TELEPHONE 52
Mercredi ir Aout 1906
10 centimes Ie N
Aux pays
d'instruction obligatoire
LE CENTENA JEE
du Petit Séminaire do Boulers
m w
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S'il faut en croire nos libéraux beiges,
l'instruction imposée par la loi est le remède
infaillible et universel k tous les malheurs de
Thumanité.
Sans exhiber les résultats acquis ailleurs
les libéraux se contentent de crier fort haut,
d'affirmer hardimement la nécessité et l'utilité
d'une intervention légale a la prussienne ou
a la frangaise.
D'autres cependant se sont chargés de
relever quelques résultats assez edifiants. Le
Docteur Rodenwalt, médecin militaire d'un
régiment d'élite en garnison a Breslau a fait
rapport sur l'examen de 174 recrues dont 69
artisans.
8a seulement pouvaient réciter l'alphabet
dans son entier, 5o étaient incapables de faire
une simple soustraction, 70 ne pouvaient
donner le nom d'une ville allemande en de
hors de la Prusse.
A titre d'exemple quelques réponses a la
question Que sont les Boers f
Des Nègres. des soldats, Allemands
pour la plupart.Des malfaiteurs. Un
peuple d'Asie. Des chrétiens. Des can-
nibales. Des jésuites, etc.
A la question. Oü habitent les Boers
11 hommes répondent En Chine 8 hom
mes En Asie 8 hommes prés de
l'Angleterre3 hommes: en Amérique
3 hommes en Turquie a hommes en
Espagne 2 hommes en Australië 2
hommes en Grèce 2 hommes en Eu.
rope.
A la question Par qui se font les elec
tions au Reichstag? 17 hommes ont
répondu par le Kaiser et 8 par le
chancelier del'empire
Enfin, 41 catholiques et 38 protestants ne
purent répondre a la question suivante
Qui était Martin Luther
Passons maintenant a la France.
Nous pouvons nous en tenirau témoignage
du Journal des Débats Celui-ci n'ayant
jamais caché ses prédilections pourl'enseigne-
ment d'Etat, son appréciation n'en est que
plus digne de foi lorsqu'il constate 1'ineffica-
cité de la coercition scolaire.
Le 23 juillet dernier le Journal des
Débats imprimait
C'est avec stupéfaction qu'on a sonde' l'in-
gue'rance des conscrits lorsqu'on a essayé a
l'entrée du régiment de leur poser quelques
questions élementaires. Qu est ce que Jeanne
d'Arc Que rappelle le 14 juillet Que savez
vous de la guerre de 1870? Est-ce que Metz
est en France? Rien de tout cela soupgonné.
Aucertificat d'études,au moment même oüles
élèves sont a leur maximum d'entrainement,
le même phénonème est constaté;... On ne
salt rien du dix-septième siècle, et on n'en
sait pas davantage sur le dix-neuvième
Le moindre résultat scolaire que la con-
trainte légale aurait pu atteindre serait une
fre'quentation régulière. Ce mince résultat
on n'a pu l'obtenir. Ce n'est pas l'école qui
est coupable, écrit le Journal des Débats
ce sont les families qui n'y envoient pas
leurs enfants. L'obligation scolaire n'existe
que sur le papier. II y a des régions de la
France ou elle n'est guère mieux respectée
qu'en Turquie ou en Espagne. On a procédé
plusieurs fois a la verification de présence le
même jour pour toute la France, d'oü il est
résulté que le nombre des absents selevait
dans les régions montagneuses jusqua 49 °/o»
Cela prouve l'inanité de ces lois de contrain-
te scolaire. Elles n'ont aucune sanction. Elles
restent stériles et inapplicables si elles ne
répondent pas a l'état des moeurs et des
esprits.
Voila pourquoi les catholiques persuadés
de la nécessité d'une instruction primaire
solide prennent leurs recours a des moyens
autrement efficaces qu'une loi stérile.
Les catholiques s'évertuent a persuader les
parents de l'obligation qu'ils ont de procurer
a leurs enfants une solide instruction cette
contrainte morale des parents est la seule
vraiment efficace. Pour rendre l'accomplis-
sement de ce devoir plus facile aux parents
les catholiques ne s'épargnent aucun sacrifice.
Tandisque le gouvernement catholique
soigne consciencieusement l'enseignement
officiel, la générosité privée érige ses écoles
libres qui obtiennent davantage les sympha-
thies des parents.
Cette sympathie des parents pour l'ensei
gnement et les instituteurs n'est pas un
élément négligeable pour le succes de
linstruction publique.
La Revue pédagogique frangaise l'écrivait
dernièrement L'influence morale de l'insti-
tuteur a plus d'influence pour attirer et
retenir les enfants que tous les articles de loi»
(r5 mai 1905). Et si une loi force les parents
k confier leurs enfants a des instituteurs ou a
des écoles qui n'ont pas leur sympathie on
peut aisément augurer de la caducité d'une
telle législation.
Amis généreux de l'instruction populaire
les catholiques ont, d'ancienne date défendu
un programme scolaire donnant des résultats
d'autant plus beaux qu'il respectait davanta
ge les justes libertés des parents.
Aux catholiques de ne pas laisser détruire
avec leur liberté et leur foi l instruction
même du peuple
Le petit Séminaire de Roulers est l'aïné
des établissements d'enseignement écclésias-
tiques fondés en Belgique depuis la Révolu-
tion frangaise. Son histoire n'est autre chose
que le récit d'un long triomphe de l'enseig
nement catholique et libre.
Fondé en 1806 par Mgr de Beaumont,
évêque de Gand, confié par lui aux pères
jésuites en collaboration avec des prêtres
séculiers, letablissement fut fermé tempo-
rairement par Napoléon et privé par Guil-
laume d Orange du droit d'enseigner les
humanités.
Une nouvelle ére s'ouvrit en i83o avec
le triomphe de la liberté elle apporta au petit
Séminaire de Roulers une suite non inter-
rompue de succes. Aussi les murs rajeunis du
petit séminaire, aujourd'hui festonnés de
guirlandes, doivent avoir l'air plus jeunes que
les murs du monastère en 1806.
Nos lecteurs nous sauront gré de leur faire
connaitre quelques détails donnés par le
XX Siècle sur ces fêtes jubilaires aussi inté-
ressantes que rares.
Quand, vers 10 heures du matin,S. Exc. le
nonce, Sa Grandeur Monseigneur Waffe-
laert, évêque de Bruges, Mgr. Roelens,
vicaire apostolique du Haut Congo beige, la
foule des prêtres et la'iques, anciens élèves du
petit séminare, descendirent sur les quais de
la toujours modeste et trop modeste gare de
Roulers, ils furent regus par un piquet d'hon-
neur composé des élèves actuels du collége.
Processionellement, tous ces fils jeunes et
vieux, de l'Alma Mater rollarienne traver
sèrent la ville accueillante et pavoisée. Ils
vinrent se réunir dans leur vieille église des
Pères Augustins, oü un «Te Deum» pontifi
cal fut chanté.
La séance solennelle
Après, par des avenues de mats fleuris et
e'cussonnés, reliés entre eux par des guirlan
des de verdure, ils gagnèrent la grande salie,
landen gymnase, si vaste et si originale sous
ses voütes de bois et de fer. Elle est comble.
Sur l'estrade apparaisseat successivement M.
Reynaert, député et bourgmestre de Cour-
trai, président du comité organisateur des
fêtes, qui remercie fort délicatement les assis
tants d'avoir répondu si nombreux a l'appel
de l'Alma Mater le chanoine De Vroe, supé
rieur actuel du petit Séminaire, qui lit un
rapport trés complet et a la fois trés intéres
sant sur l'histoire du séminaire et ses succes-
sives transformations. Ce rapport, petit bijou
littéraire, indispensable a tout ancien élève
de Roulers, sera pour les étrangers mêmes
d'une captivante lecture. Une cantate, dont
les paroles sont de l'excellent professeur de
rhétorique, M. l'abbé Dierick, et la musique,
de M. Remi Ghesquiere, repose ensuite un
instant, par sa délicate et soignée exécution,
les attentions fatiguées. Le professeur G.
Verriest, de l'université de Louvain prend
maintenant la parole au milieu d'un reli-
gieux silence. Avec son frère le curé et poëte
Hugo Verriest, il est parmi les plus nobles
illustrations de l école.
La toujours vibrante lyre du vieux et cher
poète flamand le Dr Karei De Gheldere re-
sonna alors dans cette salie du collége fia
mand ou elle essaya les premiers chants elle
remua le coeur des auditeurs, tous admira-
tcurs enthousiastes et affectueux de l'infati-
gable barde de Couckelaere.
M. le docteur Verriest prononga une
vibrante allocution dans laquelle il protesta
contre l'utilitarisme qui menace les études
classiques.
Au milieu de délirantes acclamations, M.
le professeur Van Biervliet annonga que
l'Université de Louvain venait d'accorder le
grade de docteur en philosophie —«honoris
causa» a M. le chanoine Devroe, supérieur
du petit Séminaire, et i M. le curé Verriest.
Le Banquet
Bientot, après quelques instants laissés
k ces délicieuses rencontres d'anciens amis
se retrouvant surl'ancienne cour des jeux,
pierreuse et nue autrefois, aujourd'hui fleurie
et verdoyante, fertile surtout en souvenirs,oü
leur jeunesse semble leur revenir un instant,
insoucieuse et gaie, le même auditoire se
réunit dans une autre salie pour y jouer cette
foisun role plus actiffle banquet commengait.
Prés de 600 convives et un service diligent
et attentif.un menu copieux, adapté aux sains
appe'tits flamands.une animation ininterrom-
pue, brefla»plus franche cordialité classi-
que et ici trés réelle. Les murs étaient teudus
de draperies rouges et jaunes. Les couleurs
pontificales brillaient dans les festons s'entre-
croisant au-dessus de la tête des convives
l'immense crucifix, entre les bustes du Pap»
et du Roi, présidait l'assemblée du haut de
l'estrade.
Citons maintenant quelques noms, cueillis
vraiment a la lorgnette le long de ces tables
sans fin. J'ai cité les évêques présents parmi
le haut clergé, MM.les vicaires généraux du
diocèse de Bruges, Rembry et Houttave,De
Schrevel,auteur de 1'Histoire de l'Enseigne-
ment de Belgique livre qui sera publié k
l'occasion de ce centenaire Mgr deBéthune,
économe du petit séminaire en 1856,1e prési
dent du grand séminaire de Bruges; MM.les
chanoines de Brouwere, curé-doyen k Ypres,
Hemeryck, professeur a l'université de Lou
vain, Lahousse, de Bruges, Rommel,inspec
teur des colléges du diocèse,le savant docteur
S. T. De Gryse, curé doyen de Gourtrai
Moser, de Peterborough; Calebert,de Egron
Bridge le curé De Wulf, de Baltimore De
Ryckere, des Montages-Rocheuses; Wallays,
de Pulu-Pinang le R. P. Provincial des Jé
suites le R. P. Waelckens, supérieur de la
mission des Jésuites au Bengale le docteur
S. T. De Stoop, du séminaire de Leeds, ce
vrai Flamand, élève et continuateur de Ge-
zelle, l'inspiré vulgarisateur de sa gloire le
curé Verriest, d'Ingoyghem, etc., etc.
Parmi les autorités civiles, ie ministre de
l'Agriculture, baron M. van der Bruggen le
gouverneur de la province, baron Béthune
Jes représentants Reynaert, Delbeke, baron
Gillès de Péiichy le sénateur vicomte de
Jonghe d'Ardoye les suppléants Boone,
bourgmestre de Thielt, Van den Bussche,
bourgmestre d'Ardoye; les commissaires
d'arrondissement van der Gracht d Eeghem,
Albert Solvyns.Bieswal. A coté de nombreux
conseillers provinciaux et bourgmestres, les
professeurs d'université Van Biervliet, Ver
riest et Yliebergh, de Louvain, Lahousse, de
Gand; le conseiller a la cour d'appel de Gand
M. Berten; puis le sculpteur Lagae le comte
Veispeyen, notre grand maitre a nous tous,
journalistes catholiquesl'avocat Constant
Van Ackere, de Courtrai Verwilghen, de
Bruxelles; l'éminent chirurgien Em.Lauwers;
le Dr Castebeke, devenu un Père de Picpus
et qui se prépare a aller s'enfermer avec les
lépreux du P. Damien le Dr Van Ruym-
beke, que personne, a le voir, ne soupgonne-
rait d'etre le doyen d'age des anciens élèves.
Vous le voyez, c'était une assemblée repré-
sentative de toutes les régions et de toutes
les professions. L'armée y avait, parmi ses
représentants, le colonel Wordevard, d'An-
gleterre.Cette université de convives ne faisait
qu'accentuer leur compléte fusion.
A l'heure des toasts, M. Reynaert but au
Pape et au Roi. S. E. le Nonce lui répondit
en faisant l'e'loge de Mgr 1 evêque de Bruges.
La grandeur de la salie qui ne permet pas
aux voix de porter plus loin qu'aux tables
proches de la table d'honneur, ainsi que le
grand nombre d'auditeurs, ont empêché les
orateurs annoncés de se faire entendre et
priva de réponse Mgr l'évêque de Bruges, M.
le ministre de l'Agriculture et M. le gouver
neur de la province.
La soirée
11 ne me reste plus d'espace pour décrire
la soirée, l'illumination générale, les transpa-
rents faisant revivre des scènes caractéristi-
ques de l'histoire du collége, les concerts au
jardin, le feu d'artifice, la féerique et tumul-
tueuse défense de la porte Pia, représentée
par les zouaves du collége dans une cour
JOURNAL