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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
YPRES, Dimanche.
18 octobre 18W.
Le Journal parait le dimanche de chaque semaine.
La session procliaine.
Nous voici a la veille de l'ouverture des Cham-
bres. Encore quelques semaines, et 1'agitation qui
se remarque dans les esprits, agitation née des
doutes des Uns, dés craiiites des autres, des espé^
i4ances de plusieurs.en passant des conjectures a la
certitude, des apparences a la réalité, aura pris un
caractère nouveau.
Jusqu'au dernier moment, jusqua l'heure oü le
discours du Tröne lera connaitre au pays les pro
jets du ministère, la presse a un devoir a remplir
celui de traduire dans un ferme langage le senti
ment public, de se réndre Finterprète des voeux du
pays et d'apprendre au ministère ce que celui-ei at
tend de lui.
L'histoire de ces six dernièrcs années renferme
un enseignement trop précieux pour les hommes
qui occupent le pouvoir; l'expérience qu'ils ont ac-
quise tout récemment des dispositions oü se trouve
l'opinion publique parle trop haut pour que nous
ayons a craindre, cette fois, de les voir méconnus
ou négligés.
Mais le röie qui revient la presse de conseiller
le pouvoir, au nom de la cause qu'il sert, des inté
réts qu'il défend, du sentiment général dont elie est
l'organe, ne peut ètre abandonné par elle, en aucun
moment, si elle ne veut porter la responsabilité des
actes quelleeut dü prévenir.
Plaqant les questions de principes au-dessus des
questions 'de personnes, elle ne fait pas aux hommes
le sacrifice de ses convictions; elle ne se déclare pas
disposée tout d'abord k s'humilier devant certains
noms qui ont droit a son estime.
Cette attitude loyale a été, sera toujours la nötre
vis-a-vis du ministère; nous ne lui refuserons pas
les éloges quand nous croirons qu'il les a mérités
nous ne lui épargnerons pas les reproches, quand
nous croirons juste de lui en adresser.
Mais, nous en avons la ferme confiance, il aura
entendu les voeux de l'opinion publique et il s'y sera
rendu. Le ministère aura compris que lui refuser
les réformes quelle lui demande si clairement, ce
serait, en la mécoutentant, augmenter le découra-
gement et jeter le trouble dans les rangs de l'opi
nion libérale,déjü si affaiblie que c'esta peiue si l'u-
nion de toutes ses forces sera capable de conjurer
les dangers de la situation.
Si les catholiques, abattus par l'ignominieuse dé-
faite qu'ils out subie il y a six ans, relèvent la tête
et reprennent courage; si chaque jour leur ardeur
croissante se trahit en menaces et en outrages, sans
revenir iiputilement sur le passé, nous disons au
ministère II dépend de vous de consolider la vic-
toire definitive du libéralisme. Donnez-nous cette
politique ferme et vigoureuse que vous promettiez
dès voire arrivée aux affaires. L'appui de la presse
et de l'opinion libérales, le concours des associa
tions, bunion du parti auquel vous appartenez et sa
force aux elections prochaines sont ace prix. Intro-
duisezdans lesloislesprincipesquevousavez procla-
més; affirmez devant le pays par des mesures vigou-
reuses, par des aetes décisifs, par des réformes
bienfaisantes, l'énergie indomptable de vos convic
tions libérales. Pour vous aider dans cette ta-
ohe, faites appel a tous les dévouements aucun
ne vous fera défaut et vous aurez assis sur des ba
ses désormais inébranlables, en même temps que
votre gloire comme homme d'Etat, le triomphe dé-
finitifcles idéés libérales.
Be la séparalion de 1'Eglise el de l'Etat.
I.
Le principe de la séparalion de 1'Eglise et de
l'Etat, base de notre droit politique, se trouve for
mulé, dans la Constitution et dans les décrets du
gouvernement provisoire, en termes si clairs, si
précis, si absolus; les consequences- qui découlent
de ce principe se présentent si naturelfemeilt a l'cs-
prit, qu'on clevrait s'étonner des diflicultés journa-
lières auxquelles son application dorine lieu dans la
pratique. Et cependant, tel est aujoued'hui l'état des
choses, que c'est précisément sur le sens de ce prin
cipe si nettement formulé, sur les conséquences a
en déduire et sur sou application aux questions do
charité, d'enseignement et d'inhuniation, que la
lutte entre les partis politiques se trouve engagée.
Cet état de choses s'explique aiséïnent. Le prin
cipe de la separation de 1'Eglise et de l'Etat, tel que
le législateur constituant l'a décrétéruine de fond
en cornble les pretentions du parti catholique. Avec
ce principe fermement et logiquement appliqué,
l'intervention du clergé dans l'enseig1 >ement devient
impossible, son droit de fonder des couvents est
absurde et sa prétention un cimetière'particulier,
ridicule.
Le clergé, ou, si vous voulez, leparti catholique,
a done tout intérêt a fausser le sens cle ce pirncipe,
a en altérer la portée et les conséquences. II n'y a
pas manqué, pendant les douze ou quinzc ans qu'il
a occupé le pouvoirla loi communale, la loi pro
vinciale, la loi sur l'enseignement primaire et bien
d'autres encore témoignent, en plus d'un endroit,
de sa constante preoccupation et le pays n'a pas
oublié quel régime il lui préparait en 1857, sous
prétexte de liberté de la charité.
Aujourd'hui, que les libérauxsont aux affaires et
qu'ils songent a faire prévaloir dans la législation
le principe constitutionnel de l'indëpendance du
pouvoir civil, le parti catholique jette les hauts
cris; il soutient qu'on en veut a la religion et que le
principe de séparation, appliqué dans le sens que
lui donnent se% adversaires, porte atteinte a la li
berté de conscience et des cultes. De la,la lutte.
Que signifie laséparationdel'Eglise et del'Etat?Le
sens naturel des mots l'explique. Separation veut
dire évidemment que 1'Eglise doit être, dans l'Etat,
indépendante, inapergue; que FEtatn'a rien a démê-
ler avec elle; que le pouvoir civil no doit prendre,
des croyances religieuses, aucune connaissance;
qu'il les laisse se rapprocher, se séparer, vivre, et
se gouverner comme il leur convient, et que celles-
ci, dans aucun cas, ne pourront invoquer l'appui
de son bras pour s'imposer aux consciences. Telle
est la doctrine libérale.
Les catholiques en proposent une autre, assez
difficile a définir. Pour eux la séparation ne signi
fie pas indifferencq absolue de l'Etat en matière reli-
gieuse. lis soutiennent qu'indépendamment de la
liberté de conscience qu'il est tenu de garantir a
tous les citoyens, l'Etat doit une protection spéciale
a certaines religions, aux religions dont il subsidie
les ministres et que la Gazette de Liége, un des or-
ganes les plus accrédités du parti catholique, ap--
pclle très-improprement des cultes organises. Dans
ce système le principe de la séparation absolue ne
s'applique qu'aux cultes non organises, aux croyan
ces religieuses en quelque sortc individuelles; il
n'est pas exclusif, pour les autres, d'un certain droit
a la protection de l'Etat. Or, comme 1'absence de
toute Eglise constituée est précisément le signe
auquel on reconnait qu'un culte n'est pas organise,
il s'ensuit que, pour le parti catholique, le principe
de la séparation de l'Etat et de 1'Eglise n'est
applicable qu'aux cultes qui n ont pas d'Eglise. Si
cette interpretation est la bonne, avouons que le
Congrès national, qui comptait dans son sein tant
d'hommes distingués, a posé la un principe digne
de M. de la Palisse.
Nous ne ferons nulle difficulté de reconnaitre
qu'en mettant a la charge de l'Etat les traitements
des ministres des cultes, la constitution a fait fléchir
sur ce point la rigueur du principe de la séparation
Laissez dire, laissez-vous blAmer, mais publiez votre pensee.
ab'solue, mais nos adversaires tirent de cette ex
ception des conséquences évidemment inadmis-
sibles quand ils en jnduisent, comme ils le font,
que l'Etat doit line protection spéciale a certains
cultes, a ceux dont il subsidie ies ministres.L'Etat,
en vertude l'art. 117 de notre pacte fondamental,
est tenu de subsidier tous les cultes indistinctement
et sans aucune exception. Les traitements et pen
sions des ministres des cultes, dit cet article, sont
a la charge de l'Etat; les sommes nécessaires pour
v faire face sont annuellement portées au budget,
Done, pas de distinction, tous les cultes doivent
être rétribués. Seulement, et la choss va de soi,
quand le gouvernement est requis a l'eff&t de sub
sidier un culte, il a le droit et le devoir de s'enqué-
rir s'il s'agit bien en réalité d'un culte a subsidier;
ceux qui sollicitent ce subside ont k prouver qu 'ils
sont dans les conditions voulues pour y prétendre,
c'est-a-dire qu'ils constituent un culte. S'ils ne jus-
tifient pas de ces conditions, leur demande doit être
repoussée, puisqu'il est avéré qu'ils ne forment pas
un culte. S'ils en justifient, au contraire, l'Etat est
tenu, strictement tenu de leur accorder un subside,
non pas a titre de faveur,mais a titrede droit rigou-
reusement exigible.Lescultes sont placésvis-a-visde
l'Etat dans la position d'un créancier vis-a-vis de
son débiteur, et obligés, comme tout créancier, d'é-
tablir le titre de leur créance. II est aussi absurde
de prétendre que la Constitution reconnait certains
cultes et en repousse d'autres qu'il le serait de sou-
tenir que la loi civile reconnait a certains créanciers
et refuse a d'autres le droit de se faire payer de
leurs débiteurs.
Nous voici exactement fixés sur la valeur de ces
mots cultes reconnus par l'Etat, qu'affectionnent
si particulièrement nos adversaires; ces mots ne si-
gnifient pas autre chose que créanciers 'ayant des
titres reconnus par l'Etat. Les cultes non-reconnus
ne sont repousöésque paree qu'ils n'existent pas ou
du moins paree qu'ils ne réunissent pas l'ensemble
des conditions auxquelles l'Etat attache la certitude
de leur existence.
Le traitement que l'Etat paie aux ministres des
cultes ne saurait done être considéré comme don-
nant droit, au profit des cultes rétribués, a une pro
tection spéciale de la loi et la distinction établie par
la Gazette de Liége croule par sa base.
(A continuer.)
Csavocation de l'Association libérale.
Déja a diverses reprises, et presque dès la crea
tion de notre feuille, nous demandions la convoca
tion plus prompte de l'Association libérale a l'épo-
que des élections. En agissant ainsi nous nous
faisions non-seulement l'écho d'un vceu exprimé
dans les assemblées générales de l'Association, mais
les interprètes d'une decision formelle prise par l'u-
nanimité des membres présents a l'une des reunions
solennelles tenues en 1859. II fut décidé alors que
l'Association serait convoquée au moins un mois
avant la date de l'élection.
L'assemblée avait-elle tort de prendre cette déci-
sion et de donncr ainsi ouvertement raison aux cri
tiques soulevées contre l'ancieu régime? Nous ne
le pensons pas.
Néanmoins ce fut en vain que YOpinion réclama,
lorsdesdernières élections générales du 9 juinj'exé-
cution de la mesure dont nous parions. Malgré
les difficultés de la situation l'assemblée ne fut con
voquée que le 23 du mois de mai. Et qui pourrait
dire encore aujourd'hui si ce n'est pas a ce retard
imprudent que le parti libéral doit de n'avoir pas
obtenu la majorité pour ses trois candidats? En effet
chacun sait qu'avant la réunion de l'association des
personnes influentes, qui ne voulaient la lutte a au
cun prix, parcouraient les campagnes, répandant
partout leur conviction personnelle que l'intérêt du
PREMIÈRE A.VYÈF. \9
LOPINIM
On traite a forfait pour les
YPRES, IS octobre i§©3.
Prix d'abormementpour Ia Belgique 8 fr. par an; 4 fr. 50 c. par semestrepour
r>oxrov»io H'avance,