Actes officiels Les millions des chartreux La brochure accusatrice A éclaircir substituer au terme choquant d'aliiauee. Car il taut une périphrase pour rassurer la bourgeoisie,que l'alliance brutale alarmerait. C'est de périphrases que le libéralisme a tou- jours nourri ses dupes. Pour les uns, il s'agit nor. dalliance, mais dun cartel entre tous les anticléricaux pour d'autres, il n'est point question de cartel, mais d'une combinaison destinée h faire élire en tout cas un anticatholique pour d'autres encore, il n'y a ni. alliance, ni cartel,ni com binaison quelcocque, mais une action paral- lèle, rien de plus. Enfin la Ghronique propose une nouvelle étiquette sociaüstes et libéraux devraient, d'après elle, se considérer comme des colla borateurs On s'est trouvé d'aceord pour bous- culer le cléricalisme, écrit-elle. On a fait de bel et bon ouvrage. Un confrère a trouvé le mot de la situa tion. C'est, a-t il dit, une politique de Socialistes et libéraux ont marché unis en une mêrne troupe assaillante, ou, du moins, quand ils n'ont pas confondu leurs rangs, ils n'ont pas tiré les uns sur les autres. Qh et IL y a eu quelques fausses manoeuvres, mais le mouvement d'ensem- ble est bien tel que nous le caractérisons ici. II faut que cette excellente tactique continue. Catholiques, eoraprenez et serre,z vos rangs pour faire face h cétte collaboration anticatholique. Par ariêté royal du 12 Juia 1904, la rési- dence de M. A. De Tavernier, notaire k Lan- gemarck, est transférée h Poelcapelle. En attendant la nomination de la Com mission d'enquête ordonnée par la Chambre, les renseignements, les explications, les cömmentaires et aussi, les hypothèses affluent dans les journaux. Pour l'intelligence des citations que nous allons faire, il import's de bien considérer qu'ilyadeux affaires bien distinctes dans les tentatives de chantage dont les Char treux ont été l'objet, ceile des deux millions et celle du million. Cette distinction est du reste établie dans ces extraits de la brochure Derniers jours passés k la Grande Chartreus dont l'auteur, comme nous l'avons indiqué bier, est uri Père Chartreux öavriLM. Joseph Besson, directeur du Petit Dauphinois peu suspect, hélas de cléricalisme, avait mené une magnifique et longue campagne en faveur de la Grande Chartreuse, en se placant au seul point de vue des intéréts du Dau- phiné. Or, depuis quelques jours, il publie dans son journal des révélations carieuses au sujet d'une tentative de chantage fait auprès de lui par les agents d'un gros person- nage politique qu'i! ne désigne encore que par la lettre X. On lui aurait promis que moyennant un million, i'autorisation serait accordée par la Ghambre. La presse entière ne parle plus que de l'affaire du million On s'attend k de graves incidents, car M. Besson promet d'écrire les nomsen toutes lettres et réclame, d'ores et déjh, la Cour d'assises, puisque le principal inculpé est un personnage offi- ciel. Par suite d'indiscrétions, voulues eertai- nement, les journaux donnent h entendre que l'X en question ne serait autre que M. Edgar Combes, fils du président du Conseil et secrétaire général du ministère de 1 Inté rieur. En note le Chartreux ajoute Cet essai de chantage fait auprès de M. Besson nelutqu'une tentative au rabais Dans les premiers jours de mars, notre Révérend Père lui-même, se trouvant k Fourvoirie, dut subir quelques propositions faonteuses de la part d'un important per sonnage politique On assurait h Sa Révé rence le vote de I'autorisation, moyennant 1° Vérsement immédiat de 200,000 francs pour décidar les membres d'un groupe influent de la Ghambre 2° Versement de 2,000,000 francs (deux millions) après le vote. Nous ne craignons aucun démenti pour cette information. Les declaration du Père Rey Des lignes qu'on vient de lire, il est bon dsrapprocöer le texts de cette conversation que M. de Maizières, du Gauiois eut, le 16 avril 1903, avec le Révérend Père Rey, procureur da ia Grande Char treuse II est exact, me disait ce jour-lb le Père Rey, qu'a ia fin de février un individu, avee qui nous avions de bon rapports et qui était lui-même en relations des plus suivies, des plus directes avec nombre de sénateurs et de députés, a sollicité une au dience du Père général Dom Michel. Pouvez-vous nommer cet individu? öemandai-je alors au Père Rey. Non, pas aujourd'hui, me répondit-il, aiais tenez pour certain que son nom, d'ici peu, sera connu. L'audience fui accordée. Elle eut lieu, non pas h la Grande-Char treuse, mais ici mêmo oü vous êtes, h la Fourvoirie. L'envoyé, intermédiaire, corn- rue vous voudrez l'appeler, otfrit au Père général, de la part d'un groupe politique de la Chambre, ce marché on donnerait 300 mills francs tout de suite, comptant, néces saires, parait-il, pour déiermiaer les mem bres, d'ailleurs nombreux du groupe poli tique, h voter i'autorisation, puis Cauterisa tion une fois accordée, on verserait deux millions, qui, la chose a été dite avec un sang-froid voisin du cynisme, serviraient constituer une caisse de réserve électorale h l'usage du groupe. Mon Père, repris-je, il est absolument nécessaire que vous me nommiez ce groupe, il a droit aux honneurs de ia publiciié. Volontiers, monsieur. Et le Père me i'a nommé, le groupe. Quelque désir que j'en aie, j'hésite encore h confier ce nom au télégraphe. L'envoyé, au cours de sa conversation, a-t ii désigné plus particulièrement cer tain député dont il se prétendait le manda- taire Oui, monsieur. II a plus particulière ment désigné trois personnes; ca sont MM... Et ici ie Père me nomma trois des person nalilés les plus en vedette du Bloc. Et qu'est-il advenu de la proposition II est advenu que le Père général, h qui 1?. proposition avait été faite par l'en voyé du groupe sans l'assistance d'aucun té- moin, m'a fait appeier et qu'il a prié ce monsieur de reproduire devant moi les pro positions qu'il venait de faire. I! s'y est re- fusé, ailéguant qu'il avait mission de deman- der audience au Père général et de le prendre pour unique confident de sa négociation. Le Père général, aiors, se tournant vers moi, a ajouté, en présence de l'ambassadeur du Bloc. C'est done moi qui vais répéter devant le Père ce que vous venez de me pro poser. C'est ainsi que j'ai appris l'affaire. Inutile de vous dire quelle n'a pas eu de suite. Voilh comment, au dire de M. Combes, les Chartreux n'osèrent pas articuler la calcmnie Lettre d'un Chartreux La Presse publie cette lettre adressée h un ami par i'un des Pères exilé3 Nous savons que tous, même parmi les meilleurs, surtout parmi les vaillants qui mènent avec éclat une lutte nécessaire, n'acceptent pas notre attitude réservée ils nous voudraient plus militants ils font un crime aux Chartreux de n'avoir pas impitoyablement iivré au mépris des hon- nêtes gens le nom des politiciens ravalés au triste métier de maitrrs-chanteurs Ce blame nous afflige, mais il ne peut modifier notre iigne de conduite. Toutes armes, en effet, ne sont pas permises h tous combaitantset ce que la tactique humaine et les procédés du monde con- cèdent parfois aux laïcs, la charité évan- gélique et i'esprit de leurs statuts le dé- fendent aux religieux. Pourvu qu'ils con- servent intacte la délicatesse de leur cons- cience, ils peuvent affronter les persécu- tions c'est dans leur programme. Si pourtant les circonstances imposaient encore h notre Révéiend Père le devoir de parler, soyez certain qu'il le ferait avec cette dignité serein et cette indépendance de caractère dont les preuves ne sont plus h donner. L'iatex média ire Corroborant l'inforuauon pubiiée hier, par la «Liberté» et d'apiès iaqu -iie un per sonnage par l'entremise de M. Michel La grave, aurait proposé k M. Combes la ran- pon des deux millions, la «Lanterne» écrit ce matin «La persoorie qui serait allée trouver M. Michel Lagrave et dont ceiui-ci n'a vouiu faire connaitre le nom qu'è son ancien chef, au ministre du commerce, M. Millerand, ne serait autre qu'un M. Léou Chabert. Assurément, ce nom n'est pas trés répan- du dans le monde politique et beaucoup se demanderont quel peut bien être ce Chabert, sur le compte duquel, «dans l'inlérêt supé rieur de la République», il irnportait de faire le silence. Nous allons les renseigner. M. Chabert, ancien ingénieur, s'cccupe pius particulièrement, h l'heure actuelle, d'affaires financières. II est administrateur d'une sociélé de crédit et son nom a été pro- noneé h plusieurs reprises lors de i'enquête sur ia Panama. On avait, en effet, découvert qu'ii avait touché plusieurs cbèques du baron de Reinach, nolamtnent un chèque de '140,175 francs, le 24 juillet 1888, et un autre de 295,000 francs, le 30 du même mois. Interrogé par la Commission d'enquête du Panama, sur les conditions dans lesquelles il avait repu ces chèques, M. Chabert répondit qu'il était en relations d'affaires avec le baron de Reinach et que ces chèques étaient reiatifs h la participations qu'il avait vendue k ce dernier dans uue affaire indus strielle. II affirma que les sommes touchées étaient étrangères k Panama, mais reconnut qu'il avait assez souvent servi d'arbitre entre Cornélius Herz et le baron de Reinach, dans les différents conflits que ceux-ci eurent entre eux. Comment M. Chabert se serait-il trouvé en relations avec les Chartreux? C'est ce que la Commission d'enquête qui sera nomtnée mardi recherchera sans doute. Peut-être les moines liquoristes avaienl-ils placé une partie de leurs fonds dans la banque dont M. Chabert est administrateur. En quoi pouvait il y avoir inconvénient h révéler le nom de M. Chabert et comment expliquer la démarche qu'aurait faite k ce propos M. Millerand? L'expiication qu'on nous denne ne nous parait que trés plausible et nous ne la reproduisons que sous réservc-s. Oa se rappelle l'assaut terrible üirigé par toute la réaction contre le ministèreWaldecs- Rousseau et les députés qui l'avaient soutenu. Des ligues avaient été constituées en vue de recueillir l'argent des cléricauxpour engager partout la bataille électorale contre les répu- blicains. Pour répondre k cette campagne, I on songea constituer, k l'aide des commer- pants républicains, un Comité qui s'efforce- rai-t d'aider les candidats de gauche. Ce i Comité reput naturellement les encourage ments de M. Waldeck-Rousseau et de M. Millerand. On n'a pas oublié que ce Comité fit ouvertsment appel aux souscriptions des amis du gouvernement. M. Chabert aurait-il été de ceux qui ré pondirent cet appel Ce ne serait pas impossible. Mais en quoi, même si M. Cha bert avait souscrit, l'« intérêt supérieur de la République exigeait-il qu'on le ménageat, s'il avait réellcment voulu, par la suite, se livrer h une tentative de corruption Manoeuvres bloeardes De l'«Intransigeant L'institution d'une commission d'enquête a, comme bien on pense, mis tous les blo- cards en émoi. Aussi les délégués des grou- pes minisiériels, dans une réunion qu'ils ont tenu hier au Palais-Bourbon, ont-ils décidé d'adresser un appel pressant h tous les ma- meluks, afin qu'ils ne manquert pas de se reudie dans leurs bureaux respectifs mardi prochain. Le projei des blocards serait de constituer la Commission de telle fapon qu'elle fut com- posée h une énorme majorité de ministériels et que fori put enterrer cette enquête comma on a enterré celle du Panama. Les attributions de la Commission La Chambre ayant négligé de préciser les attributions de la future Commission, M. Pu- gliesi-Conti, déposera lundi, au cours de la séance, uti projet de résolution tendant h remédier cet oubli. Un recompense M. Michel Lagrave a été publiquement accusé avant-bier, par M. Combes lui-mê me, d être allé, au ministère de l'intérieur oftrir les deux millions, au président du Conseil. Or, non seulement M. Lagrave n'a pas été pousuivi pour tentative de corruption de fonctionnaire, mais il a été honoré des hautes et lucratives fonctions de Commïs- saire général de France h l'Exposition de Saint-Louis. M. Michel Lagrave, aurait, dit-on, en sa possession des charges accablantes contra certains hommes politiquss de l'entourage de M. Combes. Dès lors tout s'explique. L'intérêt supé rieur de la République exigeait sans doute qu'on lui fermht la bouche. Ce qui ressort le plus elairement de toute cette affaire de millions, c'est que les Char- t eux ont subi iassaut d'une véritable meute de politiciens. Leur couvent et leur liqueur éiaient une proie guettée par des loups vora- ces et prêis k la currée. On savait cïéjk cela, mais on est bien aise que ce soit constalé h nouveau par M. le Président du Conseil lui- même. Car, ses révélations d hier dém-on- irent que, sil fut inaccessible h des proposi tions malhonnêtes.les Chartreux furent aussi l'objet de sollicitations inavouables.... Une seconde constatatiori est létrange fapon dont la familie Combes entend la justice quand il s'agit d'elle-même M. Com bes fils, haul fonctionnaire, refuse do trainer son acousateur devant le jury; et M. Combes péie ne fait pas arrêter l'individu qui veut l'acheter pour deux millions, et cela dans un intérêt politique supérieur Cette raison même n'est pas plausible, car elle est i'aveu que le corrupteur serait un notoire personnage politique et un ami évidemment du parti au ponvoir, puisque M. Combes n a pas cru oevoir le bi uier Tout cela est bien bizarre. li ne sagit pas, du reste, de préjuger tout da suite de la culpsbilité de Pierre ou de Paul, mais bien de pousser l'opinion et le Parlement h réclamer toute la vérité sur ces scandales et a laisser la justice suivre soa cours, ee cours que la Lanterne elle-mê- me trouve avoir été .trop complaisamment interrompu. M. Combes, ne l'oublions pas, a eu le mérite de revehir, un peu involontairement peut-être,sur une affaire demeurée facheuse- ment obscure. Ii a dit que ce secret lui pasait. Eh bien qu'il libère toute sa con science et celle du pays tout entier en même temps Une Commission parlementaire va con naitre le dossier X..., que les avocats du procés Vervoort-Besson déciarent n'avoir pas vu paree qu'on leur en refusait la com munication. Elle entendra les héros de l'af faire du million puis ceux de l'affaire des deux millions Elle aurait peut être aussi intérêt k confronter M. i'abbé Rey, ancien procureur général des Chartreux, avec certains individus qui lui firent des visites pas pour se confesser... Vous verrez que, de fil en aiguille, nous fiuirons par sa- voir comment et pourquoi les Chartreux ont été chassés d'un pays qui ne demandait qu'h COLLABORATION

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Journal d’Ypres (1874-1913) | 1904 | | pagina 2