JOURNAL D'YPRI
'AflRONOfSSEiENT.
YPRES, Dimanche.
PREMIÈRE A\\i:E. K« fO.
28 juin 4.86S.
Le Journal parait le dimanche de chaque semaine.
Laissez dire, laissez-vous blAmer, mais publiez votre pensee.
YPRES, 98 join 1863,
L'umon des libcraux.
Lc danger commun a réuni sous le même dra-
peau toutes les nuances de l'opinion libérale. Apart
quelques individualités moroses ou inquiètes qu'il
taut renoncer a rallier jamais, doctrinaires et avan
cés, jeunes et vieux ne torment plus aujourd'hui
quun seul parti en face des éternels ennemis denos
libres institutions. C'est lè, sans nul doute, un ré-
sultat considérable et qui doit suffire a lui seul pour
nous consoler de l'amoindrissementparlementaire
que nous venons de subir. Ne cédóns pas toutefois
a des illusions trop faciles. Gette réconciliation que
nous avons tous accueillie avec transport, qui nous
dit qu elle sera durable? En accordant au ministère
actuel une sorte de bill d indemnité pour le passé,1
les libéraux avancés sq sont-ils engagés a lui donner
un appui absolu et sans réserves? Le ministère, de
son cöté, co.nsentira-t-il a faire droit U toutes les
prétentiQUs des avancés? Ni l'une ni l'autre de ces
suppositions n'étant admissible, une transaction de-
vient done nécessaire. Mais quelle sera cette trans
action? Sur quels points portera-t-elle? questions
délicates que l'on hésite a aborder et qu'il faut ré-
soudre cependant si l'on veut prévenir le danger
d'une nouvelle scission.
Ce qui frappe tout d'abord dans la situation que
ïes élections nouvelles viennent de créer, c'est que
le sort du ministère est aujourd'hui tout entier dans
les mains de la gauche avancée. La majorité libérale
actueile se trouvant réduite a six voix y compris
celles des avancés, que ceux-ci s'abstiennent dans
un vote politique quelconque et les ministres sont
nécessairement obligés de se retirer. De ia pour les
uns et pour les autres une grave responsabilité vis
a-vis de l'opinion libérale. Dès aujourd'hui, en effet,
la gauche avancée cesse d'être une simple opposi
tion le pouvoir a besoin de son concours, elle a le
droit de stipuler ses conditionsmais en même
tem ps qu'elle est appelée a prendre une part plus active
dans la direction des affaires du payfe, de nouveaux
devoirs lui incombent. Elle peut, si elle le veut,
renverser le ministère; elle n'a, pour cela, qu'a lui
faire des conditions telles que sa dignité l'oblige a
les repousser. Mais alors les avancés auront assume
sur eux une grande responsabilité et le pays leur
demandera un compte sévère de leur conduite.
D'un autre cöté, le cabinet, qui ne peut se passer
du concours des avancés, ne doit pas trouver mau-
vais que ceux-ci profitent de leur position pour ré-
clamer certaines concessions. Si ces réclamations
sont modérées, légitimes, il est tenu de les admet-
tre sous peine d'etre responsable lui-même vis-a-vis
du pays des conséquencs de son fol entêtement.
La modération est done une nécessité pour les
deux parties en présence et c'est d'elle seule que
l'opinion libérale peut attendre son salut.
Què veulent les vieux? Que veulent les jeunes? Au
fond, ils poursuivent le même but, la realisation en
fait du principe la separation de l'Eglise et de l'E-
tat, l'indépendance réelle et compléte du pouvoir ci
vil. D'accord sur le but, diffèrent-ils quant aux
moyens de l'atteindre? Non plus. Jeunes et vieux
sont également d'avis que l'enseignement public
doit être soustrait a l'autorité du clergé, que les
Liens affectés au temporel du culte et aux études
doivent être sécularisés; que le cimetière doit rece-
voir tous les citoyens sans acceptation de croyances
religieuses, que le clergé n'a rien a voir dans la dis
tribution des seeours publics. Ainsi done, accord
complet sur le but et sur les moyens.
Mais oü la dissidence se manifeste, c'est sur Im
plication plus ou moins immediate de ces moyens
communs; Les vieux cheroh a Lunporiser, les
jeunes ne veulent pas attendre. De la ces luttes, ces
divisions qui n'ont pas cessé, depuis six ans, d'af-
fliger le parti libéral.
Les avancés, avons-nous dit, sont maitres aujour
d'hui de la situation. G'est leur droit de mettre a
leur concours certaines conditions, et pourvu que
Cés conditions soient raisonnables et modérées, le
ministère est tenu d'y souscrire. Le but est le
même, les moyens aussi. Mais les uns ont plus de
hate et les autres, moins. Que faut-il faire pour
è'entendre et marcher de conserve? Que le minis
tère consente a presser un peu le pas et que les
avancés ralentissent un peu le leur. Précisons
mieux notre pensee.
II est des réformes immédiatement possiblesil
en est d'autres qui ne le sont pas. Le cabinet, qui
repousserait systématiquement les unes ne serait
pas moins coupable que la gauche qui réclamerait
impérieusement les autres.
Prenons la question de l'enseignement. Est-il
possible aujourd'hui d'exiger du ministère la ré
forme immédiate de la loi de 4842 (pui admet le
prêtre a titre d'autorité dans l'école primaire? Nous
ne le pensons pas. II faudrait, pour cela, faire vio
lence au ministère et a la majorité libérale qui se
sont prononcés très-énergiquement, et dans des cir-
constances récentes, en faveur du maintien provi
soire de l'ancien état de choses. Non pas, enten-
dons-nous bien, qu'il faille renoncer pour toujours
a l'espoir de voir réformer cette malheureuse loi
de 1842mais, nous le répétons, ce serait exiger
l'impossible que de demander a la majorité parle
mentaire de se dégager a quelques années de dis
tance sur une question de cette importance.
En est-il de même pour la loi de 4850 sur l'en
seignement moven? Non. Le ministère a déclaré
lui-même en 4859 qu'il considérait la convention
d'Anvers comme une lettre morte. Le fameux arti
cle 8 de cette loi qui range l'enseignement religieux
au nombre des matières lesant par tic du programme
des études, peut done disparaitre.
Des événements récents ont soulevé la conscience
publique contre les pretentions scandaleuses du
clergé en matière d'inhumatiion. A Uccle, c'est Ie
conseil de fabrique qui ose réclamer du gouverne
ment l'autorisation de poursuivre en justice l'exhu-
mation du colonel Demoor; a Ruysbroeck, c'est le
curé qui refuse a un malheureux père de familie la
triste consolation de faire enterrer son enfant a cöté
de sa soeur, morte quelques mois auparavant. Dans
presque tous les cimetières, d'ignominieuses dis
tinctions entre les catholiques et les impies. Aux
uns, le respect et la Terre-Sainte, aux autres, un
coin de terre le plus souvent couvert d'immondices,
le coin des reprouvés.
Un semblable état de choses ne saurait être to-
léré plus longtemps. La loi qui régit actuellement
les cimetières est vicieuse, obscure elle autorise
des distinctions qui répugnent au principe de la li-
berté des consciences; elle ne determine pas d'une
manière suffisamment précise, les devoirs des ad
ministrations communales, le plus souvent dispo-
sées, surtout dans les campagnes, a fermer les yeux
sur les pretentions du clergé. Une loi nouvelle est
done nécessaire et ce sera, pour le cabinet libéral,
un véritable honneur que d'avoir mis un terme aux
scandales dont le champ des morts n'a été que trop
souvent le témoin.
La loi sur les fondations de bourses a été vötée
dans le cours de la dernière session. Celle qui doit
réformer la législation actueile sur les fabriques
d'églises est attendue pour la session prochaine, de
même que le projet de loi sur la réforme electorale
dont le texte a été publié. Espérons qu'en ce qui
concerne ce dernier projet, les abus signalés par Ia
presse lors de nos récentes élections engageront le
gouvernement a inscrire dans son projet le principe
du vote parordre alphabétique si vivement réclamé
par une grande partie de l'opinion libérale. Le vote
par ordre alphabétique ne remédiera pas sans doute
a tous les abus, mais il aura du moins le mérite d'en
faire disparaitre quelques-uns. Nous verrons encore
arriver a la ville des troupes de malheureux pay-
sans conduits par leur curé, comme des moutons
par le berger; mais, une fois entrés dans le bureau
électoral, ds échapperont a sa surveillance et pour-
ront voter librement selon leur conscience, quitte
a mentir après, quand le curé les interrogera. La
loi ainsi complétée donnerait a l'opinion publique
les satisfactions qu'elle réclame en même temps
qu'elle assurerait d'une manière plus efficace, Fin-
dépendance de l'électeur, soumise aujourd'hui, il
faut en convenir, a de cruelles épreuves.
Les dangers de l'ignorance, les bienfaits de l'in-
struction ont donné naissance a la question de l'en
seignement obligatoire. Tout en réservant notre
opinion personnelle sur cette importante question,
nous sommes forcés de reconnaltre que, pas plus
que la réforme de la loi de 4842, elle n'est appelée
a recevoir une solution immédiate. Aujourd'hui en
core, le principe de l'enseignement obligatoire
trouve des contradicteurs parmi les hommes les plus
sincèrcment dévoués aux principes du libéralisme.
Ge n'est pas la, d'ailleurs, une question politique
proprement dite et nous ne voulons nous occuper
que decelles-ci.
Supposons maintenant le ministère inscrivant
dans son programme
La réforme de la loi sur l'enseignement moyen
Une nouvelle législation sur les cimetières
La réforme électorale avec le vote par ordre al
phabétique
La revision prompte et radicale de la loi sur les
fabriques d'église.
Et demandons-nous si un semblable programme
ne donnerait pas pleirie et entière satisfaction aux
libéraux de toutes les nuances? Quant a nous, nous
en sommes profondément convaincus. Avec ce pro-
gramme, les avancés attend raient très-patiemment
la réforme de la loi de 1842 et l'enseignement obli
gatoire, et nous n'aurions rien a redouter, d'ici a
longtemps, des dangers d'une nouvelle scission.
On voudra bien, sans doute, ne pas nous prêter
la prétention ridicule de parler au nom du libéra
lisme avancé, ni celle, plus ridicule encore, de vou-
loir dicter au ministère sa ligne de conduite. Per-
suadés qu'une union forte et sincère entre tous les
libéraux peut seule parer aux dangers de la situa
tion, nous avons voulu dire ici, franchement, loya-
lement, a quelles conditions, selon nous,cette union
si précieuse pouvait être maintenue. Heureux déja
si nous n'obtenions pour résultat que d'avoir appelé
sur cette grave question l'attention d'hommes plus
capables que nous de la traiter avec Fimportancc et
les développements qu'elle mérite.
Le chatiment.
Maintenant que le caline a succédé aux émotions
produites par la lutte du 9 juin, l'opinion publique
examine a froid les incidents de cette lutte, et les
moyens mis en oeuvre, il ne se passé pas de jour
que Ton n'entende les personnes, même les plus dé-
vouées la politique ultramontaine,blamer ouverte-
ment les procédés d'une grande partie du clergé
Les calomnies jetées la face des hommes les plus
respectés de l'arrondissement, les écrits immondes
répandus par les ministres d'une religion de paix,
journal.
abonnementpour la Belgique 8 fr. par an; i fr. SO c. par semestrepour
d'avance.
(£c article.