JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
UNE SCÈNE A L'ARCHEVÊCIIÉ.
paraissant le Dimanche de chaque semaine.
YPRES, Dimanche
PREMIÈRE ANNÉE. N<> 34.
13 DECEMBRE 1863.
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PÓUR LA BELGIQUE
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YPRES, 13 déccmbre.
LES BILLETS MARODES.
Le vole par ordre alphabétique, avons-nous
dit, n'est pas une panacee destinée a guérir
tous les maux qui atfligent noire corps elec
toral. Ce systême ne meltra pas fin aux in
fluences illégilimesimmoralesqui pèsent
aujourd'hui sur la liberté d'un grand nombre
d'électeurs, surtout dans les eampagues. Nous
verrons encore, coinme nous venons de le
voir dans les élections de Bruges, des mal-
heureux trafiquer de leur vole dans un misé-
rable intérêt de boutique ou subir Tintimida-
tion de quelques meneurs, Iaïques ou ecclé-
siastiques.
Si Ton veut en finir une bonne fois avec
celte lepre de corruption, nul doute que d'au-
Ires mesures ne doivent être prisesmais
celle-ci, du moins, aura pour effel d'affrancbir
l'électeur au moment du vole el de couper
court, dans un trés bref délai, a la detestable
pratique des billets marqués.
On Ta nié on a soulenu, a la Cbambre et
dans la presse, que la pratique des billets mar
qués fonclionnerait avec le vote alphabétique
lout aussi surement que dans le systéme ac-
tuel. Les comités élecloraux, a-t-on dit, con-
tinueront a fabriquer ces billets et a en faire
vérifier la sortie, comme par Ie passé. Rien
ne sera changé, quant a la facilité du con
trole.
La est Terreur. -- Qui s'oecupe aujour
d'hui de la confection des billets marqués?
Sonl-ce les grandes associations politiques,
libérales ou catholiques? Personne ne le pré-
Nos lecteurs nous sauront gré de leur donner un
court extrait du Mauait, ce roman appelé k un succès
européen.
lendra. Nous croyons pouvoir affirmer,
sans crainte d'être démentis, qu'a aucune épo
que de nos luttes éleclorales, même au temps
oü elles étaient le plus acharnées, aucune pro
position de ce genre ne s'est produile dans Ie
sein de ces associations- Pourquoi? Paree
que cela est moralcment impossible, paree
qu'une semblable proposition, faite publique-
ment, au milieu d'une réunion nombreuse,
exposerait celui qui en prendrait l'initiative
au mépris géneral cn méme temps qu'elle
deshönoTërait a tout jamais Tassemblée qui
ne la repousserait pas avec dégout.
Mais les comités de ces associations, nous
dira-t-on, ceux-ci ne s'occupent-ils pas de la
confection de billets marqués? Non plus.
Outre qu'ïls sont, comme les associationselles-
mêmes, composés d'un trés-grand nombre de
membres, ces comités sont dirigés, Ie plus
souvent, par des hommes politiques en vue,
qui n'oseraient accepter la responsabilité de
pareüles mesures, a supposer qu'elles eussent
leur secret assentiment.
D'oii viennent done les billets marqués
Nous allons le dire.
Cost une chose qui n'est ignorée de per
sonne, que chaque nouvelle lulle éleclorale
donne naissancc, principalementjlans les cam
pagnes a un nombre plus ou moins considéra-
ble de petits conciliabules particuliers tout a
fait indépendants, quant a leur action, desgran-
des associations permanenles dont nous avons
parlé tantót. Ces conciliabules, composés de
quatre ou cinq individus au plus, se recrulent
parmi les gros bonnets les plus actifs, les plus
remuants de chaque commune et possèdent
une influence d'autant plus redoutable qu'elle
s'everce sur un nombre très-limilé de vo
lants dont les relations d'intérêt ou d'aflection
leur sont parfailement connus. Eclairer l'élec
teur, parlerason intelligence, a sa conscience,
c'est ce dont ces matamores ruraux se sou-
cient en général fort peu. lis trouvenl plus
sur de se l'attacherpar l'intérètou dele domp-
ter par la crainte. lis n'agissent, d'ailleurs, pas
collectivement, a titre de société éleclorale.
Nul concert entreeux si ce n'est pour aviser
en common aux moyens de s'emparer de tel
ou tel élecleur et de s'assurer de son vóte.
Tous se connaissent de longue date et sont fa-
miiiarisés avec l'usagedu billet marqné. Ni
pudeur ni crainte ne les arrête le crime
de Tun ne garantit-il pas la sécurité de l'au-
tre lis fabriquent done en commun les billets
dont ils prévoyent avoir besoin et arrétent la
marque a Iaquelle chacuu d'eux sera recon-
naissable. Quant a la maniêre dont la sor
tie de ces billets sera vérifiée, nous Tavons in-
diquée et tous ceux de nos lecteurs qui sont
un peu au courant des manoeuvres éleclorales
Ia connaissent aussi bien que nous. Eh bien,
nous disons qu'avec le vote par ordre alpha
bétique celte vérificalion présentera des difïi-
cultés inextricablestellement inexirieabies
qu'on y aura bienlót renoncé. Dans le sys
tême actuel, les électeurs d'une même com
mune votaat tous dans le même bureau, rien
de plus aisé pour les préposés des petits co
mités occulles que nous signalions plus haut
que de surveilier la sortie des bulletins*
Mais qu'on nous dise comment ils pourront
pratiquer cette surveillance, quand les élec
teurs placés sous leur garde seront répartis
dans six, sept ou buit bureaux différents?
-f
L'OPINION
LE TOUT PAYABLE DAYANCE.
QUATIUÈME ARTICLE.
FEIIILLETON BE 1,'OI'IVIO^ DtJ 4 3 DÉCEMBRE.
Pendant qu'on écoulait avidement, chez M. l'archiprétre, ces
curieuses revelations sur les Jésuites, il se passait une scène
d'un genre bien différent a l'archcvèché même.
Mademoiselle de Flamartms, depuis l'entrée de Julio au
secretariat general, avait senti s'accroltre en clle le premier
sentiment d'anlïpatliie qu'elle avait éprouvé pour le favori de
sou frère, Elle n'eüt consenti a irouver bien cette faveur qu'a
Ia condition de la partuger. Le prédécesseur de Julio avait eu
cette adresse il s'était fait la creature souple ~èt oliséquieuse
decellc qu'il appelait madame la chanoisesse, et nul des secrets
de l'archevêché ne demeurait un quart d'heure inconnu pour
elle. Julio n'était pas d'humeur a filer aux pieds de cette
Omphale. Ellecompi'it cela. Aussi ressentit-elle pour Julio une
forte repulsion qu'elle lie manqua pas de faire partager a l'ahhé
Gaguel, le nouveau vicaire general. Elle lui insinua avec nne
adresse infinie que, si ce petit fiérot, c'était uil mot veuu
d'elle,—gagnait entièrement la confiance du vieillard dont l'es-
prit paraissait haisser rapidement depuis quelque mois, lui,
l'ahhé Gaguel, serait mis de eêté pour les affaires, et le jeune se
crétaire menerait scul l'archevêché. II en fallait moins pour
piquer l'irasciblc vicaire général.
Ces deux natures hargneuses trcssaillirent de joïe, en enten-
dant le sermon aux idécs avancées prononcé par Julio. La
chaise garnie de velours de mademoiselle de Flamarens était
dans la nef, en face de la chaire, prés du banc-d'oeuvre oü se
place le clergé. Au moment oü Julio émettait ses idéej les plus
larges, elle échangea un regard furlif avec le vicaire géncral.
Cc regard avait dit nous le tenons maintenant il est perdu.
lis s'ctaient vus immédiatement après le sermon.
C'est horrible! avait dit mademoiselle de Flamarens.
Ce jeune homme tournera mal, avait dit l'abbé.
Avez-vous entendu cc tas d'idécs extravagantes
Eu effet, j'ai hausse les épaules.
Evidemment mon frère est foil.
Son Eminence sera probablement mécontente.
Ne croyez pas cela. Mon frcre aime un peu ce qui est
excentrique cl si je ne l'avais pas rctenu, il y s longtemps...
Je doute que monseigneur aille jusqu'a approuver de
parcilles doctrines. Comprenez done que tout ce que ce jeune
fou a dit, depuis le commencement jusqu'a la fin, n'est qu'un
tas d'hérésies.
Sainte Viergeet mon frère soutiendrait un rénégat de
cel to espèce?
Personne mieux que madame la clianoinesse, dit avec un
sourire provocateur M. le vicaire général, ne peut faire com-
prendre a monseigneur le tort qu'il se ferait cn gardant prés
de lui ce dangereux personnage.
On le voit, Julio élait perdu.
En arrivant a la salie a manger, le cardinal s'apercut d'un r:r
de froideur sur les visages, d'ordinaire cpanouis, du vicaire gé
néral et de la clianoinesse.
Qu'y a-t-il done se dil-il tout bas et il pensa i Julio.
Le silence conlinua. Le cardinal Ie rompit le premier.
Eh bien ma soeur, que dites-vous du sermon
Qu'en dites-vöus, vous-même, monseigneur?
J'aime assez cela il y a dé la scve. L'age en amortira
l'exubérance.
Vous n'avez remirqué quece défaut-U, monseigneur
Ces paroles furent pronoucées d'un ton sec fort connu du
cardinal. L'expérience lui avait appris que c'était le prélude