L'OPINION, Journal dApres. tous etle lendemainune familie entière est soulagée Voilü pourquoi il y avait foule au concert de diman- che. Mais la temperature ouf! insupportable je me suis élaneé versla Grand'Place dans 1'espoir d'yres- pirer un air plus frais. Mais liélas! J'y vins heurter Ia même I'oule, qui avait centupléson volume. J'enra- ejeais et counts au bureau de police réclamer de 1 air et de l'espace. impossible, Monsieur, il n'y a plus place sur la Place! M. le commissaire n'avait malhcureusement pas lu le Propagateurdu 8aout, qui tranche la difïïculté. Si, par exemple, Ton eüt fait un partage de toutes Les baraques indistinctement qui couvrent la Grand'Place et qu'on eüt fait placer me pcirtie sur la Petite-Place et une partie sur 1'Esplanade, il y eüt eu de la Grand'Place a la Petite-Place, et de la Petitc-Place a 1'Esplanade, et vice-versa une circulation assez considerable... Simple comme bonjour, ami commissaire! h'exem ple eüt été frappant autant que le moyen était éner- gique. Par exemple le Propagatenr, le commissaire de police et moi nous.faisons un partage de la bara- que aux gaufres Nous installons sur 1'Esplanade la partie oü ia jolie Hollandaise tiendra le pot-au- feu et retournera ses fers. Sur la petite place nous rangeons les box oü le riche tourlourou offrira a sa mcilleurc amie son coeur avec une gaufre. Puis, après le repas, ils iront ensemble dans la troisième partie de la baraque* établie sur la Grand'Place,sa- vourer un verre de cette délicieuse bière d'Ypres, appelée bière de kermesse. Quel mouvement, quelle vie entre la Grand'Place et 1'Esplanade Quel air frais De même les officiers de I'école d equitation tire- ront a la carabine en face de la Concorde. Tout a coup une détonation partie de 1'Esplanade annon- cera au tireur qu'il a visé la rose! Quant a M. Phi lippe, le physicien, il en fera de dröles celui-lü Peut-être bien qu'en plagant l'un des deux vAnglais sur la Grand'Placeet l'autre sur 1'Esplanade ii leur fera jouer la Brabaneonne sur le violon l'un de l'autre Ainsi de suite l'on fera un partage de toutes les baraques indistinctement; avec lesystème inventé par le Propagatenr, il faut s'attendre a tout. Le monde y gagnera en mouvement, en respiration, en amusement. L'an prochain, si 1'administration communale ne prend pas ses mesures, je lutterai énergique- ment pour la proposition du Propagatenr. A la difference du dimanche, le lundi s'an- nonga aux habitants d'Ypres par les sons bruyants des orgues de Barbarie. J'ai toujours éprouvé a 1'en- droit de ces instruments une profonde sympathie, paree qu'en temps de foire et de kermesse ils amè- nent 1'harmonie au diner du bourgeois qui n'a pas une musique spéciale, amusent les enfants et les bonnes et font danser les singes. Ma sympathie est devenue passion depuis que j'ai constaté par mes propres yeux que les orgues de Barbarie vont par- fois jusqu'a réparer les injustices du gouvernement. Un bourgeois d'Ypres qui fait honneur a ses affaires, appartienta plusieurs sociétés d'agrément, et dont le panégyriste pourra dire sans exagéra- tion il a vécu, il est mort, c'était un brave homme, nourrissait 1'espoir que bientót le gouver nement serait assez juste, assez impartial pour lui envoyer le ruban d'honneur, qu'il sollicite depuis plusieurs annëes. «Oui, disait-il souvent ses amis, j'ai bien élevé mes enfants, j'ai rempli des fonc- tions bien rétribuées et d'autres gratuites, aux- quelles je tiens comme a mes dents. Cela relèva. le citoyen, voyez-vous j'ai au moins soixante ans, assez pour devenir conseiller communal Ypres ou a Poperinghe. Avec de pareils titres il est impossible que Ton me fasse longtemps atten- dre. Surtout que le vent souffle dans notre di- rection. Car vous connaissez comme moi des décorés qui n'ont pas d'autres titres que les miens et qui sont peut-être plus jeunes que moi Or, le lundi de la Tuyndag, notre bourgeois, après le diner de familie, s'étaitmollement livré aux douceurs de la sieste, en songeant a sa prochaine illustration. Le rêve aidant, il venait d'êtremommé chevalier de l'Ordre. Tout a coup un bel orgue de Barbarie vintréveiller harmonieusement notre bour geois, qui crut entendre la musique donnant au nouvel élu la sérénade d'ordonnance. Quelle joie! Quel honneurEnfin, e'est bien mérité Le brave homme, d'un bond sauta du lit a la fe- nêtre et reconnut,hélas! l'orgue de BarbarieHumi- lié d'abord et furieux, il allait maudire la musique bohémienne, mais réfléchissant, il se dit Au fait cet orgue m'a donné un instant de bonheur, que le gouvernement persistera sans doute a me refuser. Je lui dois de la reconnais- sance et non pas des malédictionspuis saisis- sant un papier, il écrivit une adresse de remerci- ments a M. l'ex-sénateur Cassiers, seigneur de Clercken, le grand entrepreneur d'orgues de Bar-' barie a l'usage des deux Flandres. Cette adresse sera soumise par notre bourgeois a tous les candi- dats-chevaliers d'Ypres et' de l'arrondissement. II semble qu'ellc se couvre de signatures. Cette scène, non prévue au programmea beaucoup amusé les spectateurs. J'en ai eu le coeur gros de bonheur pendant toute la journée du lundi. Voila pourquoi je ne suis pas allé au bal <j[e St-Sébastien. Que le roi du tir me pardonne! Les te-ües ardoisées. Depuis bien des années et sous l'empire des divers traités de commerce avec la France, l'industrie beige introduisait chez ses voisins, aux droits des toiles écrues, celles auxquelles on donnaitune teinte plus foncée que la couleur naturelle au moyen d'une simple immersion dans I'eau qui contient en sus pension soit de l'oxyde-fer, soit du noir de fumée, soit de l'ardoise pilée. Ces produits sont connus dans le commerce sous le nom de toiles ardoisées. La douane frangaise a saisi récemment une assez notable quantité de ces marchandises, sousprétexte qu'elles avaient été teintes par une immersion plus forte dans un liquide contenant un bois colorant et un sulfate de fer. L'administration frangaise avait raison. Les toiles saisies étaient bien réellementdes toiles teintes, introduites sous le couvert des toiles ardoi sées. Néanmoins le commerce jeta les hauts cris des enquêtes furent ouvertes, et mirent la fraude en évidence. II ne restait plus a l'industrie beige,pour échapper a une majoration de droits considerable,qua tenter tous les efforts a amencr le gouvernement frangais a composition. II était d'autant plus indispensable d'atteindre ce but, que la toile ardoi'sée, qui est employée pour blouses,doublures, etc., est des- tinée, dans un avenir prochain, a devenir un de nos principaux articles d'exportation en France. Les négociations relatives au rachat des péages de l'Escaut amenèrent les pourparlers sur la question des toiles. M. le notaire Ch. de Brouckere, président de la chambre de commerce de Roulers, fut chargé d'une mission spéciale a Paris. Ce n'est qua force d'adresse et de persistance que M. de Brouckere, qui déja bien des fois a su défen- dre a l'étranger les intéréts du commerce et de l'in dustrie beiges, parvint a triompher encore des ré- sistances énergiques et presque désespérantes op- posées par l'industrie frangaise. II a suffi a M. de Brouckere de mettre de son cóté M. le ministre Rouher dont les idéés larges en matière de relations internationales sont suffisam- ment connues pour faire triompher les intéréts de la Belgique. II nous sera toujours agréable de signaler a ^'at tention de nos lecteurs le nom de ceux que l'inté- rêt public a trouvés dëvoués a sa cause. Correspondance particiilière de L'OPMON. Une nouvelle de la plus haute importance se répand dans le pays depuis quelques jours,k la suite d'une interpellation qui a été faite au conseil communal d'Anvers. On avait demandé k l'honorable conseiller l'aisant fonctions de bourgmestre s'il était vrai que le gouvernement eüt l'intention de compléter le sys- tème de la défense nationale de manière a donner satisfaction aux réclamations des Anversois, et s'il était vraiaussi que l'hé- sitation du gouvernement provenait de la crainte que la ville ne voulüt point concourir financièrement k l'accomplissement de ces projets. M. le président répondit qu'aucune communication offlcielle no lui avait encore été faite; mais que si le gouverne ment avait réellement le projet de faire droit aux réclamations de la commune, le concours financier de cette dernière lui se rait assuré. Cette declaration fut accueilüe par les applaudisse- ments unanimes du conseil et du public des tribunes. Maintenant qu'y a-t-il au fond de cela; voilk ce que je vou- drais examiner. La compagnie immobilière de Belgique, dit 1« Précurseur, qui a, comme on sait, une oreilie en cour, aurait congu le projet de soumettre k l'approbation du gouvernement un plan complémentaire des travaux de défense. II s'agiraitde la démolition de la citadelle du Sud et de la clóture de la nou velle enceinte depuis la pointe formée dans la direction du Kiel jusqu'a l'Escaut. Environ quatre-vingts hectares de terrain de- viendraient ainsi disponibles, et la ville pourrait s'agrandir de ce cöté comme du cóté du Nord. II s'agirait ensuite de faire entièrement disparaitre le fort de la Tête-de-Flandre et l'on tenterait de convertir les ouvrages de la citadelle du Nord, de telle fapon que, du cöté de la ville, il n'existerait plus,au lieu des batteries hautes puissamment case- matées, qu'un parados en terre sanscanons,et denature seule- mentk sauvegarder les canonniers chargés de Servir les pièces dirigées vers le dehors. Le Journal d'Anvers, de son cóté, qui s'est calmé comme l'Escaut au premier mot de conciliation, croit savoir que la compagnie immobilière voudrait se charger, moyennant la somme de dix millions, de parachever au pays de Waes les fortifications d'Anvers. II y aurait ainsi, sur la rive gauche de l'Escaut, un camp retranché soutenu par quelques forts détachéset une enceinte dont les deux extrémités aboutiraient k l'Escaut. Derrière cette enceinte, serait une place d armes pour les approvisionnements et les établissements mi- litaires tels qu'arsenaux, magasins de poudre,de munitions, de vivres, etc. La Compagnie se contenterait de dix millions, pourvu que le gouvernement lui cédkt les matériaux des cita- delles existantes. Quant k la ville d'Anvers, on ne lui demande- rait absolument aueun sacrifice tout pour elle serait profit, car non-seulement elle serait délivróe des ouvrages qui l'in- quiètent.mais encore elle pourrait s'étendre sur le pays de Waes II ne me paraft pas douteux, quant k moi, que la compagnie immobilière ait les projets qu'on lui prête, car mes renseigne- ments particuliers me permettent decroire qu'elle n'a été créée qu'en vue de rechercher la possibilité d'aider le gouvernement a ar river k une entente avec la ville d'Anvers sans abdiquer sa dignité. La question serait done de savoir maintenant si le gou vernement Serait disposé k approuver les projets congus par la compagnie immobilièreet cela ne me parait nullement douteux, car l'opinion qui prévaut en ce moment dans les con- seds de Ia couronne est qu'il serait hautement dangereux de se trouver exposé k défendre l'indépendance de la patrie dans la seule ville du royaume qui soit ouvertemeut révoltée. Au reste, j'imagine qu'en arrêtant le plan des fortifications d'Anvers tel qu'il s'exécute aujourd'hui le gouvernement de- vaitavoir i'trrière-pensée de le compléter sur la rive gauche de l'Escaut, lorsque les circonstances le permettraient. Eb ef- fet, jetez les yeux sur la carte et vous verrez que la nouvelle place d'Anvers est absolument ouverte k la gorge, ce qui est pour une place de guerre un défaut capital. Je n'en fais pas un reproche aux auteurs des nouvelles fortifications, car ils n'ont jamais perdu de vue ce défaut capital et ils ont fait tout ce qu'il était possible de faire pour y remédier, en attendant qu'un concours de circonstances püt permettre au gouverne ment de compléter son projet,qui seraittel qu'on l'expose aujourd'hui,une des plus gigantesques conceptions de l'art mili taire. Pourquoi, en i8S9 ce gigantesque projet n'a-t-il pas été exposé dans son ensemble C'est d'abord que les Chambres auraient été effrayées de la dépense k en résulter, et c'est, en- suite, qu'il était d'ailieurs impossible de mener de front, fauta de bras et même de matériaux, les travaux k exécuter sur les deux rives dufleuve. L'important était,en vue de complications extérieures quieussentpu menacer l'indépendance de la Belgi que, d'établir sur la rive droite un camp retranché, autant que possible inaccessible. Mais comment, dira-t-on, établir le camp dans les conditions voulues, si la gorge de la place res tait ouverte? C'est pour remédier a cet immense inconvenient que le génie militaire a fait construire la citadelle du Nord, qui est, comme l'a dit M. le ministre de la guerre dans toutes les discussions qui se sont élevées k la Chambre, destinée k battre toute la rade par des feux croisés eombinés avec ceux de la citadelle du Sud et du fort de la Tête-de-Flandre. La citadelle du Nord n'a done pu être construite, dans l'in tention même du gouvernement, que dans le but de suppléer provisoirement k l'insuflisance de la fortification, et pour le cas oü il serait impossible de compléter le dispositif de la défense nationale avant que nous ayons k nous en servir. Or, voici qu'aujourd'hui tous les travaux de la rive droite sont sur le point d'être terminés, et l'attitude des Anversois, épouvantés des menaces de la citadelle du Nord, met en quelque sorte le gouvernement en demeure d'exécuter k tout prix des travaux qu'il avait nécessairement en vue pour l'avenir. On comprend que,dans la disposition actuelle des esprits,qui sont généralement k la paix, si le gouvernement était venu'de- mander k la Chambre un nouveau crédit d'une vingtaine de mil lions pour les travaux d'Anvers, on comprend, dis-je, que le mi nistère eüt encoru le danger d'être rpnversé.Aujourd'hui,qu'une puissante compagnie financière se présente pour parachever tous les travaux, dans un bref délai sans doute et sans de trop grandes pertes pour le trésor, on est autorisé k croire que le gouvernement se fera quelque peu tirer l'oreille,mais qu'il cé- dera volontiers, d'autant plus qu'il n'aura pas trop l'air d'abais- ser sa dignité devant une opposition qu'il devient si facile d'a- battre aux applaudissements du pays. Je ne sais quels sont les projets purement militaires de la compagnie immobilière ni si elle a fintention qu'on lui prête d'établir une enceinte sur la rive gauchemais je n'en vois pas bien pour ma part la nécessité,etj'exprime ici l'opinion des auto rités militaires les plus cpmpétentes. H suffirait simplement, dit-on, de relier par un cordon de forts avancés, disposés en échiquier, les forts de la Pipe de Tabac et de Burgt. Ces forts, garantis du reste par l'inondation des polders qui s'étendent devant la Pipe de Tabac, seraient en quelque sorte inaccessi- bles k une armée envahissante qui se présenterait par le Pays de Waes.C'est dans ce système que l'on démoliraitles bastions intérieurs de la citadelle du Nord pour les remplaeer par un simple parapet en terre. On comprend dès lors l'inutilité de ces bastions,qui, dans le système actuel,sont appelés,comme je l'ai dit, k battre la rade pour empêcher la place d'être envahie par h gorge. Quant aux bastions extérieurs de la citadelle du Nord, ils sont assez puissants,tels qu'ils ont été congus dans le prin cipe, pour empêcher une escadre de guerre de pénétrer dans les passes de l'Escaut. Le feu des batteries de la Pipe de Tabac serait, du reste, combiné de manière k rendre presqu'imprati- cables les abords de la grande citadelle. La villp' d'Anvers, si,comme j'ai lieu de le croire, les projets qu'on a aujourd'hui en vue se réalisent, deviendra, avec son Escaut affranchi, une des plus puissantes places de guerre du monde en même temps que la place commerciale la plus im portante du continent. 11 ne lui restera plus a désirer, pour assurer la plus grande facilité de ses communications,que la construction d'un pont volant jeté sur l'Escaut en face de la Tête- de-Flandre, etce projet, il est impossible qu'il ne soit pas au tant dans les vues du gouvernement que dans celles de la Com pagnie immobilière. Anvers alors, ce point de la carte du pays sur lequel doit se jouer le sort de notre indépendance, serait ce qu'elle doit être invinciblement si l'on veut que les forcei nationales y remplissent leur róle avec toute l'efficacité dési- rable,— non la seule ville révoltée du royaume, mais la ville la plus dévouée et la plus fidéle. Reste k savoir quand le ministère osera exposer cet immense projet devant les Chambres. Mais il sait bien qu'il suflira d'o- ser, et ce jour viendra, car ce jour-la l'indépendance de la Belgique ne sera plus un vain mot, garanti seulement par dat Bruxelles, 14 aofit.

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L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 2