L'OPINION, Journal cypres. M. X..., un flutiste, donne un concert. Je trouve qu'il joue mal de la flüte et j'écris dans un journal M. X.... joue mal de la flute. Est-ce mon droit, oui ou non? Mais M. X... n'est pas de mon avis; il m'intente un procés et demande au tribunal que je sois condamné a lui payer une grosse somme. C'est mon métier, lui dira-t-il, de jouer de la flüte; en dénigrant mon talent cet ëcrivain m'a causé un prejudice grave, d'autant plus grave que j'étais a la vcille de contractei' un engagement très-avantageux absolument comme Faclqiinistration communale de Termonde, qui était a la veille de contractei' un emprunt. Qu'aurai-je a répondre au flutiste et que fe'ra le tribunal? Evi- demment, je n'aurai rien de bon a répondre et le tribunal me condamnera auquel cas, ma liberté se réduira a ceci me taire on bien, chaque fois que M. X. jouera de la flüte en public, écrire qu'il en joue comme Reichardt et Tulou. On ne veut pas aller jusque-la; on consent a nous accoi'der, dans de certaines limites, le droit d'apprécier, de dissei'ter... Très-bien, mais alors, c'est l'alignement et qu'on nous le montre. Seulement, nous ne ferons pas comme M. de Girardin, qui promet de Fobserver et, hors qu'un commandement expres nous vienne, nous en appellerons de la jurisprudence a la Constitu tion. Nous avons regu le rapport général sur la situa tion du commerce et de l'industrie dans les arron- dissements de Roulers et d'Ypres-Dixmude, pendant l'annëe 1862. Ce n'est pas sans éprouver une profonde tristesse que nous lisons les Iignes si pleines de décourage- ment qui ouvrent le dernier de ces rapports Nous pouvons résumpr en quelques mots la si- tuation du commerce et de l'industrie dans les arrondissements d'Ypres et de Dixmude pendant la période 1862. Cette situation a été stationnaire, c'est-a-dire que, déja calme depuis plusieurs an te nées, elle n'a pas vu son régime s'améliorer dans ces derniers temps. Le rapport ajoute qu'en tenant compte de la réduction du temps du travail, le salaire de Fou te vrier yprois ne s'est élevé en 1862 que de 6.3 cen- times a 1-87 par jourLa moyenne du salaire te des ouvrières dentellières n'est que de 50 cen- times par jour Ces données ofticielles attestent publiquemcnt Fexistence d'un mal, qui depuis plusieurs années déja saute aux yeux les moins clairvoyants. Tout le monde se le dit et se le répète, il semblc que la ville d'Ypres soit lancée sur une pente néfaste qui, la conduisant vers une décadence toujours crois- sante, flnira par lui faire perdre jusqu'au souvenir de son ancienne splendeur si un remède prompt et énergique ne vient pas la sauver, Et, disons-le hautement avec notre chambre de commerce, nous nous formerions déja diflicilement aujourd'hui une idéé de l'état de richesse et de pros- périté commerciales auquel notre cité était parve- nue autrefois, s'il n'en restait un témoignage élo quent dans notre édifïce des Halles, vaste palais élevé par l'industrie et consacré k elle. Oui, c'est l'industrie et le commerce qui avaient élevé Ypres au rang des grandes cités. Avec l'indus trie et le commerce sa gloire s'est évanouie. L'in dustrie et le commerce seuls peuvent la sauver de l'humiliation et de la misère. C'est assez dire toute l'importance du travail au quel se livrent les élus d'entre nos industriels et nos commergants lorsqu'ils cherchent les causes du mal qui nous ronge et les remèdes propres a arrêter uon action délétère. Suivant les auteurs du rapport, notre industrie fut étouffée par les événements politiques qui entravèrent son essor, en la relé- guant dans un coin extréme du pays, oü elle t< expira dans un réseau de douanes, de barrières et d'entraves. Pour la relever nous avons besoin d'un système de voies de communication qui, en étendant le rayon de nos relations, nous offre le moyen de les développer avec avantage et faci- lité. Notre Chambre ne se trompe pas en indiquant les événements politiques, l'insufllsance de voies de communication et les entraves de tout genre, comme étant les causes premières, les causes an ciennes de la décadence de notre industrie, mais elle négligé les causes actuelles, celles qu'il importe le plus de combattre, si nous voulons sortir de la décourageante contemplation de notre glorieux passé. En effet, depuis plus d'un demi-siècle les causes anciennes ont disparu et l'industrie beige a pu re- ïtaitre et se développer sans entrave. C'est surtout depuis queluRelgique a conquis sa nationali té, c'est- a-dire depuis plus de trente ans, que le gouverne ment du Roi a répaaclu avec profusion les voies de communication, et qu'il afait disparaitre,dans lali- mite de son pouvoir, les derniers vestiges des obs tacles au développement du commerce et de l'in dustrie. Aussi voyons-nous notre petit pays aug- menter rapidement le nombre de ses "usines, répandre par le monde untier ses produits de tout genre, et lutter, souvent avec avantage, contre les grandes nations industrielles. Pour ne parler que de notre Flandre, depuis trente ans les territoires de Roulers, d'Iseghem, de Rumbeke, de Wervicq, de Menin, de Courtrai, de Mouscron,se eouvrent de fabriques; les populations,autrefois si pauvres et si découragées,s'y sont relevées et jouissent d'une ai- sance parfaite; le taux des salaires s'y élève gra- duellement, la richesse et la prospérité y vont gran- dissant dans toutes les classes de la société. Pourquoi la ville d'Ypres 11'a-t-elle pris aucune part a ce mouvement général de réveil? Comme Roulers, comme Iseghem, comme Rumbeke, n'a- vons-nous pas le chemin de fer, la matière première et les bras de l'ouvrier? N'avons-nous pas dank nos mui's les capitaux qu'ils ont dü chercher ailleurs, une voie d'eau navigable qu'ils n'ont pas encore, et plus de routes pavëes qu'eux? Le commerce et l'in dustrie sont-ils soumis ici d'autres entraves que celles qui existent la-bas? Non! Et voila pourquoi nous disions que la chambre de commerce a né gligé d'indiquei' les causes actuelles de notre infé- riorité. A 1 epoque oü nous vivons celui qui n'avance pas recule. Or, ne serait-il pas vrai de dire quejes re vers d'autrefois ont non-seulement causé la ruine de nos industries, mais qu'ils ont abattn le courage et l'énergie de nos populations? Ne serait-ce pas dans cette cause parement morale qu'il faudrait chercher la raison pour laquelle Ypres, malgré le restant dé son ancienne richesse, se laisse dépassei' par des localités autrefois misérables? Nous assistons depuis un demi-siècle a la lutte héroïque que les courageuses populations de notre Flandre livrent a la misère et au paupérisme; nous avons le bónheur d'applaudir a leur magnifique triom- phe, mais nous sommes restés hors de combat et nous n'avons pas triomphé avec nos voisins. N'est-ce pas insouciance, découragement, absence d'initiative? Le malheur,au lieu de nous retrempei', nous a-t-il pétrifiés? Quoi qu'il en soit, le mal est patent,et le remède, suivant nous, se trouve moins dans le développe ment successif des voies de communication, que dans l'activité, l'initiative, l'esprit de travail et d'en- treprise de nos populations. 11 sutFirait de vouloir pour réussir a l'égal des autres. Que nos bourgeois, nos rentiers de second 011 de troisième ordre.nos conunercants et nos-industriels, qui ont parfois plus d'un flls a placer dans le monde, fassent des essais, qu'ils aient recourg a Faction puissante des associations,et nous sommes fondés a leur prédire qu'ils réüssiront comme on réussit ail leurs. En effet,ne connaissons-nous pas des maisons de commerce et des industries qui se sont formées a Ypres, et dontla prospérité grandit tousles jours? Déja Fatelier d'apprentissage a formé des ouvriers qui, gagnant a peine un franc par jour, seront heu- reux de trouver chez le nouveau fabricant quelques centimes de plus.Les capitaux, timides aujourd'hui, s'enhardiront et fourniront bientöt un appuisérieux. II faut avant tout osei' et commencerEt, qu'on le remarque bien, ce n'est pas au début de leur car rière que les industriels des autres villes manient les millions. Pour eux aussi les commencements sont durs, mais après quelques années de travail et d economie, on les voit se placer avec une légitime fierté au rang des sommités de la fortune, et se mesurer avec les hommes privilégiés dont les hasards delanaissance font l'unique grandeur. CoiTespoiulauce particuliere de L'OPSYÏOX. M. Ad. Le Hardy de Beaulieu a été élu, le 6 de ce mois, re présentant de l'arrondissement de Nivelles, de sorte que le mi nistère conserve les six voix de majoritó qui lui restaient as- surées h la Chambre des représentants, it la suite des élections du mois de juin. 11 est incontestable que, sur le terrain oü la lutte était pla- cée, l'élection de M. Le Hardy de Beaulieu est un grand triom phé pour l'opinion libérale. En effet, si jamais les doctrines du congrès de Malines se sont trouvées nettement personnifiées en face des principes les plus hardis de la société moderne, c'est h coup sür en cette occasion. M. de Meeüs, le nouveau propriétaire du Journal de Bruxelles, était assurément le plus redoutable detous lescandidats du parti clérical par sa posi tion de fortune, son influence et ses relations M. Le Hardy de Beaulieu était si bien ce que Ton appelle un avancé,que,si sa candidature avait été posée h Association libérale de Bruxel les, elle n'aura pas été adoptée. Comment il a pu triompher dans un arrondissement dont la moitié est inféodéeh la familie Meeüs, c'est ce que je ne puis m'expliquer h moi-même. Aussi I les plus conüants étaient-ils peu rassurés, et ils ont dü étrq aussi surpris que le Journal de Bruxelles en apprenant le ré- sultat du scruiin. En votant pour M. Le Hardy, le corps Elec toral de l'arrondissement de NiveBes savait qu'il votait la sécu- larisation de l'enseignement et de tous les biens affectés au temporel des cultes, car le parti clérical avait brülé ses vais- seaux en mettant sur le tapis la loi de 1842, la question des bourses d'étude, eelle des cimetières et eelle des .fabriques d'église. Mais M. Le Hardy, acquis au ministère lorsqu'il s'agira d'ap- pliquer ces principes importants, le sera-t-il également sur toutes les questions devant lesquelles le ministère recule comme les chefs du parti clérical, teles que l'instruction obli gatoire, la révision radicale des lois éleetorales et des lois de la milice, la question de la défense nationale, etc.? Tous les an« técédents du nouveau député de Nivelles me portent k croire que le ministère aura difffcilement raison de lui sur ces points importants, et déjh 1 'Escant, qui apprécie sa valeur, le range parmi les défenseurs du mouvement anversois. Quoi qu'il en soit, le cabinet a une majorité de six voix pour se représenter devant les Chamhres et, si tout le monde pou- vaitse trouver k son poste le deuxième mardi de novembre et rester en permanence, le gouvernement, saus ötre par trop fa cile, seraitau moins possible. Mais d'abord il paralt résulter d'une enquête a laquelle les dernières élections de Bruges ont donné lieu que les pouvoirs des nouveaux élus pourraient bien n'être pas validés. Or, cetie nouvelle députation est composée de deux libéraux et d'un ca- tholique, et si ces trois membres se trouvaient dans Timpossi- bilité de siéger dès l'ouverture de la session législative, ce se rait, par la perte d'un membre de la majorité, un nouveau déplacement de deux voix en faveur de Topposition, de sorle qu'il n'en resterait que quatre au gouvernement. 11 sulïirait. dans ces conditions, que deux membres de la gauche dussent s'absenter, soit pour cause de maladie, soit pour toute autre, pour que le ministère se trouvüt h la merci de la droite. En prévision de ces circonstances, le Roi, qui compte tou jours, comme je vous l'ai annoncé, passer l'hiver h sa villa du lae de Cóme, le Roi, dis-je, a réuni dimanche le conseil des mi- nistres, et celui-ci a dü s'occuper des éventualités de Tavenir. Le bruit a couru, dans le monde politique, que S. M. avait manifesté l'intention de constituer, en dehors de la Chambre, un ministère d'affaires sous la présidenee de M. J.-B. Nothomb' le père de la loi de 1842 sur l'enseignement primaire, actuel- lement mimstre de Belgique h la Cour de Berlin. Ce bruit a même été mis en circulation par le correspondant politique de la Heuse, un journaliste membre de la Chambre qui est. géné- ralement bien renseigné sur tout ce qui se dit et se prépare dans les sphères gouvernementales. Je necomprends pas, quant h moi, que Ton ait pu sérieuse- ment songer h cette éventualité. Sans doute, la situation du mi nistère Frère devant la Chambre actuelle n'est pas facile, mais eelle d'un ministère Nothomb le serait beaucoup moins encore ear, dans l'état de surexcitation oü se trouvent les deux partis' il est impossible de rester exelusivement sur le terrain des affaires. M. Nothomb, d'ailleurs, ne pourrait satisfaire aucune des aspirations de la gauche, et Ton pourrait certifier a l'avanee que toujours la droite voterait avec lui. Or, il se trouverait la Chambre devant una opposition formidable dont M. Frère-Or- ban serait le chef, et certes il n'aurait pas une session h vivre_ Je n'oserais cependant soutonir que 1'on n'a pu songer a la' constitution d'un cabinet Nothomb, mais ce fin diplomate n'est pas un homme d'affaires, et je suis convaincu qu'il n'accepte- rait la mission de former un cabinet qu'ü la suite d'une disso lution des deux Chambres. Or une telle mesure, prise par un ministre clérical, mettrait inévitablement le feu au pays, et rien ne prouve que le résultat des élections générales ne serait point favorable h la politique de M. Frère. Au contraire, co qui s'est passé Tournai et h Nivelles est un indice peu rassurant pour les énergumènes du congrès de Malines. Vous me demanderez, après cela, oü est la clef de la situa tion. Je n'en sais rien, mais olie me paratt être plutót entre les mains dc M. Frère qu'entre celles de M. Nothomb. Supposons en effet, que le ministère actuel, poursuivant sa politique ou- trance pour ne pas donner aux ex-avancés Toccasion de lui' faire échec en se coalisant avec la droite, soit quelque jour- renversé. L'opposition oserait-elle accepter le pouvoir, sans avoir re- cours h une dissolution? Evidemment non. Or, je ne vois pas pourquoi Ml Frère lui-même ne pourrait pas avoir recours ce moyen pour soumettre sa politique au verdict de la nation L'affaire de la presse prend des proportions qui doivent don ner h réfléchir h la magistrature et aux Chambres. Voici que sur la proposition du correspondant du Journal de Charleroi" VIndépendance provoque une coalition pour mettre au besoia la législature en demeure de nous restituer les droits constitu- lionneis qui nous ont été ravis par une jurisprudence impru- dente. UÊteile, YEscaut, le Précurseur, le Journal de Br'uqes toute la presse libérale se met de la partie, e^tous font le ser pent de combattre, dans les élections prochaïnes, la candida ture de tous les représentants,libéraux et catholiques, qui nou» auraient refusé justice: II faut, a dit 1 'Etoile beige, pour- suivre a outrance ce nouveau redressement des griefs' du peu- ple beige c'est remplir un devoir de citoyen que de s'associer pour défendrela liberté de la presse contre le aèle mal entendu des magistrats qui croient de bonne foi sauver l'ordre social tandis qu'ils le minent par la base. II serait, vous Tavouerez difficile d'aller plus loin, et si la presse tient bon, comme elle en fait le serment, il faudra bien qu'on nous restitue le jurv pour tous les délits de presse. La liberté de la presse est du reste le palladium de toutes les autres, et si, au point ou elle en est, la presse iléchissait, toutes nos autres' libenés se- raient en péril. 11 n'qst pas jusqu'aux journaux de France qui ne s'émeuvent de la situation qui nous est faite. La Presse de Paris par la plume de M. de Girardin, engage h ce sujet une pol'émique avec 1 Escaut d Anvers,et s exprime en ces termes D'oü vien— nent, d'oü peuvent venir ces tendances hostiles k la liberté d© la presse beige? Est-ce que ce n'est pas h la liberté de la presse, la liberté de réunion, h la liberté d'enseignement k. la liberie dissociation,que la Relgique, petit pays territoriale- ment, doit de compter moralement comme un grand pavs et d© faire envie h tout Frangais qui la liberté ne fait pas peur' Et pourquoi la liberté ferait-elle peur h la Belgique Est-ce que re n'est pas au respect continu de la liberté, de toutes les liber- tés, que la dynastie beige, datant de 1831, a dü sa durée et sen affermissement? Est ce quece n'est pas, au contraire h la dé- fiance croissante de la liberté quo la dynastie, datant 'do 1830 alliéeh eelle du roi Léopold, a dü sa chute en 1848' Mais non' la Belgique est un pays qui aurait trop perdre h toutê 111111 Hi Bruxelles, le 9 octobre -1863.

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L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 2