JOURNAL D'YPRES E¥ DE L'ARRONDISSEMENT. YPRES, Dimanche. 41 octobre 4163 Le Journal paraït le dimanche de ehaque semaine. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensée. YPSêES, ta «ci«l>pe fiS©3. Affaire Keym. Aditésion ie l'ÖPMON la souscription ergaaisée par la presse. La Gazette de Liége s'efforce de justifier l'arrêt de la Cour de Bruxelles qui vient de condamner l'éditeur Keym pour exposition d'images tendant a avilir la religion. Nous extrayons de son plaidoyer le passage suivant, qui résumé tout son système de defense La separation de l'Etat et des cultes, dit la Ga te zette, ne signifie pas divorce absolu entre l'Etat et les cultes. Elle ne signifie pas que l'Etat soit athée et indifférent pour toutes les crovances; la preuve en est dans l'article de la Constitution qui met les traitementset les pensions des ministres des cultes a la charge du budget. Separation des cultes et de l'Etat, cela signifie chez nous que eelui-ci se meut indépendant et libre dans sa sphère d'action, jugeant ce qu'il doit accorder au culte au point de vue de l'ordre public, de l'ordre social, du bien général. Separation, cela signifie que l'Etat ne peut pas se servir des cultes comme d'un instrument de domina te lion et de tyrannie et que les cultes ne pour- ront pas s'imposer k nos consciences par la force du bras séculier. Mais l'Etat, en assurant k c-hacun la liberté de conscience, n'en doit pas moins assurer le respect des cultes organises. Mais a quel culte la protection sera-t-elle accor- dée? C'est une question de fait laissée a l'appré- ciation des tribunaux. Nous avions cru jusqu'aujourd'hui que l'Etat était tenu d'assurer une égale liberté a tous les cultes et qu'en Belgique nous n'avions pas a recon- naltre de religion d'Etat, jouissant de droits,de pri- viléges en dehors du droit commun. La Gazette de Liége nous fait voir que nous nous étions trompés non-seulement il y a une religion d'Etat en Bel gique, mais il y en a plusieurs; ce sont celles quelle appelle les cuites organises. A quels caractères ces cultes organises sont reconnaissables, c'est ce que la Gazette éprouverait beaucoup de peine a dire; aussi préfère-t-elle s'en remettre sur ce point a l'appréciation des tribunaux, qui ne seront pas, sans doute, moins embarrassés qu'elle-même. Quand il s'agit de décider si les ministres de tel ou tel culte seront rétribués par le budget, le gouvernement trouve des éléments d'appréciation dans le plus ou moins grand nombre d'individus appartenant a ce culte; pour'le gouvernement, le culte est toute pro fession religieuse exercée par un certain nombre de personnes assez grand pour que le budget le reeon- naisse. Mais l'appréciation que la Gazette de Liége ve u t déférer aux tribunaux est toute différente. Les cul tes organises ayant seuls droit, d'après elle, a la protection de la loi, les tribunaux, appelés k déci der si tel ou tel culte qui réclame leur protection est organise on non,n'auront pas a tenir compte du plus ou moins grand nombre d'individus pratiquant ce culte. Ce dont ils devront se preoccuper surtout, c'est de savoir si ce culte est vraiment digne du res pect qu'il réclame; et pour cela, ils auront a exami ner ses dogmes, sa morale, ses doctrines, ses en- seignements, etc. Est-ce que la Gazette de Liége entend, pour son compte, soumettre la religion ca- tliolique a une pareille inquisition et se déclare-t-elle prête a accepter la décision qui interviendra, si elle lui est défavarable? Nous sommes bien convaincus que non et elle a parfaitement raison. Mais la Gazette ne s'est pas apercue que la dis tinction quelle établit entre les cultes organises et ceux qui ne le sont pas, outre qu'elle est profondé- ment inconstitutionnelle, ne fait qu'éloigner la diffi- cullé sans la résoudre. Elle restreint la protection de la loi aux seuls cultes organisés. Mais, entre ces cultes, il y a lutte, antagonisme de tous les ins tants. Comment l'Etat va-t-il s'y prendre pour les protéger tous également en leur laissant cependant a tous une liberté entière? On comprendrait cette protection dans un système qui donnerait a l'Etat la police des cultes, mais sous l'empire d'une cons titution qui lui interdit toute immixtion dans les affaires religieuses la protection de l'Etat, dans le sens que la Gazette donne ce mot, devient tout a fait impossible. Reconnaissons done qu'il n'ya, pour l'Etat,qu'une seule manière de protéger les cultes, c'est d'assu rer leur liberté compléte et absolue a tous, sans dis tinction aucune, sans préférence pour Fun ou'pour Fautre. Reconnaissons aussi que la loi n'a le droit d'intervenir que pour protéger leur fibre exercicS. C'est lavéritable doctrine constitutionnelle, la seule qui réponde aux besoins impérieux de notre siècle et nous ajouterons la seule qui soit vraiment digne de la religion,dont les intéréts n'ont jamais été plus gravement compromis que par les prétenducs pro tections du pouvoir. Ces principes, nous avons la ferme confiance que la cour de cassation les fera prévaloir et nous adhé- rons avec la plus vive sympathie a la souscription que la presse organise en ce moment pour couvrir les frais du pourvoi interjeté par M. Keym. L'élecüoa de Nivelles. Le congrès de Malines commence a porter ses fruits. Depuis le jour oil le parti clérical a eu la ma- lencontreuse inspiration de produire au grand jour ses doctrines et se's tendances, deux élections ont eu lieu, l'une k Tournai, l'autre a Nivelles, et cha- cune d'elles a été un éclatant triomphe pour 1'opi- nion libérale. Nos malheureux adversaires en sont comme ahuris. lis avaient pu, jusqu'a un certain point, se faire illusion sur l'étendue et la significa tion des élections de Tournai. L'échec de leur can- didat dans un arrondissement qui appartient exclu- sivement au libéralisme, depuis un grand nombre d'années, laissait les choses dans le rnêmo état qu'auparavafit et constatait simplcment la fidéfité de eet arrondissement k ses traditions libérales. On n'avait rien gagné, mais on n'avait rien perdu. Ainsi disait-on pour se consoler et MM. les cléricaux en avaient pris leur parti d'autant plus aisément que la mort de M. de Chentinnesvenait justehpoint comme pour leur fournir l'occasion de réparer leur défaite de la veille. A Nivelles, leur victoire n'était pas douteuseh peine admettaient-ils comme possible qu'un candidat liberal osat se mesurer avec eux. Et telle était leur profondë sécurité, qu'ils regrettaient presque l'absence de la lutte. A vainere sans péril, on triomphe sans gloire, se disaient-ils. De péril il n'y en a pas pour nous; no tre affaire est claire,immanquable mais quel dom- mage qu'on nous sache invincibles Aussi jugez de leur joie a la nouvelle de la candi dature de M. Le Hardy de Beaulieu. Oh! l'excel- lente aubaine Ils ailaient pouvoirécraser,du même coup, le parti libéral et l'homme sur qui pesait tout entière la responsabilité du scandale donné lors de l'enterrement de feu Verhaegen. En vérité, on ne pouvait pas désirer mieux, et le doigt de Dieu se marquait visiblement dans le choix d'une semblable candidature. Les illusions furent, hélas! de courte durée, etil fallut bientöt reconnaïtre' qu'on n'était pas aussi in vincible qu'on se l'ótait imaginé. Rendons cette jus tice a nos adversaires ils ont combattu vaillam- ment jusqu'a la dernière heure; les grands proprié- taires surtout, si influents dans l'arrondissement agricole de. Nivelles, ont donné avec une unanimité irréprochable. Jamais, a aucune époque de nos lut- tes électorales, le clergé n'a été mieux obéi. Mais, que voulez-vous? II était écrit que Ie parti clérical paierait cher son imprudent congrès de Malines, et la candidature impie, abominable, de M. Hardy de Beaulieu sortit victorieuse de l'urne éle'ctorale, au grand scandale des honnêtes gens, déja si scandali- sés par suite de l'élection de M. Rogier. Mais aussi, quelle énorme bévue que ce Congrès! Deux choses avaient fait jusqu'aujourd'hui la puis sance du parti catholiqueson organisation et l'hy- pocrisie de ses doctrines. Et voiia qu'un beau jour, sans nécessité aucune, pourêtreagréable a M. Duc- pétiaux, dont l'activité se trouvait sans emploi, on convoque un Congrès dont le but avoué est de re former l'ancienne organisation et de formuler au grand jour les secrètes tendances du parti. On ébranle les colonnes du temple et l'on s'étonne des désastres qui sont la suite d'une aussi épouvantable imprudence. Ce n'est pas vous, M. Malou, qui auriez conseillé ce Congrès malencontreux. Vous saviez, vous, homme a vues profondes, que la lu- mière du grand jour convient mal aux doctrines de votre parti. Le travail de la taupeavez-vous dit un jour, voila le nötre, celui qui doit assurer notre triomphe. Aussi avez-vous refusé de vous associer aux travaux du Congrès. -Hélas, que n'a-t-on suivi vos sages avisLes honnêtes gens n'auraient pas a gémir, comme aujourd'hui, sur le résultat des élections de Nivelles, et qui sait? Peut-être M. Ro gier eüt-il échoué a Tournai. L'Association libérale de Nivelles se propose, dit-on, d'adresser des remerciments a MM. Duc- pétiaux et de Gerlache, les deux principaux organi- sateurs du Congrès de Malines. Cet hommage est mérité et toute Ia presse libérale s'y associera de grand coeur. L'alignemeiit. M. de Girardin demandait dernièrement dans la Presse que le gouvernement francais voulüt bien donner aux écrivainsun alignement analogue a celui qui règle les batisses, l'arbitraire qui pèse sur la presse dans ce pays gouverné par les principes de 89 créant aux écrivains une situation pleine de pé- rils et d'incertitudes. Adéfaut de la liberté que nous revendiquons, écrivait l'éminent publiciste, ce que nous avons toujours demandé, c'est qu'on nous dorinat l'alignement. En Belgique, nous jouissons d'une constitution qui proclame, dans les termes les plus absolus, la libre manifestation des opinions en toute matière. Mais pour peu que nous laissions continuer l'oeuvre de démolition entreprise par la jurisprudence nous en arriverons, nous aussi, h défaut de la liberté confisquée, a réclamer un alignement. Nous avons eu déja l'occasion de nous expliquer sur la jurispru dence du tribunal de Charleroi. Celle que vient d'a- dopter le tribunal de Termonde dans le procés in- tenté au journal le Belg constitue, selon nous, une atteinte bien plus grave encore a la liberté de la presse. Que cette jurisprudence soit consacrée par la cour de cassation, il est clair que toute liberté de discuterles affaires publiques est supprimée et qu'il ne nous reste qu'a prier très-humblement la Légis- lature de nous tracer un alignement. Malheureux que nous sommes, la bonne foi même ne peut plus nous sauver. Sur ce point, le tribunal de Termonde est inflexible.- Que l'écrivain ait été animé du seul désir d'éclairer le public ou qu'il ait été poussé par une intention malveillante, peu lui importe. II a causé du tortaautrui; ce,tort, il faut que l'écri vain le répare aprix dargent. Nous le demandons a tous les hommes de bonne foi, avec de semblables principes y a-t-il encore une discussion possible N'est-ce pas l'anéantissement complet de toute li berté? Non, répond le tribunal, il vous reste la liberté de dire la vérité,etcelle-lè seule estla bonne. La vérité? soit.Mais qui déciderasur ce point? On s'abonne ii Ypres au bureau du Journal Chez Frux Iamb in-, imprimeur-libraire, rue de Dixmude, no S3, et h Bruxelles ehez l'éditeur.—Prix d'abonnementpour la Belgique 8 fr. par an; 4 fr. SO c. par semestre; pour l'étranger le port en sus. Un numéro 23 c. Prix des Annonces et des Réclames-10 c. la petite ligne; corps du journal 30 centimes Ie tout payable U'avance. On traite 4 forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivenlêlre adressés fiunco au bureau du journal.

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L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 1