JOURNAL D'YPRES ET BE L'ARRONDISSEMENT.
F:
YPRES, Dimanche.
PREMIÈRE AYHUÉE. X» 7
U.
25 octobre 18^8.
Le Journal paralt le dimanche de chaque semaine.
Laissez dire, laissez-vous blSmer, mais publiez voire pensée.
YPRES, octobre 1$6%.
Le eonseil des ministres.
Des bruits de toute nature ottt cireitléeeS jours
derniers, sur les resolutions adoptées dans le eon
seil des ministres que le Roi a réuni sous sa prési-
dence peu de temps avant son départ pour l'Allema-
'gne. Bien que rien de positif n'eüt, transpire quant
au caractère même de ces resolutions, fopinion gé
nérale affirmait que le ministère s'était misd'accord
sur la nécessité d'imprimer k sa rnarche une allure
énergique et de donner k I'opinion libérale les satis
factions quelle réclame. On allait jusqu'k tracer,
dans tons ses détails, le programme de la session
prochaine. Le gouvernement, dès le début de cette
session, devail deposer une série de projets de loi
sur la révision des lois sur l'enseignement primaire
et moyen, sur Ia réforme electorale, sur les cime-
tières, sur les fabriques d'église, etc., etc. Nos in
formations particulières ne nous permettent mal-
heureusement pas de partager complétement ces
espérances.Loin que le ministère songe k accomplir
les réformes que le pays attend de lui, nous croyons
savoir, au contraire, qu'il s'est décidé a les écarter,
ou du moins a les ajourner toutes et a éviter, autant
qne possible, toute discussion de nature k passion-
ner I'opinion publique.
Bien que ces renseignements nous viennent d'une
source digne de foi, nous voulons douter encore de
leur exactitude. II nous est impossible d admettre
que le ministère, qui compte dans son sein des
hommes aussi intelligents que MM. Frère,Rogier et
Vandenpeereboom, ne soit pas convaincu, comme
nous le sommes, qu'une politiqued'expectative telle
que celle dont on lui suppose le projet aurait pour
résultats immédiats la chute du cabinet et la ruine
du parti liberal. Quand I'opinion libérale tout en-
tière demande k grands cris que le ministère mar-
che hardiment en avant, quand la simple espérance
d'une politique résolument réformatrice produit des
élections telles que celles de NivellésetdeTournai,
quand lepaysestencoresousl'impressiondel'insolent
défi jeté par le congrès de Malines k la société mo
derne, non, mille lois non, il est impossible que Ie
ministère libéral hésite et recule. Nous ne le
croyons pas, nous ne le croirons jamais
De la separation de i'Eglisc el de l'Etat.
II.
Nous avons démontré, dans un précédent article,
l'inanité de la distinction imaginée par le parti clé-
rical entre les cultes qu'il appelle organises et les
non organises. Ceux-ci n'étant,kproprement parler,
que des opinions individuelles, isolées, il est clair,
avons-nous dit, qu'ils ne peuvent ètre subsidiés par
l'Etat, pas plus que les disciples de Hegel ou de
Proudhon. Mais de la k eonclure,. comme le font nos
adversaires, que ces cultes non organisés sont pïa-
cés, sous le rapport des garanties constitutionnelles,
dans une position d'iniériorité vis-k-vis des cultes
subsidiés, il y a loin, tellement loin qu'on est vrai-
ment surpris qu'une confusion aussi étrange ait pu
trouver crédit dans Ie monde. II est vrai qu'il n'y a
pas a se gêner avec des gens qui se font mérite de
tout croire sans rien examiner credo quia ab-
surdum, voila qui répond k tout.
Pourquoi nos adversaires tiennent tant k cette
distinction, e'est ce qu'il est facile de comprendre
elle seule peut justifier leurs prétentions en matière
d'enseignement, en matière de charité, en matière
d'inhumation. Élle seulc explique le droit qu'ils
s'arrogent d'intervenir, k titre d'autorité. Cette dis
tinction détruite, leurs empiètements éclatent au
grand jour dans des questions d'intérêt purement
civil. Eclaircissons ce point, il en vaut la peine,
Que disent nos adversaires? Ils disent qu'indé-
pendamment de la liberté de conscience, qu'il est
obiigéde garantir a tousles citoyens, l'Etat est tenu
k quelque chose de plus tfapfes eux, il a le devoir
de protégeu les cultes dans les Mmites dé ee qui est
lièöessaire au maintien de l'ordre public, de lor*
dre social, du bien général. Ce sont les expres
sions nièmes dont se Bert la Gazette de IAége.
Port bien. Mais il est clair qne si cette pré tend ue
protection de l'Etat doit s'étendre k tous les cultes
organisés ou nonelle devient tout bonnement im
possible. Prenons pour exeiïïpie l'enseignement. Si
Etat est obligé de protéger également tons les cul
tes, il doit admettre, dans l'école, non-seulement
les ministres des cultes organisés, mais aussi les
simples particuliers appartenant a des cultes non
organisés et même les fibres penseurs. Système
irréalisable et que les catholjques seraient les pre
miers k repousser. De même pour les inhuma
tions. Si l'Etat, en vertu de son obligation de proté
ger les cultes, est tenu de fournir aux catholiques
un cimetière particulierchaque secte religieuse, si
■pea nombreuse quelle soit, estfondée a réclamer
la même faveur et les particuliers eux-mêmes peu-
vent', aii noiii de leurs croyances individuelles, que
l'Etat a mission de protéger, tout cOttime les croyan
ces collectives, demander une place a part daris le
champ derepos. Or, comme il serait impossible a
l'Etat de satisfaire k toutes ces exigences, son de
voir, protection a legard de tons les cultes, abouti-
rait -nécessairement a i etablissement d'un cimetière
unique, e'est-a-dire a la condamnation des préten
tions du parti clérical en matière d'inhumation.
Nos adversaires avaient done a choisir ou bien
ils devaient reconnaitre que l'Etat nq protégé pas les
cultes ou bien limiter cette protection a certains
cultes seulement, aux cultes subsidiés, la protec
tion égale pour tous opposant une barrière insur-
montable a leurs projets d'envahissement du pou-
voir civil. Do la la distinction de la Gazette de Liége
entre les cultes subsidiés et ceux qui ne le sont pas,
distinction inconstitutionnelle au premier chef
mais qui constitue le fondement même, nous le ré-
pétons, des: prétentions cléricales.
Le principe de cette distinction -elle-même git
dans l'article 117 de la Constitution, qui met au
compte de l'Etat l'entretien des ministres des
cultes. Nous n'avons pas mécoiinu que la dis
position de eet article dérogekt au principe de
la séparation de l'Eglise et de l'Etat mais
de ce que l'Etat est obligé de rétribuer les
cultes, conclure que ceux-ci ont le droit de se mê-
ler des affaires de l'Etat et de lui faire la loi, il faut
convenir que c'est raisonner au rebours du bon
sens. Le clergé catholique ne raisonne cependant
pas autrementYous me payez,dit-il, a l'Etat; done
j'ai le droit de pénétrer dans vos éeoles, d'ériger a
mon gré des établissements publics et de faire des
cimetières ce que bon me semble. Ne voila-t-il
pas une admirable argumentation?
L'article 117 n'est pas le seul, dans la Constitu
tion, qui déroge au principe de la séparation de l'E-
gliseet de l'Etat. La disposition de l'art. 16, quiexige
que le mariage civil précède toujours'la bénédiction
nuptiale, porie évidemment atteinte a l'indépendance
de l'Eglise et a la liberté des cultes; elle prescrit au
citoyen, a raison d'un acte religieux qu'il veut po
ser, l'accomplissement préalable de certaines con
ditions purement civiles, et qui constitue une im-
mixtion nettement caractérisée du pouvoir laïc dans
les affaires religieuses. - Que diraient les catholi
ques si l'Etat, se prévalant de cetté disposition,
prétendait en tirer le droit de réglementer les af
faires ecclésiastiques et d'intervenir, par exemple,
dans l'enseignement organisé par le clergé? Les ca
tholiques feraient observer avec beaucoup de raison
que le principe constitutionnel de la séparation des
deux pouvoirs n'admet d'autres exceptions que celles
que Ia constitution elle-même a prévues; qu'ils con
sentent a se soumettre k la formalité du mariage
civil préalable paree que la constitution l'a voutu
ainsi, maisqueeette dérogationau ?-incipe de lasépa-
ration doit ètre rigoureusement restreinte dans ses
termes et que c'est violer onvertementla constitution
que d'en fairela base d'un système général d'interven-
tionde l'Etat dansles affaires religieuses.Eb bien,
nous, les libéraux, nous ne disons pas autre ebose
aux catholiques. La constitution, leur disons-nous,
oblige l'Etat k rétribuer les ministres des cultes.
Soit, nous acceptons cette derogation au prmeipe
de la séparation, puisqu'elle est formellement ins-
crite dans notre pacte fondamental. Mais les excep
tions, vous le reeonnaissez vous-mêmes, doivent
être strictement restreintes aux cas qu'elles pré-
voient et vous ne pouvez pas plus vous faire un
titre de l'art. 117 de la Constitution pour intervenir
dans l'administration des affaires- de l'Etat laïc, que
celui-ci ne pourrait se prévaloir de l'article 16
pour intervenir dans l'administration des affaires de
l'Eglise catholique.
Le libre exercice du culte ne suffit pas au partr
clérical. Que ferait-il de la liberté seule? Est-ce au
nom de la liberté des cultes qu'il pourrait réclamer
une certaine part d'autorité dans l'enseignement pu
blic? Est-ce que le libre exercice du culte exige que
les catholiques ne soient pas enterrés k cöté des
protestants? Ne peut-on pas pratiquer librement
son culte sans avoir le droit de fonder des établisse
ments publics? Pour étayer les prétentions qu'il
élève dans ces différente® questions, le parti cléri
cal est done obligé de recourir a une autre idéé
l'Etat, dit-il, n'est pas seulement obligé de garantir
a chaque citoyen le libre exercice de son cnlte, il a
des devoirs envors le culte lui-mème, qu'il est tenu
de protéger en tant qu'il cóntribue au maintien de
l'ordre public et au bien général.
C'est ce que nous examinerons dans un procbain
numéro.
Clironique électorale.
Prendre dans chaque commune la physionomïe
exacte des élections qui se préparent; dévoiler les
sentiments secrets qui guident les compétiteurs
analyser les moyens mis en oeuvre, et dans eet
abime de misères humaines dessiner les traces pro-
fondes laissées par l'intervention cléricale, serait
peut-être le sujet le plus intéressant qu'un journa
liste pourrait livrer a la méditation de ses leeteurs.
Tel n'est pas cependant le plan que j'ai adopt
pour ma chronique les renseignements me man-
quent et le courage me ferait certes défaut, si j'avais
a signaler k la publicité combien de fois, dans ce
genre de luttes, les questions de principes eèdent
la place a de tristes personnalités.
Je dirai tout ce qui m'est signaió et je le dirai
sans autre preoccupation que eelle de dire la vérité.
Le signe du temps c'est l'intervention ouverte, ar-
dente,éhontée,du clergé dans les élections commu-
nales. A Malines. les masques sont tombés, inutile
done de se voiier plus longtemps dans les com
munes. II faut que tout conseiller communal sache
qu'il est élu par l'influence directe de M. le curë et
du sacristain, qui le feront éliminer au premier acte
d'insubordination. De cette fagon le curé,sans avoir
son siége a la maison commune, tiendra toutes les
ficelles, et malheur a celui qui n'obéira pas au eom-
mandement. Pour bien des communes cette situation
n'est pas nouvelle; plusieurs autres vont la repren-
dre au 27 octobre 1863, et je n'oserais pas prédire
l'époque a laquelle la presse libérale aura réussi
dans son oeuvre d'affranchissement de l'autorité
communale.
Dans eet ordre d'idées, je commence naturelle-
ment par Wervicq. Les élections mettront l'Hótel-
de-Villedans la congrégation. La congregation con-
it;
LOPIN
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