LE PÉTROLE
Une nouvelle édition des
«Propos de lable» de Luther
Oui. Le 47 aoüt nous avons pris
!e train pour Lour des. Ah Monsieur
queiles terribles énaotions durant !e
ira;etPlusieurs fois nous avons cru
qu'elle allait mourir dans n<~s bras.
A Poitiers, on a dü la transporter a
fhópital. Enfin trois jours après, nous
étlons a Lourdes. On plongea ma fllie
dans la piscine; le con'act de l'eau
placée dé'.erraina une crise affreuse.
Tout le monde croyait que cetait la
fin. Un religieus vint lui administrer
Its derniers sacrements. Dieu soit
•■mé, ce n'était qu'une cruelle alerte.
Après lequatrièrne bain, nous cons-
taiatn sune légere améiioration. Ma
fllle pouvait dormir et faire quelques
;aouvements. G'est dans ces condi
tions que nous avons quitté Lourdes.
Dés notre retour a Paris, la pauvre
enfant voulut se faire transporter a
1'égliseNotre Dame-des-Victoires.Vous
savez le reste...
Quelle impression a éprouvée
votre fllle lorsqu'elle s'est sen tie
guérie
Eile nous a dit, qu'elle avait
senti.. a ce moment la, comme un
souffle rafraichissant que Iui avait
traversélapoitribe. (Joe sorte de bien-
être délicieux s'était répandu en eile.
Elle ajouta ces mots: «Je me sens
capable roaintenant de faire a pied
le tour du monde.
Selon vous, cs'-elleguérie
j'cn ai la conviction. Sou état
general s'améliore de olus en plus.
L'emphysème a complètement dis
pa.ru. Ma fllle a recouvré 1'usage de
ses mouvements, ei ie mange, dort et
descend toute seul j l'esealier. Ce sont
I 's des fait? qn'il n'est pas possible de
nier. Vous m'excuserez si je ne
puis encore vous la faire voir, mais
dans quelques jours je pecse qu'i! me
sera permis de satisfaire, sur ^e
point votre curiosité professionnelle.
O'aiileurs, mon enfant a commencé
ujjourd'hui même une neuvaine de
remerciements' et nous ne voulons
pas la distraire de scs pensees reli
gie uses.
Une dernière question. Avez
vous fait voir votrefille a un médecin
depuis sa sc-udaine guérison
Non. Nous préférons a* fend re
quelques jours.
Vous attri' uez cet'e guérUon a
une influence divine
Absolument.
La foi aurait elle une fois deplus
triompbé de la science? Altendons.
Le formidable incendie des tanks a pétrole
d'Anvers met la question de pétrole a l'ordre
du jour. Voici, sur ce sujet, quelques notes
cueillies de ci de la, qu'on lira avec intérêt.
Pratiquemeut la distillation du pétrole
est plus compliquée qu'elle n'en a l air. On
l'effectue dans de grandes cornues de fonte,
munies de serpentins réfrigérants. Les pre
miers produits volatils sont recueillis a part
jusqua ce que la densité du pétrole brut
soit descendue a 0.83 ou 0.83. Ce sont les
huiles légères. Les huiles lourdes, qui sui-
vent sont distillées aussi. II reste un résidu
goudronneux de 7 a 10 "Zo-
Ces deux catégories de corps sont trai-
tées ensuite. Les huiles légères sont mélan-
gées et agitées pendant dix heures avec a
10 °/o d'acide sulfurique ou vitriol il se
forme un résidu charhonneuxqu'onélimine;
on lave ensuite i'huile, d'abord a l'eau, puis
a l'aide d'une lessive de soude caustique,
ensuite a l'eau derechef et l'on redistille.
Les premiers produits recueillis sont le
naphte, (esprit de pétrole, la benzine.
Leur densité est inférieure a 0.72. Les
seconds produits d'une densité moyenne de
0.78 a 0.82 constituent l'huile de pétrole, le
pétrole commun, qui sert a éclairage et est
appelé encore photogène sa couleur est
rarement incolore et généralement jaune
paille. Elle se fonce par la conservation. Le
pétrole ne doitfournir des vapeurs inflamma
bles que vers 40 degrés et même mieux vers
55 degrés. Un copeau enflammé et plongé
dans le pétrole a la température ordinaire
ne doit pas l'enflammer
Quand aux huiles lourdes, on les purifie
également en les traitant par l'acide sulfu
rique et la soude. Ensuite, on les «rectifies
par la distillation. Les premières portions
qui se volatilisent servent encore, conden-
sées, a l'éclairage. C'est le pétrole inférieur.
Les autres trés visqueuses, constituent les
huiles de graissage. En refroidissant, elles
donnent la paraffine.
Le pétrole est trés répandu a la surface
du globe. On en connait des sources a
Miano, prés de Panne, en Modène, en Tos
cane, en Sicile, en France même. Toutes ne
sont pas exploitée. Chacun sait qu'on le
trouve en Chine, en Perse et surtout sur les
bords de la mer Caspienne, dom les sources
de Bakou sont célèbres, Enfin, personne
n'ignore le pétrole américain, fourni par la
Pensylvanie et la Californie. Le puits de
J. Shaw. dans le comté d'Eniskilln, fournit
tous les jours 91,000 litres de pétrole brut I
Le commerce du pétrole est a Anvers un
véritable monopole aux mains de groupe-
ments américains, dirigés sur notre marché
par MM. Maquinay, Speetb et consorts, qui
dépendent directement du célèbre trust
Standard oil Company a la tête duquel
se trouve M. Rockefeller.
Par des efforts énormes et surtout grace a
l'appui de puissants capitaux, 1'American
Petroleum» a réussi afaireaugmenterle prix
des pétroles de 4o p. c. en moins de quel
ques années de temps. On sait que le prix
du pétrole, qui était autrefois de 12 centi
mes, oscille aujourd'hui autour de 20 centi
mes.
A certain moment, les pétroles russes, qui
sont de qualité trés convenable, sont entrés
en concurrence avec 1' American Petro
leum Mais cette lutte ne fut pas de longue
durée. Les groupements américains qui re
lèvent du Standard oilont finalement
englobé dans leur syndicat les pétroles rus
ses.
Voila pour (importation en gros.
Le trust constitua dans différents centres
populeux tels qu'Anvers, Bruxelles,Louvain,
Liége,Charleroi, dans 1-3 Borinage, partout,
en un mot, oir le pétrole est le seul mode
d'éclairage des petits et des pauvres, de pe-
tites sociétés dites nationales, alors qu'il n'y
a rien de national dans l'entreprise.
Ces sociétés ne présentent, en apparence,
aucune accointance avec l'American Petro
leum; aux yeux du public, ce sont de petites
sociétés au capital de 100 ou 50.000 fr.
mais, dans la réalité des faits, les neuf dixiè-
mes des actions sont aux mains de XAmeri
can Petroleum
Quelques grosses fortunes voulurent a leur
tour s'approcber des rives du Pactole; elles
tentèrent la chance et se risquèrent a impor
ter, elles aussi, du pétrole.
Seuiement, le trust veillait
L'incendie actuel des tanks d'Hoboken
s est attaqué précisément aux installations
de 1 une des firmes qui avaient tenté la con
currence au groupe américain.
M. Eiffe, qui a derrière lui un grouqe
important, est tort éprouvé. Si VAmerican
Petroleum perd la presque totalité de ses
réserves en pétrole, M. Eiffe en perd une
forte partie. 11 conserve toutefois une cer-
taine réserve. Le second concurrent de
{'American, un groupe qui compte a sa tête
M. Lambert de Rothschild, le nom seul
indique quelle force il faut pour luttel' con-
tre les Rockefeller, était seuiement en
train de s'installer.
C est précisément la petite forge qui sert a
river les boulons des tanks Rothschild
qui a mis le feu au pétrole échappé des
tanks affaissés del'« American petroleum».
L affaissement s'est produit dans les terrains
paludées il a amené une crevasse d'oü le
pétrole s'est échappé pour aller se mettre en
contact avec, le feu de la forge.
En somme, si des millions sont perdus,
ce qui est toujours regrettable, la
puissance des firmes victimes de la catas
trophe n est pas atteinte et, sous ce point <le
vue le sinistre est peu intéressant. II frappe
quelques millionnaires qui ne se sont jamais
inquiétés de l'intérêt des détaillants, des
petits bourgeois et même des classes ou-
vrières.
Le trust a été largement avantagé par
(administration communale d'Anvers. Le
conseil communal avait donné les terrains
d'Hoboken en location, aux pétroliers a fr.
1.90. Quelques semaines après, ce prix a été
abaissé a fr. 1.65. Et il y a la environ 50
hectares.
Ce n'est d'ailleurs un nrystère pour per
sonne a Anvers que le trust est au mieux
avec le parti liberal anversois. L'un des ad
ministrateurs de 1'Américan Petroleum a
notamment participé a la constitution du
journal liberal le Nouveau Précurseur par
une souscription de 60,000 fr.
En 1903, Anvers a regu environ
133,500,000 litres de pétrole de Pensylvanie,
quelque 50,000,000 de litres de Russie et
quelque 20,000 litres d'autres pays. Le pé
trole russe est surtout employé en Orient et
dans nos parages c'est (américain qui a de
loin la suprématie.
Ce pétrole lui arrive dans des navires-
citernes ne faisant que ce transport et conte-
nant chacun trois millions de litres en
moyenne. Les grandes compagnies ont de
véritables flottes de ces navires, Ce sont des
bateaux a vapeur, mais les precautions sont
sibien prises que l'incendie dun de ces na
vires est un fait extrêmement rare.
D'Anvers, le pétrole est expédié a (inté
rieur, soit en bateaux-citernes par les ca-
Daux, soit en wagons-citernes, et va alimen-
ter les nombreux dépots et tanks qui, dans
ces dernières années surtout, ont été cons-
truits en Belgique. La se fait alors la
distribution aux détaillants.
Un ckiffre qui permet de calculer a peu
prés la consommation beige des 183 mil
lions de litres reg.us a Anvers Pan dernier, on
n'en a exporté que 12 millions. Le pays a
done consomné plus de 17ümillions de litres.
L'incendie des tanks aura-t-il une in
fluence sur cette consommation Le secré
taire de la commission des pétroles a la
Chambre de commerce pense que non.
Quarante ou cinquante millions de litres
de pétrole quiflambent cela semble énorme,
sans doute. Mais pour les producteurs, qui
procèdent par milliers de millions, cela a
beaucoup moins d'importance.
In vino Veritas... Si l'on vent se faire une
idéé juste et vive de la physionomie morale et
du cavactère intime de Luther, c'est, au recueil,
de jour en jour plus hautement apprécié et
mieux mis en val'eur, des tischredenou Propos
de table, qu'il imporle, avanl toul, de recourir.
On sait que le grand homilie aux émouslil-
lantes provocations d'une llüte de vin du Rliin,
résistait peu... ou point, et qu'il était, après
boire, gai comr.te émerillon. Sa langue se
déliaif, souvent même un peu plus qu'il necon-
venait aux injonctions de la bienséance ou aux
besoins de la cause du pur Evangile, et sou
ame, en capricieuses saillies, s'épanchait...
Or, ces épanchements nous restent. Grkce au
zèle, toujours k l'affüt, d'amis trés bien infor-
més, puisqu'ils étaient, chez Luther, les com-
mensaux en titre, aucune de ces mémorables
paroles n'a été perdue pour la postérité: elles
méritent, k coup sür, l'attention du genre hu-
main.
Les obscènes plaisanteries de Luther cho-
quèrent pourtant bien des lecteurs protestants,
lorsque parurent les premières éditions des
Propos de table.
Mais tandis que les lecteurs se montraient
nettement rebelles, malgré tout, a l'édiflcation,
les catholiques n'hésitèrent point a faire usage
deeclivre, contre leurs adversaires, comme
d'une arme redoutable. Du coup, les éditions
nouvelles surgissent revues, corrigées et consi-
dérablement diminuées, expurgées toujours
de plus en plus. Nombre de passages disparais-
sent, qu'onavait dü réprouver comme trop
libres et matière k scandale, ou qu'on élaguait
comme apocryphes. Enfin (autorité même du
livre tombe en discussion a son tour, pour être
battue en brècheaussilöt par la critiqueprotes-
tante. C'est ainsi que le professeur Waltz
imagina de défetidre cette thèse, que toutes les
incongruités ou obscénilés dont regorge l'ou-
vrage, étaient imputables, non pas k Luther,
qui s'en trouvait certes bien innocent,mais aux
compilateurs, k sesseuls amis.
Par la publication récente, en 1903, d'un
manuscrit de 1540, dont les garanties de date
et d'origine ne laissent rien k désirer, car ce
manuscrit émane d'un original publié par M.
Ernest Kraker, bibliothécaiie de la ville de
Leipzig, la question de 1 'authenticité des
Propos de tarles est définitivement résolue. La
critique n'a plus a discuter les sources, mais a
eu tirer parii, en s'appuyantsurles conclusions
établies par Kroker avec autant de netteté que
de rigueur. Or, pour lui, «les Tishredsn méri
tent créance au moins autant que les sermons
de Lulher recueillis et publiés sans la partici
pation dumaitre, parses disciples et amis
Voila, certes, qui renversera bien des illusions
et rnodifiera bien des sentences. Queiles rai-
sons vaudraient contre les (extes Aussi la
polémique protestante, sur ce terrain nouvello-
ment déblayé, aura-t-elle a modifier du tout au
lout ses positions. Elle n'y manquera point.
Nul doute que le professeur Waltz lui-même,
ayant cette fois devant lui des documenls irré-
cusables, ne soit le premier k retirer aujour
d'hui, avec sa thèse, sou pale cortège d'argu
ments.
Grkcek cette publication, les donnéesancien-
nes se Irouventconfirmées de tous point paree
texte aulhentique.et une foule de traits curieux,
jusqu'alors inédits, viennent s'ajouter encore k
ce que I on savait des passions haineuses et. des
bas instincts,des terreurs secrètes et des défail-
linces morales dmgrand r, sta urate ur del'Evan-
giie. il est suns doute intéressant de relever les
plus saillants de ces trails, d'après une page que
les Etudes des Jésuites de France publient, au
sujet de la nouvelle édilion des Propos par M.
Kraker; nous la reproduisons:
Haine ou envie, ne serait-ce pas Ie fonds de
eet énigmatique personage? Car on ne voit guère
que Luther ait épargné k personne ses malédic-
tions ou ses sarcasmes. Les chefs les plus in
fluents du protestantisme, ceux qui les premiers
avaient pris sa cause en main e! jiéfendo son dra-
peau, Luther les enveloppe d'un étrange mépris,
les accable de ses médisances -s plus no,res. II
dit de Zwingle, de Carlsladl,et de bien d'autres,
que, seule, (ambition les mène (p.267). Dans
Carlstadt, il ne voit qu'un diffamateur sans rival
(p 488). Pour lui, Occolamparle encourt la ven
geance divine (p. 488) Le pauvre E ran us n'est
qu un ane. un fier ane (p.43); li neer,un ba-
vard »et un coquin (p.499); Maitre Jeekel
cest-k-dire Jacques Scheuk, un „ihée. Sébastien
Fpanck, un vilain dröle et un perfide »(p,109,
206). Quand Ducer eut cessé, ainsi que d'autres
novateurs, d'être d'accord sur certains points
avec lechefde la Réforme, (événement ne man.
qua point de défrayer les conversations k la
table de Luther, et Bugenhagen, euré de
WiHemberg, sVniiardit k émetti -e cette pro
position j «Monsieur le docteur, nous'de-
vrions faire ainsi qu'il est marqué au
Deutéronome, XIII, 5 sqq oü Dieu ordone
de les tuer. Oui, rérliqua Luther le texte
eu fournit même la raison mieux vaut suppri-
mer un houime que Dieu. (p.546).
S il traitait avec cette acrimonie et cette
violence ses co religionnaires et sts anciens
amis, on congoit que les calholiqups n'euxsent
aucun quartier a attendee de lui.Contrel'Eglise
de Rome s'exhalent sans tdache les accents les
plus fougueux de sa haine, ou, suivant le mot
de Harnack,(injustice et la barbaric de sa
polémique Et cette haine farouche, comme
il eüt voulu 1 infusor, la trausuicitru u ses disci
ples En 1337, au moment le plus critique de
la terrible nialadie qui faillil l'einporler, la su
preme, reconirnandation qu il adressa aux siens
f it eet odieux appel Après rna mort, gardez,
de moi, cela seuiement la bairn* contre Ie pape
de Rome (P. 452 Aussi nVsf-ce point mer-
veillc d'entendre a la table de Luther, des pro
pos comme ceux que Juste Jonas, l'un des con
vives, adressait aux plus jeunes de la bande
Vous, jeunes gens, saisissez bien cette défini-
tion Un papiste est un menteur, un brigand
ou lediable en personne. (P. 31.)
Avec cette engeance maudite; il importait
done de ne point se gêner et Ie plus sür élait
den finir au plus vite. Luther, sur ce point, ne
déguise en rien sa peiisée A quoi bon ferrail
Ier contre lelurc? 8us-au pape, aux évêques,
a ia prêtraille! Prenons notre temps et qu'ils
restent tous sur le carreaul (P. 10) Les calami-
tés sans nombre qui s'étaient abattues sur l'Al-
lernagne en 1540, on les devait. aux machinations
diaboliques du pape et des moines. Comme
remède, il n y avait qu'k marcher en corps,com
me un seul bomme, contre les moines et contre
les prêtres, les armes a la main. Et j'eu serail
II faut les abattre, cescoquins, ni plusni moins
que des chiens enracés! (P. -276) Quelques
jours plus tardc'est aux FranQscains qu'il s'en
prenait tout spécialement. Ces Franciscains
Si je les tenais tous sous le même toit, je uiet-
trais le feu a lamaison!.. En fait. de moines, le
grain est parli, il ne resle que la balie au 'feu
tout cela(P. 305)
Obscurantisme et mensonge, c'est tont ce
que Luther, aveuglé par la haine, savait recon-
naitre dans le glorieux passé de l'Eglise catho-
lique. Les papistes n'ont jamais rien su du
Christ, de 1 hvangile et de la loi, tellemenl le
Christ était banni du monde! (P. 458). II le
disait sans rire. Que savait-on, il y a seuie
ment vingt cinq ans?... Alors on n'avait que du
mépris pour la Bible. Personne n'enlendait rien
au psautier. Maintenant rna Catherine (sa fem
me, religieuse défroquée,) comprend les psau-
mes joliment mieux que tous les papistes (P
151, 279.)