JOURNAL D'YPSES ET BE L'ARRONDISSEMENT.
YPRES, Dimanche.
PRES3SÈRE AMfMÉE. ft'® 2;S
27 septembre 1862.
Le Journal paratt le dimanche de chaque semaine. Laissez dire, laissez-vous blkmer, mais publiez voire pensee.
YPRES, £7 septembre 18G3.
La session prochaine.
Les Chambres se réuniront prochainement, après
plusieurs mois de vacances qui auront permis au
ministère d'arrêter définitivement son opinion sur
la ligne de conduite que les circonstances, l'intérêt
du pays et l'état des esprits lui prescrivent de sui-
vre. Le temps ne lui aura pas manqué pour se ren-
dre compte de la situation. Bientöt nous allons le
voir a l'oeuvre et nous avons le ferme espoir qu'il se
montrera digne de la confiance publique.
Cette situation, il ne faut pas se le dissimuler,
est des plus critiques pour l'opinion libérale. Ën-
hardis par leur succès dans les dernières élections
générales, nos adversaires ne songent plus seule-
ment, comme par le passé, a fatiguer, a harceler le
ministère, ils aspirent ouvertement k le renverser
et a se mettre a sa place, non pas du jour au lende-
main, mais bientöt. Le ministère renversé, se di-
sent-ils, il n'y aurait d'autre solution momentané-
ment possible qu'un cabinet d'affaires, qui nous
laisserait toute facilité pour reconstituer notre an-
cienne majorité.Les élections prochaines nous don-
neraient les quelques voix qui nous manquent en
core et nous serions enfin maitres du terrain.
Les calculs basés sur les éventualités de l'avenir
sont toujours sujets caution. II se peut que nos
adversaires se fassent illusion sur le résultat qu'ils
se promettent des élections générales de 1865; d'ici
lik, bien des événements peuvent surgir qui donne-
ront a leurs espërances un cruel démenti. Mais il
n'en est pas moins vrai que ces espérances ne sont
pas sans fondement et que Ie passé les autorise a
beaucoup attendre de l'avenir.
Beaucoup de nos amis estiment quele renverse-
ment du cabinet actuel entrainerait forcément la
dissolution des Chambres. Nous ne saurions parta-
ger cette opinion. La dissolution est une mesure
extréme,qui ne se justifie que par des circonstances
tout a fait extraordinaires et dans les cas seulement
oü le gouvernement est devenu impossible a moins
d'un appel a la volonté du pays. La chute du cabi
net, a moins d'événements qu'il est difficile de pré-
voir, ne créeraitcertainement pas une semblable si
tuation. Nous admettons volontiers qu'il n'y aurait
place, après lui, ni pour un ministère catholique,
ni pour un ministère libéral, mais un gouvernement
d'affaires serait parfaitement possible, au moins
pendant quelque temps,et nous ne faisons nul doute
que e'est ce dernier parti que l'on s'arrêterait.
Or, un gouvernement d'affaires, c'est le triomphe
certain du parti clérieal. Si le ministère libéral n'a
pas pu arrêter ses progrès,il serait insensé de compter
sur une résistance plus efficace de la part d'un gou
vernement qui aurait précisément pour mission de
ne pas faire de la politique.
Le parti clérieal réussira-t-il dans ses projets
Parviendra-t-il a renverser le ministère? Non, si les
libéraux restent unis. Oui, s'ils se divisent. L'union
franche, sincère, énergique et constante, la est le
saiut. Cette union, h quel prix sera-t-'elle maintenue?
Sur ce point, nous voulons nous expliquer avec
une entière franchise.
Les élections de 1857 avaient placé le ministère
dans une situation magniflque. Jamais hommes
n'étaient arrivés au pouvoir dans des conditions
plus belles, plus complètes pour réaliser les voeux
dé l'opinion publique. Dans la Chambre des repré-
sentants, Une majorité de 71 voix libérales sur
37 voix catholiques permettait de tout oser, de tout
entreprendre. En dehors des Chambres, le ministère
s'appuyait sur tout ceque le pays comptait d'hommes
intelligents et dëvoués üla liberté.
En 1863,moinsde six ans après, la majorité parle
mentaire se trouve réduite de 34 voix a six, et l'o
pinion libérale, découragée, affaiblie, mesure avec
effroi les progrès incessants de ses adversaires,
quelle se sent impuissante a combattre.
De cette situation facheuse, une bonne part, il
faut le dire, revient au ministère. Au lieu de mar
cher hardiment, résolument,dans la voie des réfor-
mes politiques, il semble, a peine installé aux af
faires, que son principal souci soit de calmer les
inquiétudes du parti catholique et de le rassurer sur
-ses intentions. Le clergé craint qu'on ne touche a la
loi sur l'enseignement primaireon se hate de lui
faire savoir que cette loi sera maintenue, de même
que celle qui régit l'enseignement moyen. Un grand
nombre de libéraux réclament a grands cris le vote
par ordre alphabétique, une loi décrétant l'instruc-
tion obligatoire—-on les repousse. Complaisance
pour les ennemis, rigueur pour les amis, tel est le
système que nos gouvernants ont pratiqué pen
dant plusieurs années avec une persistance des plus
singulières. Ce qu'il a engendré, ce système,
nous le savons le parti libéral s'est profondément
divisé et les catholiques ont profité de cette division
pour refaire leur ancienne puissance. Aujourd'hui,
après avoir occupé le pouvoir pendant six années,
les libéraux les retrouvent devant eux plus forts,
plus audacieux, plus arrogants que jamais.
Notre intention, en rappelant ces fautes, n'est
pas de faire le procés au cabinet libéral. Nous som
mes, au contraire, plus convaincus que jamais de
la nëcessité, pour tous les libéraux, de lui prêter un
concours dévoué et énergique. Si nous revenons
sur le passé, c'est qu'il contient un enseignement
qui ne doitpas être perdu, si nous voulons éviter le
retour des fautes qui nous ont affaiblis et divisés.
On a trop longtepips oublié, dans les régions du
pouvoir,que le paix avec les catholiques n'est jamais
qu'une trève hypocrite, pendant laquelle ils se pré
paren! a une nouvelle guerre. On a cru prudent d'ë-
touffer toutdoucementl'agitation puissante qui avait
produit les élections de 1857, espérant par la gagner
tont au moins le silence du parti clérieal. On a ou
blié que la lutte est éternelle entre la vérité et le
mensonge, entre la liberté et l'esclavage. C'est la ce
qui exphque cette réaction violente, insensëe, qui
nous entoure, qui nous presse aujourd'hui et nous
reporte aux plus mauvais jours de notre histoire.Le
secret de cette réaction est tout entier dans ceci
l'union et la persévérance des catholiques. N'avoir
qu'un but et y tendre constamment, aller a Rome par
tous les chemins, bonsou mauvais, c'est toute la po
litique des ultramontains. Reculer en apparence,
mais ne s'arrêter jamais; toujours marcher et tou
jours rester unis, voila ce qui,les a fait triompher
des libéraux et les rendra maitres du pays, qu'ils
mèneront, si l'on n'y prend garde, a une catastro
phe. Ce qui fait leur force, ce n'est pas seulement
l'appui que leur prête un clergé oublieux de ses de
voirs, la parole impie du prédicateur, l'influence
secrète duconfessionnal.Maisl'Eglise aurait en vain
mis tout son vieux génie au service des ambitieux;
la chaire de vérité se serait en vain transformée en
une menteuse tribune politique et la scandaleuse in
quisition du confessionnal n'aurait servi qu'a jeter
le trouble dans la familie, si les libéraux étaient res-
tés ce qu'ils étaient en 1857, unis de coeur et de vo
lonté, fermes et résolus, ardents et inébranlables
dans leurs convictions.
L'union est reconstituée aujourd'hui. C'est au
ministèreinstruit par l'expériencea la ren-
dre féconde et durable. Ce que le pays attend,
ce qu'il désire, il a le droit de l'obtenir et on ne le
lui refusera pas. II veut une politique ferme, libé
rale, progressiveil est fatigué de ces luttes inces-
santes, stériles, qui l'agitent et oü sa force se con
sume, sans que la victoire le récompense de ses fa
tigues par des cortquêtes qui bravent son éternel
ennemi, toujours vaincu, mais jamais dompté. A ce
prix, mais a ce prix seulement, l'union sera durable
et le salut de l'opinion libérale, assuré.
La session qui s'ouvrira bientöt nous dira si
l'opinion libérale aura lieu d'etre satisfaite de la ma-
nière dont on répondra a ses voeux les plus chers,'
a ses plus légitimes exigences.
Nous recevons la lettre suivante
Monsieur le rédacteur
Ce que j'avais l'honneur de vous écrire au sujet de 1 Edu
cation de la femme a Poperinghe a défrayé pendant plusieurs
jours les conversations du cabaret, plas encore celles des fa
milies. C'est vrai, s'écriait-on, dans tous les rangs et dans
toutes les opinions, c'est maihcureusement trop vrai! Le bour
geois et sa femme rougissamnt de l'insuffisance de l'éducation
qu'ils peuvent donnerkieur filïeils rougissaient, eux, qui de-
vraiettt se faeher! L'administration communale c-t ceuxqui di
rigent les couvents se ftkchaient, eux qui dev'raient rougir de
leur impardonnable négligence
Que pouvons-nous espérer de ceux qui se f&ehent et se. ré-
volient contre le devoir qu'on signals leur attention? Rien,
absolumcnt rien
Peut-ótre, cependsnt, verrons-nous un jour la partie active
de nps conseillers se roidir contre les anus les plus criants,
les signaler dans la discussion publique, provoquer ainsi fat-
tention des admiüistrés, et poüsser eux-mêmes a ce char com
munal oü se sont attelés los hommes les plufimmobiles de far-
rondissoment.
En attendant que co phénomène se produise je tacherai de
recueiliir queiques renseigncments précis sur fécole commu
nale et sur le collége patronné. Je ne désespère pas d'y ren-
contrer matière a plusieurs autres lettres.
Agréez... d.
Comspomlim<fe particuliere «Ie L'OPIMÖN.
Les fétes de Septembre out commencé dimanche, sans cé
rémonie, par l'ouverture du fir national, qui est très-bien or-
ganisé, mais qui attire évidemment moins de monde que les
années précéderttes. M.le ministre de l'intérieur éts it k Tournai,
oü il devait assister au banquet offert h M. Rogier k l'occasion
de son élection; M. le colonel d'état-major deSorlus, directeur
au département de l'intérieur, se donnait beaucoup de mal, en
l'absence du ministre, pqur psraitre important, et se raontrait
assez importun. Enfin, une salva de 21 coups de canon a éló
tirée et la fusillade a commencé sur toute la ligne. Vous saves
déjh que la garde d'Alost a résolu do ne pas prendre part au
tir; les gardes de Huy et de Charleroi ontpris la même réso-
lution, et il ne nous est venu de Namur que quelques tireurs
acharnós les tiècles sont restés sous la tente. C'est qu'il y a
décidément beaucoup de mécontents. Si l'on avait, comme les
délégués des légions de Bruxelles en avaient fait la proposition,
organise deux concoursl'un pour les anciennes armes, l'autre
pour les armes transformées, le tir aurait été certes plus animé
et plus suivi. Les gardes de province qui veulent se servir de
ces dernières armes en trouvent bien k leur disposition; mais
aliez done tirer avec un fusil que vous voyez pour la première
fois et avec lequel vos concurrents s'cxercent depiiis six mois
Je le répète, sans y mettre de méchanceté ie concours de cette
année ne peut être considéré comme un concours k chances
égales, et l'on s'explique parfaitement l'abstontion et ie mécon-
tentement de beaucoup de gardes.
C'était hier lo véritable jour des fêtes de l'indépendance na
tionale, le jour du Requiem k la mémoire des citoyens morts
au service de la patrio. Permeltez-moi de faire, k ce propos,
une observation qui ne sera pas précisément du goüt de tout
lo monde, mais qui sera, j'en suis sür, appréciée par vos lee-
tours. Ne semble-t-ii pas quele Roi et la familie royale d'evraient
être les plus empressés de tous les Beiges k se rendre a cette
solennelie cérémonie, qui est aujourd'hui le seul hommage que
l'on rende encore k la mémoire de nos martyrs? Cependant
voila plusieurs années que nous ne voyons plus un membre de
fa familie royale au service funèbre. On' y envois quelques voi-
tures et des maréehaux ou écuyers plus ou moins éleyés en
grade pour représenter la maison du Roi et celles des princes,
mais cela ne fait point le compte des blessés de Septembre de
voir toujours le tröne inoceupé le 23 septembre. J'en ai entendu
qui disaient Nous avons assisté avec le Roi ct les princes
au Te Deum ehantó k l'occasion de l'anniversaire du 21 juillet;
le Roi et les princes devraient assister avec nous au service des
morts.» Je trouve, pour ma part, cette observation assez juste,
d'autant plus qu'aucun "membre de la familie royale n'était, in-
disposé, exeepté le Roi, qui avait, dit-on, un rhume, et qu'il y
a du reste chez eux parti pris depuis buit k dix ans.
On me dit que l'abstention de la familie royale est une gra-
cicuselé k la cour des Pays-Bas. Mais les Hollandais aussi, k
pareille époque, eéjèbrent un service pour leurs morts, et ja
ne sache pas que jamais nous en ayons été offensés, et cela pour
L OPINION,
On sabonne a Npres au bureau du Journal chez Félix Limbin, imprimeur-libraire, rue de Dixmude, no 55, eta Bruxelles chez l'éditeur.— Prix d'abonneraentpour la Belgique 8 fr. par an; 4 fr. 50 c. par semestrepour'
létranger le port en sus. Un numéro 25 c. Prix des Annonces et des Réclames 40 c. la petite ligne; corps du journal 30 centimesle tout payable d'avance.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduces. Toutes lettres ou envois d'argent doiventetre adr^s$és franco au bureau du journal.
Poperinghe, 24 septembre.
Bruxelles, Ie 24 septembre.'1363.