L'OPINION, Journal d'Ypres. jour dune nouvelle lutte. Vainement fera-t-on un appel chaleureux aux électeurs dont les convictions n'ontpoint été ravivées au feu de la libre discussion, ni consolidées par letude des questions nouvelles. Ces électeurs seront énervés par l'indifférence; la Faiblesse de leur foi les jettera sans defense entre les mains d'liabiles adversaires. Auprès des uns la femme ou la fille,endoctrinée et fanatiséel'on sait oü et par qui triomphera facilement de leur fai- blc résistanceauprès d'autressoit la promesse d'un clientèle, d'une place ou d'une faveur, soit la menace d'un prejudice quelconque,sufFira pour faire oublier la parole donnée a leurs amis politiques. Le corps électoral deviendra vacillant, incertain, corruptible. Les convictions sincères, inébranlables, dësintéressées, celles qui honorent Fhomme et le parti auquel il appartient, deviendront de plus en plus Fapanage exclusif de quelques hommes d'élite. Le passé n'est-il pas la qui donne raison aux li- béraux de Roulers? Que de villes, en eftet, que de communes oü l'opinion libérale, après avoir triom- phé pendant des années, s'est vue soudain aban- donnée par ces mêmes électeurs qui lui avaient précédcmment donné leur conFianceQue de revi- rements successifs et souvent inexplicables dans les décrets des corps élecloraux? Ne sommes-nous pour rien dans ces retours vers les hommes du passé? Si dans la plupart des cas Fintrigue, la corruption, les questions de personnes et d'intérêts Femportent sur les principes, ne som mes-nous pas au moins coupables de négliger l'en- seignement et la diffusion de ces principes? Nos ad- versairès profitent de tous les moments et de tous le? lieux, fussent-ils dix fois sacrés, pour vanter les vieilleries du moyen-age, tandis qu'aulendemain de la lutte nous abandonnons 1'électeur a son indiffe rence jusqu'a la veille du combat. Nos associations se ferment avec le scrutin, les amis ne se rencon- trent plus, les intéréts du parti semblent ne plus toucher personne, et nous nöus réunissons trois ans plus tard avec Ia même apprehension devantl'en- nemi. Trop heureux, si nous ne nous sentons pas aff'aiblis C'est done après Félection que recommence le de voir de tous ceux a qui l'opinion libérale a confié des positions et des dignités. A eux de répandre les doctrines, de développer les fruits des associations, et de fortifier les convictions chancelantes. Jamais loi électorale, quelque minutieusc, quelque sévère quelle puisse être, n'offrira a la corruption une bar rière aussiinfranchissablequ'uneconviction sincère. Sur des hommes convaincus nil'intérêt,ni l'orgueil, ni la haine,ne peuvent rien.Ces misères n'atteignent que les intrigants et les ignorants. II suflit d'ins- truire les uns, les autres tomberont sous le mépris public. Voila pourquoi a Roulers, sous le nom de Cercle du commerce et de l'industrie, s'organise une réu- nion d'amis dévoués au libéralisme progressif. II ne s'agit pas d'une association purement électorale, dont le röle temporaire et exclusif est aujourd'hui si vivement critiqué par les principaux journaux du pays,mais d'une association pour la propagation des idéés modernes, d'un meeting permanent, d'un club politique oü se mêlent dans la plus parfaite égalité les diverses catégories de citoyens, oii se débattent librement les affaires locales et publiques, oü les critiques se produisent sans crainte. En un mot une réunion oü l'électeurje citoyen,siége en maitre et oü l'administrateur ne dédaigne pas d'écouter les avis des administrés. Certains esprits timorés et retardataires n'admet- tent guère la possibilité de pareilles réunibns; les mots club et meeting leur donnent le vertige; pour eux ce sont les avant-coureurs des révolutions. Cpmme si les résistances violentes, grandes ou pe- tites, n etaient pas filles du despotisme et de la do mination Nous sommes heureux de donner un encourage ment public a nos amis de Roulers, et nous espé- rons que Courtrai, qui élabore également un projet d'association,ne ci,rconscrira pas son oeuvre dans les limites étroite s d'une société électorale. On nous apprend que les libéraux de JDixmude se sont retirés en masse de toutes les positions ad- ministratives. Le rude échec qu'ils viennent d'éprou- ver les a découragés, anéantis. C'est un tort, car en se retirant ils 11e font que remplir les vceux de leurs adversaires, dont la position s'est ainsi singu- lièrement fortifiée. II ne faut pas qu'on se retire de- vant l'ennemi, il faut l'attendre de pied ferme, et lui disputerle terrain pouce par pouce. Peut-être devons-nous attribuer cette faiblesse des libéraux de Dixmude a la longue habitude d'une administration homogène. Autrefois, sans contra- dicteurs et sans lutte, nos amis 11e veulent pas ac cepter aujourd'hui une position encore belle, et ce- pendant il leur faudra dans l'opposition beaucoup d'efforts pour ressaisir les inffuences qu'ils aban- donnent volontairement aujourd'hui. Leur abatte- ment découragera beaucoup des leurs,qui n'oseront plus avoir foi clans l'avenir du libéralisme a üixnuide. Nous le répétons,la retraite est un tort que dix ans d'opposition énergique pourront a peine réparer. Nous apprenons de Courtrai que les libéraux éli- minés le 27 octobre ont pris la resolution énergi que de ne pas abandonner.sans controle l'adminis- tration des affaires communales entre les mains des nouveaux élus. Nos amis qui depuis quinze ans ont apporté leur travail et leur intelligence aux intéréts de la villc seront a mème, par leurs connais.sanc.es spéciales, de signaler a leurs concitoyens les fautes que les nouveaux venus pourraient commettre. Si les Courtraisiens n'ont pas assez reconnu les services signalés renduspar leurs magistrats élimi- nés, ils seront peut-être plus sensibles aux fautes que commettront infaillihlement une réunion d'hom- mes obIigés,de par leur origine politique, de servir avant tout les intéréts du cléricalisme. Aussi avons-nous la confiance que le corps élec toral appréciera bientöt toule la gravité de son er- reur et que, comme celui de Bruges, il reviendra dès la première occasion sur le verdict que les in trigues de tout genre ont su lui arracher. Corruption électorale. On écrit de Bruges YEclio du Parlement L'instruction judieiaire laquelle nos élections ont donné lieu touche k sa fin. Le bruit qui se répand que, d'après l'avis du parquet, les faits qu'elle révèle ne tombent pas sous l'appli- cation de l'article 113 du Code pénal, ne pouvait manquer d'être accueilli par les transports de joie de ceux qui, depuis plusieurs semaines, tremblaient devant la perspective d'un pro cés crimimel Maïs la joie du parti ne paraitpas être destinéek durer longtemps. D'après des renseignements qu'il y a lieu de eroiré exacts, loin de prouver qu'il n'y a pas eu de corruption dans nos élec tions du mois de juin, l'instruction judieiaire démontre,au con traire, b l'évidence l'existenee de faits de corruption les plus scandaleux et pratiquéssur uneéchelle très-étendue. Mais elle aboutit également k faire recoDnaftre que l'arliclc 113 du Code pénal, qu'on croirait devoir punir tous les faits de corruption pécuniaire qui peuvent fausser une élection,n'en atteint qu'une classe fort restreinte, qui ne se présentera presque jamais, et qu'k peu prés toujours il sera impossible d'établir juridiquement Cette disposition est fort différente de celle du même Code qui punit la corruption des fonctionn'aires publics on la dirait ré- digée tout exprès pour ne pouvoir être jamais appliquée et, en effet, elle ne l'a jamais été depuis un demi-siècle qu'elle existe. En France, oü les criminalistes étaient unanimes k eet égard, la disposition du Code pénal a été depuis longtemps remplacée par une législation nouvelle, qui suffirait pleinement pour faire justice des scandales qui se sont passés k Bruges, si elle avait été introduite chez nous. L'instruction fsite ici, si elle n'a pas pour conséquence d'amener devant la justice répressive les imprudents qui avaient recouru k ces honteux moyens, et dont plusieurs portent l'ha- bit ecclésiastique, aura done deux autres conséquences. Elle prouvera k nos représentants la nécessité d'une législation nouvelle en matière de corruption électorale et elle ne laissera pas subsister de doute pour la Chambre, lors de la vérification des pouvoirs, sur la valour de mandats qu'entachent do pa- reils vices. CotTcspoiidance particuliere de L'OPINION Nous aurons décidément, cette année, une séance royale d'ouvérture des Chambres. Du moins tout porte k le croire. Le Roi était le 4 de ce mois k Zurich et on l'attend k Bruxelles. Le Moniteur a fait eonnattre les dispositions arrêtées par le département de l'intérieur pour la cérémonie, et au palais de la Nation on dresse en ce moment même le tröne sur ie- quelS. M. doit se placer pour adresser la parole aux manda- taires du pays. C'est évidemment le résultat des élections com munales, si favorable k l'opinion libérale, compliqué du temps abominable qu'il faisait dans la haute Italië, qui a déterminé le Roi k revenir. Mais gardons-nous toutefois de jurer de rien. L'année passée le Roi était k Bruxelles vers l'époque de Couverture des Chambres, et trois jours seulement avant la date fixée par la Constitutionle Moniteur a publié les dispositions qui seraient prises pour une séance royale. Or, qu'est-ii arrivé Le Roi gagna un rhume et il n'ouvrit pas la session.Cette année le Moniteur s'y est pris six jours k l'avance pour publier le programme du cérémonial de la séance royale, et le Roi était absentqui pourrait assurer que, revenu k Bruxelles au dernier moment, le Roi, fatiguö d'un long voyage, sera en état de parattro devant les deux Chambres et de s'exposer aux ómotions de la situation? II est bien certain que le ministère n'a arrêté les dispositions nécessaires pour une séance royale qu'après avoir obtenu l'assentiment de S. M., et il y a tout lieu d'espérer, par conséquent, quo nous aurons un discours du Trönemais il y a un proverbe indou qui dits'attendre k tout pour ne s'étonner de rien, et ce proverbe est de bon conseil, surtouten politique. II ne m'appartient pas de vous dire ce qu'il y aura dans le discours du Roi, mais il est vraisemblable qu'il ne fera aucune concession aux idéés étroites de ia réaction et que, dans l'in- térêt de la dignité parlementaire, le Roi fera un nouvel appel k la modération et au patriotisme des représentants de la nation, en réclamant pour son gouvernement la confiance du Par lement. Cela fait, il s'agira d'abord de vérifier les pouvoirs des re présentants élus au mois de juin, puis de constituer le bureau définitif, enfin de nommer une commission d'adresse, de la rédiger et de la discuter. S'il est vrai, comme on persiste a l'assurer, que les libéraux se proposent de demander k la Chambre des représentants l'an- nulation des élections de Bruges, de Dinant et d'un arrondis sement du Luxembourg, je vous laissc k penser k quelies dis cussions nous allons d'abord assister. Au moindre mot, nous en aurons pour quinze jours.Puis il faudra songer hl'adresse, et Dieu sait,par exemple,comment on se tirera de lk,car il est vraisemblable que tous les mécontentements se formuleront en propositions d'amendcment et que la droite en masse tombera k bras raccourcis sur la politique du cabinet. II en résultera comme la Chambre n'aura k tenir que vingt-cinq séances au plus avant les vacances de Noël, que l'on ne pourra encore, cette année, voter les budgets de l'exercice proehain et qu'on tombera forcémentdans le grave inconvénient des crédits pro visoires. Mais j'aurai assez k vous parler, la semaine prochaine, des travaux parlementaires occupons-nous un peu des incidents qui se sont produits devant nos cours. D'abord la cour de cassatioa, sur les conclusions conformes de M. l'avocat général Faider, a rendu un arrêt qui casse et annule l'arrêt rendu, le 18 septembre dernier, par la cour d'ap- pel de Bruxelles, dans l'affaire d'Edouard Keym, condamné, s'il vous en souvient, pour avoir exposé k sa vitrine des litho graphies tendant k avilir la religion catholique. Notre tribuna 1 et notre cour d'appel avaient essayé de ressus.citer, selon une heureuse expression de M. Orts, une momie iégislativo qu'on: appellel'arrêté-loi du 23 septembre 1814 mais les conseiilers de la cour suprème se sont heureusement rappelé que,sur leur siëge, ils sont des juges et non des croyants, et ils ont eassé sans renvoi l'arrêt qui avait causé dans la presse libérale une si vive émotion. C'est déjk une satisfaction pour nous, et il est k espérer que eet arrêt de la cour de cassation donnera k réfléchir k notre cour d'appel lorsque l'affaire du Journal de Charleroi sera appelée devant elle.Elle a regu, cette semaine, une lepon qui lui profitera, j'en suis sfir; elle ne voudra pas s'exposer en rendant un éditeur civilement responsable d'un article publié dans son journal lorsque l'auteur est connu et accepte la responsabilité de son oeuvre k se faire dire qu'elle ne rend plus un arrêt qui ne viole un texte formelde la Constitution. Reste l'affaire de M. Karsman, ce rimailleur anversois qui en ce moment rime ailleurs s'il est vrai, comme l'annonce l'Es- caut d'Anvers, qu'effrayé de l'arrêt rendu contre lui il s'est ré fugié en Hollande au lieu de se pourvoir en cassation pour y revendiquer un droit constitutionnel, e'est-k dire le droit de se défendre en flamand devant une cour dans le ressort de la quelle ily a des tribunaux oü la justice se rend dans cette langue. Voici, en deux mots, de quoi il s'agissait. Ce Karsman dont il s'agit avait publié dans un journal d'An vers, ilya longtemps déjk, en pleine lutte électorale, une chan son assez ridicule dans la forme. On n'a poursuivi ni la chan son, ni le journal. La chanson, par conséquent, était hors d'at- teinte, et comme le journal portait le nom de son imprimeur il n'y avait rien k redire.Non content de la publicité donnée k sa chanson, mon rimailleur la voulut faire tirer k part, et il se borna kla signer de son nom sans indication de son domicile, ni du nom de son imprimeur. Pource dernier fait l'imprimé,non la chanson, l'imprimé fut poursuivi, et M. J. Karsman fut condamné k 5 fr. d'amende. II n'y avait pointlk de quoi se mettreen rage, mais le parti flamand, voyant dans cette affaire une occasion favorable pour porter ses griefs devant la cour de Bruxelles, poussa Karsman en appel, oü ilseprésenta assisté de deux avo- cats tlamands, MM. Brack, d'Anvers,et Vuylsteke, de Gand. Ces messieurs, avant l'audierce, prévinrent M. le président Lyon que leur cliënt exigeait qu'ils présentassent sa défense en fla mand. M. Lyon, qui est Wallon, répondit assez aigrement, se lon sa malheureuse habitude, qu'ils auraient tout simplement, eux et leur cliënt, k se conformer aux usages de la cour, c'est- k-dire qu'ils parleraientenfranpais ou ne parleraient pas. C'est après eet incident que la défense se présenta devant la cour, et elle revendiqua, en flamand, le droit inscrit dans l'article 23 de la Constitution, oü on litL'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif. La cour, composée en majorité de Wallons, n'entendit point, vous comprenez, de cette oreille- lk, et M. le président se fkcha. La défense formula aus- sitót des conclusions en flamand sur lesquelles la cour se réserva de statuer. Huit jours aprèselle rendait un arrêt basé sur un arrêté pris par le gouvernement provisoire a une époque oü il n'exerpait plus le pouvoir légis- latif.Cet arrêt condamnant formellement les prétentions de la dé fense, celle-ci se pourvut immédiatement en cassation, et pen dant qu'elle remplissait cette formalité, la cour, sans en vou- 10 r entendre davantage, condamna Karsman au maximum de la peine. Cet incident a produit au palais une très-vive émo tion, et l'on s'y attendait généralement k voir porter l'affaire en cassation lorsqu'on apprit la fuite du condamné en Hollande. Encore un incident qui ne passera pas inbpergu k la Chambre. Dè3 1861 M. Debaets, député de Gand et l'un des chefs du mou vement flamand, avait déjk voulu introduire dans l'adresse en réponse au discours du Tröne un paragraphe dans lequel 11 demandait une satisfaction des griefs de son parti. Nul doute qu'il n'insiste sur ce point avec beaucoup plus de force cette année, grftce k l'appui qu'il trouvera vraisemblablement dans la nouvelle députation d'Anvers dont fait partie un autre chef du mouvement flamand, M. de Laet. A propos je dois noter que ce dernier a déclaré, dans la der- nière séance du Nederduytsch-Bond, qu'il userait de son ini tiative pour faire restituer aux communes le droit de nommer elles-mêmes leurs bourgmestre et échevins. Encore une ma tière k discussion ardente, d'autant plus que c'est un ministère catholique qui a enlevé aux communes, en 1836, le droit que l'on se propose aujourd'hui de revendiquer pour elles. Pas la moindre petite nouvelle. On ne s'occupe déjk plus ici que de ce que pourra contenir le discours de la Couronne. Le Meeting liberal, dans une assemblée k laquelle assis- taient 250 personnes, a adopté le projet suivant de statuts fon- damentaux Art. Ier. II est formé, k Bruxelles, une société politique per manente sous le nom de Meeting liberal. Art. 2. Le but de la Société est le développement pratique des principes de la Constitution beige dans le sens libéral et démocratique. Art. 3. Ses moyens d'action sont les conférences, les mee tings, la presse, les pétitions et les élections. Art. 4. Peuvent être membres de la Société •1° Tou3 les électeurs domiciliés dans l'arrondisscment de Bruxelles Bruxelles, le 6 novembre 1863.

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1863 | | pagina 2