JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
YPRES, Dimanche.
PREMIÈRE IVVKE. \o 31.
22 novembre 186S.
Le Journal parait le dimanche de chaque semaine. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez voire pensée.
AVIS.
En inaugurant aujourd'hui le second semestre
de son existence, 1'Opinion s'est organisée définiti-
vement. Elle s'effbrcera de prendre un caractère de
plus en plus local, traitant plus spécialement ce qui
concerne la ville et l'arrondissement.
Pour des raisons qu'il est inutile de faire con-
naitre ici, l'administration du journal a été obligée
d'adresser a la plupart de ses abonnés des quittan
ces de semestre, soit 4 fr. 50 c., tandis quelle an-
nongait des abonnements l'année moyennant la
somme de 8 fr. Elle prévient les personnes qui au-
raient l'intention decontinuer leur abonnement qu'il
sera tenu compte de cette circonstance et que le
journal leur sera délivré, pendant les six mois qui
vont suivre,au prix de 3 fr. 30 c. Celles qui seraient
décidées a ne pas renouveler leur abonnement sont
priées d'en donner connaissance au bureau de YOpi-
nion, rue de Dixmude, 53.
En publiant le présent avis, la redaction tient a
cceur de renouveler la déclaration qu'elle faisait
dans son premier numéro L'Opinion' est un jour
nal voué a la défense des véritables doctrines libé-
rales etdontles colonnes indépendantes sontouvertes
a toutes les reclamations raisOnnables et consacrées
a, la poursuite de tons les abus. Elle prie done in-
stamment les personnes qui auraient quelques cri
tiques a formuler, de vouloir les lui communiquer
dans un intérêt général. Produire les griefs au
grand jour de' la discussion, est le moyen le plus
efficace de leur assurer une légitime satisfaction.
Une appréciation erronée du public a fait assez
facilement peser jusqu a présent sur tel ou tel nom
la responsabilité des opinions émises par le journal
et cette appréciation a été même cause que des
communications, des réclamations, des annonces
même,ont été envoyées des adressesparticulières.
Nous déclarons que YOpinion n'est pas l'organe de
telle ou telle per'sonne, quelle qu'elle soit, mais du
comité de rédaction, être essentiellement collectif
et qui seul en assume la responsabilité morale, et
toutes les conjectures que l'on pourra établir sur la
paternité des articles seront purement gratuites.
Quant aux communications que l'on jugera k propos
de nous envoyer, elles doivent être adressées, franc
de portau bureau du journal I'Opinion, rue de
Dixmude, 55.
Les billets marqués.
La Chambre des représentants s'est indéfiniment
ajournée, après avoir décrété une enquête sur les
elections de Bastogne et demandé un rapport sur
eelles de Bruges, fout en regrettant que ces réso-
lutions doivent retarder la marche des travaux par-
lementaires, on ne peut qu'applaudir au sentiment
qui les a inspirées. La Chambre, qui déclarait en
4859 que l'honneur des institutions représentatives
et l'honneur du pays lui-même commandaient une
répression énergique des abus électoraux, ne pou-
vait pas rester sourde aux réclamations des élec-
teurs de Bruges et de Bastogne, sans manquer a
tout ce qu'elle doit a elle-même et au pays. Au sur
plus, il faut en finir une bonne fois avec ce système
de corruption et de vénalité qui pénètre de plus en
plus dans nos mceurs électorales. A défaut de la loi,
silencieuse ou incomplète, tous les amis de nos li-
bres institutions doivent désirer que la Chambre
s'arme de sévérité, de rigueur même, dans la véri-
fication des pouvoirs de se^s membres, et que nul
ne soit admis dans le conseil des élus de la nation, si
sontitreest en taché de fraude ou de corruption. Loin
de demander avecM.Dechamps,s'appuyant sur les tra
ditions frangaises, que la législature se montreavare
d'enquêtes, ceuxquiaimentla liberté doivent vouloir
que,al'exempledecequi se passé dans la libre Angle-
terre, elle accueille avec faveur les réclamations qui
lui sont adressées et qu'elle se montre empressée a
y satisfaire en poursuivant hardiment, résolument,
ses investigations sur le's faits qui lui sont dénon-
cés. Arrière les va ins fantömes qu'on agite devant
nos yeuxLes enquêtes parlementaires offrent cer
tains inconvénients, qui en doute? mais la liberté
est assez forte pour supporter la fièvre des passions
politiques et ceux-la manquent de confiance dans sa
vitalité qui voudraient lui éviter toute secousse,
toute émotion un peu vive. Non, dans un pays de
sagesse et de modération comme la Belgique, la li
berté n'a rien a craindre de la surexcitation momen-
tanée des esprits; le danger est ailleursil est, non
pas dans la lièvre, mais dans cette gangrène sourde,
latente, continue, qui nous gagne peu a peu et qui
menace de nous ronger le coeur, si la loi et les pou
voirs publics hésitent un seul instant a porter dans
la plaie le fer qui doit en arrêter les progrès. M. de
Theux lui-même constatait, en 1859, les progrès de
cette gangrène Les électeurs, disait-il, aevien-
jient de plus en plus exigeants autrefois, ils se
contentaient d'un morceau de viande et d'un verre
de bière; maintenant, il leur faut un bon diner et
du vin. Depuis l'époque oü l'honorable député de
Hasselt signalait a la Chambre les progrès du mal,
l'état des choses a singulièrement empiré. Les élec
teurs ne se sont pas bornés a réclamer de bons
diners et du vin, ils ont exigé qu'on les défrayat en
argent et, chose triste a rappeler, nous avons vu
des hommes estimés, considerables dans leur parti,
prêter les mains a ces basses cupidités et en quel-
que sorte les justifier. Aujourd'hui, a dit un des
hommes les plus justement lionorés de la Cliam-
bre, les électeurs vous disentVous tenez a ce
que votre candidat réussisse; faites-en la dépense;
nous, nous sacrifions notre tempsnous négli-
geons nos intéréts; nous supportons des fatigues,
mais nous ne voulons pas'dépenser de l'argent.
Et aux libéraux que le cynisme d'un pared langage
indignait, M. de Theux, le vénérable M. de Theux,
répondait tout simplement Voila les faits.Toutes
vos réflexions morales, philosophiques et écono-
miques ne changeront rien a eet état de choses.
Et ce n'est pas seulement sur les progrès de la
corruption par l'argent, par les régals électoraux,
qu'il faut gémir. Elle serait longue, la liste des
moyens mis en oeuvre pour fausser, pour altérer la
sincérité et l'indépendance du vote. Pression du
créancier sur son débiteur, pression du proprié-
taire sur son fermier, pression du clergé sur les
ames faibles, ruses, menaces, manoeuvres de toute
espèce, les passions politiques ne reculent devant
rien pour se satisfaire, et si l'on songe que le mal va
croissant chaque jour, qu'il y va de l'honneur des
institutions représentatives, de l'honneur même
du pays que cette gangrène soit arrêtée au plus
vite, on ne sauraitsemontrer trop résolu, trop éner
gique dans le choix ct dans l'emploi des remèdes a
lui opposer.
Nous nous réservons d'examiner prochainement
si la loi peut proscrire les diners électoraux. En
Angleterre, ces diners sont interdits. Une loi de
1854 déclare coupable de délit de régal tout candi
dat qui fournit des boissons, aliments ou comesti
bles quelconques aux électeurs, en vue d'exercer
une influence qorruptrice. Le candidat convaincu
de ce délit est condamné a payer a ceux qui auront
intenté des poursuites contre lui une somme de
50 livres sterling (1,250 francs) et les électeurs qui
ont accepté ces vivres sont privés du droit de vote
dans l'élection dont il s'agit. Peut-être cette dispo
sition de la loi anglaise pourrait-elle, dans de cer-
taines limites, trouver place dans nos lois électo
rales. Pent-être aussi ne serait-il pas impossible
d'y introduire, moyennant quelques corrections,
cette autre disposition de la même loi qui déclare
coupable du délit d'influence illégitime toute per-
sonne qui, directement ou indirectement, aura usé
ou menacé d'user de violence, de contrainte ou
d'intimidation envers les électeursou les aura
menacés de quelque préjudice a l'occasion de
leur vote. Pour le moment, nous voulons nous
borner a rechercher s'il existe 'des moyens d'em-
pêcher le controle des billets marqués. Supposons
que ces moyens existent et qu'ils soient d'un em-
ploi facile. Sans doute, on n'aura pas coupé court
a la corruption par l'argentles ames faibles con-
tinueront a subir la domination menaqante du prê-
tre, et certains électeurs obéiront, comme par le
passé, aux suggestions de leur estomac. Mais il n'en
est pas moins vrai qu'un immense progrès aura été
accompli. Convaincus que leurs bulletins échappent
a tout controle possible, les locataires, les débi
teurs, tous ceux qui subissent a contre-cceur les
influences qui pèsent sur leur vote, sauront qu'ils
sont libres et voteront librement. Pour quiconque
voudra réfléchir a ce qui se passé aujourd'hui et
a la masse des électeurs dont la liberté est en-
chainée par la crainte, il est clair qu'un système
de votation qui rendrait absolument impossible
le controle des bulletins serait un grand pas de
fait dans la voie du progrès. Ce système, l'a-t-on
trouvé? Non. Le trouvera-t-on? Noifplus, du moins
nous le craignons fort. Mais ce qui est possible,
c'est d'imaginer un système qui rende le controle
des bulletins si difficile, si incertain, qu'on ne tarde
pas a y renoncer, faute de pouvoir s'y fier. Actuelle-
ment ce controle est des plus aiséslelecteur chargé
de cette mission se place derrière le bureau et note
les bulletins marqués au fur et a mesure qu'ils sor-
tent de i'urne électorale. Pas un ne peut échapper.
Le projet de loi présenté par le gouvernement remé-
diera-t-il k eet état de choses? Nullement. II seborne
a déclarer nuls les bulletins qui portent a ï'inté-
rieur des marques, signes ou énonciations de na
ture a violer le secret du vote.C'est quelque chose,
sans doute, mais, au point de vue de la liberté de
lelecteur, le seul qui nous occupe en ce mo
ment, il est évident que cette disposition sera
de nul effet. Le bulletin sera annulé, mais l'in-
fluencc qui aura détermi'né lelecteur a le dépo-
ser dans I'urne subsistera et aura eu tout au moins
pour résultat d'cmpêcher eet électeur de donner sa
voix a un adversaire.Ce serait, du reste, une grande
erreur de croire que tous les billets délivrés
comme marqués portent en réalité des énonciations
ppopres a les faire reconnaitre; le plus sou
vent, les billets ne portent aucune marque distinc
tive, mais il suffit qu'on avertisse Télecteur que le
billet est marqué et que la sortie en sera vérifiée
pour qu'il n'ose se permettre de lui en substituer un
autre. Voila done autant de votes qui ne seront pas
l'expression sincère et libre de la volonté des élec
teurs et que le bureau se trouvera dans i'impuis-
sance d'annuler.
Le même projet de loi punit les manoeuvres pra-
tiquées dans le local oil se fait l'élection ettendantes
a vérifier le contenu des bulletins avant qu'ils soient
déposés dans I'urne; il punit également tout indi
vidu qui, le jour des élections, se sera fait remettre
le bulletin d'un électeur et qui l'aura frauduleuse-
ment retenu, altéré ou remplacé. Sans méconnaitre
la sagesse et la nécessité de ces dispositions, nous
osons affirmer qu'elles seront sans influence sur
l'émission des billets marqués,qui sont toujours re-
mis aux électeurs avant le jour des élections et si
soigneusement mis a part par ceux-ci qu'il n'y a
nul danger qu'on les leur enlève.
La solution de la question qui nous occupe n'est
done pas dans le projet de loi soumis aux Cham-
bres. Nous la chercherons prochainement dans les
projets proposés par la presse et par la section cen
trale chargée, en 4859, de l'examen de la loi sur la
nouvelle repartition des membres dc la Chambre et
du Sénat.
l opinion,
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l'étranger le port en sus. Un numéro 23 c. Prix des Annonces et des Réclames 10 c. la petite ligne; corps du journal 30 centimesle tout payable d'avance.
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YPRES, 99 novembre 1863.