JOURNAL D'YP km»* YPRES, Diaianche. PREMIERE A .WEE. X* Hi. juillet 456$. Le Journal parait le dimanche de chaque semaine. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez voire pensee. YPRES, 5 juiilet 1863. La peine de iuort. A toules les époques de notre histoire, nous trou- vons la peine de mort inscrite dans nos lois, pro- noncée par nos tribunaux, exécutée sur nos places publiques et, chose terrible a penser, a mesure qu'elle se fait plus ancienne, loin de recevoir du temps quelque surcroit d'autorité, elle voit augmen- ter, chaque jour, le nombre de ses adversaires et 1'horreur qu'elle inspire. Nous sommes un siècle de douceur et de clémence, nous le disons, du moins, €t nous mettons tout notre orgueil a paraitre comme tels devant 1'histoire. Qui sait; cependant, si les générations futures, a l'aspect de cette longue trainee de sang que nous aurons continuée jusqu'a elles, consentiront a nous séparer des siècles passés et ne nous confondront pas avec.eux dans une même et honteuse accusation de barbarie! Le moyen-age, lui, pourra se laver peut-êtrc. Je dirai que, de son temps, 011 brülait, on pendait, on éeartelait pour compte du roi et que la nation n'avait h se mêler de ces choses que pour fournir la ma- tière a pendre, a brüler et a écarteler, selon le bon plaisir demessire le roi, son douxmaitre. Mais nous, le peuple souverain, qu'aurons-nous a répondre Car enfin, quand l'échafaud se dresse aujourd'hui sur l'une de nos places publiques, c'est que nous les souverains, nous l'avons voulu; la liache qui tombe, le sang qui coule, c'est nous et nousseuls qui en sommes responsables. II y a done sur cette grave question de la peine de mort un doute qui clo.it s'éclaircir, il faut que laperplexité cesse, ilfaut qu'un examen approfondi consacre et affermisse le droit de mort ainsi ébranlé on purge nos lois de cette usurpation sur la compétence divine. II n'y va oas seulement de notrc honneur devant l'histoire, ïl y va" de notre propre responsabilité de peuple sou verain vis-a-vis de nous-mêmes et devant Dieu. Oh ie' ie SJds' H0US sommes très-sensibles. Cette "•uillo'tlne, Ces lugubres apprêts, cette horrible toi lette ce coute.au fraichement aiguisé, cette tête qui tombe ce tronc qui fait bascule, ce sang rouge qui iaillit 'tout cela nousremplit d'horrcur etnous cause tin grand mal de nert>- Mais, après tout, nes Lee pasf cette guillotine est u» mal necessaire? 11 faut bien que la société puisse se dé tend i e So défondro?.cjuoi, dsns oofcto Iioiïiiïig lio, §si- fotté privé de tout mouvement, entonré d une force atmée imposante, hissé sur l'échafaud comme une masse inerte, vous voyez la societe en état de de fense? Un homme m'attaque, je ne puis me defen- dre qu'en le tuant, je Je tue, ci c'est ce même droit de defense que la société prétend exercer quand elle envoie un criminel h Ia mort? Ah, j.e cosaprends la loi de Lynch, et la justice populaire exer§ant elle, même ses terribles arrêtsmais que, froidement, Iranciaiilement, après une longue instruction, on aille titer du fond de sa prison un miserable homme nour lui couper le eou,l'humanUé proteste et la rai son indignée affirme que ce n'est pas ia le droit de défense °Ooi, le crime de eet homme a mis ia so ciété en péril, mais pourquoi l'échafaud? Le navire est-il done en si grande détresse quun homme y soil de trop et qu'il faille nécessairement le sacrifier lu sécurité des au tres? Oui, il faut une menace, ïl faut un exemple, mais n'qyons-nous pas d autres iecons morales a donner aux peupi.es que celles don la guillotine est lachaire et donl le profp.§eur est le 'hmn'^ecu?Et puis,cette nécesssité de lexem- de peri» Il0mme pour avoir volé un cheval. Ami, lui dit le juge Burnet, ce n'est pas pour ayoir volé seulement un cheval qu'on tepend, mais c'est afin que les che- vaux ne soient pas volés.Le véritable esprit des supplices est dans cette réponse. On tue le meur- trier,non pas paree qu'il a tué, ce qui ne serait que de la vengeance, mais afin qu'on ne tue plus. Avec ce système, il n'y a pas de raison pour qu'on ne frappe aussi bien l'innocent que le coupable car puisque l'exemple estle but et la terreur, le moyen, la peine, en frappant l'innocent, produirait autant et plus de terreur, et serait tout aussi préventive. Voulez-vous qu'on croie en votre peine de mort Commencez par y croire vous-même, appliquez la résolument, inexorablement, dans tous les cas ou la loi la prononce. Plus de grace, plus de commu tation de peine; la mort toujours et l'échafaud en permanence. Yous serez atroce, mais conséquent, et peut-être le monde, vous trouvant si convaincu, subira-t-il la puissance de votre conviction. Mais on sent bien que cela est impossible ce monstrueux remède, appliqué a liautes doses et a des intervalles trop rapprochès, la socicté moderne, si douce et si polie, le rejetterait avec dégout. On ménage done la guillotine, on lésine avec le hourreau, on coupe bien par-ci par-lb une tête, mais il faut être prudent; une ou deux par an, c'est très-bien comme cela. De sorte qu'aujourd'hui, avec ce système de mort mi- tigé par le droit de grace, ce qui decide de la mort ou de la vie du condamné, ce n'est pas uniquement son crime envisagé en lui-même mais encore des considerations de temps, de lieu, d'opportunité. qui devraient rester étrangères a la délibération. N'ai-je pasentendu dire Les chefs de la bande noire out été guillotines, il faut que le chef de ia bande rouge le soit aussi? Et si cela n'estpas vrai, n'est-ce pas trop déja que de pareilles idéés trouvent crédit dans le peuple et que la justice soit 'soupconnée d'etre accessible a d'autres misérables considérations? Mais on ne saurait le nier, le poids du crime ne pèse pas seul dans la balance de la justice humaine. On ne se demande pas seulement si le coupable avait mérité la mort! Mais encore s'il est prudent, s'il est opportun qu'on le tue. Tout se rédüit alors b une question d'appréciation de circonstances. On rechercbcra si dans le lieu fixé par l'artvl pour l'exécution, la population est plus ou moins antina- tiqup a la peine de mort et J'effet probable de l'exé cution; la vie du condamné sera plusQu moins com promise selon que, dans un temps donné, les crimes commis dans un certain rayon auront été plus ou moms nombreux et les executions capitales plus ou moins fréqnentes. J'affirme qu'a moins d'un attentat exceptionnellement monstrueux, il n'est personne qui ne reculbt b l'idéc de faire dresser trqis fois de suite, a buit jours d'intervaïle, le'chafaud dans une même localité. Dumolard devrait être execute cle- main b Ypres, on n'bésiterait pas sans doute, mais que, buit jours après, dans ce même Ypres, il s'a- gisse de guillotine? I'asgassin Leclercq, on n'qsera pas, ce serait trop de sang sqr les rnêmes pavés. Que ce même Leclercq cependant, eut commis son crime a Malines, a Louvain, a Anvers, ou n'hésitera pas, sa tête tombera. lei la grbce, aijleurs la mort, quelle morale et quels enseignements Ayons foi dqns rayenir, dans Je progrès des lu- mières et des mceurs, dans l'irrésistible puissance des idéés dé douceur et de clémence qui pénètrent chaque jour plus profondément notre législatiqq criminelle. L'échafaud ne s'éorou}e-f,-jj pas de to.utes parts? Hier, c'était le comité de législation du Par lement portugais qui déclarait liT peine de rqort initule', injuste et' immorale et qui deniandait Ibrmellciqent son aboljtipn, Aujourd'hui même b l'heure oü nous écrivons, ces lignes, c'est une reu nion d'bommes dévoués, généreux qui préparaient, b Liége les elements d'un immense pétitionne- ment national dans le même but. Et si tous ses efforts de dévouemönt et d'intelligence ne devaient pas aboutir, ne désespérons pas encore il y a, dans l'universelle horreur qu'inspire aujourd'hui Ia vue des exécutions capitales une force qui doit fata- lement ruiner le crédit de la guillotine et peut-être est-il dans les desseins de Dieu que ee soit l'écha faud qui tue la peine de mort. Comme témoignage des sentiments de répulsion que soulève {'application de la peine de mort, un honorable correspondant nous adresse la lettre sui- vante, que nous nous empressons de mettre sous les yeux de nos lecteurs. Monsieur le rédacteur, «Tous les jöurnauxontrapportéles détails horribles desas- sassinats et des vols commis par les misérables connus sous le nom de Bande rouge. Le résultat de ce célèbrc procés a été six concatenations h la peine capitale, et le dénouement tra- gique vient d'avoirlieu dans notre ville, d'ordinaire si paisible par unesanglante exécution. Je ne vous raconterai pas les détails de cette scène aflreuse. Je ne vous dirai rien non plus pour excuser les crimes du sup! plicié; ils sont odieux, ils font frémir. Mais je vous dirai qu'ü ia société pas plus qu'a un particulier la loi du talion n'est per- mise, la vie do l'homme n'apparlenant qu'b Dieu. C'est done comme protestation contre cette sanglante pénalité de notre Code que je viens vous réelamer l'insertion de ces lignes dans votre estimable journal. Depths longtemps déja les hommes du progrès, les amis de Fhumanité se sont demandé si la peine de mort doit être abo- lieils ont répondu a la question en démontrant que cette peine est cruelle, barbare, immorale et en opposition i'ormelle avec les lois divine et naturelle. D'autres prétendent que la peine capitale est un mal néces saire; que certains membres de la société doivent en être ex- clus,. C'est la a nos yeux un pursophisme; car la peine de mort qui, on veut bien le reconnaïtre, est un mal, n'a pas pour eflet de prévenir un mal plus grand encore. Et, en eflet, l'histoire et l'expérienee démontrent que les crimes diminuent de fré quence et de eruautó b mesure que celTe horrible peine est ap- pliquée moins souvent. D'autres enfin, tout en exprimant le désir dc voir abolir la peine dc mort, cherelientb étabiirque cette suppression serait inopportune. Je ne mets nullement en doute, Monsieur,'la bonne foi do ces personnes; j'admets volontiers qu'elles s'as- socient sincèrcment b tous ceux q"ui veulent renverser l'éeïia- faud, mais je comprends d'autant plus difïicilement qu'elles regardent. comme suftisant le motif qu'elles allèguent, pour ajourner indéfiniment ee grand acte dc justice humanitaire de bonne politique, ce devoir impérieux pour tous les souver- nements. Comment! c'est paree que la lbule eneombre les abords de 1 échafaud unjour d'exécution; paree que la peine de mors est. encore dans les mceurs du peuple qu'il faut la maintenir t Mais h ce compte on a dono mal fait de supprimer les bitehers les épartelléiiient.s, la roue, etc. Carb ces spectacles aussi le peu ple accourait cn foule! Malheureusement, oui,les. masses sont très-ignorantes en core, et Ton no saurait trop faire pour les éclairer; mais est-ce done un moyen cfïicaoo d'acoélérer parmi dies la diffusion des. lumières que de contribuer b les faire assister b des actes sau- glants dont on reconuait limmoraüto absolue et lepernicienx effet Et qu'on ne se figure pas que la peine de mort inspire de la frayeur aux mcchants qui se persUadent toujours fermo- ment qu'on ne découvrira pas leurs crimes. L'homme doué de sensibiütó et qu'une curiosité blfunable attiro b une exécution capitale, fréinira sans aucun fruit poursaraoralité. Pourte scé- lérat, c'est un spectacle qui l'ondurcat et le familiarise avec la vue du sang; et il existe d'autrqs moyens pour moraliser le peuple que la vue de la guillotine. Eb quoifaut-il ober'eher dans la froido raison des argu ments qui sant dans tous les coours d'bomme Faut-il qu'en plem xix' siècle, on en soit encore b discuter la légilimité de la peine de mort Quant a nous, Monsieur,nous ne voulons pas de l'échafaud, quancj pour- punirle crime, la société possède des moyens tels que ia sequestration perpétuelle, e'est-b-dire, la mise iiors d'e tat denulre de nouveau; le temps, e'est-b-dire la possibilité de faire entrer un saint repentirdans lecoeurdu coupable. II n'ap! partient pas d'ailleurs a la société de se poser avec hauteur, comme un juge inexorable, car son orgueil et sa suffisancé pa gss argent c I'éditeur.Prix d'abonnementpour la Bolgique 8 fr. par an; 4 fr. 50 c. par semestre pour le tout payable d'avance. i du journal.

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L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 1