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CONCERT
Samedi 21 Juillet 1906
10 centimes ie N
Fanfare Royale
La manifestation Kurth
Jean-Baptiste cl Jules Malou
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On s'abonne rue au Ileurre, 36, a Ypres, et k tous les bureaux de poste du royaume.
FETE NATIONALE
par 1' HARMONIE COMNUNALE
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Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercredi et le Samedi.
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Samedi, 21 Juillet 1906, a 8 1/2 h. du soir.
1. La Vivandière, Allegro militaire
O. COQUELET
2. Matin, MidiSoir, a Vienne
ouverture de SUPPÉ
3Die Fledermaus, fantaisie J. STRAUSS
4. Serenade a Colombine, NEUFCOUR
5. Werther, fantaisie de Massenet
arr. par MAECK
6. Marche Grecque, GANNE
Dimanche 22 Juillet, a 8 1/2 du soir,
sur le kiosque de la Grand'Place
PROGRAMME
1. Le cri du cceur,
par redoublé ANT. HOSTELET
2. Marche aux Flambeaux 1
G. Meyerbeer
3. Cqardas N'1 G. MICHIELS
4. Fidelio, Fantaisie L. V. BEETHOVEN
5. Marche Indienne HENRI Van GAEL
De tous les discours prononcés dimanche
dernier k la manifestation organise'e en
l'honneur de M.Godefroid Kurth a l'occasion
de sa retraite de lUniversite' de Lie'ge,
aucun ne retrace d'une facon plus saisissante
la noble figure de notre éminent historiën
que le brillant discours de M, Alexandre
Braun. Nos lecteurs nous auront gré de leur
en donner le texte publié par la Dépêche.
Mon cher Kurth,
Quelle page d'histoire que celle de votre
vie
Quel exemple pour la jeunesse, quel sujet
de reconnaissance, d'orgueil et de méditation
pour tous ceux a qui la religion, la patrie et
la science sont chères.
Veut-on évaluer, a leur mérite approxima-
tif, les incomporables services que vous avez
rendus a ces trois grandes causes soeurs
Qu'on songe aux coups qui les auraient
atteintes si vous aviez tourne' vos armes
contre elles, par un renversement sacrilège
des dons de la Providence 1
Nous sommes venus ici, nous les témoins
de vos quarante années de labeur, saluer
cette existence glorieuse de poète, d'artiste,
d'orateur, decrivain sacré, d'éducateur
d'hommes, de prophéte de la démocratie, et
de bon sergent de Jésus-Christ
A peine aviez-vous atteint lage adulte,
que votre front se ceignait déja des lauriers
académiques et que votre nom volait de
bouche en bouche, par nos rangs de collé-
giens, comme celui de l'élève prodige.
Les Muses se disputaient l'enfant pré-
destiné. Geile qui fit battre son coeur de
seize ans et lui décerna ses premières palmes
n'a pas cessé d'inspirer ses chants et d'exalter
ses enthousiasmes. Mais c'est a Clio qu'il
devait engager sa loi, une Clio chrétienne,
dont personne n'embrassa le culte avec une
ferveur plus ardente et, tout ensemble, un
esprit critique plus large et plus pénétrant.
De ce commerce est sortie cette lignée
d'oeuvres apologétiques, louées par les
docteurs de l'Eglise, applaudies par les
maitres de l'érudition, re'pandues parmi le
grand public du monde entier, et qui nous
reportent aux confins de notre civilisation.
Suppléant a l'insuffisance des documents
1 par l'effort intense de l'esprit pour arriver,
)i selon vos expressions, a l intuition du
passé vous reconstruisez de toutes pieces
les époques et les figures dés premiers siècles,
par une de ces heureuses audaces qui rap
pellent celles de la paleontologie reconsti-
tuant a l'aide d'un vertèbre les espèces
disparues. II peut lui arriver, au naturaliste,
de se tromper, mais l'effort reste toujours
noble et fécond quel triomphe lorsque ses
tatonnements aboutissent a une conquête
definitive. Reculer les limites du champ de
l'histoire,c'est encore une manière,assurément
neuve et hardie, de servir la cause de
Fexpension nationale en gaguant des terres
fermes sur les alluvions et les marécages de
la légende.
D autres s'y sont essayés, non sans éclat,
parmi vos contemporains, et l'ülustre Com
pagnie des Bollandistes brille au premier
rang des restaurateurs de 1 hagiographie.
Mais ce qui vous assigne une place a
part, ce qui caractérise votre manière, c'est
la couleur qui relève votre dessin c'est la
dose d'art mélangée a votre silence c'est
une sorte de divination que vous mettez au
service de la méthode la plus rigoureuse
d'investigation et de controle c'est le souffle
poétique qui circule a travers l'édifice recréé
des mains du philologue, du palgographe,
du chroniqueur c'est la puissance évocatrice
qui ressuscite les morts Cette manière
vous est bien propre vous ne l'avez apprise
de personne elle a jailli des profondeurs de
votre ame sensible, altérée d eternelle beauté
en même temps que de vérité immuable.
Elle a jailli de votre conscience d'artiste et de
savant. L'historien ne parvient a donner a
ses portraits l'illusion de la réalité qu a la
condition d'avoir cohabité avec ses person-
nages et, comme vous dites, d'être descendu
dans leur tréfond religieux. Clovis, Clotilde,
Boniface, Notger, voila les héros dont vous
n'avez pas seulement relevé les statues, mais
dont vous avez ranimé les cendres, paree que
vous avez revécu leur vie.
Ce qui me confond, mon cher Kurth,
quand j'enveloppe d'un regard votre carrière,
ce qui a permis, de vous appeler un homme
étonnant, c'est qu'enfoncé jusqu'au cou dans
ces fouilles, absorbé tout entier dans ce
travail de béne'dictin, vous trouviez le moyen
de vous livrer non moins totalement, de
tout votre coeur, de toute votre ame.de toutes
vos forces, aux autres formes de l'apostolat
évangélique du temps présent, je n'en excepte
pas même la predication.
Ah I l'admirable prédicateur de la chaire
universitaire 1 le prédicateur enflammé des
assemblées ouvrières le prédicateur cordial
des cercles d'étudiants le prédicateur inspire
des congres eucharistiques
Je voudrais, mon cher ami, pouvoir me
laisser aller k mes souvenirs. Ne vous ai-je
pas vu et entendu sous toutes ces formes de
l'éloquence Mes yeux sont encore remplis
de cette vision, mes oreilles tintent encore de
cette voix savourense dans sorifapreté tudes-
que, de ce verbe puissant, riche, original,
coloré, docile a la volonté d'un maitre doux
ij et fort, dont les prunelies ont des caresses et
des éclairs.
Assis a vos cótés,dans les cénacles officiels,
n'ai-je pas goüté le prix de votre parole
toujours droite et sagace, et le charme de
votre esprit novateur, implacable a la routine
et au pédantisme La haine que vous leur
avez vouée n'a d'égale que votre tendresse
pour la jeunesse et pour l'enfance, une
tendresse inquiète et jalouse qui voudrait
épargner aux élèves de demain les experien
ces ingrates, les anonnements, les gaspillages
de temps et de forces que des méthodes, des
manuels et des programmes surannés
coülèrent a leurs ainés.
Oui, le plébéien fier et ombrageux, qui
survit au fond de votre nature d'ardennais,
rude et intraitable aux grands, fermé aux
seductions de 1 ambition, inaccessible aux
faveurs de la fortune, s'abaisse volontiers a
la taille des faibles et des petits pour lesquels
il trouve alors des accents d'une délicatesse
et d'une douceur maternelles. A l'exemple du
divin Maitre, après avoir enseigné aux uns
leurs origines et leurs fins dernières, aux
autres les lois de la fraternité chrétienne et
de la justice sociale, vous avez dit Laissez
venir a moi les petits enfants je leur
apprendrai dans la simplicité de leur langue
l histoire de leur pays au lieu d'une
nourriture indigeste, je leur distribuerai un
aliment sain et réconfortant.aussi substantiel
que le lait, aussi doux que le miel je leur
montrerai surtout que l'ame beige est
foncièrement catholique et qu'elle voulut le
demeurer, au cours des siècles, au XVI', au
XVIiIe, au XIXe au prix des plus cruelles
séparations.
Voila done le terme et le couronnement
de tant de recherches patientes, conduites
d'une main toujours experte et süre a travers
les dédales du moyen-age! voila les conclu
sions de cette vaste enquête, non moins ras-
surantes pour notre foi que pour notre patrio
tisme, éclatant en un hymne a la gloire de
Dieu 1 Vivat Christus qui Francos diligit
Un mot encore, mon cher Kurth. Parlant
au nom de 1 Eglise et vous adressant le plus
magnifique hommage qu'un de ses fils puisse
ambitionner, le Cardinal Vivès vous
recommanda ces jours.ci de ne pas oublier
qu'on attend de vous, même après votre
retraite officielle, des travaux qui, unis aux
precedents, ferqnt voir aux yeux de tous que
le vrai savant chrétien est une apologie
vivante de la religion de Notre Seigneur
Jésus-Christ.
Ne dirait on pas qu il y a, dans l'exhorta-
tion de l'illustre Prélat, investi du haut
patronage de la Bibliothèque Vaticane, une
invitation a peine déguisée a venir vous
retremper a cette source du savoir humain et
divin, plus intarissable et plus rajeunissante
que la fontaine mythologique
Ne parlez pas de retraite, quand de tels
horizons se lèvent et s'ouvrent devant vous.
Repos ailleurs C'est la devise d'un
autre grand soldat de la cause catholique que
les acclamations de cette assemblée accueille-
ront tout a 1 heure.
Le chevalier du Christ ne connait pas le
repos. Quand il tombe, c'est pour ne plus se
relever et on le couche dans son armure, les
mains jointes sur la lame de son épée.
Que Ie bon Dieu, que le bon Dieu de la
Cathédrale de Reims nous garde encore
longtemps son fidéle serviteur. II ne refusera
pas cette grace au premier historiën de
Clovis
(SUITE)
II
Rentré a Ypres,Jules Malou ne fut satisfait
que lorsqu'il eut arraché a ses parents la
promesse de pouvoir achever ses études
littéraires a Fribourg, auprès de ces anciens
maitres.
L'opposition la plus vive fut sans doute
celle de Mme Malou. Mère inquiète et tendre,
elle craignait une separation prolongée les
lettres se feraient plus rares et les nouvelles
plus reculées. Mais Jules resta le maitre.
Le i5 octobre 1828 une voiture de poste
s'éloignait rapidement d'Ypres, emportant
un collégien nanti d'un passeport du ministre
des affaires étrangères, baron Verstolk et
Soalen, oü il était enjoint aux amis et alliés
de Sa Majesté le roi des Pays-Bas de laisser
passer M. Jules Malou, natif d'Ypres. allant
avec ses hardes et bagages en France et en
Suisse.
Plusieurs compatriotes, anciens élèves de
Saint Acheul, se joignirenta Jules en cours
de route. Nous ne le suivrons pas dans la
narration compléte qu'il fit de son voyage,
passant au galop des postiers par Lille,
Cambrai, Compiègne, Paris oil il s'arrêta
quelques heures a peine brölant des étapes
de Dijon, Besancon, Portalier. Les beautés de
la nature jurassique piongent dans l'admira-
tion le collégien flamand. II en fait A ses
parents des descriptions d'un enthousiasme
peut être excessif, mais dans ces lieux,
s excuse t il, 1 imagination est pcu maitresse
d'elle-même.
Jules Malou que son frère Jean-Baptiste
appelle notre politicien en herbe nest
pas a Fribourg'sans nouvelles des évènements
qui préparent la revolution Beige de i83o.
Le Courrier des Pays-Bas les lui apporta
régulièrement. II s'intéresse vivement au
vaste mouvement de petitions qui est le
prélude du soulèvement.
Presque toutes les villes et beaucoup de
bourgs et grands villages, lui évrivait son
père, adressent des petitions aux Ltats Géné-
raux pour demander la liberte de la press*
par l'abrogation des arrêtés de 1815,1a liberté
de l'enseignement, l'abolition de l'impöt
mouture et 1 insertion dans le nouveau Code
du jugement par jury ces petitions se cou-
vrent de signatures dans toutes les villes.
Toutefois, a Ypres, on est peu protcsta-
taire. Nous avons ici un grand nombre de
gens sans énergie ni caractère, qui ne s'in-
quiéteraient pas que le monde fut bouleversé,
pourvu qu'il* n'en éprouvent aucune com
motion il y a huit jours que la petition est
déposée et il n'y a pas encore cinquante
signatures.
La France est pour les anciens élèves de
Saint Acheul une seconde patrie.Jules Malou
lui porte un vif intérêt il s'est abonné Ia
Gazette de France et chaque jour lui parvient
la nouvelle d une concession des royalistes
aux libe'raux; prêts a tout entreprendre, a
ne laisser au Roi du trés chrétien et tres