfaut et
Dalmote ne demandent pas l'invalidation de
i l'élection. lis concluent k une enquête, et
j seront trés heureux d'apprendre que leur
demande est rejetée.
JOURNAL