JOURNAL D'YPRES E¥ DE;MRRON0IS|emENT:
YPRES, Dimanche.
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13 septembre -186».
L'
Le Journal parait le dimanche de chaque semaine. Laissez dire, faissez-vous blSmer, mais publiez votre pensee.
L'insfruetion par le dégout.
Les Spartiates ènseignaient a leitrs enfants le dé«
goüt de l'ivresse en leur rnonlranl. des esclaves
ivres-mortsainsi faitdepart! cléricalpour lapresse.
La presse, Cette grande lumière qui fait le jour
dans les ténèbres oü il se complaitla presse, ce
grand justicier de toutes les superstitions, de tous
les abus qui soutiennent sa puissance, le parti clé
rical la bait d une haine mortefle. Entre elle et lui,
il sent que c'est un duel h mort et que l'un des deux
dort rester sur le champ de batailie.
Et cette haine nest pas nouvelle. Sans remonter
bien loin dans le passé, le discours prononcé par
M. de Gerlache, au Congrès de Malines, nous édifie
assez clairement sur les sentiments qui animaient
les membres catholiques du Congrès national, a l'é-
gard de la presse. S'ils l'avaient osé, M. de Gerla
che en fait ingénument l'aveu, ils n'auraient admis
que la liberté au bien, c'est-a-dire la liberté pour eux
seuls. Maisl'oeuvrerèvolutionnairen'était pas encore
accomplie; pour l'achever, pour la consolider, le
concours des libéraux était indispensable et l'on ne
ouvait compter sur eux qu'en prooiamant la li-
erté du bien et du mal c'est-ü-dire Ia liberté pour
tout le monde. Onfondait, d'ailleurs, de grandes es-
pérances sur Feoseignement libre, qui devait, dans
l'ópinion des catholiques du Congrès, Servir de
contrepoids a Ia liberté de la presse. Ou se ré-
signa done, sans trop de peine, a subir celle-ci
comme une nécessité du moment, comme un mal
destiné a en prévenir un plus grand.
La revolution est affermie.' La Constitution a placé
dans les mains du parti clérical des instruments de
domination innombrables. II est maitre du pouvoir
les Ghambres lui appartiennent, les administrations
publiques sont peuplées de ses creatures. II semble
qu'il n'ait plus rien a redouter désormais des entre-
prises de ses adversaires et que sa puissance repose
sur des bases indestructibles.
Mais le pari i clérical est trop clairvoyant pour céder
a de pareilles illusions. li sent que toute cette puis
sance dont il dispose est condamnée a périr s'il ne
parvient pas a tuer sa vieille ennemie, la liberté de
Ia presse. A tout prix, il faut briser entre les mains
des libéraux l'arme redoutable avec laquelle ils s'ap-
prêteot a battre en brèche sa domination usurpêe.
Un coup d'Etat serait dangereux a tenter; les libé
raux sont puissantè déja dans les 'grandes villes et
le jeu pourrait cotffcr chcr.
Ou s'arrêta a un autre moven, moins violent et
d'un effet plus sur.
Dans un pays proibndément eatholique coqime la
Belgique, il ne devait pas être bien difficile d'alar-
iner les consciences religieuses. Que la liberté de
la presse fut condamnée, au nom du dogme eatho
lique, et c'en était fait pour toujours, on s'en flat-
tait du moins, de ces Ifvres, de ces brochures, de
ces journaux surtout, dont oil avait tant peur. C'est
alors que parut la célèbre encvclique de Gré-
goire XVI. Nous sommes épouvantés, yénérables
l'rèrcs, écrivaitlè Saint-Père a ses évêques.en c'on-
sidérant de quelles doctrines ou plutót de quelles
erreurs monstrueuses nous sommes accablés...
Quel homme de bon sens dira qiiil faut laisser
répandre librement des poisons, les vendre et les
transporter publiquement, les boire mème, paree
qu'il v a un rernède tel (les bons livres) que ceux
qui en usent parviennent parfois a échapper a la
mortla liberté de la presse, liberté funeste et
dont on ne peut avoir assez d'horreur.
Le coup était rude, trop rude. Les libéraux n'y
échappèrent que par sa violence mème. Somm'ó
d'avoir a choisir entre l'Èncyciique et Ia Constitu
tion, le parti clérical manqua d'audace. Au lieu de
se ranger francberïient et résolument du cöté du
Pape, balbutia une distinction spécieuse entre la
liberté dogmatique et Ia liberté politique, admet-
iaiit l'une et proscrivant l'autre. M al lie u red seine n t
pour lui, le peuple s'aecommode mal des subtilités
d'école. Une adhésion formelle,catégorique, du parti
ciérieal aux principes de l'encyclique,feüt peut-être
trouvé docile et soumis aux anathèmes de Gré-
goire XVI; mais, ses chefs religieux hésitant, son
émotion ne fut pas de longue durée et la liberté, de
la presse sortit intacte du piége oü elle avait failli
périr. La partie était manquée.
Cependant, l'ennemi grandissait; Ie nombre des
journaux libéraux augmentait chaque jour et avec
leur nombre s'accroissait leur puissance. On s'é-
tait vu obligé de retirer la proposition Dubus-Bra-
bant; chaque élection nouvelle venait renforcer la
minorité libérale dans les Chambres; on se sentait
sur Ie bord de l'abime; une grande resolution pou-
vait seule conjurer les perils de la situation.
On vit alors s'organiser dans tout le pays une
croisade formidable contre la presse libérale, accu -
sée de fomenter Fhérésie et Firhpiété. La chairere-
tentit des imprecations les plus violentes; tous les
journaux libéraux furent mis a l'indexj avec défense
de s'y abonner, de les lire mème, sous peine de
refus ^'absolution. On moiita des missions dans les
villes, daijs les bouffë et jusque dans les moindres
villages; rédemptoristes, jésuiles et dóminicains,
mandements et pastorales, tout fut mis en mouve
ment pour l'extermmatiön de l'infame.
Hélas, il était trop tardLa presse avait fait trop
de lumière dans lep esprits, durant les quinze an-
nées écoulées, elle s'était ancrée trop solidemeut
dans nos moeurs, dans nos habitudes, dans l'estime
publique, elle avait payé la liberté que la Constitu
tion lui avait faite par des services trop éclatants
pour avoir 'quelque chose a redouter d'une pareille
comédie. Le clergé et le parti clérical en furent
pour leurs frais la seconde tentative échoua tout
aussi misérablement que la première.
Vaincus par deux fois, les catholiques ont-ils re-
noncéala lutte? Non. Le duel continue, maisil apris
dans ces derniers temps une forme nouvelle, qu'il
importe; de signaler.
Les Spartiates, disions-nous en commenganl, dé-
goütaieqt leurs enfants de l'ivresse en mettant sous
leurs yeux le spectacle d'ilotes ivres-morts. De nos
jours, des pèresde familie conduisent les leurs dans
les höpitaux pour les prémunir contre les dangers
de certains entrainements.
Le parti eatholique a songé a utiliser cette mé
thode d'enseignement au profit de ses desseins
pour nous dégouter des journaux, il nous montre
les siens, qu'il fait les plus dégoutants possible, et
il nous ditéloignez-vous des journaux, car voild
comme ils sont tous Et ceci n'est pas uneplaisan-
terie il nous est impossible d'expliquer autrement
que par le dessein prémédité d'étouffer la presse
dans la boue, la polémique honteuse, ignoble, adop
tee par les journaux catholiques depuis quelque
temps. Prenons un exemple tout récent, Félection
de Tournai. A Tournai se présente un bomma dont
le nom se trouve mêlé a tous les événemeiits de
notre vie publique depuis plus de trente ans; un
homme contre qui 1c parti clérical doit avoir a arti-
culer les griefs les plus graves et les mieux mérités,
a son point de vue, car eet homme est un de ceux
qui out contribué ic plus puissamment a miner sa
puissance et a édifier celle du libéralisme.
II va done sans doute saisir avec empresse-
ment l'occasion de discuter la vie publique de
M. Rogier et de formuler devant le pays son acte
d'accusation contre la politique qui se personpifie
en lui? Eh bien, non. C'est k peine si les journaux
cléricaux diront quelques mots de Fhomme public
leur haine, leurs colères se déverseront uniquement
sur Fhomme privé. Oh, nous comprenons la haine
de leurs patrons, mais une haine sourde, une haine
digne toujours, comme il convient a des gens qui
ontl'honneur de porter Ia mitre et l'anneau pastoral.
Mais la haine qui écfete en grossiers transports, qui
se répand en injures empruntées au iangage des
voyous, nous ne la comprenons plus, si elle n'est la
mise en pratique de la méthode d'enseignement des
habitants de Sparte l'instruction par le dégout.
En y réflëchissant bien, c'est encore, de toutes
les explications possibles, la plus honorable pour le
parti clérical.
La vilie de Tournai a donné 394 voix a M. L. Du-
mortier, et 379 a M. Rogier, soit 183 voix de majo-
rité.
Les communes environnantes ont donné 78 voix
a M. L. Dumortier, et 134 a M. Rogier, soit 36 voix
de majorité.
Le canton de Peruwelz a donné 119 voix a
M. L. Dumortier, 288 a M. Rogier, soit 169 voix de
majorité.
Le canton de Leuze a donné 129 voix a M. L. Du
mortier, 288 a M. Rogier, soit 139 voix de majorité.
Le canton d'Antoing a donné 14 voix de majorité
a M. Rogier
II n'y a que les cantons de Tempfeuve e t de Celles
qui aient donné une majorité a M. L. Dumortier, le
premier de 48 voix, le second de 32 voix.
Ce n'est done pas un canton spécial qui a pesé
sur Félection. A Tournai, oü le parti clérical espé-
rait une majorité considerable, c est Ie contraire qui
qui a eu lieu. Ni la considération dont parait jouir
M. L. Dumortier, ni ses nombreuses relations, n'ont
prévalu sur Ia question politique. M. Rogier aurait
pu, sans doute, obtenir, a litre personnel, Ia ma
jorité des voix, mais c'est bien a Fhomme- politique,
au chef du cabinet, quelle -a été donnée.
Les cantons de Perwez et de Leuze ont maintenu
la réputatiön de libéralisme dont ils s'honorent. Les
libéraux des autres cantons ont aussi vailiamment
lutté. Plus le parti clérical y est nombreux, plus ils
out eu de mérite a combattre pour leur drapeau.
On ne dira pas ici que les électeurs du chef-lieu
écrasent les électeurs ruraux. Partout s'est mani-
festée la volonté de faire triompher le parti libe
ral. On "ne dira pas non plus que l'éjoignement
des électeurs en a empêché un grand 'nombre de
se rendre au scrutin. Sur 3,283 électeurs inscrits,
3,038 ont déposé leurs suffrages. Le corps élec-
toral était, pour ainsi dire, au complet. Les forces
des deux partis étaient engagées. Le triomphe du
libéralisme en est plus éclatant. Echo du Partem.)
Les elections communales du 27 octobre pro-
chain emprtmteront aux cireonstances exception-
nelles de ia politique beige un haut degré d'impor-
tance. Par le passé ces elections étaient générale-
ment ealmes. Les cas de lutte exceptionnels
n'étaient, le plus souvent, que le conflit de deux
influences ou de deux ambitions personnelles. C'est
que le bas clergé n'avait pas encore recu l'ordre de
jeter sou autorité religieuze dans la balance des
elections pour la commune. Et pourquoi? Nous
avons entendu répéter souvent que les affaires com
munales simples détails d'administrationn'of-
fraient aucun caractère politique, et ne sauraient
s'élever a la hauteur de questions de principe. II
n'y a done pas la, disait-on, place pour les grandes
luttes que le vieux monde évoqué et soutenu par
le clergé eatholique beige livre avec tant d'ardeur
k la société moderne.
Cependant rien n'est faux comme cette doctrine.
Déja, en vertu des lois existantes, le bourgmestre
représentant du pouvoir laïque,se rencontre jour-
nellement avec le desservant, maudataire de la
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YPRES, 13 septembre SSS3.